25- Vague de sentiments
Une fois qu'Anaïs retourne en cours, l'infirmière est déjà passée deux fois pour voir si tout allait bien. Carla et moi sommes seules dans la pièce, nous ne disons rien. Je ne me sens pas en état d'aller en cours. Mon amie, elle devra s'y rendre dans quelques minutes. Ou ressortir du lycée, mais je doute qu'on la laisse faire.
- Que s'est-il passé Tania ?
C'est marrant la lourdeur qu'elle arrive à donner à ses mots, simplement en prononçant mon prénom à la fin de sa question. Elle est assise sur la chaise à côté de moi. Son visage, grave, semble tout nu sans son sourire.
- Un malaise ? Un simple malaise. Une chance qu'Anaïs ait été là, sinon, je me serais sûrement fait mal en tombant.
- Ce n'est pas ce que je voulais dire. Que t'arrive-t-il en ce moment ? Pourquoi tu te renfermes ? Pourquoi tu manges moins ? Pourquoi y'a des cernes sous tes yeux ?
- Je... Je ne me renferme pas ! Enfin que racontes-tu ?
- Tania, je te connais mieux que toi-même, tout comme tu me connais mieux que moi. Ne me mens pas, au fond ça ne va pas, je le sais. Tu sais que tu peux pas me mentir comme ça.
- Alors tu sais que je t'ai raconté la vérité par rapport à Corwin et son monde ?
Son regard reste indéchiffrable.
- Carla...
Je détourne du regard, pour contempler le plafond.
- Toi non plus, ça ne va pas. Arrête de sécher les cours. Ça va te jouer des tours...Et je me retrouve souvent toute seule à cause de toi, ajouté-je dans un léger sourire.
- Ce n'est pas la question, me répond-t-elle en chassant ce sujet dans geste de la main. On parle de toi, et c'est ton corps qui est en danger, ne plaisante pas.
Je n'ajoute rien, les yeux baissés.
- C'est à cause de ta sœur ?
- Oui, oui, c'est à cause d'elle ! Qui d'autre ? Je comprends plus rien... Il suffit qu'une petite chose bouscule mon quotidien pour que je m'effondre. Je suis faible voilà ce qu'il se passe Carla. Ma sœur est morte, morte (ces mots, ils ont longtemps tourné en boucle dans mon esprit) ! Je ne l'ai jamais connue, je ne l'ai pas vu grandir. C'est comme ça...
Je suis frappée par une vague de regret et un sanglot s'étouffe dans ma poitrine.
- Pourquoi tout cela me préoccupe autant ?! J'en sais rien !
Peut-être que je me raccroche à l'espoir que son âme existe encore dans le monde de Corwin.
- Tu sais, toute la journée, y'a plein... d'émotions, de ressentis et de... plein de choses que je ne comprends pas, j'ai l'impression que je sais plus qui je suis et je n'arrive plus à garder l'esprit clair !
Je me rends compte que je crie presque. Mes yeux sont pleins de larmes qui ne veulent pas couler. Ma meilleure amie me prend une main et se penche vers moi. Nos mains se serrent et elle me dit dans un souffle :
- Tu sais que je serais là quoi qu'il arrive. Sèche tes larmes et dis-moi quoi faire.
J'hésite un instant.
- Souris pour moi s'il te plait...
La commissure de ses lèvres s'étire légèrement pour m'offrir un sourire triste. J'ai la poitrine compressée.
La sonnerie retentit et nous fait toutes les deux sursauter. Elle se lève doucement attrape son sac posé près de la porte et sort de l'infirmerie après m'avoir jeté un dernier regard.
L'infirmière m'a auscultée tout à l'heure, elle ne m'a rien trouvé, et ne comprenait pas ce qui m'était arrivé. Elle m'a conseillé de me reposer.
« C'est la meilleure et seule chose que nous pouvons faire pour le moment. »
Je me suis résignée à passer le reste de la journée toute seule ici. Je commence à avoir peur de ce qu'il se passe. Ça prend beaucoup trop de place dans mon quotidien, ça devient dangereux pour moi. Mes parents vont m'envoyer voir des médecins, Carla ne va plus s'arrêter de s'inquiéter pour moi. Je veux tellement être normale...
Mes yeux me piquent et j'aimerais bien abaisser mes paupières pour alléger ma douleur mais la peur m'en empêche. Je sais pas si j'ai envie de dormir. Je sais pas si j'ai envie de revoir Gwen et Corwin, je sais pas si j'ai envie que tout ça soit réel. Je sais pas si j'ai peur que mes rêves disparaissent.
Puis je sens une désagréable sensation près de mes narines, j'y porte ma main et découvre que je saigne de nouveau du nez. Je n'ai pas le temps de prendre un mouchoir sur ma table de chevet que je me sens sombrer.
Je pousse un petit cri en ouvrant aussitôt les yeux. Mes yeux s'habituent vite à la pénombre et je reconnais les lieux. Je suis dans ma cuisine, et mon père git, par terre.
Mort, un couteau au manche doré enfoncé dans la poitrine.
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