Chapitre 59-1 Il t'épaulera comme on attise un foyer qu'on chérit

Il répondit à mon baiser avec l'ardeur d'un brasier. Ses lèvres dévoraient les miennes. Avides. Empressées. Elles s'accordaient en rythme. Un accord parfait qui résonnait en nous depuis trop longtemps. Je ne ressentais plus que cette chaleur délicieuse. Mes mains glissèrent dans ses cheveux, caressèrent son dos. Je le touchais avec une impatience trop longtemps réprimée. Il sourit contre mes lèvres. J'inspirai, fébrile. Son parfum mentholé me montait à la tête.

Je gémis lorsqu'il embrassa la courbe de ma mâchoire. Il traça un sillon brûlant jusqu'à ma clavicule. Sa main droite tirait sur les lacets de ma tunique. L'autre pressa ma hanche. Il m'étreignit plus fort. Et le désir flamba dans ma poitrine. Il électrisa notre lien comme on enflamme une mèche. J'attirai son visage contre le mien et l’embrassai passionnément.

Mon monde se résumait à ses mains sur mon corps. Ses baisers enfiévrés. Son esprit qui embrasait le mien. Je posais une main contre son torse. Sa peau diffusa une chaleur croissante contre ma paume. Je ricanai sous l’afflux de pensée qui bombarda les miennes. Il me souleva de terre avec un grognement. J’enroulai mes jambes autour de sa taille avec un soupir d'aise.

Nos regards se croisèrent. Nos respirations s'entrechoquèrent. Les mots ne possédaient d'utile que le poids qu'ils recelaient. Le reste, il était inscrit dans chaque fibre de notre être. Chaque étincelle de ce lien qui unissait nos pensées. Mes cheveux frôlaient sa pommette luisante. Je repoussais ses mèches humides de transpiration avec douceur, dégageant son front. Ses prunelles de jade me dévoraient des yeux.

Je ressentais la profondeur de ses émotions avec une acuité qui ébranla mon sang froid. Mais plus que de le savoir, j'avais besoin de l'entendre. De le lui dire. De l'inscrire dans le silence de la sylve qui nous entourait.

— Je veux me consumer de cet amour, susurrai-je. Si tu savais combien il me rend vivante. Heureuse.

Je frémis sous l'intensité de son regard. Il effleura mes lèvres d'un baiser avant de m'accorder une réponse.

— Je t'aime, Laya.

Il m'embrassa encore.

— Ce que je veux, c'est que tu le saches.

Lorsqu'il pressa à nouveau ses lèvres contre les miennes, je m’esclaffai.

— Que tu n'en doutes jamais. 

Cette fois, c'est moi qui approfondis le baiser. Ses doigts glissèrent derrière ma nuque, dans mes cheveux, en de lentes caresses. Puis, il s’écarta, le souffle court. Il effleura tendrement ma pommette du dos de la main.

— Même si c'est bien plus que ça.

Un large sourire illumina mon visage. Oui, c'était bien plus que ça. Un désir brûlant s’était installé au creux de ma poitrine. Pourtant, je me plaisais à contempler son visage serein, apaisé. Tracer du bout des doigts la courbe de sa mâchoire, l’arête de son nez, de sa pommette. Rhee m’observait en silence, seuls ses pouces effleuraient le bas de mon dos en rythme régulier. Mon index glissa sur ses lèvres, il planta ses yeux dans les miens.

L'écho de sa respiration se réverbéra sur mon visage. Une question muette. J'entrouvris les lèvres, les paupières closes, en signe d'assentiment. Il effleura d'un baiser le creux de ma gorge. Je soupirai d'aise et inclinai la tête. Sa main glissa le long de ma cuisse. J'étouffai un hoquet. Il ricana contre mon épiderme en feu. Ses doigts se glissèrent sous ma tunique en une lente caresse. Un frisson m'électrisa lorsque sa peau rencontra la mienne.

Je m'embrasai sous son toucher sans jamais m'en lasser. Rhee avança jusqu'à un arbre. Il m'adossa au tronc avec douceur. La tendresse de nos caresses se bousculait contre la fièvre qui entremêlait nos esprits. Le désir nous consumait à mesure que nos baisers s'intensifièrent. Je glissai mes mains sous sa chemise, pressée de sentir sa peau sous mes doigts. De savourer le dessin de ses abdominaux. Rhee grogna contre mes lèvres et s'écarta d'à peine un souffle. Ses iris de jade brûlaient d'un feu insatiable. Je déglutis, l'esprit embrumé.

— Laya…

Sa voix rauque menaça d'emporter les miettes de ma conscience encore alerte. Il me rendait dingue.

