Chapitre 6

  L'astre solaire disparaissait progressivement à travers les bâtiments, quelques flocons dégringolaient périlleusement, s'étalant sur la pelouse craquelée.

Après une brève entrevue avec le médecin en chef, Aedan revenait sur ses pas.

Un vent cavaleur s'infiltra dans les mailles de son bonnet en laine. Les traces de sang présentes sur la vitre brisée qui menait dans les entrailles de l'hôpital le conduisirent jusqu'à un parc délaissé qui jouxtait le bâtiment hospitalier.

Le voleur empoignant les traits du Corbeau avait été aperçu par un nettoyeur au détour d'un couloir, il ne volait que des médicaments sans grandes gravités. L'hiver s'enracinait dans le Grand Royaume, les virus, les infections et d'autres cochonneries de ce type s'intensifiaient, n'épargnant que ceux ayant déjà trépassés. 

Ses pupilles jonglaient entre les empreintes qui frôlaient furtivement la boue gelée. Sa direction, sa vitesse, son poids... La scène se déroulait devant ses yeux intrigués, rien ne semblait lui échapper. Un fin rayon lumineux éclaira le jardin enneigé, embrasant une babiole qui captait les dernières lueurs du crépuscule.

Le Chasseur approcha d'un pas nonchalant, attiré tel un grand moineau au plumage noir et blanc par ce curieux artefact miroitant.

— Voilà que cette affaire devient de plus en plus intéressante, murmura-t-il d'une voix si chancelante qu'elle céda au premier coup de brise.

Son regard se perdit à travers le champ herbagé d'une pâleur incertaine, les pointes affilées des aiguilles crayeuses se paralysaient face au froid indomptable.

Le silence du terrain désert animait ses réflexions, hormis les corvidés qui croassaient dans un arbre, le surplombant d'un air hautain. Les sombres oiseaux battaient furtivement leurs ailes agitées dans les airs, volant les miettes de bouffe qu'ils dénichaient entre les brins figés du tapis morfondu.

Ce maudit Corbeau se prenait pour un ange gardien. Curieux comme une fouine, voleur comme une pie, rusé comme un renard... Il arpentait les rues, menant ses pitoyables quêtes rebelles comme bon lui chantait.

« Quel ironie ! » pensa-t-il.

Un fin rictus se dessina sur ses lèvres asséchées par le froid. Les traces de sang s'amenuisaient près d'un trottoir derrière le parc, le conduisant jusqu'à une ruelle acariâtre où le volatile avait sûrement dû y trouver refuge. 

Le mal était dans la nature, dans chaque recoin de ce méprisable Royaume.

Aedan en était une preuve vivante.

Mais le Corbeau n'avait nulle part où se cacher.

Tôt ou tard, il le retrouverait et finirait par lui couper les ailes.

Allongé sur un lit habité d'un froid polaire et dénué de gaieté, Aedan croisa ses mains derrière son cuir chevelu. Son regard fixait le plafond de son appartement défraîchi, cherchant les raisons encore floues qui animaient le Corbeau. Cet esprit de vengeance qui lui collait à la peau comme une bouffée de plumes, obscures et ténébreuses. L'envie d'être un héro. La célébrité d'être reconnu ; idolâtré du peuple, désiré du royaume, brigué des pauvres.

Le Chasseur soupira hâtivement, faisant tourner entre ses doigts l'objet qu'il avait déniché précédemment dans le parc. Il observa attentivement la broche en or qui affichait les anciennes armoiries royales, un soleil et une rose incrustée de diamants incandescents. 

Une rose, comme celle que s'obstinait à taguer sa nouvelle proie. Aucune des personnes présentes au château le jour du Printemps n'avaient survécu assez longtemps pour assister au crépuscule du solstice d'été. On ne pouvait pas duper Aedan aussi facilement, cet acte de terrorisme isolé était évidemment un coup monté. Ces enfoirés aux couilles démesurées réussissaient là où d'autres avaient longuement échoué. Autrefois, il travaillait pour la Garde royale, dans une autre époque – bien moins lointaine qu'elle ne lui laissait paraître cela-dit. Il ferma les paupières, appréciant une énième fois le souvenir de ses yeux d'un azuré taciturne qui ne pourrait concurrencer les cieux. Il se remémora l'odeur de son parfum cuivré, parfois mélangé à la cannelle qui parfumait leur appartement. Son cœur semblait pourrir loin d'elle. À mesure que les années défilaient, les traits précis gravés dans sa mémoire s'estompaient, ne devenant finalement qu'une confusion tachée de sang. 

Sous le règne des Seren, le royaume semblait être tiré d'un conte de fée. Certes, la vie était loin de n'être qu'un long fleuve tranquille mais le peuple y vivait en prospérité. Le bonheur, l'entraide et la paix étaient les maîtres mots dans la contrée. Cependant, leur assassinat avait jeté un voile obscur sur le Grand Royaume. 

Le Chancelier se tenait désormais aux commandes, sans personne pour lui faire de l'ombre.



















































Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top