Chapitre n°1 : Surprise !


-    Et merde ! Qu'est-ce que les flics foutent là ? jura Rick, pris de court.

Il rangea rapidement sa came, marchandise qu'il était chargé de vendre à bon prix aux habitants de Garelis quand il n'était pas en mission. Il portait un t-shirt noir, assez large, un sweat à capuche du même coloris, ainsi qu'un jean foncé tombant sur des baskets toutes aussi sombres. On aurait pu le prendre pour un jeune de dix-huit ans à peine, si quelques rides ne se dessinaient pas autour de ses yeux bleus clairs, et si ses cheveux courts n'affichaient pas une couleur poivre et sel.

Tout à coup, des bruits de pas rapides et une respiration saccadée se firent entendre. Ils progressaient de plus en plus rapidement vers Rick. Tous les sens en alerte, les bras en position de combat, il était prêt à frapper. Il attendit.

Une minute plus tôt, trois policiers étaient passés dans la ruelle d'à côté, et il n'avait pas l'intention de se faire prendre. Malgré la pleine lune, la ville était plongée dans l'obscurité nocturne. A cause de la pluie tombée plus tôt dans la journée, l'air était humide et le sol légèrement glissant et boueux par endroit. D'ordinaire tranquille et calme, la petite ville de Garelis s'agitait peu à peu.

Les bruits se rapprochaient. Soudain, un jeune d'une vingtaine d'années surgit face à Rick. Par réflexe, il l'envoya au sol d'un violent croche-pied.

De petite taille, le jeune homme avait les cheveux d'un blond presque blanc. Avec ses yeux marron et sa peau bronzée, il devait sûrement être d'origine étrangère. Son sweat rouge et son jean noir lui allaient à merveille.

Toutefois, le charme de sa tenue n'arrêta pas Rick qui lui attrapa violemment la nuque, le traînant dans la boue par la même occasion. D'une voix forte et autoritaire, il lui demanda:

-    Que veux-tu ? Que fais-tu ici ? Si j'étais toi, je répondrais rapidement. Je suis pressé.

-    Je suis le messager ! Vous êtes Rick ? Sinon lâchez-moi... Il vaut mieux pour vous que vous ne sachiez pas qui se cache derrière moi.

-    C'est bien moi ! Qu'as-tu à me dire ?

-    Nom de code ?

-    Sérieusement ? Tu vas vraiment m'emmerder avec ça ?! vociféra Rick, qui commençait à s'impatienter.

-    Les règles sont les règles. Si vous êtes bien Rick, il faut vous y plier.

-    HX n°8. Deuxième division.

L'étranger avait sorti un étrange appareil rectangulaire de sa poche. Il y entra ce que Rick lui avait dit. Après un léger bip sonore, il s'exclama :

-    Nom de code vérifié ! Je peux donc vous dire pourquoi je viens ici. C'est Sam de la première division qui m'envoie vous prévenir de l'arrivée de nombreuses troupes d'État.

-    Comme si je n'avais pas remarqué ! Vous êtes très utile, vous, les messagers dis-moi... lâcha-t-il dans un soupir.

-    Ah, j'oubliais, vous êtes chargé de faire l'appât et ce, jusqu'à la tour Est, lui annonça le jeune homme avec un léger sourire.

-    L'enfoiré ! s'exclama-t-il en lâchant brusquement le messager, qui tomba à nouveau dans la boue. On dirait qu'il prend un malin plaisir à me voir me trimbaler les flics...

Rick ne prêtait déjà plus attention au coureur. Il réfléchissait à un moyen efficace de mettre son plan en action.

Rick faisait partie de la division des Ombres, spécialisée dans l'infiltration, l'espionnage et l'assassinat ciblé. C'était des missions qu'il affectionnait tout particulièrement...

-  L'appât ? Vraiment ?! pesta-t-il à voix haute.

Quelque chose clochait.
Si j'ai été chargé de cette mission c'est que les flics sont bien là pour l'Hérixe... Mais comment ont-ils pu savoir que nous étions ici ? Il y a des leurres dans tout le pays ! s'interrogea le soldat.

-    Du coup qu'est-ce que...

-   Shhh !!! le coupa Rick. J'entends des bruits de pas, expliqua-t-il en s'accroupissant, l'invitant à faire de même.

