Chapitre 21
— C'est dangereux, Severus. Très dangereux.
— Je sais, Minerva, mais il aurait été plus simple me laisser la fréquenter avant ma mort, dans ce cas !
— C'était impossible et vous le saviez aussi bien que moi ! répliqua McGonagall. Je ne pouvais pas sciemment vous laisser faire une telle chose, Severus !
— Pourquoi ?
— Pourquoi ?!
McGonagall s'étrangla et soudain, elle pivota et souffla. Elle était furieuse par les révélations de son défunt professeur de Potions, mais elle n'avait aucune carte en mains, elle ne pouvait rien faire.
— Elle était majeure ! répondit alors Rogue. Elle avait dix-sept ans, Minerva !
— Et vous croyez que je ne le savais pas ? répliqua McGonagall en pivotant. Je connais la date de naissance, l'heure, de chacun de mes élèves ! Et je sais mieux que quiconque comment ils réagiraient à telle ou telle chose !
Elle serra les mâchoires puis secoua la tête.
— Non, ajouta-t-elle. C'était bien trop dangereux de vous autoriser à nouer une relation avec elle à l'époque. D'une parce qu'elle était votre élève, de deux parce qu'elle aurait tout fait pour empêcher Voldemort de vous tuer, au risque de se faire tuer elle-même, et ça, je ne l'aurais pas accepté !
Rogue secoua lentement la tête puis quitta son cadre et McGonagall soupira profondément. Elle jeta un œil à Dumbledore en quête de soutient, mais l'ancien Directeur se contenta de grimacer.
— Qu'auriez-vous fait, Albus, à ma place ? demanda alors la Directrice. Auriez-vous sciemment autorisé Severus à fréquenter Miss Granger ?
— Il est amoureux d'elle ?
— J'en ai peur... Du moins, l'était-il avant de mourir, mais depuis qu'ils ont passé ces quelques heures ensemble dans le monde des tableaux, ils ont été obligés de se faire une raison et d'accepter les sentiments qui les lient.
— Miss Granger est tombée amoureuse de lui bien après sa mort...
— Et uniquement parce qu'elle a appris à le connaître en vivant chez lui et en le découvrant via ses affaires personnelles, répondit McGonagall. Elle a rapidement réalisé qu'il n'était pas le méchant professeur qu'elle avait toujours connu, mais un homme normal, un homme torturé, brisé ; un homme mort terriblement jeune à cause de la cupidité d'un vieux sorcier fanatique.
McGonagall regarda Dumbledore et grimaça.
— Il n'avait même pas quarante ans, Albus... déplora-t-elle.
— Je sais, Minerva, je sais, et c'est une très grande perte, mais elle devait arriver, c'était son destin, c'était ainsi que cela devait se passer... Je n'avais juste pas prévu que...
On toqua contre la porte et McGonagall fit entrer deux professeurs. Elle s'excusa auprès de Dumbledore en disant qu'ils reprendraient leur conversation plus tard.
.
— Hermione, tu es là ?
Il y eut du bruit dans la cuisine puis la jeune femme apparut, en robe de chambre, encore un peu froissée.
— Tu te lèves ?
La jeune femme hocha la tête et s'assit dans le canapé.
— Bonjour, dit-elle avec un sourire. Comment ça se passe avec McGonagall ?
— Elle campe sur ses positions, mais je ne lui ai pas dit que tu allais voir mon Notaire aujourd'hui...
Hermione inspira et étira ses épaules.
— J'angoisse un peu d'ailleurs, dit-elle. S'il refuse, je ne sais pas comment je vais faire sans causer de scandale ou d'incompréhension. Si seulement tu pouvais venir avec moi pour lui expliquer...
Rogue prit un air peiné et Hermione se mordit la joue. Elle secoua alors la tête.
— Si je duplique ton portrait pour en faire une version transportable, tu ne pourras pas me suivre, dit-elle. L'idéal serait de faire venir cet homme ici, mais...
— Tu peux toujours lui poser la question...
Hermione haussa un sourcil.
— Tu crois ?
— Qu'est-ce que ça coûte ? S'il pense que tu te fiches de sa pomme, fais-le venir à la maison et je lui expliquerai tout.
Hermione esquissa un sourire et Rogue ronfla.
— Oui, dit-il. Je sais... Mais n'oublie que c'est aussi ma maison...
Hermione dodelina de la tête et soupira ensuite.
— Tu me manques, dit-elle.
— À moi aussi, je t'assure... La vie en tant que portrait est monotone, il n'y a rien à faire sinon se promener dans les autres cadres, et parfois, je m'ennuie...
