Chapitre n°17: Un réveil brutal
L'obscurité avait peu à peu pris le pas sur son environnement. Désormais aveugle, il tentait de se déplacer, en vain. Malgré tous ses efforts, ses muscles n'étaient plus que des poids, des poids si lourds...
Son ouïe fut le dernier sens qu'il l'abandonna. Les ultimes brouhahas qu'il avait entendu résonnèrent dans sa tête pendant de longues secondes avant de s'évanouir dans un silence pesant. Il se retrouvait seul. Seul face à lui-même, dans le noir et le silence le plus complet. Son corps était devenu une prison dont il ne pourrait jamais s'échapper.
Conscient mais impuissant, il était obligé d'attendre. Mais attendre quoi ? Il n'y avait plus rien. Il n'était même pas paniqué, il ne pouvait pas l'être : ses émotions avaient, elles aussi, disparu. Il ne restait qu'un brin de conscience, planté là au milieu de nulle part.
Et pourtant... Il y avait une anomalie. Une chose... Cette lumière qui l'appelait. Des heures durant, elle grandissait, petit à petit. Alors qu'il commençait à oublier qui il était, la lumière s'approcha dangereusement de ce qu'il restait de sa conscience. Il tenta de s'en éloigner, en vain. Il n'y avait pas d'issue dans ce monde de ténèbres.
Paralysé, il fut forcé de ne faire qu'un avec l'astre lumineux.
L'énorme bouffée d'air frais qui s'immisça entre ses bronches fit l'effet d'un électrochoc et il se souleva brusquement.
- Il respire ! Allez chercher le directeur ! cria un homme.
Tout était flou, les sons étaient brouillés et son équilibre chamboulé... Mais il pouvait enfin voir et entendre à nouveau. Lif était en vie.
- Samuel ! Eh oh ! Samuel, tu vas bien ? s'exclama Diego, qui s'était empressé de courir à son chevet en apprenant la nouvelle.
Il peinait à se réveiller, mais il y arrivait, progressivement. Après plusieurs minutes, le brouhaha qui l'entourait commença à se préciser peu à peu et il comprit où il était. On l'avait mis torse nu et allongé dans le lit qui lui avait été attribué quand il est arrivé.
Sans prêter attention à la dizaine d'individus qui encerclaient maintenant son lit, il fit état de ses blessures. Il avait de nombreux hématomes sur le torse et une grosse balafre à peine cicatrisée sur la hanche tandis que sa tête... Semblable à des coups de marteaux sur une enclume, une douleur brève mais intense venait frapper les bords de son crâne à intervalles réguliers.
- À boi... À b... tenta-t-il de demander, la gorge brulante et les lèvres sèches.
Peinant à se faire comprendre, Lif leva le bras en direction de sa mâchoire mais celui-ci retomba instantanément. Lif n'avait pas mangé ni bu depuis plusieurs jours... Il était à bout de force et risquait de retomber inconscient d'un moment à l'autre.
- Hein ? Qu'est-ce qu'il a dit ? répliqua l'un des hommes, interloqué.
- À boire ! Il veut à boire, imbécile ! Amenez-lui de l'eau enfin ! s'écria le père de Diego en faisant brusquement irruption dans la chambre. Roh, laissez tombez ! Écartez-vous !
Pendant qu'il s'avançait en direction du blessé, les mercenaires s'écartaient. Il les chassa tous à l'exception de Diego et s'agenouilla auprès de la nouvelle recrue. Il détacha la gourde accrochée à sa ceinture et l'ouvrit avant de la tendre à Lif. Voyant qu'il ne réagissait pas, il le rallongea avant de soulever sa nuque pour le faire boire.
- Doucement, doucement... chuchota Hector tout en essuyant l'eau qui coulait le long des joues du jeune homme.
Une fois les dernières gouttes d'eau échappées de leur récipient, le directeur du centre d'entraînement réajusta les draps du lit avant de se relever. Alors qu'il s'apprêtait à sortir de la pièce pour laisser Lif se reposer, Rick entra. Passant outre les formules de politesse, il questionna d'une voix rauque :
- Comment va-t-il ? Sera-t-il sur pieds demain ?
- Demain ? C'est un peu tôt déjà... Il lui faudrait au moins une semaine pour récupérer !
