Chapitre 26

Comme janvier s'écoulait et qu'Hermione avait toujours à raconter sur son année passée en cavale, McGonagall décida de lui offrir une compensation financière. La jeune femme refusa, bien entendu, une première fois, puis accepta quand la Directrice insista.

Ce matin-là, dernière semaine de janvier, le froid était intense et il y avait plus de deux mètres de neige. Hagrid passait son temps à pelleter pour assurer aux élèves un accès aux serres et au terrain de Quidditch, mais il avait hâte que le printemps soit là.

C'est samedi aujourd'hui, j'aurais aimé que tu descendes dans mon bureau...
— Oh, oui, je sais, j'ai encore oublié... soupira Hermione. Je suis tellement fatiguée le soir...
Ne t'en fais pas, ce n'est pas urgent, mais cela reste des possessions m'ayant appartenu et je ne voudrais pas qu'elles soient perdues ou que le nouveau professeur de Potions décide de s'en servir ou de les jeter.

Hermione esquissa un sourire et termina de s'habiller.

— J'irais juste après mon rendez-vous avec la Directrice, dit-elle en nouant sa cape sur sa gorge.
Elle te veut quoi ?
— Aucune idée, peut-être savoir si j'ai encore beaucoup à raconter ?

Rogue haussa un sourcil. Déjà que sa compagne avait dû donner son congé au Chaudron Baveur tant ces interventions en classe lui prenaient du temps et de l'énergie, alors si, en plus, McGonagall lui mettait un coup de stress supplémentaire en lui demandant la date de fin de ses histoires...
Le sombre professeur se retint cependant d'aller espionner le rendez-vous et quand Hermione quitta son appartement, il quitta son fauteuil et retourna dans sa maison. Il la traversa et, arrivé à l'escalier qui montait au premier, il le contourna et poussa la porte qui se trouvait dessous. Il se retrouva aussitôt dans une allée un peu austère qu'il traversa pour entrer dans la maison d'en face.

— Ah, Severus, je vous attendais. Qu'est-ce qui vous a retenu ?
— Hermione, Monsieur, sourit l'homme en s'approchant d'un fauteuil où un vieux sorcier lisait le journal.
— J'ai vraiment du mal à comprendre pourquoi vous vous êtes entiché d'elle, répondit Dumbledore en repliant le journal.
— Je l'ignore aussi, mais plus je la côtoie, et plus je vois de raisons.

Dumbledore esquissa un sourire puis un service à thé apparut sur la table basse. Rogue prit place dans un fauteuil en face et l'ancien directeur de Poudlard servit le thé. Son ancien professeur de Potions le rejoignait tous les matins, dès qu'Hermione avait quitté son appartement pour aller travailler, et ils refaisaient alors le monde pendant quelques heures.
Durant ces visites, Rogue avait progressivement compris la différence qu'il y avait entre un tableau magique peint du vivant du sorcier, et un peint après.
Dumbledore était le même que dans ses souvenirs, un vieil homme ferme, mais gentil, une sorte de grand-père qui aimait ses petits enfants, mais qui ne leur laissait rien passer pour autant. C'était agréable d'avoir un semblant de stabilité, même dans la mort, avec des personnes connues, mais leurs conversations étaient limitées et parfois, l'ancien directeur s'endormait au cours de la conversation et Rogue demeurait alors avec ses pensées.
Être un Écho était une chance et en même temps une malchance ; une chance, car vous aviez vos souvenirs, car vous pouviez avoir des discussions passionnées avec n'importe qui, comme si vous étiez encore vivant. Mais être un Écho était aussi une malchance, car vous étiez prisonnier de votre peinture jusqu'à ce qu'elle soit détruite. Alors même si votre espace reflétait l'endroit où vous vous sentiez le mieux pendant votre vie, ce n'était pas pareil, et le manque des amis, des collègues, de la personne aimée, était sans doute le pire de tout. Surtout depuis qu'elle l'avait rejoint dans le Monde des Tableaux...

Rogue renifla. Il observa Dumbledore qui discutait d'un fait dans le journal qu'il venait de lire, sans plus se préoccuper de son invité. Soudain, le vieux sorcier se tut et Rogue crut qu'il s'était endormi, mais non, il l'observait.

— Quoi ? demanda le professeur de Potions. Qu'est-ce qui vous arrive, Monsieur ?
— Je viens de réaliser quelque chose... Je n'y avais pas repensé depuis longtemps mais...
— Crachez le morceau, allez-y...

Dumbledore regarda l'homme en face de lui et fronça les sourcils.

— Vous m'avez bien dit que Hermione vous avait rejoint dans le Monde des Tableaux et que vous aviez couché ensemble, n'est-ce pas ?
— Oui, mais ce n'était pas réel, je veux dire si, mais...

Dumbledore serra les lèvres.

— Severus, je suis peut-être une peinture d'après mort, je suis donc un peu moins le Albus que vous avez toujours connu, néanmoins je peux réfléchir et je crois que j'ai peut-être trouvé le moyen de vous renvoyer dans le monde vivant.

Rogue sentit le peu de couleur de son visage disparaître.

— P-pardon ? bafouilla-t-il. Mais je... Non, c'est impossible, si je pouvais, je le saurais...
— Vous êtes un Écho, vous avez transféré une fragment de votre âme dans votre tableau, vous saviez que vous alliez mourir, en conséquence, vous avez fait peindre votre tableau de votre vivant. Qui vous a prévenu ?
— Prévenu de quoi ?
— Que vous alliez mourir pendant la Bataille de Poudlard.

