Chapitre 6

Il était clair que le jeune homme attendait une confirmation de la part de Nova. La pression que ce dernier exerçait sur son bras s'intensifiait, au même titre que son impatience. Elle se décida à lui répondre enfin :

- Oui c'est moi, mais maladroite, c'est un bien grand mot.

Elle avait répondu pensant que sa réponse permettrait au jeune homme de lâcher prise, mais il ne fut rien. Au contraire il continua la conversation comme si de rien n'était.

- C'est donc à cause de toi que je pue la bière et que mes vêtements sont foutus.

- Ou c'est aussi grâce à moi que vous avez évité d'être dépouillé par deux tricheurs, renchérit-elle avec agacement.

- Je maîtrisais la situation, je n'avais pas besoin de ton aide.

Tout en disant ses mots, il avait levé les yeux au ciel. Nova n'en revenait pas de son ingratitude. Pour qui se prenait-il. Ça m' apprendra à venir en aide aux gens pensa t -elle.

- Un simple merci aurait suffi, mais je me contenterais de ça, sourit-elle ironiquement. Maintenant lâchez moi.

En la tenant par le bras, l'inconnu avait mis Nova dans une position inconfortable. Elle n'aimait pas le fait qu'un individu la retienne par le bras pour l'empêcher de partir. Cela lui procurait le sentiment d'être prise au piège, d'être coincée. Pourtant lorsqu'elle regardait le jeune homme, ce dernier n'avait pas un aspect menaçant. Il avait une carrure imposante certes, mais cette dernière n'évoquait pas à Nova un sensation d'insécurité à son égard, seulement de la gêne. Mais même si cet inconnu ne lui semblait pas dangereux, elle ne le connaissait pas. Au vue de ces derniers jours, elle ne voulait prendre aucun risque.

Quant au jeune homme, celui ci se contenta de lever un sourcil, comme s'il était amusé de la situation.

- Et si je refuse ?

L'exaspération de Nova accentua l'agressivité qui montait en elle depuis un moment. Elle ne demandait qu'une seule chose : dormir. Et cet individu se trouvait en travers d' elle et d'une nuit de sommeil. Au vue de son humeur, il ne valait mieux pas qu'il ne joue trop longtemps avec elle. Nova avait beau être une jeune fille calme, il ne fallait pas non plus trop s'y frotter. Comme les roses, elle avait des épines, et comme les roses, elle savait pertinemment s'en servir. Elle se rapprocha alors de l'individu pour n'être qu'à quelques centimètres de ses yeux, de façon à ce qu'il ne puisse pas détourner le regard. Par ce biais, elle cherchait à avoir l'ascendant sur lui. Elle n'avait plus la force d'avoir peur et comptait bien le lui faire comprendre.

- Alors, je m'arrangerais par tous les moyens pour te trancher la main, que ce soit avec un couteau ou avec mes dents. Alors maintenant je te le répète une fois, pas deux, lâche moi !

Il s'exécuta. Elle avait du être plutôt convaincante car ce dernier s'était résigné et avait cédé à sa requête.

- Dis donc, moi qui pensais que j'avais en face de moi une petite chose fragile, je vois qu'il y a méprise. Ce que je vois là me donnerait presque envie de te voir rester.

Le jeune homme n'hésita pas à l'inspecter une fois encore de haut en bas. Nova souffla et tourna les talons, pour se diriger vers la sortie. Elle était sur le point de passer le pas de la porte lorsqu'elle entendit.

- Je peux au moins savoir ton nom avant que tu t'en ailles Mam'zelle ?

Elle le regarda une dernière fois. Il s'était entre temps allongé sur son lit, sans prendre le temps de s'habiller. Son bras était placé sous sa tête en guise de soutien et sa jambe droite était relevé. Nova remarqua que la luminosité de ses yeux bleus s'étaient intensifiés et s'étaient remplis d'espièglerie. Elle comprit enfin à ce moment là que cet homme était un joueur. Comme à la table de jeu, il souhaitait parier. Mais Nova n'avait pas la patience ni l'énergie de poursuivre la partie, bien que l'idée lui traversa l'esprit.

- Je pense pas que tu en ai besoin.

