Chapitre 24

Ils étaient maintenant rentrés dans l'antre de Bill le Gros. Nova jeta un coup d'œil aux différents éléments qui les entouraient. Une odeur de renfermé lui chatouilla le nez. Comme elle avait pu le constater déjà à l'extérieur, la lumière peinait à percer les fenêtres. Même les couleurs du rez-de-chaussée étaient mornes et sans vie. Mais au vue de son habitant, cela ne l'étonna guère. 

- Bon, ça ne va être une mince affaire, déclara Mulligan. 

Nova pencha sa tête, agrandit ses yeux et souleva ses sourcils en guise d'approbation. 

- On a plus qu'à espérer que Bill le nabot soit parti se bourrer la gueule à midi et n'en revienne pas avant au moins une heure, le temps de vérifier les quelques endroits possibles, même si cela risque d'être rapide.

- Je m'occupe de l'étage, répliqua Nova. 

Muligan acquiesça. Nova lui tourna le dos et emprunta l'escalier se trouvant à sa droite. Elle monta la première, puis la seconde marche avant qu'elle ne se sente retenue par le poignet. Une main l'agrippait. Une main qu'elle commençait à reconnaitre. 

- Surtout, lorsque que tu bouges des objets ou ouvre des tiroirs, assure toi de remettre chaque chose à sa place. Si Bill remarquait que sa maison a été visité en son absence... 

- Il ferait vite le lien avec le couple accoudé à son mur en train de se faire bécoter, finit Nova. 

- Tu as tout compris, dit Mulligan un demi sourire aux lèvres. 

Nova n'aurait pas su dire si ce sourire était du au fait qu'elle avait pu deviner la fin de sa phrase ou bien si il était l'œuvre d'un autre souvenir qu'il venait de se remémorer. Il finit néanmoins par relâcher le poignet de Nova. Elle continua son ascension vers le premier étage tandis que le jeune homme se dirigea machinalement vers le salon. 

Sur le palier, trois portes s'offrait à Nova. Une à gauche, une à droite ainsi qu'une autre en face d'elle. Elle les observa toutes les trois. C'était exactement les mêmes. Seules leurs positions seraient déterminantes pour faire un choix. Instinctivement, elle ouvrit en première celle de gauche. Elle avait choisit de les prendre dans l'ordre. Elle l'ouvrit et pénétra en son sein. 

Devant elle se trouvait une chambre des plus normal. Il y avait un lit au centre de la pièce, une armoire en bois, un tapis vert, tout à fait hideux, ne put s'empêcher de penser Nova, et une fenêtre, donnant sur la place. Rien d'autre. A l'image du bas de la maison, il n'y avait que le strict minimum. Aucune fioritures. Les cachettes dans cette pièce étaient plus que réduites. Elle commença alors à fouiller. Proprement, comme le lui avait conseillé Mulligan. 

Elle regarda sous le lit, palpa le matelas et les oreillers pour vérifier qu'il n'y avait d'endroits où ranger le fameux carnet mais rien. Elle plongea alors dans l'armoire à la recherche de tiroirs ou autres cachettes mais hormis des vieux manteaux et un fond incroyablement profond, rien. Elle décida alors de changer de pièce et passa à la prochaine porte. 

La deuxième pièce ne comportait qu'une étagère remplie d'armes en tout genre. Nova déglutit. Il y avait une multitude de fusils, faisant deux fois la taille de leur propriétaire. La seule chose qui semblait adaptée était une petite dague posée sur un promontoire, à l'écart des armes à feu. Elle devait mesurer environ une cinquantaine de centimètres. Le pommeau en cuir rouge reflétait parfaitement le caractère tranchant et fin de l'arme. Nova ne put s'empêcher de la prendre en main et de l'observer sous toutes les coutures, de passer son doigt sur la lame. Elle avait auparavant pu en manier quelques unes lorsqu'elle s'entrainait en cachette à l'écart des garçons de la Communauté. Les cours de danses se révélait barbants pour elle mais cela était sans doute du fait qu'elle était une piètre danseuse. Quant aux enseignements d'arts domestiques dédiés aux fillettes et jeunes femmes du camp, elle avait prit l'habitude d'en faire l'heure de sa sieste. La Communauté avait beau apprendre aux filles à s'instruire, il leur était formellement interdit de manier quelconque arme. Elles étaient autorisés à charmer, voler, compter mais pas à se défendre. 

