Chapitre 23
- Je n'en reviens pas que tu l'ai laissé avec ce porc, vociféra Nova.
- Elle a fait son choix Nova. Il va falloir que tu apprenne à lui faire plus confiance. Et entre nous, je ne sais pas lequel est le plus en danger, ricana le jeune homme.
Sa réponse ne se fit pas attendre. Elle asséna à Mulligan un coup de poing dans l'épaule. Il laissa échapper un petit cri de surprise, puis se frotta le bras.
- Ce que j'aime quand tu montres les griffes. On dirait un petit chaton qui essaie de se défendre. C'est mignon.
Elle lui lança un regard noir, emprunt de dédain. Il la dévisagea de haut en bas.
- Par contre, il va vraiment falloir se débarrasser de ces guenilles.
- Pardon ?
- Nos vêtements, ils font qu'on les change. On attire plus l'attention qu'autre chose avec ça sur le dos. Si on veut pouvoir dérober ce foutu carnet, il va falloir qu'on se fonde dans la masse. Et puis par la même occasion, on va bruler cet horrible jupon par la même occasion.
- Qu'est ce qu'il a mon jupon ? demanda Nova.
- Disons qu'un pantalon te va mieux, lui répondit-il un sourire en coin. Allez suis moi.
***
Après une quinzaine de minutes à arpenter toutes sortes de petites rues sombres et étroites, les deux jeunes gens arrivèrent devant une petite échoppe, plus modeste que les bâtiments l'entourant. Elle se démarquait principalement par sa couleur brune foncée. Ils passèrent la porte et une clochette tinta. A l'intérieur des étoffes toutes plus colorées les unes que les autres tapissaient les étales en bois. Quelques dames se promenaient dans les allées de la boutique, cherchant et farfouillant la perle rare pour mettre en valeur leur teint, leurs formes ou, au contraire camoufler leurs imperfections.
A leur arrivée, l'une d'elle leva la tête, alertée par le son aigu du grelot. Elle vint immédiatement à leur rencontre.
- Bonjour je suis Niala, que puis-je pour vous ?
ils étaient maintenant face à une femme d'une trentaine d'année. Elle avait un visage anguleux, de petits yeux marrons surmontés de longs cils. Sa peau noire et scintillante attira l'œil de Nova. Elle était tout bonnement magnifique. Ses lèvres pulpeuses s'élargirent en un grand sourire tandis qu'elle fronça son petit nez pointu.
- Etes vous à la recherche d'une robe ? Rouge, verte ou blanche, ici vous avez tout ce qu'il vous faut.
- Merci pour votre proposition, mais nous sommes à la recherche de quelque chose de plus pratique, s'empressa de répondre Mulligan en lui adressant un clin d'œil.
Elle n'hésita pas à le lui rendre.
- Alors suivez moi dans l'arrière boutique, j'ai quelques pièces spéciales qui pourraient vous convenir.
Nova et Mulligan la suivirent. Au fond de la pièce, un rideau fin en lin faisait barrage entre le commerce et l'arrière boutique. Il s'avérait que le rideau n'était qu'un leurre. Dès qu'ils le passèrent, ils se retrouvèrent dans une pièce bien plus sombre. Il n'était plus questions de belles étoffes fleuries et printanières rappelant les premières chaleurs de ce début de saison, mais de tuniques, de cuirasses et d'armes en tout genre qui trônaient sur un mur en pierre.
La vendeuse fouilla dans sa poche et en sortit un mètre de couturière. Elle se positionna face à Nova et lui ordonna d'écarter les bras. Elle s'exécuta et la vendeuse prit les mesures dont elle avait besoin. Elle s'apprêtait à faire la même chose pour Mulligan mais ce dernier la stoppa net.
- Juste de quoi couvrir mon visage suffira.
Niala hocha la tête et décrocha du mur, un ensemble noir contenant un pantalon, un corset plus épais que ceux qu'elle avait l'habitude de porter, une tunique, des épaulettes et de longues bottes qu'elle tendit à Nova. Quant au jeune homme, elle lui apporta une chaperon gris.
- Vous pouvez vous changer là bas, dit Niala en indiquant à Nova un paravent beige.
- Merci, répondit Nova.
La jeune vendeuse s'extirpa de la pièce, laissant seuls Mulligan et Nova. Elle se dirigea alors derrière le paravent et déposa les vêtements que lui avait donné Niala sur ce dernier. Puis elle commença à se dévêtir. D'abord son haut, ensuite son jupon.
- Tu ne veux pas que je me retourne ? demanda Mulligan.
- Non, parce que je sais que tu ne le ferais pas, alors à quoi bon demander.
Elle savait pertinemment que le paravent ne cachait que le minimum. Les contours de ses courbes étaient tout à fait visible, et suffisante pour s'imaginer de façon assez fidèle son corps. Mulligan était planté face au paravent et observait la jeune femme se mouvoir derrière. Il ne put s'empêcher de remarquer qu'elle avait maigri depuis leur première rencontre.
- Merde, lâcha Nova. Fais chier.
- Qu'est ce qui se passe encore ? soupira Mulligan en levant les yeux aux ciel.
