Je sursaute quand mon téléphone vibre à côté de moi, je le prends lentement et lis un énième message de Carla. Je soupire et le repose près de mon oreiller, sans lui répondre.
Je viens de rentrer du deuxième rendez-vous à la gendarmerie, pour l'intrusion du cambrioleur chez nous. Je suis arrivée en retard à cause de ce qu'il s'est passé avec Corwin. Une fois la plainte remise, les gendarmes nous ont dit qu'elle ne pouvait rien faire à part faire jouer les assurances pour faire rembourser la fenêtre et la télévision.
Ce moment fut désagréable, car j'étais en compagnie de mes parents et je me refusais de leur parler, de peur de pleurer ou de me mettre en colère.
Tout à l'heure, quand Corwin a disparu sous nos yeux, mon amie a commencé à me poser des questions. Beaucoup de questions. Je n'avais aucune réponse à lui offrir. Je lui ai sommairement expliqué ce que je ne lui avais pas encore dit. Mais je suis quasiment certaine qu'elle n'est toujours pas convaincue malgré ce qu'elle a vu. La fin d'après-midi que j'ai ensuite passé avec elle m'a offert une prise de conscience : j'avais toujours trouvé ce que je vivais injuste, dur à supporter, mais aucune fois je ne me suis demandé si ce qu'il m'arrivait appartenait ou pas au réel. Je l'avais comme accepté. Cela m'arrivait. Point. Je ne cherchais pas à m'en sortir, c'était ma réalité.
Mais maintenant, je m'en rends compte, c'est totalement délirant !
Je me sens partagée.
D'un côté, tout ce qui s'est passé dans mes rêves peut tout simplement être le fruit de mon imagination.
D'un autre, j'ai quand même vu Corwin réellement, et je n'étais pas la seule : ma meilleure amie l'a même bousculé pour le sauver d'une voiture qui roulait un peu trop vite. Je ne peux pas ignorer ça ! Et puis, dans mes songes, avant que je n'apprenne l'existence de ma sœur défunte, Corwin me l'a décrite et m'a donné son prénom. Si cela avait été un rêve normal, c'est mon cerveau qui aurait inventé cette Gwenaëlle ? Et donc ma jumelle dans la vraie vie n'aurait été qu'un triste hasard ?
Et puis tous ces petits éléments que je ne comprends pas... Comment Gwenaëlle aurait-elle pu « renaître » dans la réalité de mon ami ? Et quand je me dirigeais vers mon lycée avec Carla, je l'avais vue, Gwenaëlle, au détour d'une ruelle. Comment Corwin s'est retrouvé dans mon monde ? Y'a-t-il vraiment deux mondes ? S'il vit vraiment dans un autre monde, alors pourquoi parle-t-il la même langue que moi ? Pourquoi ne sont-ils pas beaucoup dans son monde ?
Surtout, pourquoi tout cela m'arrive à moi ?
Je soupire une nouvelle fois, puis me roule en boule dans mes draps. Tout est en train de se mélanger dans ma tête. Je me torture l'esprit alors que je sais très bien que je ne trouverai pas les réponses à ces questions maintenant.
Je décide alors de réfléchir à ces mystères quand j'aurai les outils en main pour ne pas tourner en rond. Je vais laisser les choses se faire.
Je ferme les yeux et m'endors rapidement pour rouvrir les yeux dans la neige. Je me lève précipitamment, et tourne sur moi-même pour me repérer.
J'ai comme une impression de déjà vu... De la neige à perte de vue et un ciel noir dominant cette étendue glacée et éclairée par une pleine lune brillante. Le vent me glace les joues et me mord la peau. Je me frictionne les bras dans l'espoir de me réchauffer ne serait-ce qu'un peu. Je me mets à marcher, n'ayant rien d'autre à faire. Pourquoi faut-il que mes rêves soient si réalistes ?