Elle fit quelques mouvements avec la dague, puis la reposa à contrecœur. Elle se recentra sur sa quête première et fouilla les étagères de ce qu'elle appelait l'armurerie. Toujours rien. Ce foutu carnet était toujours introuvable. 

Elle atterrit alors dans la troisième pièce. Cet endroit lui fit écarquiller les yeux. Elle se trouvait maintenant dans un cabinet de bizarreries en tout genre. Nova s'approcha et vit des pierres en tout genre. Des bleues, des violettes des jaunes, des vertes, des jaunes, des roses, des blanches, des noires ainsi que des grises. Il semblait en être grand collectionneur. Au plafond pendait ce qui s'apparentait le plus des fruits, des agrumes et des herbes. Mais impossible de savoir s'il s'agissait réellement de ça ou bien de toute autre nouveauté auquel Nova n'avait jamais été confrontée. 

Sur une des trois tables devant elles, gisaient des bocaux. Ils étaient remplis d'une substance jaune mais ce n'est pas ce qui intrigua le plus la jeune femme. Il y avait à l'intérieur des cadavres de petits êtres ailés verts, visiblement morts, épinglés au couvercle en liège. Nova les dévisagea. C'était la première fois qu'elle voyait ce genre de créature. C'est ce qu'elle se fit comme réflexion avant de se rendre compte qu'elle s'était dit exactement la même chose pour Sumuel ainsi que pour la vendeuse de la boutique. Depuis son arrivée à Phocée, elle n'avait cessé d'être surprise. 

Elle détourna son regard des bocaux et se redirigea vers les pierres à côté d'elle. C'étaient les seules babioles de cette pièce, voir même de cette maison à émettre un temps soit peu de lumière et de chaleur. Elle en prit une dans le creux de sa paume. Elle s'était tournée vers une de couleur bleue roi. 

A son contact, Nova frissonna. La gemme était tiède. C'était une sensation délicate et réconfortante, pleine de douceur qui s'empara d'abord de son bras, puis de son corps. Elle aimait cela. Elle ne pouvait pas détacher son regard d'elle. Elle était si ... captivante. Elle se sentait entière avec cette minuscule gemme dans sa main. Une bulle s'était formée tout autour d'elle. 

- J'ai rien trouvé en bas et toi ? 

Nova se retourna précipitamment. Elle n'avait pas entendu Mulligan la rejoindre à l'étage. Ses yeux oscillèrent entre le Capitaine et la pierre, toujours encastré dans son poing. Mais trop tard, il avait vu ce qu'elle tenait dans sa main.

- Tu penses vraiment que c'est le moment de te choisir un nouveau bijou? demanda t-il avec un rictus moqueur. 

- Haha, très drôle comme remarque, décréta la jeune femme. 

- Prendrais-tu goût au vol, Nova, lui chuchota t-il à l'oreille. 

Elle tressaillit. Il s'était maintenant rapproché à quelques centimètres d'elle, comme il avait pris l'habitude de le faire. Il positionna ses deux mains sur les épaules de la jeune femme et approcha sa bouche à son oreille. Elle pouvait sentir son souffle chaud caresser son cou.

- Non, contrairement à d'autres, j'ai des principes.

- Ouch, tu veux vraiment faire mal à mon pauvre petit cœur Nova. 

- Tu sais bien que si j'en avais l'occasion je le piétinerais. 

- Je ne demande qu'à voir. 