Sur ces mots, Nova claqua la porte. Elle éprouva tout de même un sentiment de fierté en sortant de la chambre de l'individu. Elle se sentait triomphante face à lui, fière d'avoir pu résister, fière d'avoir gagné la partie. Mais elle savait qu'elle devait se ressaisir. Elle retrouva tant bien que mal la porte donnant cette fois ci sur son dortoir. Elle entra en essayant de faire le moins de bruit possible pour éviter de réveiller Carmen. Mais dès qu'elle posa un pied à l'intérieur de la pièce, une des lattes du parquet en bois grinça.

-Tu en as mis du temps.

Carmen était allongée dans sa couche, toute somnolente. La mission avait échoué. Nova commença à enlever son jupon , ne laissant que sa chemise sur elle et tenta de se glisser dans le lit déjà chauffé par la présence de Carmen. Elle s'était étalé de tout son long. Pour pouvoir se faufiler dans le lit, Nova avait donc du jouer des coudes pour pouvoir se coucher dignement.

- Tu me crois si je te dis que je me suis trompée de chambre et que je me suis retrouvée face à un type torse nu, dit Nova, quelque peu perturbée par la rencontre qu'elle venait de faire.

- Autant que si tu me dis que tu as vu un dragon sur le dos d'une poule , dit-elle sur le point de se rendormir.

Nova pouffa de dire et comprit que le moment n'était pas aux confidences. Elle décida d'imiter Carmen, posa sa tête sur l'oreiller et fut emportée dans les bras de Morphée en l'espace de quelques instants.

***

Le soleil commençait à peine à pointer le bout de son nez, lorsque Nova se réveilla. Celui ci lui caressait sa peau de neige tandis qu'il jouait avec les cheveux bruns de Carmen. Cette dernière dormait à poings fermés, la bouche entrouverte, laissant couler un filet de bave le long de son oreiller. Cette vision attendrit Nova. Elle se releva pour s'asseoir sur le lit. Elle se rendit compte, à sa grande stupéfaction qu'elle était totalement reposée. Elle ne sentait plus aucune tension dans ses muscles. Quant à ses cernes, ces dernières s'étaient estompées , sans pour autant disparaître. Nova se doutait bien qu'il faudrait quelques jours pour qu'elles ne s'évaporent complètement. Or, elle savait que ces quelques jours n'arriveraient pas avant longtemps au vue de la situation. Elle remarqua tout à coup que son avenir était incertain. Qu'allait-il advenir d'elle ? Était elle toujours poursuivie par ces mercenaires ou avaient-ils abandonné leur traque ? Et pour Carmen ? A cause d'elle, Carmen risquait sa vie à chaque instant. Un sentiment de culpabilité ainsi que des tonnes de questions se mirent à envahir son esprit. Le seul élément dont elle était sure c'est qu'elle devait trouver le passeur puis Morgus. Mais ensuite ? A quoi cela servirait-il ?

Tout à coup, elle entendit du mouvement derrière elle. Carmen commençait tout juste à se réveiller. Elle s'étira et se releva pour s'asseoir à son tour contre son oreiller. Ses cheveux bouclés s'étaient emmêles entre eux et ses yeux verts émergeaient à peine de sa douce et longue nuit. Carmen bailla quand Nova prit la parole :

- Bien dormi ?

- Super bien et toi ?

- Disons que ça faisait longtemps que j'avais pas fait une bonne nuit comme ça. Je crois que j'ai même réussi à rêver, c'est pour te dire !

C'était vrai. Son esprit avait réussi à la faire rêver. Mais ce dernier avait été assez farceur pour lui avoir fait oublier l'objet de son rêve. Le peu dont elle se souvenait s'apparentait à une sensation de douceur qui émanait de celui ci. Quoiqu'il en soit, il ne fallait pas trop s'attarder dans la chambre, ni même dans l'auberge.

- Bon, Carmen

- Oui Nova, répondit- elle très solennellement

- Il va falloir qu'on se lève et qu'on décampe vite, on doit retrouver le passeur dans une des ruelles. Donc on s'habille, on rassemble nos affaires et on disparaît.

Carmen hocha la tête

- Je suis plutôt d'accord avec cette stratégie, mais laisse moi cinq minutes, le temps d'émerger.