Nova sortit de derrière le paravent. Elle avait enfilé le bas de sa tenue et avait passé les manches de sa tunique.
- Tu peux m'aider à le fermer s'il te plait ?
Elle se positionna face au jeune homme, lui dévoilant son dos nu, et dégagea ses cheveux de sa nuque. Mulligan s'approcha alors de la jeune femme et prit la fermeture dans ses mains. Il commença à la glisser vers le haut. Il marqua un arrêt de quelques secondes. Le souffle du jeune homme s'accéléra. Il posa son doigt sur son dos et le promena le long de sa colonne vertébrale. Une vague de chaleur s'était emparée de la jeune femme.
- Qu'est ce que tu fais ?
A partir du moment où Mulligan l'avait touché, ses poils s'étaient hérissés et des frissons avaient parcouru l'ensemble du corps de Nova. Elle ne bougeait plus. Elle était devenue complètement immobile. Le doigt de Mulligan commença à descendre en direction de sa chute de rein. Son visage s'était rapproché de celui de la jeune femme.
- Sache que je n'ai aucune envie de fermer ce haut, lui chuchota t-il.
Nova ne dit rien. Son bassin était maintenant collé au sien et ses mains s'étaient déposées sur ses hanches. Elle sentit progressivement une boule se formait dans le creux de son bas ventre. Elle allait flancher. Elle voulait flancher. Là, maintenant, avec lui. Plus rien n'existait dans ses pensées.
- Alors, l'ensemble vous va ? s'écria d'une voix fluette, Niala qui venait de débarquer dans l'arrière boutique.
Le jeune homme s'écarta automatiquement de Nova tandis qu'elle, reprenait ses esprits.
- Euh, oui, oui, bredouilla t-elle.
- Mais vous n'avez même pas essayé le corset. Je vais vous le mettre ne bougez pas.
Ni une, ni deux, elle referma la fermeture de haut de Nova et l'entoura du corset. Elle le calla contre sa cage thoracique, puis tira de toutes ses forces. La respiration de Nova fut coupé d'un seul coup sec.
- Et hop, voilà, comme ça, vous êtes protégée bien comme il faut.
- Oui surement, dit-elle entre deux souffles. Mais je vais pas plus me faire remarquer en portant du noir, alors que toute la ville est lumineuse et claire.
- Chérie, personne ne prête attention aux ombres.
***
- Bon sang, ce que je déteste les corsets, dit la jeune femme en tirant dessus.
- Crois moi, tu seras bien content si quelqu'un cherche à t'embrocher ou si on te tire dessus, lui répondit Mulligan du tac au tac.
La foule était abondante dans les rues de Phocée. Malgré le mauvais temps, marcher en ville était devenue impraticable. Tous se bousculaient les uns les autres. Ils s'en étaient rendus compte dès leur sortie de la boutique. Ils avaient payé leurs achats grâce à la bourse de Mulligan et s'en étaient allés. Mais à peine les pieds des jeunes gens avaient franchi le seuil de la porte, qu'ils se faisaient bousculer dans tous les sens. Des passants s'entrechoquaient et jouaient des coudes pour se frayer un chemin dans les dédalles de la ville.
Ils marchèrent durant une trentaine de minutes avant d'atteindre l'adresse que leur avait indique Sumuel. Ils étaient maintenant face à une petite place, bien vide par rapport aux rues passantes. Seul quelques personnes âgées reposaient sur des bancs, ne ratant pas la moindre occasion de zieuter quiconque passait devant leurs yeux. Au centre de la place rendue terne à cause de la grisaille, un majestueux chêne trônait. Il était aussi imposant que les immeubles qui l'entouraient tandis que ses longues et robustes branches, témoins de sa grande longévité, chatouillaient les fenêtres des maisons alentours. Mulligan jeta un coup d'œil et pointa du doigts une maisonnée jaunâtre.
- Nous sommes au bon endroit, si les renseignements de Sumuel sont bons, c'est là où vit Bill le Gros.
- Là où est la carnet, rajouta Nova.
Ils se rapprochèrent jusqu'à atteindre la porte d'entrée. Nova tourna la tête et vérifia qu'il n'y avait personne qui aurait pu les surprendre, voir pire les dénoncer. Pendant ce temps, Mulligan colla son oreille contre la porte.
- Soit la porte est trop épaisse pour que l'on puisse entendre quoique ce soit Bill le Gros n'est pas chez lui.
Nova détourna son regard de la place et se mit face à la fenêtre du rez-de-chaussée. Elle s'en approcha au point de coller son nez sur la vitre.
Bien que la façade de la demeure de Bill le Gros fut coloré et chatoyante, l'intérieur n'en laissait rien paraitre. Et cela n'était dû en rien au ciel nuageux qui surplombait Phocée. Les murs de ce qui semblait être un salon, étaient ternes, sans aucune chaleur. Il n'y avait que très peu de meuble, un petit canapé marron ainsi qu'une table basse ronde sur laquelle des bouteilles à moitié vide gisaient ce qui eut pour effet d'intensifier la froideur du lieu.