Il marqua une pause et un sourire en biais étira son visage.
— Et si tu suspendais mon portait dans ta chambre ?
— Severus ! s'exclama Hermione avec un hoquet. Espèce de vieux pervers !
Rogue rigola et Hermione l'observa, se mordant la lèvre. Elle secoua ensuite la tête et grimaça.
— Si j'avais encore le Retourneur de Temps, je t'assure que je serais remontée avant ta mort et que j'aurais fait n'importe quoi pour être avec toi... Je me fiche que McGonagall ne soit pas d'accord, que la morale le réprouve, j'ai eu dix-huit ans en septembre de ma septième année, j'étais majeure depuis un an, mais je n'ai jamais été une petite fille normale...
Rogue inclina le menton.
— J'ai beau dire et répéter à Minerva que tu n'as jamais été une fille comme les autres et que tu aurais pu supporter une relation avec moi, elle refuse de voir les choses en face. Elle pense que tu aurais tout fait pour m'empêcher de mourir, chose légitime, mais que tu y aurais risqué ta propre vie...
— Il y a des chances, répondit Hermione. Mais quand le destin est écrit, Severus, quoi qu'on fasse, les choses finissent toujours par arriver. Si j'avais réussi à te sauver de Nagini, tu serais peut-être mort quelques jours après, d'une blessure ou de je ne sais quoi d'autre...
— Alors tu préfères que je sois mort ?
— Non, nigaud, pas du tout, mais même si je décidais de remonter le temps pour te sauver la vie, tu n'aurais pas survécu bien plus longtemps...
Hermione ferma les yeux et secoua lentement la tête. Rogue grogna et la jeune femme le regarda.
— C'est le destin, dit-elle. Tu étais épris de moi, mais on t'a interdit de me fréquenter pour mon bien et pour préserver ta réputation, et au final, tu as été tué sans rien avoir eu le temps de me dire, j'ai dû me faire à l'idée toute seule, au prix de tourments terribles, pendant des mois, mais maintenant, tout cela est derrière moi. Je t'aime, Severus, et je t'aimerai toujours, et encore plus si je peux porter ton nom.
Rogue sourit et Hermione éprouva alors le vif désir de se jeter dans ses bras, mais elle réalisa douloureusement qu'elle ne le pouvait plus. Sa gorge se serra et elle fondit alors en larmes.
— Ma chérie... souffla Rogue, dont le chagrin de la jeune femme déchirait le cœur. Je suis désolé...
.
— Miss Granger ?
Hermione tourna la tête et se leva. Habillée d'un tailleur-pantalon sous sa robe de sorcier, elle avait tout l'air d'une jeune businesswoman plutôt que d'une jeune sorcière tout juste sortie du collège.
— Maître Martin va vous recevoir.
Hermione inclina la tête et entra dans la pièce indiquée par la secrétaire du Notaire.
— Installez-vous, il sera là dans un instant, dit la femme. Désirez-vous quelque chose à boire ?
— Non, merci, ça ira.
La femme inclina le menton puis tourna les talons et ferma la porte après elle. Hermione regarda alors autour d'elle et observa le vaste bureau du Notaire que Rogue avait choisi pour s'occuper de ses affaires.
L'endroit avait un grand air de bibliothèque universitaire avec ses murs couverts de boiseries, ses étagères bourrées de livres tous reliés de la même manière, protégés par des vitrines impeccables...
La porte s'ouvrit soudain et Hermione pivota brusquement. Un homme entra dans la pièce, grand, athlétique, le cheveu noir, coupé en brosse. Il portait de petites lunettes au bout du nez et quand il s'assit à son bureau, perdu dans un épais dossier qu'il lisait, Hermione se racla la gorge.
— Asseyez-vous, Miss Granger, dit alors l'homme. Je suis à vous dans une seconde...
Hermione haussa un sourcil.
Quel délicieux accent français... songea-t-elle, amusée, en prenant place.
— Merci, on me le dit souvent.
Hermione sursauta.
— Je vous demande pardon ? demanda-t-elle.
L'homme releva les yeux de son dossier et regarda Hermione par-dessus ses lunettes.
— L'accent français... dit-il.
Hermione cligna des paupières.
— Vous... lisez dans les pensées ? dit-elle, soudain mal à l'aise.
L'homme se redressa et rigola.
— Non ! dit-il en s'appuyant contre son dossier. Mais je suis capable de percevoir les émotions des gens, les plus vives, du moins, et quand j'ai parlé, vous avez éprouvé un bref sentiment de plaisir...
