Chapitre 21

Au creux de la lumière tamisée d'une bougie, la porte de Nova s'ouvrit. Une ombre s'introduisit lentement, sans émettre le moindre bruit. Elle prit grand soin de refermer avec précaution,  la porte derrière elle. Une silhouette sombre avançait près du lit de la jeune fille. Cette dernière était étendue de tout son long sur sa couchette. Elle dormait à poings fermés, sans se douter un seul instant que quelqu'un ou quelque chose s'était infiltré dans ses appartements. L'individu prit place sur le lit au niveau de son visage. Il passa sa main dans les cheveux ébènes et étalés de Nova, puis remonta doucement sur sa joue, qu'il caressa. La douceur ne dura qu'un temps. Provoqué par le corps détendu de la jeune femme, il se laissa aller à ses pulsions et l'enjamba, sans en éprouver le moindre mal. Le poids de son corps la  réveilla . Ses yeux s'ouvrirent avec rapidité et s'écarquillèrent instantanément. Elle se mit à ouvrir la bouche  pour crier de toutes ses forces lorsqu'elle sentit une pression étouffer son hurlement. 

- J'espère que je ne t'ai pas trop manqué, dit-il avec un rictus malsain. 

Sur elle, un homme d'une trentaine d'années en armure. Elle l'avait reconnu dès qu'elle avait posé son regard sur lui. Comment l'oublier. Son visage était gravée en elle depuis ce jour, depuis cette nuit, où il l'avait entrainé de force dans sa tente. Depuis le jour où il avait essayé d'abuser d'elle. Elle agita ses jambes, essayant en vain de le déloger. Mais il exerça une pression d'autant plus lourde et puissante. A chaque mouvement, elle sentait de plus en plus les différents plis de sa main ainsi que ses phalanges pressées contre ses lèvres. Elle s'épuisait chaque seconde qui passait. Il avait l'avantage sur elle. Elle chercha désespérément du regard quelque chose, n'importe quoi qui aurait pu la sauver de son agresseur. Mais cette fois ci ne se terminerait pas comme la précédente. Il se rapprocha de l'oreille de Nova et et fit claquer sa langue. 

- Chut, rien ne sert de te débattre. Je ne me ferais plus avoir par une petite catin comme toi. Cette fois ci, tu vas recevoir la leçon que tu mérites. Je compte bien y mettre du cœur à l'ouvrage. 

Nova sentit alors une trace humide lui parcourir le cou de bas en haut. Il avait sorti sa langue et badigeonnait Nova de sa salive, comme pour y implanter son odeur. La poitrine de Nova se soulevait de terreur et elle constata que le nœud qui prenait naissance dans son estomac, remontait doucement par son œsophage. Mais elle ne cessa pas de se battre. Elle continua de remuer pour se dégager de l'emprise de son agresseur. Il agrippa alors les deux mains de Nova et les plaqua avec force. La vision de la jeune femme fut brouillée par un flot de larmes qui déferlèrent sur ses joues. 

- Chut, tu ne sentiras rien. Tu y éprouveras même du plaisir.

Nova se releva brutalement de son lit, haletante. Elle tourna la tête dans tous les sens et constata qu'au sein de sa chambre baignée d'obscurité, elle était seule. Elle toucha les draps situés en dessous d'elle. Ils étaient complètement trempés. Elle se passa alors la main sur son front et comprit la raison de cette humidité. La température de son corps avait considérablement augmenté, ce qui avait eu comme conséquence de la faire transpirer abondamment. Mais malgré son état, elle éprouva un énorme soulagement. Elle expira tout le souffle qu'elle avait gardé en elle, comme pour faire disparaitre ce cauchemar qu'elle venait de vivre. 

Elle se rallongea dans sa couchette. Mais une heure passa sans qu'elle ne trouve le sommeil, encore assaillie par les images de ses songes. Elle se décida alors à se lever et sortir de sa chambre. Elle avait besoin de parler, de se confier. Elle mit simplement ses souliers, alluma une bougie qu'elle prit avec elle et claqua la porte. Elle fit quelques pas et se retrouva face à la porte de la chambre de Carmen. Elle posa délicatement son oreille contre le bois et essaya de discerner s'il y avait du mouvement ou non.

Était-elle venue pour se confier à son amie, ou bien étais-ce son instinct de protection qui l'avait poussé à venir vérifier que Carmen allait bien? Nova ne le savait pas. Elle toqua une première fois. Rien. Elle attendit trois secondes puis réitéra, mais plus fort cette fois. Toujours aucun mouvement de la part de son amie. Elle essaya une unique et dernière fois, en tambourinant aussi fort qu'elle le  pouvait sur la porte en bois. Elle sursauta quand elle entendit en guise de réponse, un ronflement sonore et puissant, au point d'en faire trembler les murs du couloir. Comment Carmen et ses 1m57 pouvait-elle émettre de pareils sons. 

