Chapitre n°16 : Explications à la Cour


Les hommes se bousculaient. Pressés sans savoir pourquoi, courant mais ne sachant où aller, les soldats tournaient en rond. Les grandes salles du palais se vidaient et se remplissaient à nouveau, sans aucune logique. Certains hélaient des ordres avant que d'autres n'ordonnent le contraire. Cependant, une salle avait été épargnée par la cacophonie ambiante. La salle du trône.

-    Je vous présente mes plus plates excuses. Rien n'aurait dû vous mettre en danger dans l'enceinte de mon Palais, déclara Andmus en jetant un regard noir en direction des gardes.

Vêtu d'un de ses plus beaux costumes, un veston bleu roi sur une chemise tressée blanche en accord avec les bijoux qu'il portait à la main, il descendait les marches menant au trône.

-    Pourquoi elle ?! s'exclama Tela sans prêter attention à la main que Clark avait posé sur son épaule pour la calmer.

-    Veuillez faire attention au ton que vous employez en présence de sa Majesté, madame, répliqua Pshar lui jetant un regard désapprobateur. 

-    Pshar, c'est bon, répondit le Roi sur un ton qui n'accordait aucune contestation. Je souhaite m'entretenir avec eux, seul, reprit-il en fixant les deux gardes postés devant l'immense porte de la salle.

Sans protester, ils acquiescèrent avant de prendre congé. Vexé, Pshar regarda Tela puis Andmus. Andmus, puis Clark. Voyant le sourcil de son souverain se soulever, il retint un juron avant de suivre les deux hommes.  

-    Bien. Maintenant que nous sommes seuls, j'aimerais aborder plusieurs points avec vous.

       

-    Où... Où suis-je ? 

-    Hm...

Tout était flou autour de lui. La lumière était trop forte. Il tenta de se relever, mais une puissante poigne l'enfonça encore plus profondément dans...  Un lit. Je suis dans un lit, remarqua-t-il. 

Le contact avec la douceur des draps et la confortabilité du matelas lui rappela l'époque de sa jeunesse, là où il pouvait encore dormir sains crainte, si ce n'est celle d'être réveillé par les premiers rayons de l'aurore. Sauf que cette époque était révolue.

Brusquement, il dégagea les draps et bondit hors du lit avant que quiconque puisse réagir.

Il aperçut une imposante silhouette s'approcher de lui avant que sa vue ne lui revienne peu à peu. Les traits de la silhouette se dessinaient. L'ombre devint un homme, grand, très musclé et au crâne rasé. 

Juekpol.

-    Juekpol ? Où est la Guilde ?  Qu'est ce qui se passe ?

Aucune réponse. Après plusieurs lourdes secondes de silence et au vu du regard désapprobateur de Juekpol, James comprit.

-    Pardon, je... J'avais oublié. 

James observa les alentours. La salle était fortement éclairée par de nombreux néons accrochés au plafond. Sans compter celui sur lequel il avait dormi, un autre lit était disposé derrière Juekpol. La pièce était entièrement peinte en blanc, s'accordant ainsi avec la couleur des draps. 

Il porta la main au visage et réalisa qu'on lui avait appliqué un large pansement sur toute la longueur de sa joue gauche. Il avait encore les lèvres fendues et un épais bandage entravait le mouvement de ses épaules. 

Oui, c'est ça. Juekpol m'a emmené à l'hôpital, conclut-il.

-    C'est lui qui t'as ramené ici, l'interrompit une femme. Juste après m'avoir sauvé la vie. Je pense qu'on lui est redevable... 

Cette voix...  C'était celle d'Efilenia. 

-    Ef ! s'exclama-t-il en se retournant brusquement.

Sans prêter attention à son torse dénudé et pansé, il la serra violemment contre lui. 

-    Donc tu t'en es sortie... J'étais tellement inquiet pour toi ! 