Nova souffla mais ne lutta pas. Après tout, il fallait aussi qu'elle se change et qu'elle range les quelques affaires qu'elle possédait dans son baluchon. Elle prit alors ses habits d'homme et les enfila. Elle quitta une nouvelle fois le corps de Nova pour accueillir l'Autre Personnage . Elle n'avait jamais pensé à s'attribuer un prénom comme couverture. Mais bon, pas le temps. Pour le moment, chaque instant était compté. Entre temps, Carmen s'était levé et commençait à arranger ses effets personnels. Nova était en avance par rapport à elle, elle avait même eu le temps de rassembler ses cheveux en un chignon sous son béret, action qui avait maintenant l'habitude de lui prendre minutes. Nova se jeta un dernier coup d'œil dans le miroir. L'illusion était encore une fois parfaite.

- Je descends, Carmen, tu me rejoins en bas ?

- Oui j'arrive dans deux minutes, cria cette dernière.

Nova sortit alors de la chambre pour se diriger vers la salle du rez de chaussée. Elle se mit à descendre les escaliers en pierre. Elle était sur le point de toucher le sol de la salle à manger lorsqu'elle se stoppa net. Sa respiration fut coupée subitement.

Devant le comptoir, face à l'aubergiste se tenait trois hommes tous vêtus de noirs, leurs capuches baissées. Elle n'eut aucun mal à les reconnaître. C'était eux. Ils les avaient retrouvé. Les traqueurs étaient en train de questionner l'aubergiste sûrement dans le but de connaître sa position. Nova n'arrivait pas à entendre la conversation qu'ils entretenaient. Elle ne savait aucunement si l'aubergiste allait les dénoncer ou s'il allait garder le secret de leur passage au Mouton d'Or. Malgré tout, son instinct lui disait de s'enfuir, de remonter dans la chambre et de s'enfermer à double tour. Elle expira tout doucement l'air qu'elle avait retenu dans ses poumons et tourna discrètement les talons pour remonter. Elle ne se mit pas à courir. Elle avait peur que les mercenaires entendent ses pas à l'étage et se doutent de sa présence. Elle accéléra tout de même le pas jusqu'à arriver devant la porte de sa chambre. Elle entra rapidement et fit face à Carmen qui ne se doutait de rien.

- Il sont là, ils nous ont retrouvé !

- Qui ça ils, demanda Carmen

- Les mercenaires, je les ai vu en bas au comptoir, on doit trouver un moyen de fuir et vite !

- Merde, merde, merde, commença à paniquer Carmen.

Les deux jeunes femmes se mirent à imaginer toutes les issues possibles. Bien que Nova était déguisée, Carmen, elle , était reconnaissable entre mille. Lorsque l'on voyait son visage, peu de gens l'oubliaient. Elles s'agitaient dans tous les sens. Nova eut dans un premier temps, le réflexe de fermer la porte à clé. Elle aurait pu mettre des meubles comme la commode devant la porte, mais la tirer aurait attiré l'attention sur elles juste en dessous. Elle souhaitait éviter le moindre bruit à tout prix.

Tout à coup, elle eut une illumination. La fenêtre.

Cette dernière donnait sur les toits des autres bâtiments, avec un peu de chance, elles pourraient réussir à redescendre dans les rues de Mistwater si elles arrivaient à trouver une issue. C'était un pari risqué qu'elles devaient tout de même tenter.

Nova se dirigea vers la fenêtre et l'ouvrit. Elle tendit sa main à Carmen pour l'aider

- J'espère que tu n'as pas le vertige parce que c'est notre seule issue.

Carmen attrapa la main de Nova et se hissa par la fenêtre sans dire un mot, trop secouée par ce qui leur arrivaient. Une fois sur les toits, elles devaient profiter de chaque minute qui leur était donné pour fuir.. Des pas commencèrent à se diriger doucement en direction de leurs chambres. Andrej avait du vendre la mèche, sous la contrainte ou non, ça, elles ne le sauraient jamais.

Les toits donnaient lieu à une vue magnifique sur le port. De ce point, on pouvait y voir les différents mâts et voiles de bateaux qui se mélangeaient, faisant penser à des gros nuages dans le ciel. Les bribes de la nuit passée sortaient des conduits de cheminée , comme pour marquer le début d'une nouvelle journée. Mais les deux filles n'avaient pas le temps d'admirer l'environnement qui les entouraient. En ce moment même, elles ne pensaient qu'à fuir, s'éloigner le plus possible de l'auberge et veiller à cette fois ci, ne pas être suivies.

