Chapitre 25

Les premiers jours à replonger dans les souvenirs douloureux furent compliqués pour Hermione, encore plus que de vivre à Poudlard, certes dans un appartement éloigné de Gryffondor, mais avec une magnifique vue sur le cimetière dans le parc...

Cesse de regarder ce cimetière, tu vas y perde ton âme.

Hermione pivota et observa le tableau de son compagnon, suspendu au mur. Elle grimaça un rictus et croisa les bras. McGonagall avait jugé bon de faire apporter le tableau du sombre professeur dans les appartements de la jeune femme, afin qu'elle se sente moins seule durant son séjour au château. Il retournait dans le bureau directoral lorsqu'elle n'était pas là.

— J'irais voir ta tombe prochainement, dit-elle alors. Je n'y suis pas encore allée.
Ce n'est en rien obligatoire...
— Je sais, mais tu es mon mari maintenant et c'est mon devoir, au moins une fois par an.

Rogue, attristé, hocha lentement la tête.

J'aimerai tant pouvoir sortir de ce tableau ! dit-il en posant sa main contre la toile. Si j'avais su, Hermione, si j'avais su avant de mourir que je... eh bien, que je finirai par tomber amoureux de Miss Je-sais-tout, j'aurais fait en sorte de ne pas mourir.
— C'était ton destin, répondit la brunette en secouant la tête. Tu devais mourir pour que le Lord récupère la baguette de sureau, que Harry puisse être tué par lui, détruisant ainsi le dernier Horcruxe, puis revenir à la vie et enfin le tuer. C'est grâce à toi qu'on est encore en vie aujourd'hui, en vérité.

Rogue resta silencieux. Un silence s'installa et Hermione décida soudain d'aller prendre un bain. C'était samedi après-midi, la semaine avait été éprouvante et elle avait besoin de réfléchir seule un moment. Elle se rendit donc dans la Salle de Bains des Préfets en espérant qu'il n'y aurait personne, mais elle tomba sur un couple d'élèves qui discutait devant la porte. En la reconnaissant, ils se levèrent aussitôt.

— Miss Granger, dit le garçon. On est désolés, on dérange ?
— Non, non, répondit Hermione, surprise. J'allais juste à la salle de bains, puis-je ?
— Oui, bien sûr, il n'y a plus personne qui y va...
— Ah bon ?

Le garçon secoua la tête puis sa copine le prit par le bras et ils s'éloignèrent. Surprise par la réaction, la jeune femme secoua la tête et entra dans la salle de bains. Aussitôt, des souvenirs lui revinrent, quand bien même elle n'avait jamais mis les pieds ici, mais elle se souvint de sa quatrième année, quand Harry avait passé du temps dans cette salle de bain, sur conseil de Cédric Diggory, pour la Seconde Tâche du Tournoi des Trois Sorciers...

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Plongée jusqu'au cou dans l'eau brûlante recouverte de bulles colorées, Hermione était pensive. Les paroles de Rogue lui rebondissaient dans la tête. Il regrettait d'être mort... Elle aussi, maintenant, elle le regrettait, mais même si elle trouvait un moyen de remonter le temps pour empêcher, ou ne serait-ce même que retarder, la mort du professeur de potions, pas sûr qu'elle le ferait. Elle avait lu beaucoup de livres sur les voyages temporels et, dans la majorité des cas, lorsque le voyageur revenait, il ne trouvait pas son présent identique, il l'avait modifié en faisant quelque chose, même insignifiant, dans le passé...

La Gryffondor soupira. Elle quitta soudain l'eau et passa sous la douche pour se laver, puis elle rentra chez elle et nota que Rogue avait quitté son tableau. Elle s'assit à la table du salon et entreprit de lire un énorme livre, mais l'idée du retour dans le passé la tarauda tout le reste de la journée et une bonne partie de la soirée. Elle n'en parla bien sûr à personne, mais alors qu'elle rentrait chez elle après le dîner qui s'était un peu éternisé pour les professeurs, la jeune femme repensa à son idée.

