Chapitre 15

Plusieurs jours passèrent après que McGonagall eut donné le sortilège à la Gryffondor et, si elle ne revit pas Rogue, la jeune femme était convaincue que c'était la chose à faire. Elle aurait certes préféré le faire venir dans le monde réel, mais elle savait au fond d'elle aurait refusé de le laisser partir une seconde fois. La même chose risquait de se produire si elle allait dans le monde des tableaux, mais elle était vivante, elle avait ses amis qui la retenaient dans ce monde et elle se doutait bien que tout identique qu'il soit au monde vivant, celui des tableaux n'était qu'une dimension magique sans aucune épaisseur.

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Le matin du premier janvier, Hermione se leva avec le baume au cœur. Elle avait réveillonné toute seule, devant la télévision, à se bidonner des pitreries des Moldus pendant les sempiternels bêtisiers annuels tout en mangeant un bon repas soigneusement préparé de ses mains, à savoir, un morceau de bœuf bien juteux, des pommes duchesse juste croustillantes comme il le fallait, des haricots verts divins et pour finir, une glace au café et un petit verre d'alcool pour arroser le tout. À minuit, elle avait expédié des cartes de vœux via le réseau des cheminées, une bonne centaine, puis elle avait continué à regarder un peu la télévision avant d'aller se coucher.

Et ce matin, elle se sentait bien, elle avait la patate, comme disent les Moldus, et elle était décidée à parler à Rogue pour qu'ils règlent leurs problèmes. Des problèmes qui étaient apparus malgré eux alors que ni l'un ni l'autre n'avait fait quoi que ce soit pour provoquer.

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Après une longue douche, la jeune femme se prépara un solide petit-déjeuner et, comme elle surveillait les œufs d'un œil, elle jeta un coup d'œil dans le salon, mais le tableau du sombre professeur était vide. Il n'était pas revenu depuis Noël et la jeune femme savait que c'était sa question sur le mariage arrangé qui l'avait fait fuir. Pourquoi, elle n'en savait rien, et elle ne voulait pas le savoir, mais elle désirait qu'il revienne rapidement, qu'ils puissent se retrouver physiquement et arranger les choses entre eux. Oh, elle était bien consciente qu'il n'était pas le vrai Severus Rogue, mais juste un écho de son lui vivant, mais elle s'en fichait. Du moment qu'elle pouvait lui parler face à face, éprouver le volume de son corps devant elle, et entendre sa voix comme s'ils étaient réellement face à face, cela lui suffisait.

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Après une matinée à faire le grand ménage, comme c'était la tradition dans sa famille, la Gryffondor se fit livrer une pizza pour le déjeuner et la grignota tout en passant l'aspirateur sur les tapis et les tentures. Elle a avait gardé une grande partie des meubles de Rogue, se contentant de les changer de pièce, car elle n'avait pas les moyens de moderniser la maison, mais aussi par respect pour le professeur défunt.
La musique emplissait toute la maison et elle se dandinait sur les notes en chantonnant, la bouche pleine. Ce ne fut donc pas une vision très flatteuse qu'eut Rogue de sa locataire quand il se pointa dans son portrait, un peu après midi. Cependant, loin de vouloir interrompre son apparente bonne humeur, il se contenta de l'observer, réfléchissant aux événements qui allaient suivre.
Ces derniers jours, il avait passé beaucoup de temps avec les personnages des autres tableaux de Poudlard, bien plus que jusqu'à maintenant, et beaucoup d'entre eux, même s'ils avaient du mal à comprendre comme une vivante pouvait tomber amoureuse d'un homme après son décès, l'avaient encouragé à utiliser le sortilège pour pouvoir mettre les choses à plat. Dumbledore lui-même avait émis un avis favorable, refusant de voir sa meilleure élève dépérir et son ancien protégé se renfrogner de plus en plus chaque jour jusqu'à ce qu'Hermione ne décide de quitter la maison de l'Impasse et que Rogue ne la revoie plus jamais.

Quand Hermione eut terminé d'aspirer le rez-de-chaussée, elle monta à l'étage et le même ballet recommença. Elle ne s'était absolument pas rendue compte de la présence de Rogue dans son portrait, et ce ne fut que lorsqu'elle redescendit ranger l'aspirateur dans le placard de l'entrée, qu'elle remarqua l'homme.

— Professeur ! s'exclama-t-elle en lui décochant un large sourire. Vous êtes enfin revenu ! Auriez-vous cessé de bouder ?

Rogue haussa un sourcil étonné puis croisa les bras.

Nous avons des choses à nous dire, lâcha-t-il gravement.
— Oh, s'il vous plaît, ne gâchez pas ma bonne humeur, répondit Hermione en s'approchant de lui. Pour la première fois depuis huit mois je suis prête à tout démolir, alors je vous en conjure, ne ruinez pas tout maintenant !
Je peux repartir, si vous voulez...

Le ton était revêche et Hermione sentit son sourire se décrocher.

— Et voilà. C'est fichu... Qu'y a-t-il ? demanda-t-elle alors. Vous avez l'air... contrarié.
— Non, je ne suis pas contrarié, je...

La jeune femme se mordit la joue. Elle déglutit et s'approcha du tableau. Elle tendit la main et effleura l'image de la main de l'homme qui soupira profondément.