Elle me surprendra toujours pensa Nova. 

La jeune femme rebroussa chemin, en direction de sa propre chambre. Tant pis, elle allait agir en tant que femme indépendante, qui savait faire face à ses peurs. Après tout, ce n'était pas un petit cauchemar innofensif qui allait l'empêcher de dormir. 

Une fois devant la porte de sa chambre, Nova porta sa main droite à la poignée et poussa. Mais elle ne bougea pas d'un centimètre. 

C'est vraiment pas le moment, putain. 

Nova enleva sa main puis la remit instantanément. Elle réessaya le même procédé, mais sa porte restait immobile et bloquée. 

- Mais allez, ouvre toi ! s'énerva la jeune fille. 

Elle avait beau essayer plusieurs manières de faire, rien ne bougea. Nova se trouvait donc enfermée à l'extérieur de sa chambre, condamnée à dormir sur les tapis du couloir. Elle se mit alors à frapper avec hargne cette maudite porte. 

- Mais tu vas t'ouvrir putain, hurla t-elle avec rage. 

Des insultes fusèrent de sa bouche pendant qu'elle forçait sa porte, espérant déverrouiller cette dernière par tous les moyens possibles.

- Mais bordel c'est pas bientôt fini ce foutoir, cria une voix rauque. 

Nova tourna la tête se retrouva face à Mulligan. Ce dernier se tenait dans l'encadrure de sa porte. Ses yeux étaient à peine ouverts tandis que ses cheveux châtains étaient tous ébouriffés. Nova baissa son regard et les écarquilla sans sans rendre compte. Il était simplement vêtu d'un pantalon. Il ne portait rien d'autre, laissant son torse musclé et tracé à la vue de tous. Son esprit dériva et elle ressentit une sensation de chaleur emplir son visage. 

- Mais Nova,  qu'est ce que tu fous dans le couloir à cette heure ci ? demanda Mulligan, encore à moitié endormi. 

Elle détourna ses yeux et indiqua de sa tête, la porte fermée. 

- Je me suis enfermée dehors. Je n'arrive plus à entrer dedans. 

Mulligan émit un léger rire, puis se ravisa. 

- C'est vraiment pas marrant, déclara t-elle. 

- Personnellement, je trouve que si. 

- Si tu es venu là pour te moquer, tu peux repartir d'où tu viens. 

- Moi qui allait te proposer d'entrer pour pas rester dans le couloir, tant pis. Sur ce, passe une bonne fin de nuit, maladroite, s'exclama le jeune homme. 

Et sur ces mots, il ne lui adressa plus un seul regard et retourna se coucher. 

Les railleries de Mulligan l'avait blessée dans son estime. Elle s'attela donc à enfoncer la porte. Elle recula dos contre le mur et chargea comme un animal en colère. Dans un bruit sourd, Nova sentit une vive douleur à l'épaule s'emparer d'elle. Cette dernière avait tapé le bois, mais pas suffisamment pour réussir à l'ouvrir. Un léger grincement se fit entendre. 

- T'es sacrément têtue, ricana Mulligan. 

Il avait attendu derrière sa porte, et il n'allait pas fallu  longtemps avant qu'il ne l'entende foncer dans sa porte comme une folle. Il savait qu'elle n'allait pas abandonner. Il avait compris, au fil des jours passés à ses côtés, que rien ne pourrait la détourner de son objectif. 

- Bon maintenant, tu arrêtes de martyriser cette pauvre porte et tu ramènes tes fesses dans cette chambre. 

Nova arqua un sourcil. Mais pour qui se prenait-il à lui donner des ordres. Plutôt dormir tout un mois dans le couloir plutôt que de passer une nuit dans sa chambre. Mulligan ouvrit un peu plus sa porte, comme pour indiquer à la jeune femme d'en passer le pas.  Elle ne bougea pas et au contraire, planta ses pieds dans le sol. 

Soudain, un courant d'air glacial s'imprégna dans le long couloir. Des frissons s'emparèrent du corps de la jeune femme et parcourut le long de sa colonne vertébrale. Ses poils se hérissèrent tandis que sa poitrine se tendit sous son t-shirt, laissant apparaitre la forme de ses tétons. Nova grelota et frictionna ses mains sur ses bras pour empêcher le froid de l'atteindre. 

