Chapitre 19

Hermione ondulait, telle une anguille, serpentant habilement entre les chaises et les tables, son plateau levé au-dessus de sa tête. Quand une main s'approcha de sa hanche, elle lui donna un coup sec et son propriétaire poussa un cri plaintif en ramenant sa main à lui. Ses amis s'esclaffèrent grassement.
Déposant son plateau sur le comptoir, la jeune femme soupira et regarda le barman, Tom, de l'autre côté. L'homme, bossu, édenté, chauve, était laid comme un pou, mais il était très gentil et très serviable.

— Je peux prendre ma pause, Tom ? demanda Hermione.
— Oui, va, mais sois là dans vingt minutes, Harvey a terminé.

Hermione opina. Elle retira son tablier et, son plateau sous le bras, elle sortit dans l'arrière-cour du Chaudron Baveur, là où se trouvait l'Arche qui conduisait au Chemin de Traverse.
Comme chaque jour, elle était grande ouverte, d'ailleurs, et le brouhaha des gens dans l'allée marchande emplissait la petite courette.

— Bonjour.
— Bonjour, Monsieur.

L'homme passa devant Hermione et s'engouffra sur le Chemin de Traverse. De très nombreux sorciers venant de Londres passaient par le Chaudron Baveur pour rejoindre l'allée marchande, et Tom faisait son beurre dès midi, certains jours. Sans parler des chambres qu'il louait à prix d'or...

— Bonjour.
— Bonjour, Madame.

Hermione, assise en tailleur sur une caisse, son plateau et son tablier posé près d'elle, sirotait une bouteille de Bierraubeurre. Elle avait déniché ce petit travail trois semaines plus tôt, seulement deux jours après son séjour dans le monde des tableaux.
Ce n'était pas mirobolant, c'était pas franchement bien payé, mais cela la faisait sortir et voir du monde et, contrairement à ce qu'elle avait pensé alors, cela lui avait permis de surmonter l'absence de Rogue encore plus facilement que prévu.

Hermione songea alors à son compagnon. Décédé depuis neuf mois maintenant, il veillait sur elle via son portrait et depuis qu'ils avaient passé ces quelques heures – qui s'était finalement révélée n'être que trois seulement – ensemble, la jeune femme se sentait beaucoup mieux. Elle n'avait encore pas parlé à Harry ou à Malefoy de la « demande en mariage » de Rogue et cherchait toujours un moyen de présenter la chose sans que ses amis ne hurlent au scandale, et encore moins qu'ils apprennent qu'elle était allée faire un tour dans le monde des tableaux, censé ne pas exister...
La Gryffondor eut alors une pensée pour Ron. Hors des radars de ses amis depuis la fin de la bataille qui avait coûté la vie à son frère, il avait fait l'impasse sur ses ASPICs et toute la famille était restée en silence radio jusqu'à peu.
En effet, McGonagall avait reçu, une semaine plus tôt, une lettre de Molly, qui lui indiquait qu'elle avait bien reçu toutes les lettres envoyées par tout le monde, mais qu'ils n'avaient encore pas eu le temps ni le courage de les lire et d'y répondre. Elle expliqua aussi à la Directrice qu'ils avaient réalisé un souhait de Fred en partant faire le tour du monde tous ensemble, Charlie, Bill et Percy compris. D'où le silence pendant de si longs mois.

Rassurée, Hermione ne désespérait pas de retrouver son meilleur ami et de lui raconter tout ce qui lui était arrivé depuis la bataille. Il savait qu'elle vivait dans l'ancienne maison de Rogue et que l'homme lui avait légué tout ce qu'il possédait, mais il ignorait tout ce qui s'était passé après...

C'est peut-être mieux ainsi, songea la jeune femme en pinçant la bouche. S'il apprend que je suis tombée amoureuse de Rogue alors qu'il était déjà mort depuis des mois, il va devenir fou...

Hermione esquissa un sourire. Elle leva alors la tête pour finir sa bouteille de Bierraubeurre.

— Mais qui voilà ! s'exclama-t-on non loin d'elle.

Hermione manqua s'étouffer de surprise.

— Bon sang ! jura la jeune femme. Qui...
— Granger, je t'en prie, ne me dis pas que tu n'as pas reconnu la voix si douce de ma mère ! répliqua une autre voix, amusée.
— Les Malefoy... ! s'exclama la Gryffondor en se levant.

Sans plus de cérémonie, Narcissa alla enlacer la jeune sorcière et la relâcha quelques secondes après en lui souriant largement.

— Vous avez l'air heureuse, Madame Malefoy, dit Hermione.
— Je le suis, mon enfant, et ce, grâce à Drago.
— Ah oui ? dit Hermione. Tu as trouvé un terrain d'entente avec... qui qu'elle soit ?

Narcissa haussa un sourcil. Le ton de la jeune Gryffondor était amer, un peu étrange, et Malefoy s'en rendit compte.

— Tu me rejoins à la banque, Drago ? demanda alors la sorcière en s'éloignant. Après, nous irons t'acheter tes nouvelles robes...
— Oui, j'arrive.

Narcissa s'éloigna et Hermione croisa les bras en l'observant disparaître dans la foule de l'allée marchande.

— C'était quoi ça, Granger ? siffla alors Malefoy en lui prenant le coude pour l'entraîner plus loin. Tu sais très bien que je ne peux rien y faire !
— Ce que je sais moi, c'est qu'il y a plein d'autres nanas pour toi !
— Lesquelles par exemple ? Toi, peut-être ?

Hermione pinça la bouche et tourna la tête. Elle décroisa les bras et s'appuya contre le mur.