Rogue rentra le menton, surpris. Il entreprit alors de fouiller sa mémoire, mais il ne se souvenait pas de la personne qui avait pu lui dire qu'il allait mourir quelques semaines plus tard.

— Je crois que c'était une lettre, dit-il alors, un peu perturbé. Oui, j'ai reçu une lettre apportée par un oiseau inconnu. Elle n'était pas signée...

Rogue réfléchissait à toute allure. Il fronça les sourcils comme des bribes de souvenirs lui revenaient. Il se revit assis à son bureau, dans sa salle de classe, en train de corriger des devoirs...

— C'était quand ? demanda Dumbledore, suivant sa pensée.
— Il y avait de la neige, je m'en souviens, car cela fait plus de lumière dans ma salle de classe... C'était le matin, je crois, je finissais de corriger des devoirs afin de les rendre dans la journée aux élèves concernés et un hibou est entré par le vasistas que je laisse tout le temps ouvert.
— Vous ne le connaissiez pas, donc ?
— Pas du tout, je pense que c'était un Scout'Hibou, je revois vaguement un harnais sur son poitrail... Il m'a déposé une lettre et je lui ai donné une Mornille puis il est parti. J'ai ensuite regardé la lettre, mais elle n'avait pas expéditeur alors je l'ai ouverte et elle contenait le plus étrange message que j'ai reçu de ma vie...

Dumbledore sembla pensif un moment.

— Est-ce que... Non, c'est impossible... Mais je la connais et elle en est capable... Mais non, comment...
— Soyez plus clair, Monsieur, de qui parlez-vous ?
— Miss Granger, Severus.

Rogue haussa les sourcils.

— Hermione n'était pas à Poudlard lorsque j'ai reçu la lettre... Si mes souvenirs sont bons, ils battaient l'Angleterre sur votre ordre pour retrouver et détruire les Horcruxes du Lord... Comment aurait-elle pu m'envoyer une lettre et surtout savoir à quel moment j'allais mourir ?

Le vieux directeur haussa les épaules. Soudain, il s'allanguit et se mit à ronfler. Rogue ouvrit la bouche pour le réveiller, puis renonça et décida de rentrer chez lui, troublé. Comment est-ce qu'elle aurait fait pour remonter le temps et le prévenir qu'il allait mourir à telle date ? Comment aurait-elle pu lui suggérer de faire peindre son tableau avant sa mort afin qu'une bonne partie de son âme y soit transférée ? Et surtout...

— Pourquoi ? Pourquoi aurait-elle tenu à me sauver la vie alors que je n'ai jamais été agréable avec elle depuis son arrivée à l'école...

Rogue ronchonna et ferma la porte de sa maison. Il monta ensuite se coucher, peu importe l'heure qu'il était dans le monde normal ; il avait besoin de se reposer un peu.

.

Cela prit bien plus de temps qu'elle ne l'avait cru de raconter son histoire et Hermione peina à réaliser que janvier et février s'étaient déjà écoulés et que les vacances de Pâques approchaient.

— J'ai vraiment du mal à y croire... Je ne pensais pas que cela me prendrait plusieurs semaines...
— Cela vous éprouve beaucoup, répondit Sinistra. C'est normal que vous ne puissiez pas en parler tous les jours. C'est lié à de très mauvais souvenirs...

Hermione opina. Oh, oui, ces longs mois passés à battre l'Angleterre pour échapper aux Mangemorts tout en cherchant les Horcruxes n'avaient pas été une partie de plaisir, bien au contraire et elle ne le referait pour rien au monde.

— Comment va Severus ? demanda soudain Sinistra.
— Très bien, mais il a hâte que je retourne à la maison, et moi aussi. Même si son tableau est suspendu dans le bureau de la Directrice, ce n'est pas pareil...
— Vous avez, j'ai encore du mal à comprendre ce qui a pu lui passer par la tête pour vous désigner comme son héritière, Hermione, et plus j'y pense et plus je me dis que vous êtes la meilleure candidate pour ce poste. Vous n'avez certes jamais été proches, mais il semblait croire en vous et contrairement aux Malefoy, il ne vous a jamais vue autrement que comme une sorcière.

Hermione esquissa un sourire.

— J'aurais aimé pouvoir remonter le temps avant sa mort, lui dire qu'il va mourir, quand et à quel heure, mais c'est impossible. Les Retourneurs de Temps ne peuvent pas aller au-delà de quelques heures et... De toute manière, il ne m'écoutera pas, car à ce moment-là, il n'est pas encore mon mari.

Sinistra pinça les lèvres et posa une main sur le bras d'Hermione. La jeune femme lui sourit doucement.

— J'ai perdu mon meilleur ami ainsi que mon mari dans cette guerre, mais vous, vous avez perdu l'homme dont vous êtes tombée amoureuse après coup. Je pense que c'est une douleur bien pire que la mienne, dit le professeur d'astronomie. Severus n'était pas un homme gentil, du moins si, mais, il fallait qu'il ait grande estime de vous. Je ne pense pas que si vous trouviez le moyen de remonter le temps avant sa mort, vous ayez le temps de vous en faire un ami...

Hermione plissa le nez. Elle tapota les doigts de Sinistra puis la cloche sonna et elle quitta la salle des professeurs pour rejoindre le prochain cours ou elle allait parler de son escapade sportive avec Harry et Ron...

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