Elles avaient couru sur les toits, avec une certaine précaution pour éviter de tomber, lorsqu'elles virent une ouverture donnant sur l'intérieur du bâtiment.. Elles ne réfléchirent pas et l'empruntèrent de suite. Par chance cet accès donnait sur un escalier les amenant dans une entrée, qui elle donnait sur l'artère principal du port. Avant de sortir, elles regardèrent à droite puis à gauche et s'engagèrent dans les rues miséreuses de Mistwater.

Bien que le soleil eut à peine pointé le bout de son nez, la foule était déjà bien présente dans les rues. Tous se poussaient afin de pouvoir se frayer un chemin parmi les vagues d'humains. Le sol était indiscernable tant la foule était bondée. Carmen décida de se fondre en elle. Étant petite de taille, elle n'eut pas trop de mal à se dissimuler. Pour Nova, avec son accoutrement d'homme, elle avait aussi moins de chance de se faire repérer. Mais moins ne signifiait pas aucune. Elle restait sur ses gardes et ne cessait de se retourner par peur d'être retrouvée.

Par précaution, Nova regarda en arrière quand son regard tomba sur un des mercenaires. Ce dernier ne manqua rien de la scène et agrippa à son tour le regard de Nova. Elle avait un mauvais pressentiment.

Tout à coup, elle se rendit compte que l'individu avait accéléré le pas. Elle se colla à Carmen et lui dit :

- Il va falloir qu'on monte sur un bateau.

- Quoi, comment ça ? Et le passeur ?

- Y'a plus de passeur qui tienne, ces gars nous suivent à la trace ; On va devoir trouver un bateau en train de quitter le port et on doit monter dedans coûte que coûte.

Nova se mit alors en quête d'un bateau sur le point de partir. Elle analysa la scène puis se mit à fixer l'un d'entre eux. Celui qu'elle avait repéré la nuit dernière. Celui avec les voiles blanches et l'emblème indiscernable qui semblait cette fois ci se rapprocher d' un tonneau. Il était en train de larguer les amarres. Le voyant bouger de plus en plus vite, Nova agrippa Carmen pour la forcer à la suivre. Cette dernière suivit le mouvement sans broncher. Carmen savait que dans la panique, elle était incapable de réfléchir. Son meilleure chance était donc de suivre les instructions de Nova à la lettre.

Elles coururent en direction du point d'amarrage, la foule les dévoilant au fur et à mesure qu'elles s'éloignaient de l'artère principale. Elles étaient maintenant à découvert pour qui voulait bien les voir.

Elles se retrouvèrent face à la mer regardant le bateau s'éloigner de plus en plus. Elles ne devaient pas hésiter.

- Il va falloir sauter

- Quoi, comment ça sauter, mais c'est du suicide

- Carmen soit on saute et on tente de vivre, soit on meurt.

Carmen prit quelques secondes pour penser aux mots prononcés par Nova puis se décida

- Je te suis dit Carmen à la fois décidée à sauver sa vie et paniquée par la traque dont elle était victime.

Nova se retourna une dernière fois pour estimer la distance qui les séparaient des mercenaires. Ils n'étaient plus qu'à quelques mètres. Il fallait agir maintenant.

- Maintenant

- Maintenant !

Les deux jeunes filles terrorisés et dopés à l'adrénaline prirent leur courage à deux mains et sautèrent. Un miracle se produisit. Nova avait réussi à sauter directement sur le pont du bateau tandis que Carmen avait réussi à s'accrocher tant bien que mal à la rambarde.

Nova hissa Carmen sur le bateau. Elles avaient réussi. Elles n'en revenaient pas.

Ce qu'elles n'avaient pas remarqué c'était en revanche, la horde de marins barbus qui les observaient avec questionnement. Ils avaient assisté à toute la scène sans en comprendre le contexte. Leurs yeux ne cessaient d'observer les deux jeunes filles. Soudain, un son se fit retentir sur le pont. Un cri de fureur.

- Putain, mais qu'est ce que c'est que ce bordel ! Qu'est ce que vous foutez sur mon bateau ?

Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top