Mais la jeune femme se fichait éperdument de l'agencement du salon. Elle cherchait du regard le fameux carnet, objet de tous les désirs de Sumuel, et de Nova si cela lui permettait de retrouver Carmen.
- Merde, merde, merde répéta Mulligan.
- Quoi, qu'est ce que...
Et sans qu'elle n'ait eu le temps de finir sa phrase, Nova sentit être plaqué de toutes ses forces contre le mur de la maisonnée, Mulligan lui tombant dessus. Son corps était maintenant collé à celui de la jeune femme. Elle pouvait d'ailleurs ressentir la moindre parcelle de chaleur qu'il dégageait.
- Ne me tiens pas rigueur pour ce que je vais faire, lui chuchota t-il à l'oreille.
Il ne lui accorda aucun regard quand ses lèvres plongèrent au creux du cou de Nova. Ce baiser n'avait rien de délicat. Il était brusque, précipité et sans aucune conviction. Elle laissa échapper un petit cri. Il avait sauté sur elle sans qu'elle ne sache réellement pourquoi. L'incompréhension laissa place à la colère. Une colère de courte durée.
Le bruit de la porte d'entrée puis des rires graveleux parvinrent aux oreilles de Nova.
- Et bah dis donc, y'en a qui se font pas chier, ricana une voix masculine.
Nova regarda la personne qui avait prononcé ces mots. Elle avait face à elle ou du moins, face à sa poitrine, un homme de petite taille. Il devait atteindre au maximum les 1 mètres cinquante et son crâne chauve reflétait les quelques rayons de soleil qui luttaient pour passer à travers les nuages. Nova se raidit.
Le petit homme n'était pas seul. Il était entouré d'une nuée d'hommes qui gravitaient autour de lui comme des abeilles autour de leur reine. Mais contrairement au petit ricaneur, ses acolytes étaient grands et costauds. Tout portait à croire que le petit roquet s'était associé à eux pour compenser sa petite taille.
- Tu m'étonnes, avec un petit lot pareil, je me serais pas privé, enchaina son collègue.
Ils ricanèrent une fois encore, tout en prenant le temps de détailler de haut en bas le couple toujours adossé au mur de la maison. Mais ils ne dirent rien de plus. Le groupe d'hommes se détourna d'eux et se dirigèrent hors de la place. Sauf le plus petit. Il ne lâcha pas du regard Nova. Néanmoins, elle le soutint. Il était hors de question qu'elle baisse les yeux face à ce rat.
- Allez Bill viens, cria une voix de loin.
- Ouais j'arrive, répondit l'homme d'un mètre cinquante.
Et il s'éloigna enfin de Nova et Mulligan, de la maison puis de la place.
Les deux jeunes gens se décollèrent instinctivement.
- Tu joues à quoi là, demandant Nova visiblement énervée par l'action de Mulligan
- Je t'avais prévenue que ce que j'allais te faire n'allait pas te plaire, rétorqua t-il. Mais en attendant, ça nous a sauvé la mise.
Nova leva les yeux au ciel mais elle savait au fond d'elle que le jeune homme avait eu raison. Et de là à dire qu'elle n'avait pas aimé cette étreinte... Elle avait été surprise, certes mais pas dégoutée.
Mulligan montra du doigt la maisonnée.
- Trois certitudes. La première, c'est que c'est bel et bien la maison de Bill le Gros, la deuxième c'est qu'il n'est plus à l'intérieur, la troisième c'est qu'il cherche à compenser sa petite taille par un diminutif absurde.
Nova émit un rictus en repensant au petit homme frêle qui faisait régner frissonner Sumuel.
- Bon et bien maintenant, il va falloir trouver un moyen de rentrer, dit-elle.
Nova et Mulligan observèrent la maison et la détaillèrent. Ils étaient à la recherche de n'importe quelle issue pouvant les mener à l'intérieur du bâtiment. Ils n'avaient pas noté que les quelques passants sur les bancs , avaient déserté le lieu. Mulligan regarda à droite, puis à gauche et se mit à contourner la maison pendant que Nova se demandait si la fenêtre ouverte du premier étage pourrait être accessible en escaladant l'arbre au centre de la place.
Mulligan revint l'air de rien. Il s'apprêtait à prendre la parole quand elle le coupa.
- Bon la fenêtre à l'étage est ouverte, si on arrive à escalader l'arbre, il est possible qu'en passant par cette branche, on puisse l'atteindre ...
- Nova ...
- Bon après la branche a pas l'air super table alors il faudra être prudent mais ...
- Nova ...
- Mais je suis sure que ça va le faire mais je te préviens, il va falloir être agile, j'espère que tu n'as pas le vertige ?
- Ou alors, on passe par la porte de derrière qui est ouverte et à l'abri des regards, lâcha t-il.
Nova se tut.
- Oui, on peut aussi faire ça, soupira t-elle.
Mulligan se dirigea vers l'arrière de la maison, suivi de la jeune femme. Ils arrivèrent face à une petite porte en bois blanche. Mulligan appuya sur la poignée et ouvrit la porte sans trop de difficulté. Ils avaient maintenant accès à l'intimité de Bill le Gros.
- Alors, prête à commettre ton premier vol ?
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