Rick poussa le garçon contre le mur et le fit avancer en direction d'une autre ruelle. Ils progressaient lentement et discrètement. Arrivés au bout de la rue, deux policiers apparurent dans leur dos, braquant pistolets et lampes torches face à eux.

La réaction fut immédiate. Les deux policiers hurlèrent en même temps :

-    À terre ! À terre !

-    Cours ! cria Rick au messager.

Il redressa ce dernier et l'entraîna plus profondément dans la ruelle. Ils tournèrent à gauche, suivis par les policiers qui, très chargés par rapport à leur habituel équipement de patrouille, peinaient à les suivre. Profitant du dédale de ruelles pavées de la ville, il prit encore plus de distance. A la venelle suivante, profitant de leur avantage sur les policiers, Rick entraîna rapidement le garçon dans une impasse et le poussa dans une poubelle. Le jeune homme tomba la tête la première dans des sacs troués et des restes de nourriture.

Pour Rick, un vétéran, les messagers étaient tout en bas de l'échelle sociale : ils ne représentaient que des paquets d'informations bons pour être jetés après usage. S'en débarrasser ainsi ne lui posait donc aucun problème.

Rick revint sur ses pas et se plaça au centre de la ruelle pour attendre les policiers qui se rapprochaient tant bien que mal. Une fois qu'ils eurent tourné à l'angle d'une maison, il reprit sa course. Le suivant aveuglément, aucun des deux ne remarqua le messager couvert de crasse et de déchets qui peinait à s'extirper hors du conteneur. Rick continua sa course pendant une vingtaine de secondes et tourna encore. Épuisés par le poids de leur équipement, les policiers ne tarderaient pas à abandonner la course. Rick devait se dépêcher d'arriver à l'endroit indiqué, avant que d'autres policiers n'arrivent en renfort.

Ce qu'il devait faire ? Une vieille manœuvre, mais qui avait fait ses preuves. On apprenait cela après trois ou quatre ans de formation dans l'Hérixe, dépendant de la division à laquelle on appartenait.

Les forces armées de l'Hérixe étaient en effet séparées en trois divisions bien distinctes. La première était communément appelée « Assaut ». Elle était composée en grande partie des soldats les plus physiques, endurants et costauds de l'organisation. Cette section constituait la ligne de front de l'Hérixe et était celle que l'on envoyait pour les services de type mercenariat, dans des guerres entre petits pays qui n'avaient qu'une faible force armée, mais assez d'argent pour s'en payer une.

La seconde était la division « Ombre ». Spécialisée dans l'assassinat de gêneurs potentiels comme de victimes désignées par des clients mais aussi dans l'espionnage, ses membres étaient généralement agiles, rapides et entraînés de façon à pouvoir s'infiltrer dans n'importe quel bâtiment, quel que soit son niveau de sécurité. Leur faculté à traquer un ennemi, à s'échapper de n'importe quelle situation périlleuse et à semer leurs poursuivants était particulièrement développée.

Enfin, la troisième unité concernait les tireurs d'élites. Appelée « Cible », ses partisans étaient méticuleux, organisés et entraînés à tout planifier à l'avance. Envoyés en soutien aux missions des premières et secondes divisions, ils leur arrivaient aussi de faire carrière en solo pour des missions d'assassinat, là où des compétences en infiltration n'étaient pas requises. Ainsi s'orchestraient les troupes d'élite dont Bruce avait toujours rêvé.

Ombre et Cible étaient très liées : l'une collectait des informations pour l'autre et l'autre couvrait l'une dans ses missions. C'est donc pour cela qu'afin de favoriser le travail d'équipe ils s'étaient vus attribuer à chacun un binôme de l'autre division. Sam était jeune, mais l'une des Cibles les plus douées. Bruce avait donc jugé pertinent de l'assigner à Rick, un ancien agent des escouades d'Hélion.

La tactique que le messager avait évoqué restait des plus basiques. Sam s'installait en hauteur, à un endroit bien précis qu'ils avaient préalablement définis à deux. Rick était alors chargé, grâce à ses incroyables talents d'évasion, d'appâter l'ennemi jusqu'au lieu donné sans se mettre en danger, laissant Sam faire le travail.

Rick continua donc sa course, allant de ruelle en ruelle et appuyant chacun de ses pas pour s'assurer que les policiers connaissent sa position et que Sam ait le temps de le voir arriver.

Les policiers, à bout de souffle, demandèrent des renforts urgents et l'arrivée des chiens.

