31- Peur et soulagement
Dans mon lit, je pleure, de soulagement je crois.
En rentrant du parc, mes parents étaient à la maison. Ils rangeaient leurs valises, le voyage s'était bien passé. J'ai décidé de les arrêter dans leurs occupations, pendant que j'avais encore du courage. J'ai fait comme à l'infirmerie : j'ai tout déballé d'une traite. C'est ma manière de faire, c'est plus simple. Mes larmes n'ont pas coulé. Je leur ai confié toutes mes pensées, comme ma psychologue improvisée me l'avait conseillé.
Ça s'est passé de manière très naturelle, je n'ai omis que Corwin et son monde. Ça s'est finit sur un câlin général. Je n'aurais jamais cru que ça se passe si bien, ils m'ont comprise, je les ai compris. Je suis heureuse.
Trois. Trois choses qui me prenaient la tête se sont terminées aujourd'hui.
Finalement, je crois que je pleure aussi un peu de peur... Depuis que je suis dans mon lit, qu'il n'y a plus rien qui m'occupe l'esprit, le sentiment de gouffre que je ressens quant à la disparition du lien invisible qui m'unissait à ma sœur a pris de l'ampleur et j'ai du mal à penser à autre chose.
À un moment donné, je le sens, le trou, se mettre à se remplir doucement. Mais à se remplir de quoi ? Cette sensation m'effraie...
Des images s'imposent alors à moi, sous mes paupières... Je la vois ! C'est Gwenaëlle ! Elle est allongée dans son lit, dans le grenier de Corwin, qui est totalement dépoussiéré, lumineux et rangé. Ce changement est dérangeant, j'avais gardé une très mauvaise image de cet endroit.
Corwin caresse doucement les cheveux de sa sœur, elle a l'air de dormir. Elle a le teint très pâle.
Puis l'image de précise. Le jeune homme pleure, et murmure.
Réveille-toi... Réveille-toi... Je viens de te retrouver, s'il-te-plait...
Quoi ? Morte ? Morte ? Non ! Non, comment ? Morte ?
Mes larmes cessent et ma bouche s'ouvre en même temps que mes paupières dans grand dans un cri silencieux que je couvre avec ma main tremblante. Je ne peux pas croire que la vie lui échappe une nouvelle fois.
Je presse alors si fort mes paupières les unes contre les autres que ça m'en fait presque mal. Je veux être avec eux... Je veux savoir. Je veux comprendre. Je comprends pas. J'ai peur...
Soudain la lumière du soleil caresse mon visage. J'ouvre les yeux, la vive lueur m'aveugle et je dois les refermer. Au bout de quelques secondes, je m'habitue à la luminosité et je vois ce qui m'entoure.
Me revoilà dans le grenier, le grenier, le nouveau, le tout neuf, debout, derrière Corwin tremblant face à Gwenaëlle qui, assise sur son lit semble peiner à reprendre son souffle, comme si elle venait de revenir à la vie. C'est sûrement ce qu'il vient de se passer quand je suis arrivée dans leur monde, à l'instant.
Mon ami reprend alors ses esprits et se met à parler à Gwenaëlle, je n'entends rien, c'est comme si une vitre de verre nous séparait. J'entends tout à distance. Ils n'ont pas l'air de me voir.
Un son aigu me déchire alors les oreilles. Je hurle et ma vision de brouille... Ils me remarquent enfin. Du moins je crois, deux ombres semblent me parler, près de moi. Tout est couvert par ce son horrible.
D'un coup, tout s'arrête. Je vois et j'entends normalement. Des larmes de douleur ont coulé sur mes joues sans que je m'en rende compte.
- Tania, Tania !
C'est la voix de Gwenaëlle ! Je l'entends, je la vois, elle est là, juste en face de moi !
Je la prends dans mes bras sans justification. Elle me serre contre elle aussi, de ses petits bras. Je remarque Corwin nous regarder tendrement, séchant ses propres larmes. Quand on se sépare, il prend la parole avec un grand sourire.
- Tu es là depuis quand, tu nous observais ?
Je leur explique ce qu'il vient de ce passer et le peu que j'ai compris.
- Tu étais dans cet état depuis combien de temps ? demandé-je alors à ma sœur.
- Je ne sais pas moi, me répond-elle en riant.
C'est vrai que ma question est un peu idiote, elle ne peut pas savoir : elle était inconsciente. Je m'adresse alors à Corwin.
- Je ne sais pas, je l'ai trouvée comme ça ce matin.
- Et... On est quand ? hésité-je, déstabilisée par la lumière du jour. Parce-que chez moi, c'est la nuit.
- Je dirait que c'est le midi... Mais tu es partie pendant trois jours !
- En tout cas vous m'avez manqués ! m'exclamé-je.
Je me souviens m'être fait la réflexion que je n'étais pas retournée dans leur monde depuis un long moment, j'avais même eu peur de ne jamais les revoir.
Mes soucis, mes inquiétudes, mes doutes tombent un à un.
Quelques minutes plus tard, nous sommes assis tous les trois dans les canapés en cuir du rez-de-chaussée à nous raconter les derniers jours, passés sans nous voir. C'est étrange on dirait presque une famille normale qui se réunit autours d'un bon repas le dimanche midi. Mais sans le repas. Et sans le dimanche.
Ils m'expliquent que depuis la dernière fois que l'on s'est vu, ma sœur n'est plus partie. Gwenaëlle semble être revenue définitivement dans son monde. C'est vrai que j'ai rarement vu Corwin si heureux. Je percute - alors que nous discutons - que c'est suite à notre dernière rencontre que mon corps a commencé à déconner.
Nous parlons, nous parlons et nous ne voyons pas le temps passer. Au milieu de l'après-midi, mon ventre et celui de Gwen gargouillent à l'unisson et Corwin nous propose de nous préparer quelque chose à manger, comme je ne semble pas retourner dans mon monde. Pendant ce temps, toutes les deux, nous nous mettons à établir des hypothèses sur un ton enthousiaste.
- Haha, depuis la cuisine, vos voix semblent identiques, c'est assez perturbant ! nous lance Corwin en revenant près des canapés avec trois assiettes fumantes.
Il s'assoit près de nous, déposant une assiette et des couverts rudimentaires devant chacun. Je m'apprêtais à lui demander comment il avait cuisiné et chauffé cette préparation à base de céréales et de légumes, mais dès la première bouchée, le goût exceptionnel de son repas me fit oublier mes questions.
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