Hermione, muette, referma la bouche et soudain, s'ébroua.
— Passons, dit-elle alors en attrapant son sac à main. Vous a-t-on dit pourquoi j'ai sollicité un rendez-vous avec vous, Maître ? demanda-t-elle.
Le Notaire pinça la bouche puis posa ses coudes sur son bureau et regarda la Gryffondor.
— Severus m'avait dit que vous n'étiez pas trop du genre à plaisanter, dit-il. Il était loin du compte...
— Ne m'insultez pas, Monsieur. Je sais m'amuser. Mais je ne suis pas ici pour cela.
L'homme opina.
— Bien... Je vous écoute donc. En quoi puis-je aider la compagne de mon cher ami Severus ?
Hermione pinça les lèvres puis sortit un parchemin de son sac. Elle le déplia, le parcourut rapidement bien que le connaissant par cœur, puis le posa sur le bureau, dans le sens de lecture pour le Notaire.
— Qu'est-ce ? demanda-t-il.
— Une addition au testament de Severus Rogue, répondit Hermione. Je l'ai trouvé dans ses papiers, en rangeant la maison, il y a quelques jours. Quand je lui en ai parlé, il m'a révélé qu'il avait l'intention de vous l'envoyer pour l'ajouter à son testament, mais qu'il n'en a pas eu le temps.
Maître Martin inclina le menton en lisant le document.
— Je vois, dit-il. Il m'a l'air authentique, je reconnais l'écriture de Severus, c'est sa signature...
Il se tut une seconde, retourna le parchemin puis revint sur le recto et le posa devant lui.
— Cependant, je ne vois pas en quoi je puis vous aider...
Hermione se mordit la joue et inspira.
— Il se trouve que m'épouser était son ultime dernière volonté, dit-elle. Nous en avons discuté et il me l'a confirmé.
Seforn haussa un sourcil.
— Vous en avez... discuté ? dit-il.
— En tant que Directeur de Poudlard, Severus a eu droit à son portrait post-mortem. Sachant qu'il allait mourir assassiné, il l'a fait faire avant de mourir, bien avant, et de ce fait, une partie de son âme est piégée dans la peinture, on appelle cela un Écho. Il possède toutes les pensées antérieures à la création de la peinture, tous les souvenirs, les blessures...
Martin plissa les yeux et sembla réfléchir.
— Je vois, dit-il. Cependant, je ne comprends pas en quoi cela me concerne... Je veux dire, vous avez là une lettre et un certificat de mariage tout à fait conforme, prérempli, qui vous autorise à faire valoir ces liens auprès d'un tribunal. Vous n'avez techniquement pas besoin de moi pour faire valider ce papier. Il vous suffit de le signer et pour un juge, de l'approuver.
Il tapota le parchemin du doigt et Hermione plissa le nez.
— Et c'est là que la chose se corse, dit-elle. Voyez-vous, mes amis sont Harry Potter et Drago Malefoy, sans mentionner la Directrice de Poudlard, Minerva McGonagall... Si je leur annonce que je vais épouser... un mort, disons les choses comme elles sont, ils vont me faire interner. Déjà que le fait que je développe des sentiments affectifs à rebours après la mort de Severus laisse mes amis plutôt sceptiques concernant ma santé mentale, je vous laisse imaginer ce qu'ils diraient si je leur annonçais que j'ai épousé un homme décédé neuf mois en arrière...
— Moui... Effectivement, dis comme cela, c'est... étrange, répondit le Notaire.
Il posa ses coudes sur le bureau et appuya ses doigts les uns contre les autres. Un silence s'installa et Hermione récupéra son papier et le rangea.
— Que désirez-vous exactement de moi, Miss Granger ? demanda soudain l'homme.
— Que vous fassiez en sorte de faire passer ce papier pour une ultime dernière volonté, mêlées aux tâches qu'il m'avait confiées à l'époque et que j'ai pu réussir avec brio, comme toujours.
Martin haussa un sourcil.
— En plus d'être plutôt stricte, vous êtes directe, dit-il. Et modeste avec ça...
Hermione fronça les sourcils. Maître Martin se redressa alors et hocha la tête.
— Si je n'avais pas connu Severus Rogue pendant autant d'années, dit-il. Et s'il ne m'avait jamais parlé de vous, Miss Granger, sachez que je ne vous aurais même pas reçue. Cependant, comme je connais Severus depuis trente ans, et comme il m'a rebattu les oreilles avec votre personne pendant des semaines, je vais vous faire une fleur.