Je perds toute notion de temps et d'espace, je ne sais pas depuis combien de temps je marche ni quelle distance j'ai parcourue lorsque je discerne au loin, dans le ciel, une petite tache blanche. Elle décrit de larges cercles et se dirige vers moi. Au fur et à mesure qu'elle perd de l'altitude, j'arrive à voir plus nettement de quoi il s'agit. Un oiseau... Une colombe ? Mais que fait-elle là ? Elle n'a même pas l'air de souffrir du froid ! Je l'envie...
Elle arrive vers moi et ne semble pas vouloir s'arrêter. Et à quelques mètres à peine de moi, elle ralentit d'un simple battement d'ailes. Je m'arrête net et, à mon grand étonnement, elle vient se poser sur mon épaule. Accroché à sa patte par bout de ficelle, il y a un petit bout de papier. Je lui décroche, et avant que je n'aie le temps de le déplier, elle s'envole déjà.
- Merci !
Je me fiche de crier, ici, personne ne m'entend. Je déplie avec difficulté le petit bout de papier avec mes doigts paralysés par le froid.
Je t'apporte la réponse que tu attendais.
Avant que je ne comprenne le sens de ces mots, j'ouvre les yeux. Une sensation assez étrange quand on est persuadée de les avoir déjà grands ouverts.
- Tania ! Tania !
- Corwin ?
- Où sommes-nous ?
Je me redresse, et Corwin se lève. Je suis dans la forêt.
- On est... euh... Dans la forêt.
- Ne fais pas l'idiot. Où sommes-nous vraiment ? Et pourquoi ?
- Je me suis endormi chez moi, et c'est tout. Je pense être en train de rêver, j'étais à côté de toi et j'ai attendu ton réveil.
- Moi je rêvais déjà, et le décor a changé...
- Ça s'est passé comment après avec ton amie. Clara c'est ça ?
- Carla. Et oui, je pense qu'elle ne me croit toujours pas, mais je ne peux pas lui en vouloir.
- Toi tu n'as rien à lui reprocher...
La commissure de mes lèvres se relève légèrement quand je revois Corwin, avec les yeux grands ouverts par l'incompréhension comme un chaton perdu, après la gifle...
- Je pense qu'elle a déjà oublié ça.
Je resserre mes doigts sur le petit bout de papier dans ma main.
- Et qu'est-ce qu'on fait maintenant ?
- On devrait rentrer chez moi, je reconnais ces arbres, c'est le bois d'où tu es arrivé avec Laden.
Laden ! Je l'avais totalement oublié ! Mon cœur bat soudain plus vite, je suis toute excitée de le retrouver !
- Laden est encore chez toi ?
- Oui, c'est un cheval très calme, je l'ai promené une ou deux fois.
- Bon, il faut que l'on trouve une solution. On ne sait même plus si on rêve ou pas !
- Oui... Il faut trouver une solution...
Corwin à l'air anormalement anxieux, mal à l'aise. Sa voix s'est montrée moins sûre que d'habitude.
- Ça va ?
- Oui, oui. Pourquoi ça n'irait pas ? Aller, dépêchons-nous.
J'allais me mettre à le suivre, quand soudain, je vois une silhouette blanche entre les arbres. Elle disparait aussi vite qu'elle est apparue. Piquée par la curiosité, je trottine dans sa direction, enjoignant à mon ami de me suivre.
J'avance plus vite quand je la vois en train de courir devant moi, elle zigzague entre les arbres avec aisance. Soudain, elle s'arrête au milieu d'une clairière et je m'arrête moi aussi. Détaillant les plis de la jolie robe blanche de la petite fille, je reprends doucement mon souffle.
Puis, elle se dirige lentement vers un arbre, près duquel elle s'abaisse pour prendre le panier en osier plein de fleurs qui se trouve calé entre les racines.
C'est l'endroit où a disparu...
Elle se retourne vers moi, et je fais enfin face à ma sœur.
Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top