- On ne nourrit pas de bouches inutiles. Je ne pourrai pas attendre plus longtemps. S'il n'est pas sur pied dès demain midi, sortez-le du lit. Employez la force s'il le faut. S'il ne tiens pas debout, alors jetez le dehors.
Il avait parlé d'une voix assez forte pour que Lif l'entende, et malgré son état, celui-ci comprit que son séjour à Friodal ne tenait qu'à un fil...
Il est temps d'aller voir si le petit nouveau peut me suivre. Aucun autre ne fait le poids ici et je ne peux pas attendre un jour de plus, pensa Rick.
- Hors de question que j'enseigne mon art à ceux qui n'en sont pas dignes, marmonna-til sur un ton méprisant en traversant la salle d'entraînement où recrues et soldats échangeaient des coups maladroits.
Sans prêter attention à Diego qui marchait dans sa direction, il ouvrit violemment la porte de la chambre. Ce dernier tenta de faire gagner un peu plus de temps à son ami, en vain : il écopa d'une violente mise en garde et se ravisa.
- Debout ! cria Rick avant d'empoigner le blessé, encore endormi sous sa couette.
Il le souleva hors du lit et le reposa violemment sur ses pieds. Croyant à une attaque, Lif réagit au quart de tour et recula d'un pas rapide avant de se mettre instinctivement en position de combat. Imperturbable, Rick n'esquissa pas le moindre geste.
Au vu de la piètre allure de la recrue, torse nu avec son pantalon en lambeaux, il se mit à rire. Encore somnolant, Lif ne comprit pas tout de suite. Après de longues secondes, il prit conscience du comique de la situation et sourit. Calmé, il se redressa et croisa les bras sur son torse.
- On dirait que ça va mieux, je me trompe ? demanda Rick.
- Est-ce que j'ai vraiment le choix ?
- Non c'est vrai, mais si c'est vraiment le cas, c'est préférable. Il y a une tenue, la même que la mienne, dans le bureau du directeur. Va la mettre, mange un peu et rejoins-moi dehors. Si tu ne veux pas mourir de faim et de soif en route, je te conseille de prendre le sac aussi.
- Comment ça ? On va où ? Pourquoi moi...? Mais qu'est ce qui se passe ?!
Bien que reposés, les membres de Lif étaient encore endoloris. Il n'avait pas les idées claires et commençait à paniquer. Il sait. Aucun doute, c'est un piège. Il va m'emmener dehors et m'exécuter devant tout le monde, pensa Lif.
- Tu as quinze minutes, pas une de plus. C'est un honneur que je te fais de t'emmener avec moi, alors ne soit pas en retard ! Sinon je m'en irais seul. Tu sauras bien assez tôt pourquoi c'est toi que j'ai choisi.
Avant que Lif ait pu ajouter quoi que ce soit, Rick avait claqué la porte derrière lui, bousculant Diego qui était resté devant la chambre.
Ce dernier hésita quelques instants avant d'entrer. Prenant son courage à deux mains, il poussa la porte et découvrit Samuel la bouche ouverte, assis sur le lit, hébété.
- Alors comme ça tu t'en vas déjà ?
- J'en sais trop rien, Diego. Il... Rick c'est ça ? M'a demandé de le suivre dans son expédition pour je ne sais quoi. Au vu des circonstances, je ne pense pas avoir le choix, si ?
- Comment tu connais son nom ?
- J'ai entendu quelqu'un le dire pendant qu'on se battait... J'ai supposé que c'était lui.
- Mais qu'est-ce que tu as ? Est-ce que tu te rends compte de l'opportunité qu'on t'offre ? demanda le fils du directeur, interloqué par le comportement de son sauveur. Je ne peux pas te dresser un tableau des différents grades de l'organisation mais lui est, sans aucun doute, tout en haut de la pyramide. Si tu veux vraiment te joindre à notre cause, tu ne trouveras pas de meilleur moyen avant un long moment, crois-moi !
- Donc tu me conseilles de le suivre ? Et si tout ça n'était qu'un piège ? Qu'est ce qui me dit qu'il ne considère pas que j'ai échoué au test et qu'il veut simplement me tuer devant tout le monde, pour faire un exemple ? répliqua Lif, d'un ton sec.