— Écoute, Drago... Tu sais aussi bien que moi qu'un mariage arrangé ne fera que te rendre malheureux.
— Mais ça rend ma mère heureuse et c'est tout ce qui compte.
— Ah oui ? Alors tu vas faire des gosses à Daphné, la forcer à te donner un héritier, parce que ça rend ta mère heureuse ? Tu n'es pas sérieux quand même...

Malefoy serra les mâchoires. Hermione et lui avaient beaucoup correspondu ces dernières semaines, le Serpentard lui confiant qu'il n'avait aucune envie d'épouser Daphné, et encore moins Astoria, sa grande sœur, mais qu'il le faisait par obligation envers sa mère. Les fiançailles avaient été acceptées par les deux familles et le mariage aurait lieu au mois d'août prochain... avec la sœur que les parents Greengrass auront choisie.

— Je n'ai pas mon mot à dire...

Hermione se mordit la joue.

— Si tu l'as, dit-elle. Et tu sais pourquoi ?
— Non, mais tu vas me le dire...
— Parce que je vais te proposer un autre truc.

Malefoy plissa aussitôt les yeux et regarda la Gryffondor d'un air soupçonneux.

— Je m'attend au pire, dit-il en croisant les bras.

Hermione se gratta le front et souffla brièvement.

— Tu te souviens que j'ai utilisé un sortilège pour aller voir Rogue dans le monde des tableaux, n'est-ce pas ?
— Oui d'ailleurs, ça t'a fait du bien, tu vas beaucoup mieux qu'à Noël, on dirait...
— Ça oui, c'est une évidence. Non, il y a un truc que je n'ai pas dit dans nos lettres...
— Allons bon... Tu es enceinte ?

Hermione ronfla bruyamment.

— Enceinte d'un écho ? Drago...

Malefoy ouvrit la bouche et Hermione rougit.

— Oui, ça va ! dit-elle en levant la main. Ok, oui, on a couché ensemble dans le monde de tableaux, mais si t'avais été dans la même situation que moi, tu n'aurais pas pu y résister.

Malefoy secoua la tête.

— Je te savais amoureuse, mais pas à ce point, dit-il. Enfin bref, qu'est-ce que tu veux dire avec cette histoire ?
— Je te propose un deal.

Malefoy fronça les sourcils.

— Explique...
— Pendant que j'étais dans le monde des tableaux, Severus m'a fait une proposition, en me demandant d'y réfléchir... J'ai trouvé le parchemin correspondant dans son secrétaire, en revenant dans notre monde.

La jeune femme claqua des doigts et le parchemin en question apparut entre ses doigts.

— Lis...

Malefoy s'exécuta et pâlit brusquement.

— C'est bien ce que je crois ? dit-il.
— Oui. Il m'a demandé de l'épouser à titre posthume pour reconduire son nom, répondit Hermione. J'ai dit que je le ferai, parce que je l'aime et qu'il est mort inutilement. Son nom n'a pas à se perdre, au contraire.
— T'es bien une Gryffondor, toi, marmonna Malefoy en lui rendant le parchemin. Potter est au courant ?

Hermione secoua la tête.

— Bon, c'est quoi ton deal, alors ?
— Le deal c'est que tu vas épouser Daphné, ou Astoria, peu importe, répondit Hermione. Attend, laisse-moi terminer !
— Ok... Continue donc.
— Tu vas l'épouser pour faire bénéficier ta mère de leur argent. En bon Malefoy que tu es, tu n'auras certainement aucun mal à faire ça, je me trompe ?
— Oui, mais je ne vois toujours pas où tu veux en venir.
— Je te donne un an, Malefoy.
— Un an ? Un an pour faire quoi ?
— Ou plutôt pour ne pas faire, répondit la Gryffondor.

Un sourire étirait sa bouche.

— Dans un an, Malefoy, tu demandes le divorce avec comme raison, non consommation du mariage.

Le blond haussa les sourcils.

— Les Malefoy ne divorcent pas... dit-il.
— Peu importe, répondit Hermione. Dans un an tu divorces et après... tu m'épouses.

Malefoy se décomposa littéralement et ouvrit la bouche de surprise.

— T'épouser ? Mais...
— Je suis veuve, Malefoy, répondit alors la brunette. Du moins, je le serai dans quelques jours, le temps de trouver un moyen pour faire en sorte que cette demande en mariage soit validée par le Notaire de Rogue.
— Granger, écoute, tu n'as pas l'air de comprendre l'importance de ce mariage...
— Oh si, répondit la jeune femme en croisant les bras. Si, je comprends, mais je n'en vois pas l'utilité et je trouve cette pratique barbare. Obliger deux personnes qui ne s'aiment pas à se marier, rien que pour de l'argent ou de la notoriété, c'est débile. Se marier, pour moi, c'est accepter de partager sa vie avec la personne qu'on aime, et pas uniquement parce que ça arrange les autres.
— Granger, ma mère...
— Je me fiche de ta mère ! répliqua soudain Hermione. C'est de toi qu'on parle, toi et personne d'autre !
— Ne me parle pas sur ce ton !
— Parce que tu vas me faire quoi, sinon ? Tu sais que je peux te mettre à terre d'un mouvement de la main, Malefoy !

Le blond serra vivement les mâchoires. Hermione soupira alors par le nez et se reprit.

— Pense à ma proposition, dit-elle alors en regardant sa montre. Je dois retourner travailler. Tu sais où j'habite, si jamais.

Et elle tourna les talons avec son tablier et son plateau dans la main.
Quand elle eut disparu dans le Chaudron Baveur, Malefoy, un peu abasourdi, jeta un coup d'œil vers le Chemin de Traverse et Gringotts qu'on pouvait apercevoir de là. Il pinça la bouche, regarda vers le bar, puis tourna les talons et se laissa absorber par la foule.

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