Ils jouaient. Encore et toujours. Leur rencontre, leurs disputes, leurs conversations. Tout se rapportait au jeu. A celui qui ferait perdre l'autre, qui aurait l'ascendant sur lui. Mais ils aimaient ça. C'était leur mode opératoire. 

Il s'éloigna d'elle, intrigué par les objets en tous genres qui l'entouraient. Il prit un des bocaux dans ses mains et le mit sous les yeux de Nova. 

- Tu crois que c'est de l'urine à l'intérieur ? 

- Repose ça, on est là pour le carnet, j'ai pas encore fouillé cette pièce. 

- Dit-elle alors que je l'ai surprise en train de chaparder une vulgaire pierre, miniature qui plus est. Tu aurais au moins pu l'effort de prendre la plus grosse, ricana t-il. 

- Pense ce que tu veux, dit Nova en levant ses yeux au ciel. Mais saches que parfois tu n'es qu' un sale gamin. 

Comme pour lui donner raison, il lui tira simplement la langue. Toutefois il l'écouta et reposa le bocal mais pas à la place où il l'avait pris. Trop intrigué par cet endroit, il avait posé le bocal sur le bord de la table. Il ne fallut que quelques secondes avant que le bruit du verre brisé ne parvienne aux oreilles de Nova et Mulligan. 

- Merde, merde, merde, répéta Mulligan. 

Le liquide jaune s'écoulait maintenant tout le long du sol du cabinet de curiosités, laissant à vue la petite créature qui y était autrefois enfermée. Son cadavre pétrifié gisait sans vie sur le parquet. 

- Pour la discrétion on repassera, soupira la jeune femme. 

Elle examina le liquide qui chatouillait ses chaussures. Mais en regardant l'œuvre de Mulligan, elle remarqua qu'un léger filet de liquide s'écoulait sous une des planches du parquet. Sans prêter attention au jeune homme, elle s'agenouilla par terre et tapa trois coups secs sur la planche. Un son creux en ressortit. 

- Tu penses réellement que c'est le moment de vérifier si le sol est porteur ? 

- Il y'a un double fond 

- Quoi ? comment ça ? 

- Ecoute. 

Elle réitéra les coups sur le plancher. Le même son creux résonna. 

- Mordiable, à tous les coups, ce carnet de malheur est dedans. 

- Il faut qu'on l'ouvre, déclara la jeune femme. 

Sur ces mots, elle se releva d'un coup et courut dans l'armurerie, empoigna la dague entre ses doigts et revint auprès de Mulligan. Elle se remit à terre et inséra la pointe de l'arme blanche dans les rayures situés entre deux planches. Elle l'inséra plus profondément et fit pivoter la planche. Elle força d'un coup sec et ouvrit une trappe. 

Au fond de celle ci était disposé le carnet, son couverture légèrement mouillé par le liquide jaunâtre. Mulligan plongea la main dedans et l'en ressortit. 

- Une bonne chose de faite, maintenant on se casse de cette maison ni vu ni connu, déclara t-il.

Nova hocha la tête. 

Soudain un bruit sourd. Une porte qui claque. Les deux jeunes gens se regardèrent sans émettre le moindre son. Mulligan porta son doigt à la bouche pour signifier qu'ils devaient faire preuve du plus grand silence possible. 

Des bruits de pas dans le couloir suivirent ceux de la porte d'entrée. Bill le Gros était rentré. 

Nova se mit à analyser la situation. Ils avaient le carnet, il fallait maintenant s'échapper. Dans le cabinet, il n'y avait pas de fenêtre. La seule notoire qui lui venait à l'esprit était celle de la chambre

Elle s'approcha discrètement de Mulligan. 

- Deux solutions, chuchota Nova. Soit on redescend par l'escalier et on repasse par là où on est rentré avec un gros risque de se faire surprendre, soit on tente la fenêtre de la chambre et on passe par les branches du chêne. 

- C'est trop risqué. 

- Tu vois une autre solution, lui demanda t-elle. 

