-    BlackFish ! Dispersez-vous ! ordonna Clark.

Lif et James partirent en premier. Ils sautèrent de toit en toit, courant comme des enfants excités à l'idée de jouer à un nouveau jeu. Vint ensuite le tour de Robin et Efilenia qui prirent la direction opposée. Inquiets du sort de l'autre, ils se jetaient d'étranges coups d'œil furtifs l'un à l'autre. Il ne restait que Clark et Tela.

-    Regarde-les... On dirait nous, il n'y a pas si longtemps. Tout excités à l'idée guerroyer, de tuer des gens... déclara Clark, plongeant ses yeux bleus dans les grands yeux noisette de Tela.

-    Tu as raison, affirma-t-elle. Mais il y a déjà eu tellement de morts... Je n'ose même pas imaginer ce qu'il se passera si Lotras, mais surtout Imélia toute entière, finit entre les mains de l'Hérixe...

-    Ce serait le chaos, répondit Clark, un sourire triste sur le visage. Tous ceux qui auront de l'argent survivront, les autres devront se battre. La loi du plus fort s'installera et on ne pourra que déplorer le nombre de vols, de meurtres et de viols...

-    Alors nous devons nous battre ! On doit sauver ce pays et tous les autres ! A ce moment-là, peut-être que nous pourrons enfin rentrer chez nous...

-    Il est grand temps de mettre un terme à tout ça, en espérant que ce combat soit le dernier qu'on ait à mener, répliqua Clark en se levant, entièrement équipé.

Il fit signe à Tela de le suivre et ils commencèrent la traque.

-    Je ne vois rien... En plus le brouillard commence à se lever, ce n'est pas bon signe ça ! s'exclama Lif.

-    Tais-toi, on est en chasse je te rappelle. Chasse veut dire silence. On ne doit jamais prévenir sa proie, reprit James, sur un ton sec.

-    Rho la la, ce que vous pouvez être tendus, vous, parfois !

James s'arrêta, se tourna vers lui et le regarda fixement. Il commençait à s'énerver, mais il savait qu'il devait se contenir. Le moment de se battre n'était pas encore venu. Toutefois, le comportement enfantin de Lif commençait à lui taper sur les nerfs.

Apercevant le regard de James et connaissant le caractère impulsif de son ami, Lif se tut.

S'il y avait bien une seule personne capable d'accomplir ce miracle, c'était James, et c'est d'ailleurs pour cela qu'ils avaient été placés dans le même groupe. Bien que leurs personnalités fussent complètement opposées, leur stratégie de combat était similaire et ils comprenaient parfaitement les gestes de l'autre sur un champ de bataille. Ils s'étaient mutuellement sauvés la vie lors de précédentes missions, alors même que James venait à peine de rejoindre l'escouade.

-    Bon, maintenant tu me suis, ordonna James.

Lif acquiesça.

Même si James était moins malin que lui, il faisait une bien meilleure première ligne. Cela me permettra d'avoir une meilleure vue d'ensemble et de prendre des décisions plus réfléchies, se disait-il.

Les sens en alerte, ils avaient ralenti le pas, rasant les cheminées. Après quelques minutes, ils avaient traversé de nombreuses ruelles, se servant des planches installées entre chaque maison pour accélérer leur progression.

Soudain, James plaqua Lif contre la cheminée la plus proche, un doigt sur ses lèvres. Lif tendit l'oreille... N'entendant rien, il lança un regard interloqué à son camarade qui répliqua par un froncement de sourcil, lui intimant d'attendre.

-    Kof, kof, kof... Rah j'en ai marre ! s'exclama, en toussotant,  un des deux mercenaires patrouillant dans la ruelle. Il fait un froid de canard, et nous, on se retrouve plantés là à protéger une base qu'on a jamais vue, au lieu de combattre pour l'Ikota dans la guerre contre l'Argalie, comme les autres Assauts.

-    Je suis d'accord avec toi... Mais il en faut ! On s'est déjà bien battu ! Une petite pause ne fait pas de mal, et puis tu sais très bien que plus la guerre dure plus les chances qu'on nous rappelle sur le terrain grandissent ! répondit le second mercenaire.

Tous deux était grands, musclés et portaient un lourd équipement de guerre. Un lance-grenades était même attaché sur le dos de l'un des deux hommes. James les observa, analysant tout :

-    Une grenade côté gauche chacun, un pistolet pour l'un, un fusil d'assaut pour l'autre. Le premier a aussi un lance-grenades ils ont tous les deux un couteau de combat coincé dans leur botte droite, identifia-t-il. Personne d'autre dans les parages. Ciel dégagé. Pleine lune. Visibilité moyenne.

James était un fin observateur et Lif un stratège né. Leur duo était alors implacable : James récoltait des informations rapidement, permettant alors à Lif de définir la marche à suivre de façon efficace.

-    Très bien, donne-moi une seconde... Hm... Il ne devrait pas pouvoir se servir de son lance-grenades en combat rapproché, les grenades non plus d'ailleurs. Il faudrait les prendre par surprise, les neutraliser et en faire parler un. Tu te charges du deuxième, le plus costaud. Je prends le premier, dit-il à James, le regard perdu dans le vide.

-    Euh... Lif... On va avoir un problème, déclara James, les mains sur la tête, un pistolet collé sur la tempe.

Pendant que Lif réfléchissait, les deux mercenaires avaient frappé. L'un des deux était resté dans la ruelle, mais dans un coin plus sombre, profitant de la visibilité réduite pour faire croire à James qu'ils étaient encore deux. Le second était monté sur le toit derrière eux, prenant James par surprise, pendant que Lif était encore perdu dans ses pensées.

Lif se retourna et fit face à son adversaire. Grand et musclé, il arborait une cicatrice en croix sur sa joue droite, lui donnant un air encore plus terrifiant dans la nuit. Lif réfléchissait à toute allure. Il fallait trouver une solution, et vite. Il entendait déjà le second mercenaire grimper l'échelle menant au toit... Vite, quelque chose, pensa-t-il... Allez...

Il perçut alors le regard insistant de James, qui semblait prêt à en découdre. N'ayant plus rien à perdre, Lif donna son feu vert d'un léger mouvement de la main.

C'est alors que James donna un puissant coup d'avant-bras sur le poignet de son  agresseur. Lui attrapant le poignet avec son autre main, il tira un grand coup, déséquilibrant ce dernier, avant de le faire tomber d'un rapide balayage au sol. L'enchaînement avait été si rapide que le soldat n'eut pas le temps de répliquer. Il s'écroula sur le sol dans un bruit sourd, sonné. Le deuxième combattant apparu alors en haut de l'échelle, arme au poing.

Mais Lif était plus rapide : il avait déjà armé son fusil et tenait l'individu en joue. Voyant que celui-ci était sur le point de tirer, il n'attendit pas qu'il commette l'irréparable.

Une seule balle suffit.

Atteint en pleine tête, le second mercenaire s'écroula de tout son long jusqu'en bas de l'échelle. Lif s'élança alors vers son compagnon, qui s'était jeté sur son adversaire.

-    Enfoiré ! T'as cru qu'on s'attaquait à James comme ça ?! hurla James en lui assénant un coup de poing d'une force inouïe au visage.

Il allait frapper une seconde fois quand Lif le retint.

-    Calme-toi mon ami, tu auras tout le loisir de le frapper s'il ne répond pas à nos questions... N'est-ce pas ? demanda-t-il en direction du mercenaire, un sourire sadique aux lèvres.

-    Je ne dirai rien !

-    Comme tu voudras, déclara James avec un rictus mauvais.