.Enfer.

Qu'est-ce que la mort ?

Norem était quelqu'un de philosophe. Il aimait parfois réfléchir, dans son coin. Et avait beaucoup de mal à dormir, après avoir été habitué pendant des années à passer sa nuit sous les lumières et la musique.

Allongé sur le sol, un matelas sous le corps, il regardait le plafond sans le voir. Ses pensées étaient calmes, ordonnées. Il essayait depuis des années de trouver sa propre définition à chaque grand concept humain ; la beauté, la vie, le mal, l'amour, mais surtout la mort. Elle le fascinait. Pouvait-on dire que quelqu'un était mort quand il avait cessé de vouloir vivre ? À partir de quel moment précis son corps cessait de vivre ?

Norem avait grandi entouré de cadavres. La famille qui l'avait recueilli était composée d'un homme qui disséquait des corps pour revendre leurs organes illégalement et d'une femme qui empaillait les animaux pour des particuliers.

Au début, il était aimé. Son apparence avait séduit le couple, qui l'avait adopté parce qu'ils le trouvaient mignon. S'ils ne l'avaient pas dénoncé, c'était seulement grâce à son physique. Mais après...

Quand Norem était devenu plus grand, tout avait changé. C'était des phrases moins gentilles, des gestes brusques, un ton agacé.

Puis, des coups. Des insultes. Des privations. Des punitions.

Et quand il avait sombré dans l'opium pour échapper à ce quotidien vide de sens, le couple en avait profité pour le changer en dealer. Il avait dû vendre, encore et encore, si les recettes étaient mauvaises, c'était encore plus de violence.

Alors, il avait subi. Pour essayer d'avoir la paix et un semblant de famille.

Mais un jour, il avait craqué. Et totalement changé de vie ; prostitution à treize ans, drogue envolée, et appartement bien à lui.

Comme avec sa pseudo-famille, au début, les gens l'avaient adoré. Et, en voyant le succès qu'il remportait face à eux qui avaient du mal à garder leur place, ils l'avaient détesté. Mais l'albinos était devenu habitué à ce comportement. Les gens qui lui en voulaient, maintenant, il s'en moquait totalement. Il les avaient écrasés, tous.

Le vrai problème était venu de son patron.

Quand on est beau, forcément, on plaît. Quand on est dans le milieu de la prostitution, c'est difficile de parler d'abus sexuels. Pourtant, c'était ce qu'il s'était passé. Pendant des mois, Norem avait dû encore subir ; s'il refusait, la menace de la dénonciation deviendrait une réalité.

Il avait encore fui. Changé tout, jusqu'à son nom. Et enfin, ça avait été la liberté. Semi-liberté, des dettes à payer, un travail acharné, et des chaînes invisibles le liant à la prostitution. Mais c'était déjà mieux que tout ce qu'il avait connu.

Et maintenant ?

Il n'arrivait pas à croire que les danses lascives qu'il devait exécuter, les fantasmes bizarres qu'il devait exaucer, les corps d'étrangers qu'il devait serrer contre lui comme s'il les aimaient, étaient loin derrière. Combien de temps ça durerait ? Combien de temps pourrait-il se dire qu'il a le droit de rester...

Minuit.

Demain, il irait au Palais. Il ne savait pas vraiment pourquoi Shi tenait tellement à y aller, ni pourquoi lui-même se sentait si attiré par cet endroit ; mais ce qu'il savait, ou plutôt ressentait, était une sorte d'évidence qui lui évitait tout questionnement.

À l'étage du dessous, un rythme brutal résonnait. Il était le seul à l'entendre, les deux autres dormaient depuis longtemps. Le son était assourdi, mais Norem l'entendait quand même.

Il poussa un soupir las. Impossible de dormir avec ce bruit, et ses habitudes nocturnes en plus. Le matelas miteux que Shi lui avait prêté était très confortable, pourtant.

Alors, il se leva, et alla sur le balcon.

En fouillant dans sa poche, il trouva un reste de cette pâte verte qui l'avait poussé trop loin. Qui avait pu mettre ça là ? Sûrement pas lui, il avait arrêté. Bron ? Pour le pousser à redevenir addict ?

L'odeur sucrée et vaguement écoeurante chatouilla ses narines. Il avait oublié la sensation de l'opium dans ses veines, il avait chassé de sa vie le poison du rêve ; mais maintenant...

Ce n'était pas une fois qui allait le faire replonger, si ?

La main tremblante, il sortit la pipe sculptée dont il ne séparait jamais, et prit son briquet.

Il roula la pâte entre ses doigts, et la plaça dans le trou de la pipe, avant de brûler l'opium.

La fumée envahit ses poumons, mais pas seulement. Son corps entier se changea en éponge, du moins c'était son impression. Coupé du monde, la fumée blanche dans le coeur, les yeux dans le vague, Norem oublia tout.

- Arrête.

La pipe sculptée lui fût arrachée des doigts. Ses sens étaient amorphes, il ne comprit pas tout de suite que quelqu'un venait de l'empêcher de recommencer.

- Tu veut vraiment devenir un légume ? Une loque ?

Norem essaya de distinguer le visage de la silhouette devant lui, mais c'était difficile avec la torpeur qui s'emparait de lui.

- Ve...spera ? marmonna t-il, en passant la main sur son visage.

- Ah, j'ai eu peur que tu soies amnésique à cause de cette cochonnerie, dit-elle à voix basse.

Elle arracha la petite boule d'opium et la balança en l'air.

- Si tu vas mal, ces trucs là ne t'aideront pas. Ils t'enfonceront.

Les vapeurs commençaient à se dissiper dans la tête de Norem ; en même temps, prendre trois bouffées ne fait pas d'effets très puissants. Il se sentit agacé qu'elle soit intervenue comme ça, dans sa vie personnelle. Pour qui se prennait-elle ? S'il avait envie de gâcher sa vie, c'était son problème. Pas le sien.

- T'as pas le droit de faire ça. Je fais ce que je veux, lâcha-t-il avec difficulté, en fronçant les sourcils d'énervement.

- Je pense que la dernière chose dont t'as envie, c'est de devenir un accro.

C'était vrai. Norem se revit en manque, les nerfs à vif et des tics nerveux déformant son visage, ou encore la fois où il était tellement défoncé qu'il avait failli se faire tuer. Et les dettes... Un argent monstrueux, pour de la fumée toxique.

Rien de tout ça ne le tentait, en soit.

Il ferma les yeux.

- T'as raison, mais ne te mêle plus jamais de ma vie, dit-il à Vespera.

Elle sourit.

- Qu'est-ce que vous fichez ?

Tous les deux se retournèrent. C'était Shi.


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Ce chapitre parle de drogue. Un peu. Bon. Je ne cautionne pas la drogue, que ce soit clair 😂 si vous voulez être défoncé dans votre vie, faites attention à ce que vous prenez, vérifiez le vendeur ou la personne qui en donne, et choisissez les choses douces. Les drogues dures sont vraiment, vraiment dangereuses.

À bientôt ! Je vais essayer de publier bientôt un autre chapitre 😉

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