-    Eh oui... Enfin là je vais m'en être sortie pour rien si tu continues à me serrer comme ça !

-    Oh, désolé... répondit-il, visiblement gêné. 

Il recula d'un pas pour inspecter l'état de sa coéquipière. Elle paraissait changée... Comme abimée, salie. On lui avait attaché ses longs cheveux roux en un épais chignon et de lourds cernes soulignaient ses yeux verts. Quand elle était heureuse, ils scintillaient d'une douce lueur brillante. Celle-ci avait disparue. 

Efilenia avait mal, James le savait. 

-    Tu ne vas pas très bien hein ? demanda-t-il subitement.

Surprise, elle mit quelques secondes avant de répondre :

-    Ça devrait passer selon les médecins. La lame a été déviée avant de me toucher et elle n'a pas pu s'enfoncer tant que ça.

-    Ce n'est pas de ça dont je parlais...

Elle lui tourna le dos brusquement. Il savait. 

Depuis qu'ils avaient quittés Hélion et que Lif avait quitté le navire, James et Efilenia avaient passé beaucoup plus de temps ensemble. Sans leurs binômes, ils avaient tous deux voulu combler le vide que provoquaient leurs absences. Peu à peu, ils s'étaient apprivoisés, compris, et même après plusieurs années de service ensemble, découverts. James savait quand quelque chose n'allait pas. Et c'était presque tout le temps le cas. 

Elle allait se retourner pour reprendre la parole avant que James ne le fasse mais réalisa que Juekpol était encore là. Elle fit un signe de tête à son camarade et s'avança en direction de la porte. 

Juekpol comprit qu'il n'était plus le bienvenu et attendit que le couple sorte de la pièce pour sortir à son tour. Il s'assura que l'hôpital allait garder un œil sur eux et s'en alla. Personne ne l'avait remercié pour ce qu'il avait fait... Mais les remerciements et les acclamations l'importaient peu. Juekpol était le gardien de la porte Est. C'était un soldat. Plus encore, c'était l'homme de main de Pshar. Il n'avait fait qu'obéir à ses ordres et le voir satisfait était la seule chose qui importait. 

Il était maintenant temps pour lui de retrouver son maître. 

       

-    Écoutez. Quand mon père, Litarius le Second, était au pouvoir, les gens mourraient jeunes. Pour dix enfants qui naissaient, sept décédaient avant d'avoir douze ans. Quand ils n'étaient pas préoccupés par la maladie ou la faim, c'est le froid et les bêtes sauvages qui venaient s'abattre sur leurs foyers. Cela fait maintenant trente-cinq ans que j'ai succédé à mon père. Et en trente-cinq ans, vous savez ce qu'il s'est passé ? La moitié de la population a maintenant accès à une éducation digne de ce nom, mes citoyens sont protégés du froid et de la famine, sans oublier les vaccins qui ont été découverts...  

-    Vos citoyens ? Vous entendez par là les habitants de Téloris plutôt non ? répliqua sèchement Tela. 

-    Comment ça ? répondit Andmus, interloqué par le ton employé par la femme.

-    Votre majesté, veuillez l'excuser, nous avons eu un long trajet et les récents évènements l'ont quelques peu... Chamboulée disons, reprit Clark après avoir assené un violent coup de coude à sa comparse qui  tourna la tête, indignée. Ce qu'elle voulait dire c'est que Téloris est une cité magnifique et que nous ne doutons pas une seconde du bien être de vos citoyens. Cependant, le temps presse et nous souhaiterions savoir  exactement de quoi il est question pour pouvoir vérifier l'état de nos coéquipiers et commencer la mission. 

-    Hm... Très bien... déclara le Roi sur un ton hésitant. Venez avec moi, les murs ont des oreilles par ici.