Rick les entendit déclarer l'état d'urgence, pensant que « les dires d'un informateur inconnu » étaient confirmés. Il s'arrêta sous le porche d'une maison et attendit.

Il devait appâter le plus grand nombre de poursuivants possible et il lui semblait que la pêche serait bonne aujourd'hui.

Il attendit une minute, puis deux, trois... Au bout de dix minutes, il commença à s'inquiéter. Aucun bruit. Sentant l'embuscade venir et ne souhaitant pas faire partie de la fête, il décida de partir et d'abandonner le plan. Soudain, des bruits de frottements et des chuchotements se firent entendre :

-    Silence ! Il est là ! Suivons-le, il nous conduira jusqu'au lieu où se cachent ses petits copains...

-    O.K., servons-nous des chiens !

La naïveté des forces d'intervention le fit sourire... Ils ne se doutaient pas le moins du monde du piège dans lequel ils allaient tomber. Rick remit sa capuche, quitta le porche de la maison, et se mit à marcher d'un pas tranquille vers la position de Sam, suivi de près par les forces de police.

Les renforts arrivaient. Chaque minute, de nouveaux vans entraient dans le dédale de rues de Garelis. Les policiers disparaissaient peu à peu, laissant la place à des individus bien plus imposants et armés: des soldats de la Légion, l'élite de la force armée du pays, et quelques escouades d'Hélion.

Ces dernières prenaient la mission très au sérieux. S'inquiétant du moindre petit bruit et tournant sans cesse la tête à la recherche d'un ennemi embusqué, ils étaient à l'origine de la tension qui pesait sur une grande partie du groupe.

Sentant le danger grandir, Rick accéléra le pas pour gagner une large avance sur ses poursuivants. Une fois semés, il s'appuya sur les nombreuses prises qu'offrait le mur en pierres imparfaites d'une maison voisine pour prendre de la hauteur. De son point de vue, il observa discrètement le semblant d'armée qui avait pénétré Garelis.

Quelques soldats prenaient la mission à la légère, empêchant les autres de s'organiser, malgré les ordres qui fusaient. Soit c'était leur première mission, soit elle faisait suite à des mois, voire des années, de travail ennuyeux en bureau...

Bruce saura profiter de ce manque d'organisation pour vaincre l'ennemi, se dit Rick en frissonnant.

Alerté par le bruit, un homme à la carrure imposante surgit brusquement d'une ruelle voisine. Coiffé d'une impressionnante crinière blonde, ses yeux verts perçants glaçaient le sang de quiconque traversait son regard. Il attrapa violemment le col du plus gradé du groupe. En le tirant vers le haut, il vociféra d'une voix forte et puissante:

-    Lieutenant ! Quand allez-vous la fermer ?! Voulez-vous qu'il nous repère et que l'Hérixe soit alertée ?

Pris de stupeur, le lieutenant ne comprit pas:

-    De quoi parles-tu Némis ? On va juste tuer cinq ou six opposants du Roi, rien de plus ! Maintenant lâche-moi, s'te plait j'ai du mal à respirer !

-    Quoi ?! grogna Némis, qui commandait la mission. Vous n'êtes pas au courant de ce qu'on fout ici ?

-    Mais si je viens de te le dire... Mais enfin, lâche-moi !!! s'écria le lieutenant toujours retenu en l'air.

Il tirait désespérément sur les bras de Némis et lui administrait quelques coups de pieds dans le ventre.

Némis ne broncha pas. Chef militaire des opérations étrangères d'Hélion, ce dernier était chargé de surveiller toutes les opérations guerrières majeures ayant lieu hors du l'archipel. Rigoureux mais impitoyable, ce dernier était autant admiré que craint par ceux dont il avait la charge.

Soudain, il resserra sa prise sur le cou de l'homme et l'envoya valser dans les airs. L'homme hurla avant de s'écraser lourdement sur le sol, provoquant instantanément le silence du groupe armé. Tous marchèrent alors en direction de Némis et de sa victime. Une fois qu'ils eurent formé un cercle silencieux autour de lui, il prit la parole :

-    Que ceci vous serve de leçon ! cria-t-il en pointant l'homme agonisant sur le sol, transgressant lui-même l'une des règles qu'il venait de reprocher au soldat. Ne sous-estimez jamais un adversaire !