Un sourire en coin se dessina sur le visage de Mulligan. Il n'eut pas besoin de dire le moindre mot pour que Nova comprenne ce à quoi il pensait. Elle se questionna alors elle même. Dormir dans ce froid, à même le tapis ou accepter l'idée de dormir dans sa chambre. Elle pesa le pour et le contre. Si elle restait dans le couloir, elle serait à la portée de n'importe quoi. Elle repensa aux bribes de son cauchemar et frissonna de nouveau. C'est alors qu'elle se rappela que toutes les chambres étaient équipés d'un petit canapé. Elle pourrait aisément dormir dessus, au moins pour une nuit. Ce serait sans doute mieux que d'être laissé à l'abandon dehors. Mais cela reviendrait à fléchir devant Mulligan. Tant pis. Pour cette nuit, elle s'abstiendrait. 

Nova grommela et passa devant un Mulligan, fier d'avoir gagné cette joute face à la jeune fille. Il referma derrière elle la porte et la laissa prendre connaissance de ce nouvel espace.

La chambre de Mulligan était semblable à celle de Nova en tout point. Seul le lit n'était pas positionné de la même façon. Nova énuméra les éléments présents. Un lit, une fenêtre, une cheminée, une chaise, un cana... Une minute. Où est ce fichu canapé ? 

- Tu n'as pas de canapé dans ta chambre ? 

- Non. Pourquoi, tu en avais un dans la tienne ? 

Nova hocha la tête. 

- Alors il faut croire que tu avais de la chance. Bon sur ce, je vais me coucher. 

Il se dirigea vers le lit et, sans adresser un regard à la jeune femme, se glissa dans ses draps et lui tourna le dos. Nova ne bougea pas. Mulligan attendit quelques secondes avant de s'adresser à elle. 

- Tu vas te décider à venir ou tu vas rester plantée là ?, dit-il en grommelant.

Nova secoua sa tête et reprit ses esprits. Il allait falloir s'y résoudre. Elle allait devoir partager le lit de Mulligan pour cette nuit. La seule autre option qui s'offrait à elle était le sol, mais ses pieds nus complètement glacés la ramenèrent à l'évidence. Elle s'approcha alors du lit et s'allongea à son tour.  

Les deux jeunes gens étaient maintenant dos à dos et faisait en sorte de ne pas empiéter sur le territoire de l'autre. 

Quelques minutes passèrent et seule la respiration de Nova se faisait entendre à travers l'obscurité. Elle peinait à trouver le sommeil. Elle était là, allongée, à chercher en vain, une position qui lui apporterait assez de paix pour pouvoir s'endormir. Malheureusement, rien n'y faisait. Elle prenait tout de même le soin de limiter ses mouvements. 

Aussi discrète qu'une petite souris se dit-elle. 

- T'as pas bientôt fini de remuer comme un chien qui a des vers. 

Charmant. 

- Tu m'excuseras, mais tout le monde n'arrive pas à s'endormir en un claquement de doigts, siffla t-elle. 

- Fermes les yeux, tu verras c'est magique. Je sais que ma présence te rend toute chose, mais tu vas t'habituer à mon charisme, t'inquiètes. 

- Essaie de la fermer pour voir. Ah oui, ça marche mieux quand les ânes se taisent. 

Nova sentit un tressautement de l'autre côté du lit. Elle ne saurait pas dire qi le Capitaine Mulligan s'était crispé ou s'il s'était retenu de rire. Une chose était sure, cette pique l'avait fait réagir. 

Nova soupira de nouveau, un long et bruyant soupir, destiné à embêter plus qu'autre chose le jeune homme. Il ne lui fallut qu'une seconde pour que ce dernier se tourne dans la direction de Nova. 

- Bon sang, qu'est ce que t'as à la fin ? 

- Rien. 

Nova avait senti que la conversation avait pris un tout autre tournant. Le ton que le jeune homme avait employé s'était révélé plus sérieux que d'habitude. Elle sentit une main passer au dessus de son corps et se glisser doucement sous ses côtes. Soudain, elle fut tournée et se retrouva sur le dos, le visage de Mulligan lui faisant face. Il était à présent au dessus d'elle. 

- Rien n'est pas une réponse acceptable. Je commence un petit peu à te connaître et quelque chose te préoccupe. Alors dis moi, histoire que je puisse dormir. 

Nova plongea dans ses yeux dans ceux de Mulligan. Il était déterminé à savoir ce qu'il se tramait dans sa tête. Nova contint ses mots, mais aussi ses propres pensées. Ces yeux bleus électrique lui dévisageait lui donnait l'impression qu'il arrivait à lire aisément en elle. 