Hermione resta silencieuse. Le Notaitre pinça la bouche.
— Bien que ce soit illégal, reprit-il. Je vais inclure ce papier au testament de Severus, étant donné qu'il est daté d'avant sa mort. Cela ne vous oblige absolument pas à l'épouser post-mortem, que l'on soit bien d'accord, mais disons que la pilule sera moins difficile à passer pour votre entourage. C'est bien ce que vous voulez, n'est-ce pas ?
— En effet. S'il le faut, je peux vous offrir une compensation.
— Sous quelle forme ?
— Monétaire, bien évidemment.
Maître Martin esquissa un sourire et secoua ensuite la tête et se leva.
— Severus m'arracherai la tête des épaules si j'acceptai, dit-il. Heureusement, il n'est plus parmi nous, ce qui m'évite une mort douloureuse...
Hermione esquissa un sourire et se promit de tout raconter à son compagnon dès qu'elle serait sortie d'ici. Elle observa ensuite le Notaire s'approcher d'une des étagères bourrées à craquer, et il suivit les dos des livres d'une main avant de laisser échapper une exclamation et de tirer l'un des livres, qui se révélèrent être des dossiers de clients.
— Alors, dit-il en revenant vers le bureau. Dans son testament, notre vieil ami disait donc vous confier tous ses biens matériels et financiers, ainsi que sa maison sise Impasse du Tisseur à Londres, un Manoir dans le Wiltshire, et toutes ses possessions localisées à Poudlard dans son bureau et appartement professoral... Ajoutons à cela sa demande pour que vous retrouviez la famille Malefoy, fassiez en sorte de faire traduire le dénommé Lucius Malefoy devant le Magenmagot, faire en sorte que sa femme soit épargnée au mieux, et protéger leur fils de tout cela.
— Tout a été fait, répondit Hermione. Lucius est en prison à Azkaban jusqu'à la fin de sa vie très probablement, Narcissa est rentrée chez elle, et Drago est sur le point de se marier.
— Bien... Bien, bien.
L'homme marqua un silence, passa en revue quelques documents du dossier puis regarda ensuite Hermione. Elle lui tendit le parchemin et il le dupliqua d'un geste de la main. Il le relut une dernière fois puis le déposa contre la reliure du dossier et un fin trait lumineux le scella au dossier comme la page d'un épais livre.
— Voilà, dit-il. Ce n'est pas légal, ce que je fais, mais étant donné que le document est daté d'avant la mort de notre ami, et qu'il est parfaitement authentique, alors il n'y aura aucun souci pour qui voudra vérifier.
— Ce dont je doute.
Le Notaire pinça la bouche. Il soupira et regarda Hermione.
— Vous êtes vraiment tombée amoureuse de cette vieille chauve-souris ? demanda-t-il.
Hermione haussa les sourcils puis opina et lui expliqua par quoi elle était passée ces derniers mois avant d'admettre qu'elle s'était éprise d'un homme décédé.
— La présence de son portrait ne doit pas faciliter les choses, n'est-ce pas ?
— Malheureusement non, mais il me tient compagnie et je sais qu'il est « lui », si je puis dire, il est Severus Rogue et non une pâle reproduction de lui qu'un peintre aurait faite après sa mort, sans âme.
Le Notaire hocha lentement la tête puis Hermione quitta sa chaise et l'homme lui tendit un petit papier.
— Qu'est-ce ? demanda la jeune femme.
— Ma carte, si jamais vous aviez besoin d'autres services...
Hermione prit le petit carton et plissa les yeux.
— Dans l'immédiat, j'en doute, dit-elle. Je ne compte pas rester veuve longtemps, j'ai déjà des projets...
L'homme sembla étonné et il hocha la tête.
— Je vois, dit-il en tendant la main. Dans ce cas, passez une bonne journée, Miss Granger... Madame Rogue.
Hermione lui serra la main puis il la raccompagna dans l'entrée et quand elle eut quitté le bureau, il se tourna vers sa secrétaire.
— C'est elle ? demanda-t-elle.
— Oui, c'est la femme de notre vieux Severus...
La secrétaire pinça la bouche.
— Il n'est pas du genre à les choisir légèrement, n'est-ce pas ?
— Oh non, croyez-moi, Miss Green, Severus n'a jamais choisi ses copines sans avoir un ou deux coups d'avance dans sa manche...
Miss Green esquissa un sourire puis retourna à son travail et Seforn secoua la tête en regagnant son bureau.
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