-    On ne nous a rien dit de cet « adversaire » dont tu parles si ce n'est « un groupe qui s'oppose, avec violence, aux idées et volontés du Roi »! Comme toutes les espèces de gangs avant lui. Alors évidemment qu'on prend ça à la légère ! s'exclama une recrue, rousse et de petite taille, au visage rond et aux yeux bleus emplis de malice.

-    Eh bien j'ai des informations qui viennent de sa Majesté en personne, répondit Némis.

-    Quoi donc ? Un changement de plan ? demanda un homme de grande taille aux cheveux bruns qui tombaient sur ses petits yeux noirs. Il était, comme tous, habillé intégralement en noir.

-    Non, mais cela vous en apprendra plus sur votre mission ici. Maintenant que les forces de police nous ont quittés, il ne reste ici que l'élite des forces armées dont nous pouvions disposer pour cet assaut. Je suis donc autorisé à tout vous révéler, répondit Némis.

Pendant ce temps, Rick s'était approché discrètement du cercle formé par les hommes armés. Plus personne n'essayait de le suivre et il devait comprendre pourquoi. Il n'allait quand même pas rentrer bredouille devant Sam! Rien que de penser aux railleries moqueuses de son camarade, il était motivé à poursuivre ses recherches. Peut-être apprendrait-il une information capitale ?

Il avançait prudemment et, cette fois, n'appuyait aucun de ses pas. Plus discret que jamais, il s'adossait aux murs des habitations, progressant lentement, le mur de pierre sur son dos et l'air frais lui caressant le visage.

Après de longues minutes, il finit par arriver au bout de la ruelle et la voix auparavant inaudible de Némis devint claire et compréhensible. Le cercle formé par les hommes armés autour du colosse était au centre de la rue principale.

Rick le reconnut aussitôt. Némis. Son ennemi de toujours. Il l'avait déjà affronté plusieurs fois et, malgré ses nombreux talents, n'avait jamais réussi à en venir à bout. Depuis la trahison de Rick envers les escouades d'Hélion, ils s'étaient promis la mort, mais aucun des deux n'avait été en mesure de tenir sa promesse. Il le reconnut à sa longue chevelure blonde, son imposant visage ovale et ses yeux verts. Il l'observa longuement, étudiant ses traits, tentant d'y déceler le moindre changement. Mais non, le soldat était resté fidèle à lui-même, toujours aussi imposant.

-    Némis... Quelle belle parole sortiras-tu de ton chapeau aujourd'hui ?

Il s'accroupit, tendant l'oreille pour pouvoir écouter son rival.

-    Bien ! Soyez attentif parce que je ne me répéterai pas : l'Hérixe est, ou du moins était, une organisation secrète, bien plus grande que tout ce que vous pouvez imaginer. Son corps armé est divisé en plusieurs unités, elle a absorbé quasiment tous les gangs de Lotras et tend à conquérir tout Imélia. L'Hérixe pourrait rapidement instaurer un régime de terreur si elle parvient à ses fins. C'est pourquoi nous sommes ici aujourd'hui. Après de nombreuses recherches, des années de travail de collecte et de traitement d'informations, nous avons fini par découvrir où se terrait leur chef. L'objectif est simple : tuer Bruce, mettre leur base à feu et à sang et décamper le plus vite possible. Pour l'instant, l'organisation n'est pas encore correctement structurée et ses forces sont dispersées dans tout Imélia. C'est donc maintenant qu'il faut frapper, avant qu'il ne soit trop tard ! Mais restez vigilants : le corps armé de l'Hérixe n'est pas constitué de bras cassés : ses agents sont, pour la plupart, surentraînés. Je profite aussi de ce moment pour vous rappeler que vous avez travaillé dur pour cette mission et que vous avez signé. Ce n'est pas le moment de reculer. Je m'occuperai personnellement des lâches, finit-il par déclarer, un rictus malsain sur le visage.

Némis était satisfait, son petit discours avait fait mouche. Il claqua des mains et les hommes et femmes se réorganisèrent aussitôt en colonnes, attendant les ordres. Toutefois, un groupe était resté immobile.

C'était une escouade complète d'Hélion, une des meilleures : l'escouade BlackFish. Ils discutaient entre eux de la marche à suivre. Némis les regarda en soupirant et ordonna brusquement :

- Équipe BlackFish, retrouvez-moi le fuyard et suivez-le à partir des toits. Vous ne devez en aucun cas vous faire repérer ! Trouvez-moi cette foutue base !

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