- Qu'est ce que tu faisais dans le couloir ? lui demanda t-il solennellement. 

- Je... Je voulais aller voir Carmen, lui dit-elle simplement. 

- Pourquoi ? insista-t-il. 

- Je voulais vérifier que tout allait bien. 

C'était sortit tout seul. La fatigue et le besoin de se confier lui avait fait baisser sa garde. Il voulait des réponses, très bien. Mais il n'aurait seulement accès à ce qu'elle voudrait bien lui donnerait . Juste ce qu'il fallait pour ne pas aborder l'essence même de son cauchemar.

Mulligan se remit sur le côté et posa sa tête sur son poing, de sorte à ce que seulement sa tête soit sur élevé. 

- Il n'y a rien à craindre ici. En général, rares sont les voyageurs qui passent par cette auberge, alors encore moins des mercenaires ou des gardes. Et puis, s'il y avait le moindre problème, Sumuel nous tiendrait au courant. 

- Comment l'as tu connu ? rebondit Nova, espérant faire changer de sujet le Capitaine.

- C'était un enfant des rues, comme moi. Comme moi, il était au service de mon créancier, Viktor. Nous formions une sacré paire Mais en grandissant, nos vies ont pris des chemins différents.

- Quel genre de chemin ? 

- Comme je te l'ai dit sur ce foutu canot, tu n'as pas besoin de le savoir. 

- Pourquoi ? 

- C'est pas tes affaires. 

- Ce qui me préoccupait aussi et pourtant je t'ai tout dit. 

Menteuse, cria la petite voix dans la tête de Nova.

Mulligan colla sa langue contre sa mâchoire et soupira. 

- Je suppose que tu y insisteras tant que je ne te l'aurais pas dit ? 

Nova hocha la tête de haut en bas. Le jeune homme se lança alors. 

- Comme tu le sais, mon créancier, Viktor, nous envoyait voler tout ce qui pouvait nous tomber sous la main. Un jour, il m'a convoqué dans son bureau. Il n'était pas comme d'habitude, quelque chose clochait. Je le voyais à sa façon de bouger, aux clignements de ses yeux beaucoup plus rapides que d'habitude ou même encore dans son grain de voix. Tout sonnait comme de la folie. Il a aussi fait venir une autre petite fille, qui avait la même mission que moi. Mais pas la peine de plus te parler d'elle, tu la connais déjà. 

Le nom de Roxa apparut immédiatement à Nova. Ainsi donc, ils avaient eu le même passif. 

- Il a commença à nous parler d'une relique à dérober. La Coupe de Midas. Personne ne sait réellement ce que c'est. Mais la légende raconte que celui en possession de cet objet pourrait avoir accès au temps. Passé, présent et futur n'aurait plus aucun secret pour le détenteur. Il en avait entendu parler au marché, un commerçant avait émis une théorie comme quoi, un parchemin parlant de cette dernière était sous la cale d'un navire du port. Il nous a envoyé là bas. Nous n'avions eu aucun mal à pénétrer à l'intérieur. Seulement, nous n'avions pas anticipé que nous serions enfermés à l'intérieur alors que le navire prenait la mer. Il a fallu deux jours avant que quelqu'un ne nous découvre et nous amène à leur Capitaine. Nous pensions que nous serions tués sur le champs , Roxa et moi. Mais au lieu de cela, il a fait de nous ses sou fifres, ses choses.  Le temps a passé et nous sommes devenus des moussaillons à part entière. Voilà tu sais tout maintenant. 

Nova n'avait décroché d'une miette du récit de Mulligan. Son ascension en tant que Capitaine n'avait été que le fruit d'un hasard injuste. 

- Ned Williams a parlé d'une mutinerie sur le Red Swan. 

- Il est temps de dormir maintenant, coupa court le jeune homme. Avec tout ce que je viens de te raconter, tu as de quoi faire. Alors maintenant dors. 

Nova n'insista pas. Il avait dévoilé une partie de son passé, chose qui apparemment était assez rare. Elle ne pouvait pas intervenir et ordonner que toutes les informations lui soient avancées sur un plateau d'argent. Il avait besoin d'air. Lui seul devait décider quand il souhaiterait en parler, avec elle ou non. 

Mulligan se retourna une fois encore, dos à Nova. Elle l'imita et ne mit pas longtemps à sentir ses paupières devenir lourdes et se fermèrent rapidement. 

- Ne crains rien. Il ne pourra rien t'arriver dans cette chambre. Pas tant que je serais là, chuchota Mulligan.
Ce fut les dernières paroles qu'elle entendit avant que la fatigue ne la gagne, la plongeant dans un profond sommeil. 


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