Ils eurent à peine le temps de se poser la question que les bruits devenaient de plus en plus insistants et rapprochés. Bill le Gros comptait monter l'étage à en juger par l'ampleur des bruits de pas qu'il faisait. 

Le sang de Nova ne fit alors qu'un tour. Elle prit dans une main la dague et la pierre bleue qu'elle n'avait pas lâchée depuis, et dans l'autre, saisit celle de Mulligan pour l'entrainer dans la chambre. Tant pis pour les dégâts. Nova pouvait seulement espérer que Bill les chercherait à l'extérieur et non pas à l'intérieur. Elle sortit du cabinet de curiosités suivi de Mulligan , traversa le palier de l'escalier et arriva dans la chambre. Elle ferma précipitamment la porte. 

Il était maintenant en bas des escaliers. Nova se jeta sur la fenêtre pour l'ouvrir. Elle força de toutes ses forces mais celle ci ne s'ouvrit pas. Elle poussa, tira plus fort mais elle ne bougea pas d'un centimètre. Elle était condamnée. 

Nova lâcha alors la poignée, ferma les yeux et se concentra de toutes ses forces Il fallait tenter le tout pour le tout. Elle voulait ouvrir cette fenêtre et elle le ferait. Elle imagina alors la fenêtre se débloquer sans une once de difficulté. Elle commença à ressentir une sensation électrique, synonyme de son pouvoir qui allait faire effet. Plus que quelques secondes. Il lui fallait encore quelques secondes.

Soudain un fracas s'abattit sur la fenêtre suivi d'un bruit de verre brisé. Nova ouvrit les yeux. Mulligan venait de donner un grand coup de pied dans la fenêtre. Efficace mais bruyant. L'extérieur était maintenant à leur portée.

Les bruits de pas s'emballèrent dans l'escalier. Nova se rendit à l'évidence. Ils n'avaient pas assez de temps pour sauter sur la branche sans être pris et attrapé en bas de l'arbre. 

Mulligan la saisit à son tour et l'entraina dans la seule cachette encore digne de la maison. 

La porte de la chambre s'ouvrit à la volée. Bill le Gros avait découvert les dégâts de son atelier et entendu le bruit à l'étage. Il entra et constata que sa fenêtre avait été fracassée. Il se pencha par dessus, espérant percevoir les rôdeurs à l'extérieur. Mais rien. 

Au fond du placard, Nova et Mulligan se retenait de faire le moindre bruit. La moindre respiration ici pourrait leur être fatale. 

-Utilise moi, chuchota une petite voix

Nova tourna la tête à gauche et à droite. Qui lui avait parlé ? Elle regarda Mulligan avec des grands yeux, qui lui rendit le même regard en signe d'incompréhension. 

Utilise moi. 

La sensation de chaleur s'intensifia entre les doigts de la jeune femme. Elle porta son regard sur la pierre bleue qu'elle tenait encore.  Son instinct la porta à croire que c'était la pierre qui lui chuchotait ses mots. 

Indique moi où tu veux aller. Chuchote le moi. 

Bill le Gros se décolla de la fenêtre et se dirigea vers la porte pour fouiller les autres pièces. Mais arrivé au niveau de la porte, il se tourna vers l'armoire. 

Nova serra plus fort la main de Mulligan, oscillant entre l'adrénaline d'être découvert et celle d'être prêt à combattre pour s'enfuir.  Elle n'avait pas le temps de se poser des questions. Juste d'agir. La jeune femme porta à sa bouche la gemme. 

Bill le Gros avait maintenant la main sur la poignée du meuble, prêt à l'ouvrir 

- Ramène nous près de Carmen et Sumuel, chuchota t-elle. 

Le propriétaire de la maison ouvrit d'un seul coup son meuble. Mais pas assez vite pour que Nova ou Mulligan ne voient sa tête déconfite. Il n'y avait face à lui que ses manteaux et l'intérieur du placard. Vide. 




Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top