13- Moment entre amis
Je rentre du lycée, la tête dans les épaules.
Il ne pleut plus. Déjà ça de pris !
Une fois à l'intérieur, je me débarrasse de mes affaires, file dans la cuisine en passant dans le salon où je découvre une belle télé. Elle n'aura pas manqué tant de temps finalement !
J'embrasse ma mère en train de lire un magazine, prends un cookie au passage. Je monte ensuite dans ma chambre, puis regarde dans mon agenda mes devoirs tout en grignotant cette délicieuse chose qu'est un cookie fait par sa chère mère et encore chaud de la récente cuisson.
Finalement, le reste de ma journée se passe bien. C'est un moindre réconfort.
Le soir, avant de m'endormir, j'ai l'estomac noué, je ne sais pas trop ce que je veux : à la fois je serais heureuse que mes cauchemars cessent et que je recommence à refaire des rêves normaux ; mais si cela arrive, Corwin va sans doute me manquer : j'aimerais faire plus amplement connaissance avec lui. De plus, il y a des choses que je ne sais pas encore sur ce qu'il m'arrive, beaucoup de mystères entourent encore Gwenaëlle, et je n'aime vraiment pas les questions sans réponses.
De toute façon, il ne faut pas que je me prenne la tête avec ça : je ne changerais rien à ce qu'il va se passer quand je fermerais les yeux... C'est cette réflexion qui me pousse à enfin clore mes paupières.
Après une courte attente, j'ouvre les yeux sur des arbres. Je fais un tour sur moi-même puis jubile intérieurement : je suis de retour dans les bois près de chez Corwin. En plus, je suis sur le bon chemin pour rentrer chez lui ! Alors, au bout d'un petit quart d'heure de marche, j'aperçois sa chaumière.
Je cours presque vers sa porte, à laquelle je frappe. Elle s'ouvre brusquement sur mon ami.
- Tania ! Ha, je suis heureux de te voir !
- Et moi donc !
- Ça fait trois jours que je t'attendais... J'avais peur que tu ne retrouve pas ta route dans la forêt.
Son inquiétude me touche.
Il m'invite à entrer, et nous nous installons autour de la table, face à face. Je lui raconte mes mésaventures des derniers jours et certains détails le font rire, et moi aussi par la même occasion. Lui m'explique qu'il passait plusieurs fois par jour à l'endroit où j'avais disparue dans l'espoir de me trouver, mais sans succès. Il s'en voulait de m'avoir emmenée dans la forêt sans penser que je disparaitrais là-bas.
- Ne t'inquiète pas, ça aura au moins servi à prouver que je réapparais toujours à l'endroit ou je disparais.
Mon envie de mieux le connaître, lui et son monde, refont surface et je le lui demande de but-en-blanc de me parler de lui.
Ainsi, j'apprends que sa couleur préféré et le bleu, comme le ciel, qu'il a, comme moi, dix-sept ans, que ce sont ses parents qui lui ont appris à lire et calculer, qu'il n'était jamais allé à l'école - dont il ignorait le concept - et que sa sœur aimait qu'il lui lise des histoires.
Au-delà de ça, j'apprends que son monde à lui ne connaît pas l'électricité. Tout le monde vit simplement, en cultivant ses champs, en élevant ses propres animaux. Avant d'arriver au village, il ignorait que des personnes s'étaient réunies comme ça pour former une communauté. Mais même eux ignoraient l'existence d'autres individus.
Il est naturel qu'au fil de la conversation, ce soit à moi de décrire mon monde, alors je passe un moment à raconter ma vie et à décrire la société actuelle à Corwin qui m'écoute d'une oreille attentive. Savoir que dans une autre réalité, se trouvait un monde peuplé de milliards d'habitants, cela lui parait dingue, dans son monde, ils ne sont qu'une centaine ! Il a du mal à me croire je crois, et à imaginer le principe de technologie. C'est une réaction normale, mais elle me fait bien rire. Mes plaisanteries sur ce sujet n'ont pas l'air de le blesser.
C'est étrange de raconter ma vie comme ça à Corwin, ce n'est pas tous les jours que l'on peut expliquer le fonctionnement d'une télévision à une personne qui l'ignore.
Je me sens bien ici. Je suis donc déçue quand je commence à m'effacer alors que le soleil commence à décliner dans le ciel. Lui aussi paraît déçu, et j'ai l'impression que nous sommes finalement vraiment devenus amis.
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