Nous avons beaucoup à nous dire, Miss, dit-il en décroisant les bras. Je ne sais pas par quoi commencer et je...
— Ne dites plus rien, le coupa la jeune femme en se détournant. S'il vous plaît, laissez-moi ce premier jour de l'année. Dès demain, nous parlerons, et nous le ferons face à face, dans le monde des tableaux.

Rogue baissa le menton.

Ce n'est pas une bonne idée...
— Mais c'est la seule qui puisse m'aider à aller mieux, Monsieur... supplia alors la jeune femme. Sinon, je pourrais créer une potion pour supprimer les sentiments que j'éprouve en ce moment, mais j'ai peur d'en perdre d'autres dans la foulée et j'ai déjà bien trop perdu pour me le permettre.

Rogue grimaça et secoua la tête.

— Demain soir, j'invoquerai le sortilège et je vous rejoindrai, dit alors la Gryffondor Et nous discuterons, toute la nuit s'il le faut, mais et la Directrice a raison, Monsieur...

Hermione se mordit la lèvre et regarda l'homme dans les yeux.

— Je suis trop jeune pour être déjà veuve... acheva-t-elle.

Rogue eut un sursaut et sa bouche s'entrouvrit. Hermione lui fit un mince sourire un peu triste puis elle serra les mâchoires et s'ébroua. Sans un mot de plus, elle tourna les talons et disparut dans la cuisine.
Après avoir aspiré partout, il lui restait à faire les vitres et à vider les placards de la cuisine pour tout nettoyer et tout ranger en changeant les choses de place, comme le voulait la tradition.
Refusant de penser à Rogue, elle se mit donc à la tâche et termina quand vingt heures sonnèrent à la pendule du salon. Elle entreprit ensuite de se faire à dîner et, sous le regard de Rogue, elle se pelotonna dans le canapé devant le programme du soir.

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Il était plus de minuit quand le dernier programme intéressant se termina et Hermione, qui avait suivi le dernier film d'une seule oreille, n'avait cessé de penser au lendemain et à la discussion qu'elle et Rogue auraient.
L'homme ne semblait pas enchanté par cette perspective, mais pour le bien-être de la jeune sorcière, il le fallait. Lui, il s'en fichait, il était mort et il serait un tableau jusqu'à ce que la toile soit détruite par le temps ou les événements. Mais Hermione, elle, n'avait que dix-neuf ans et sans comprendre pourquoi, elle s'était entichée d'un homme qu'elle avait pourtant détesté pendant des années, mais dont elle avait été incapable de surmonter le traumatisme lié à sa mort.

Tournant la tête vers le tableau, Hermione remarqua que Rogue dormait, les bras croisés, un peu de guingois dans son fauteuil. Il ronflait doucement et la jeune femme soupira. À quoi pouvait bien ressembler le monde des tableaux ? Est-ce que c'était un monde parallèle complet où les personnages des tableaux pouvaient vivre comme elle, elle vivait dans ce monde ou bien est-ce que chaque tableau avait son propre petit univers parallèle délimité par les bords du cadre ? Tant de questions qui n'auraient de réponse qu'une fois qu'elle sera là-bas...

Avec une grimace, la jeune femme coupa la télévision et monta se coucher. Une fois dans son lit, elle attrapa le parchemin supportant le sortilège pour ouvrir la porte vers le monde des tableaux. Apparemment, seuls les peintres sorciers les plus puissants avaient accès à ce monde particulier dont personne n'avait jamais entendu parler, et jusqu'à maintenant, Hermione n'avait jamais imaginé que les tableaux puissent être autre chose que des tableaux, et encore moins qu'ils aient leur propre monde parallèle... C'était visiblement un secret très, très bien gardé...
Déposant le parchemin sur sa table de chevet, la jeune femme soupira et posa ses mains sur son estomac en regardant le plafond. Elle était fatiguée, elle le sentait, mais elle n'avait pas sommeil, elle n'avait pas envie d'éteindre sa lampe, elle voulait juste rester comme ça jusqu'au matin...

Ce qu'elle fit.

L'aube et les premières voitures des ouvriers des usines environnantes tirèrent la jeune femme de l'espèce de méditation qui l'avait tenue éveillée toute la nuit. Elle tourna la tête et entendit des gens discuter sous ses fenêtres. Un coup d'œil de l'autre côté indiqua à Hermione qu'il était six heures du matin. Avec un soupir, elle repoussa ses couvertures et se leva.

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Une tasse de thé dans la main, repliée dans le canapé, Hermione observait le tableau vide du professeur Rogue. Dans son autre main, elle tenait le parchemin avec le sortilège inscrit et les ingrédients nécessaires pour qu'il fonctionne.

Pinceaux usagés, tubes de peinture entamés, et Essence F, lut la jeune femme dans sa tête. Ça ne devrait pas être trop compliqué à trouver dans les environs...

Vidant son thé, Hermione quitta le canapé et alla s'habiller. Décidée à lancer ce sortilège, elle transplana sur le Chemin de Traverse pour faire ses achats. Il était sept heures trente et la majeure partie des boutiques étaient encore fermées, mais certaines ouvraient déjà, dont celle de bricolage, les bricolos étant souvent des lève-tôt...

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