- Mais enfin qu'est ce qui te prend Samuel ? Si c'était vraiment le cas, il ne nous aurait pas ordonné de te réanimer. En plus de ça, il devrait déjà être parti depuis une semaine. Mon père m'a dit qu'il avait besoin d'un nouveau partenaire et ta prestation à l'entraînement en a surpris plus d'un. Je ne sais pas où tu as appris à te battre, mais personne ne fait le poids contre toi ici, pas même les entraîneurs !
- J'ai appris sur les routes, répondit instantanément le soldat, ne souhaitant pas s'étendre sur le sujet. Bon... De toute façon je n'ai plus le choix. Je te fais donc mes adieux Diego, et même si tu ne le penses pas, tu es très courageux, déclara-t-il avant de lui serrer solennellement la main. Essaies juste de ne pas trop t'impliquer dans tout ça, d'accord ?
En guise de réponse, le jeune homme hocha la tête. Même si Samuel était un étranger, il n'avait pas hésité à risquer sa vie pour le sauver et intégrer l'organisation. Ses capacités étaient extraordinaires et bien que cela cachait quelque chose, la recrue lui inspirait une certaine confiance. Il aura un grand rôle à jouer dans ce qui se prépare, sans aucun doute... pensa-t-il alors que Lif sortait de la pièce dans son dos.
Les nuages se dispersaient petit à petit, dévoilant un soleil éclatant. Illuminant la neige blanche, les rayons lumineux éblouissaient tous ceux qui osaient poser leur regard sur le paysage.
Et quel paysage ! Les immenses vallées blanches succédaient aux forêts de pins enneigées qui gisaient là, immobiles, comme gelés dans leur état sauvage. Calme et paisible, la nature était comme un fruit prêt à être croqué par quiconque serait assez brave pour s'y aventurer.
Équipé de son masque en toile noir qui filtrait la lumière, Rick attendait. Prêt pour l'hiver, sa tenue en cuir souple grise lui permettait de rester suffisamment libre de ses mouvements pour les longues heures de marche qui allaient suivre. Impatient, il regardait le cadrant de sa montre, guettant la moindre seconde de retard de son potentiel partenaire.
Alors que l'heure du départ allait sonner, le portail derrière lui s'ouvrit. Il se retourna pour observer la nouvelle recrue qui peinait à refermer les sangles de sa combinaison de combat. Il poussa un soupir agacé avant de s'approcher du jeune homme pour lui porter secours.
- Alors, on va où ? demanda Lif, une fois l'opération terminée.
- Au Nord. Une cible importante se terre là-bas. Mais en attendant, il va falloir me prouver ta valeur.
- Prouver ma valeur ? Comment ça ? Je sais me battre, vous l'avez bien vu non ?
- Certes, tu es plus doué que tous les autres présents dans cette base... Mais ce sont des singes incapables de coordonner le moindre mouvement. Dois-je aussi te rappeler que je combattais avec une seule main, alors que tu avais tous tes membres ? Pour l'instant, tu ne tiendrais pas une seule seconde face à une Ombre qualifiée.
- Certes, mais... commença à répondre Lif avant de se raviser.
Rick ne devait rien suspecter. Le laisser penser qu'il n'était qu'une simple recrue incapable était un atout qu'il devait garder précieusement en réserve. Et puis c'est quoi cette histoire d'Ombre ? pensa-t-il avant de se jurer de poser plusieurs questions sur le fonctionnement de l'Hérixe une fois qu'il aurait gagné la confiance du vétéran.
- Tu vas courir jusqu'à cet arbre, là-bas, et revenir vers moi pendant que nous marcherons en direction des Grands Pins.
- Hein ?! Mais on a de la neige jusqu'aux cuisses !
- Justement, ça te forgera les muscles ! Pour l'instant, tu as beau être rapide, tu manques cruellement de puissance. Et puis, tu es fin comme une brindille, ajouta-t-il, le plus sérieusement du monde.
Après de longues secondes de silence, Lif comprit que Rick ne plaisantait pas.
- Comme une brindille hein ? répéta Lif en souriant.
L'équipe BlackFish sera réunie de nouveau, se dit-il avant d'entamer sa course pour l'une des régions les plus isolées du pays, loin de Téloris.
___________________________________________________________________________________
Enfin, disons... A suivre ? ;)
Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top