29- Apaisement

De nouveau aucun rêve suspect cette nuit.

C'est la première chose qui me frappe quand j'ouvre les yeux, en même temps que la lumière du jour : je ne suis plus liée à leur monde. Je le sens, l'attache qui me reliait à Gwenaëlle est brisée, a disparu. Ça fait comme un vide. Je pose ma main contre ma poitrine. C'est une horrible sensation...

Une grimace se peint sur mon visage, alors que je prends conscience que ce lien était là depuis le début de mes rêves, et que désormais, sans lui, je me sens démunie. C'est dingue à quel point je suis désorientée​... S'il me manquait un bras ou une jambe, je serais moins perturbée.

Une sensation de panique totalement démesurée me prend et il me faut une grosse dizaine de minutes ainsi qu'une douche froide pour me calmer et finir de me réveiller.

Subsistent le stress de ma future discussion avec mes géniteurs et les éternelles questions... Que va-t-il se passer maintenant ? Comment je vais gérer tout ça ? Et tant d'autres.

La maison est calme, vide, silencieuse.

Les automatismes prennent le dessus, je vais déjeuner, faire mon sac, mes lacets, sortir de la maison, fermer la porte. J'attends Carla devant chez moi. Au bout d'une de longues minutes, sans l'apercevoir, je décide d'aller chez Marie sans elle. Ou peut-être m'attend-t-elle là-bas ?

Il s'avère que non. Il n'y a personne devant la boulangerie... J'y pénètre, ne sachant pas trop à quoi m'attendre. Finalement, ni pains aux raisins, ni Carla. Je ne comprends pas pourquoi elle n'est pas venue... Et ça ne m'étonnerait pas qu'elle sèche une fois de plus.

Je suis furieuse. Elle va m'entendre demain, c'est elle qui m'a proposé d'y aller, et elle ne vient pas... Il ne me reste plus qu'à retourner au lycée toute seule.

Arrivée, je me dirige vers un coin de la cour tranquille, là où il y a un banc un peu à part sur lequel j'ai l'habitude d'attendre la sonnerie en écoutant de la musique, en solitaire.

Le début de la matinée défile en silence. J'ai rarement vu ma classe si calme. Ce que nous racontent les professeurs ne m'intéresse pas et la seule chose sur laquelle j'arrive à me concentrer, c'est la sensation de vide qui m'habite toujours.

Au bout de la deuxième heure, j'ai dix minutes de pause, et j'en profite pour me rendre à l'infirmerie récupérer mon téléphone. Je toque doucement à la porte mais personne ne me répond. Je m'assois alors sur le banc placé à l'entré, prévu pour les malades qui doivent patienter. La porte​ est entrouverte, donc elle est là mais le vacarme résonant la cour et dans les couloirs à cause de l'inter-cours m'empêche de discerner si des voix s'échappent de l'infirmerie.

Au bout de tout juste deux minutes, un garçon apparaît dans l'encadrement de la porte, son sac sur les épaules. Un terminal sûrement, il est assez grand et plutôt baraqué, il est très pâle. L'adolescent me dévisage avant de disparaître au tournant du couloir.

Je me lève alors et rentre d'un pas hésitant dans la pièce chaleureuse. J'ai toujours trouvé étrange qu'une infirmerie soit en partie peinte en mauve. L'infirmière de derrière son bureau, m'adresse un grand sourire, que je lui rends.

- Ton téléphone est posé sur le meuble derrière toi. Ça va mieux ?

- Beaucoup mieux merci ! J'ai été soulagée de savoir qu'il était ici, j'avais peur de l'avoir perdu... hésité-je.

- Je comprends, allez file, ça va bientôt sonner ! me lança-t-elle sur ton complice.

Je me retourne, récupère mon téléphone et me dirige vers la porte. Juste avant de passer l'encadrement, une folie me prend. Je me tourne vers l'infirmière.

- Je pourrais vous parler de quelque chose ?

- Bien sûr, qu'y a-t-il ? Assieds-toi.

Elle cesse de taper sur son clavier d'ordinateur et me regarde m'asseoir sur la chaise placée face à son bureau.

Et là, je me lance dans un long monologue sans lui laisser en placer une. Le flot de mots ne tarit pas et je ne parviens pas à le stopper. Je lui parle de ma situation avec mes parents, je lui parle de Gwenaëlle, de sa tombe, de mon stress... Mais je n'évoque pas Corwin et son monde parallèle, non, surtout pas, en plus elle ne me croirait sûrement pas. Je suis interrompue par la sonnerie mais elle me rassure, elle semble passionnée par ce que je lui raconte.

- Ne t'inquiètes pas, je ferais un mot dans ton carnet pour expliquer ton retard, continue.

Alors je continue.

Une fois qu'elle a tous les éléments, les cours ont débuté depuis déjà dix minutes et je lui demande de m'aider, de me conseiller, de me dire comment parler à mes parents.

Elle a l'air touchée par mon histoire et semble comprendre que c'est important pour moi.

- Écoute Tania, ce sont tes parents tu n'as aucune raison d'avoir peur. Eux aussi ont été sûrement touchés et meurtris par la mort de ta sœur, ils comprendront forcément. Surtout ta mère c'est très dur de perdre un enfant qui vient de naître. Je parle en connaissance de cause : j'ai fait deux fausses couches avant d'avoir ma fille.

Je lui adresse un regard compatissant, en train de s'embuer. Elle vient de me faire une lourde confidence, mais semble avoir vaincu la douleur de ces pertes il y a un moment dejà.

- Je pense qu'ils comprennent ton attitude même si ça leur fait mal. Explique-leur simplement, et ça ira tout seul. Tu m'as dit que la relation que tu entretenais avec eux n'avait jamais été très forte, intime. Vois-là un moyen de te rapprocher d'eux, les événements douloureux soudent les familles et les amis.

Je me sens soulagée. Je ne sais pas du tout pourquoi je me suis confiée à elle plutôt qu'à une autre personne, mais ça m'a fait du bien. Je la remercie abondamment. Elle écrit dans mon carnet que j'avais besoin de me reposer quelques minutes à l'infirmerie à cause d'un vertige, et me laisse partir.

Je me dirige vers ma salle de mathématiques, apaisée.

Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top