— Je n'ai plus le Retourneur de Temps, de toute façon, dit-elle en secouant la tête. De plus, je n'ai aucune envie de revenir à la Bataille de Poudlard, c'est encore trop frais...

Secouant la tête, elle rentra à l'appartement et trouva son compagnon endormi dans son tableau, affalé dans son fauteuil. Cela la fit sourire et elle gagna sa chambre pour se changer et se préparer à dormir, mais lorsqu'elle se coucha dans le lit froid, elle sentit sa gorge se serrer solidement. Elle retint cependant ses larmes, écrasant son visage dans le matelas. Elle n'avait pas le droit d'être faible, elle devait garder un visage blessé mais neutre devant les élèves, ils devaient savoir que Harry, Ron et elle avaient vécu l'horreur pensant l'année passée, mais elle ne devait pas flancher maintenant sinon elle ne serait plus capable de continuer à raconter.

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Le lendemain dimanche, Hermione enfila une tenue chaude et quitta le château vers huit heures. Elle traversa le parc et s'arrêta à l'entrée du cimetière. Avant la Bataille, il n'y avait qu'une prairie ici, depuis, c'était un cimetière où tous ceux qui avaient trouvé la mort pendant cette horrible affrontement, Aurors et Mangemorts confondus, reposaient.
Hermione nota que les tombes des Mangemorts dont personne n'avait réclamé les corps étaient séparées des autres. Sombres et tristes, elles n'étaient pas fleuries. Personne ne se souciait de ces sorciers qui avaient dérivé et qui en avaient payé le prix, et cela fit de la peine à la Gryffondor.
Avec un soupir, elle entra dans la partie réservée aux Aurors et aux civils qui avaient trouvé la mort pendant le combat. Les élèves, les professeurs et les autres étaient séparés par une petite haie de buissons. Hermione s'approcha de la tombe de Rogue et s'agenouilla devant la stèle.

— Je ne sais même pas quoi dire devant ta stèle. Je sais que tu es là, que ton corps est sous cette pierre, mais je t'ai dans ce tableau et j'ai du mal à me dire que tu es bel et bien mort, que tu ne reviendras jamais, que...

Hermione ferma les yeux, baissa la tête et se mit à pleurer. Une main se posa alors sur son épaule et on se baissa à ses côtés.

— Il était trop jeune.
— Aurora... renifla Hermione.

Elle passa ses mains sur ses joues puis s'assit dans l'herbe et Sinistra l'entoura de son bras.

— Je ne voulais pas vous déranger, mais vous entendre pleurer m'a brisé le cœur... Vous devez tellement souffrir !
— Si vous saviez à quel point c'est difficile de me dire qu'il est là, sous cette pierre, alors qu'il est près de moi dans son tableau depuis un an ! Je regrette tellement...
— Quoi donc ? demanda Sinistra. Vous n'auriez rien pu faire pour l'empêcher de mourir.
— Sans doute, mais si j'avais su... Si j'avais pu l'approcher et si je me l'étais attaché à l'époque, alors peut-être que je ne serais pas aussi perdue, aussi malheureuse que maintenant ! Il me manque Aurora, et pourtant, je ne l'ai jamais côtoyé de cette manière... Je...

Hermione se tut et remua la mâchoires avant de pincer la bouche. Non, elle ne devait pas révéler à Sinistra qu'elle était allée dans le Monde des Tableaux et qu'elle avait passé une nuit avec Rogue...

— Hermione, la première année du deuil est la pire, dit alors le professeur d'Astronomie. Je suis en plein dedans, moi aussi, et je n'ai pas la chance de parler à mon mari via un tableau. Il est parti avec tous ses souvenirs, je n'ai que quelques photos de lui, et jamais plus je n'entendrais sa voix. Jamais plus je n'aurais ses bras autour de moi la nuit, son souffle sur mon épaule... La seule chose à laquelle je peux encore me raccrocher, c'est son odeur. Elle est partout sur ses vêtements et quand je vais mal, je prend un pull et je le serre contre moi...