Il emmena ses invités derrière la salle du trône. Une épaisse porte de bois poli donnait sur une cour intérieure surplombant la ville. Entourée par l'eau du fleuve et couverte par toutes les espèces florales du pays, cette dernière était époustouflante. Malgré la saison hivernale, la chaleur constante de la région permettait déjà aux abeilles de venir butiner les premiers bourgeons de l'année. Malgré le rempart qui séparait la cour du reste du fleuve, on pouvait apercevoir de nombreux bâtiments pointant vers le ciel. Tela et Clark n'en avaient jamais vu de semblables. Paraissant atteindre des sommets plus haut que celui de la plus grande montagne d'Hélion, les gratte-ciels se livraient une bataille sans merci, à la conquête des nuages. Une fois au centre de la cour, Andmus cessa soudainement de marcher. 

-    Nous devrions être tranquilles ici. Voilà, il faut que vous sachiez que Téloris fourmille de complots et que le nombre de mes sujets qui souhaitent me voir disparaître augmente peu à peu. Je ne peux tolérer cela. Ce qui vient de se passer est absolument inacceptable et je le prends comme un affront personnel, croyez-moi, ces criminels paieront. Je crains toutefois que ceci ne se reproduise si la jeune femme reste ici. 

-    La jeune femme ? Efilenia ? Mais qu'est-ce qu'elle aurait avoir avec tout ça ? 

-    Elle a quitté Lotras pendant la période sombre. Pendant que les factions rebelles s'entredéchiraient aux portes de notre cité, elle a préféré rejoindre une escouade étrangère. Bien que j'aie pardonné cet « écart », il semblerait que cela ne soit pas le cas de tout le monde... 

-    Mais vous êtes le Roi ! Vous devriez pouvoir faire quelque chose ! s'exclama Tela, de peur qu'Efilenia soit aussi forcée de rester sur Hélion, à la merci d'une possible peine de mort.

-    Les temps sont durs et le peuple est assez agité comme ça sans que j'en attise les ardeurs. Non, je ne peux rien faire pour la garder ici. 

-    Elle ne peut pas revenir à Hélion. Vous en êtes conscient j'espère ?  l'interrogea-t-elle brutalement. 

-    J'ai été assez tolérant jusqu'ici je pense, mais cet entretien pourrait vite mal tourner si vous continuez sur ce ton très chère, repris Andmus sur un ton froid, agacé d'être ainsi réprimandé.

-    Excusez-moi majesté, puis-je m'entretenir quelques secondes avec ma partenaire ? demanda Clark, sentant que Tela était sur le point de créer un incident diplomatique. 

-    Je croyais que vous étiez pressés ? Mais allez-y. 

Le soldat attrapa immédiatement le bras de la jeune femme avant de l'emmener quelques pas plus loin.

-    A quoi tu joues Tel' ?! On vient d'échapper à la mort sur Hélion, ce n'est pas pour finir sur une pique ici ! 

-    Qu'ils essaient de nous mettre sur une pique oui ! Ils ont trop besoin de nous. 

-    Je pense que tu ne saisis pas bien la situation. Le Roi a besoin de soutien, de tout ce qui peut lui permettre de rester légitime aux yeux du peuple. Il avait besoin de nous jusqu'à ce que quelqu'un commette un attentat devant son propre palais au moment de notre arrivée. Si notre présence compromet sa position, il n'hésitera pas à nous renvoyer directement à Hélion, ou à en informer le Conseil. Et qui sait ce qui arrivera à Robin si cela arrive. 

-    Robin... Ces salauds l'ont encore ! se souvint alors Tela. 

-    Donc maintenant tu te calmes et tu me laisses parler, d'accord ? Allez, avant qu'il s'impatiente. 

Sans attendre de réponse, il raccompagna sa coéquipière avant de s'excuser. 

-    Encore toutes mes excuses, nous sommes maintenant disposés à vous écouter. Vous avez une solution ? 

-    J'en ai une en effet. Elle pourra toujours servir le royaume, mais pas ici.

-    C'est-à-dire ?

-    Elle devra partir pour l'Argalie.

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