Hermione prit la main de Sinistra qui la serra un instant.

— Vous avez la chance d'avoir votre mari dans un tableau, Hermione, reprit la femme. Ne venez pas vous faire du mal sur sa tombe, cela n'en vaut pas la peine. Je sais qu'un tableau ce n'est pas pareil à la personne en chair et en os, mais c'est mieux que rien.

La jeune femme avala sa salive.

— C'est un Écho, Aurora... avoua-t-elle alors.

Sinistra pâlit.

— Un Écho ? Mais... C'est impossible, Hermione, je suis sa meilleure amie et s'il avait fait peindre un tableau avant sa mort, je le saurais ! Il m'en aurait parlé...

Hermione secoua la tête. Elle proposa alors qu'elles aillent se mettre au chaud et, une fois dans la Grande Salle, la brunette expliqua l'histoire à son ancien professeur. Elle se garda bien de dire qu'elle avait été dans le Monde des Tableaux pour retrouver Rogue, mais de toute manière, Sinistra était déjà tellement surprise pour la croire, elle ne supporterait pas une nouvelle de cette taille.

— Il savait qu'il allait mourir, dit Hermione en secouant la tête. Comment, je l'ignore, mais il le savait. Il a donc fait peindre ce tableau afin que quelqu'un se souvienne de lui, et cela est bien tombé, si j'ose dire, lorsque Voldemort l'a désigné comme Directeur de Poudlard, le tableau était fini.
— S'il est bel et bien un Écho, alors vous avez le Severus que j'ai toujours connu... souffla Sinistra. Oh, Merlin...
— Croyez-moi quand je vous dis que c'est encore plus compliqué, répondit Hermione. C'est son âme qui est dans cette toile. Il est là, avec moi, mais sans corps, et je ne pourrais jamais lui en offrir un. Je suis condamnée à regarder l'homme que j'aime être enfermé dans un tableau jusqu'à la fin de ma vie, sans jamais avoir eu l'occasion de sentir ses bras autour de moi, son odeur, sa voix...

Sinistra serra les lèvres.

— Il vous reste la solution du Retourneur de Temps... dit-elle comme si elle proférait une insulte.

Hermione secoua la tête.

— J'y ai pensé, avoua-t-elle. Mais je ne peux pas. Je n'en ai pas le droit, et de toute manière, je n'ai plus de Retourneur, je l'ai rendu à la Directrice à la fin de ma cinquième année.
— Peut-être l'a-t-elle encore ?
— Aurora, c'est tentant, mais c'est trop dangereux. Je sais ce que vous avez en tête et...
— Non, Hermione, je ne vous demanderai pas de sauver mon mari, je sais désormais que je peux vivre sans lui, et si vous remontez le temps, vous pourrez me le dire, je vous croirai. Mais vous, vous êtes trop jeune pour souffrir à ce point de l'absence de l'homme qui vous aimez.
— Severus n'est tombé amoureux de moi qu'après sa mort...
— Il devait sans doute déjà éprouver quelque-chose pour vous lors de son vivant, sinon il ne vous aurait pas désignée comme son héritière.
— Si c'était le cas, il m'en aurait parlé.

Sinistra haussa un sourcil sans répondre et Hermione souffla par le nez, les lèvres serrées, avant de secouer la tête.

— C'est vraiment tentant, avoua-t-elle. Mais je n'ai pas le droit d'arranger le passé pour m'assurer l'avenir que je veux. C'est de l'égoïsme et c'est tout ce que je ne suis pas. Plus maintenant, du moins. De plus je n'ai aucune envie de revivre une année de cauchemar à courir à travers l'Angleterre avec Ron et Harry, un groupe de Mangemorts aux fesses...

Sinistra serra les lèvres. Elle posa une main sur l'épaule de la jeune femme puis lui souhaita une bonne fin de journée et la laissa avec ses pensées.

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