— Qu'est ce que… ? balbutiai-je

Il appuya son menton sur ma paume tendue. Le brouillard de mes émotions se dissipa brutalement. Pas une once de regret. Seulement une prise de conscience. Je voulais sentir encore ses lèvres contre les miennes. Et tellement plus encore. Rhee prit une inspiration saccadée.

— Je veux que tu m'arrêtes. Si tu ne le fais pas…

J'avais déjà compris le sous-entendu. Mon silence enrobait les mots qui fusaient dans mon esprit. Et dans le sien, par extension. Rhee me couvait d'un regard plus ardent que la flamme d’Hélias. Jamais il ne m'avait regardé ainsi. Comme s'il voulait s'enivrer de chaque parcelle de mon corps. Comme s'il voulait enlacer mon âme encore plus fort, pour se perdre en elle.

Sa main toujours posée dans mon dos remonta ma colonne vertébrale. Elle effleura le haut de mon omoplate, poursuivit son chemin sur mon flanc, mon ventre. Pour s'arrêter juste en dessous du bandeau qui enserrait ma poitrine. Je frémis de délice, mordis ma lèvre inférieure. Je ne voulais pas de retour en arrière. Je ne voulais pas qu'il cesse. Par les Premières, c'était lui, l'objet de tous mes désirs. Pour ces instants et d'autres à venir. Pour ceux que la vie nous accorderait à l'avenir.

— Embrasse-moi.

Ma requête s'apparentait plus à une supplication. Le jeune homme me gratifia d'une œillade taquine. Il combla l'espace qui séparait nos visages en un clin d'œil. Sa langue s'enroula autour de la mienne. Je pris son visage en coupe pour l'attirer encore plus près.

La terre trembla soudain sous nos pieds. Un poids bien plus lourd qu'un cheval se posa derrière le mage de Feu. Un cri perçant se répercuta contre les troncs. Rhee pesta tout bas, le souffle court. Je savais avec exactitude qui venait de nous interrompre, avec un plaisir évident. Je pris le temps de reprendre pied. Le souffle ardent du mage de Feu contre mes lèvres n’aidait pas. Je m'autorisai un sourire amusé en l’écartant doucement.

Riv glatit d'un air impatient. Je lui adressai un geste sec, tout en jetant un regard d'avertissement à Rhee. Qu'il me laisse gérer la pyrie. Je me raclai la gorge, lissai les plis de mes vêtements froissés, puis m'approchai enfin.

— Qu’y a-t-il, mon beau ? m’enquis-je d'une voix essoufflée en lui flattant le flanc

Riv me jeta une œillade moqueuse, avant de pointer son bec vers le bas d'une de ses pattes. Un lien de cuir était noué autour, lui-même transportait un petit morceau de parchemin. Je le déroulai avec précipitation. Je peinais à déchiffrer les mots griffonnés à la hâte, mais j’aurais reconnu l'écriture de mon frère entre mille. Rhee s’approcha dans mon dos tandis que je lisais à voix haute le message de Daisyel.

Par Isadora, promets moi que tu n'as rien, Laya. Riv m’a tout raconté, je suis fou d’inquiétude. Jure-moi que tu es tirée d'affaire.

Je l'ai appelé car j'ai des nouvelles urgentes à vous transmettre. Les mages de Léander ont déjà atteint les montagnes. Sans le sentier, ils vont perdre du temps. Vous devez être arrivés dans trois jours où il sera trop tard.

Soyez prudents, par pitié. Envoie Riv pour me répondre, n'utilise pas le vent. On se retrouve à Shinéar.

Ih'shàn, Mō thîebãn.”

Mes mains se mirent à trembler. Si fort que Rhee les recouvrit des siennes. Il récupéra la missive avec délicatesse, qu'il glissa dans sa poche. Je cherchais ma respiration, sans parvenir à lutter contre la panique qui enflait dans ma cage thoracique. Trois jours. Trois jours. C'était…infaisable.

Par ma faute, les Sheioff étaient condamnés. Ma poitrine se comprima brutalement. Je cherchais de l'air, les poumons en feu, la tête dans un étau infernal. Mon père… papa…

— Laya !

Rhee secoua mes épaules avec brusquerie. Je braquai mon regard dans le sien. Mon angoisse jaillissait à travers notre lien en gerbe désynchronisée.

— Ton père est en sécurité, là où il est. Respire. Nous pouvons y arriver les premiers, mais j'ai besoin de toi.

J'agrippai son bras comme un rocher en pleine tempête. La tempête de mes blessures passées qui faisait rage dans mon esprit. Elle choisissait le pire moment pour se déchaîner. Je mordis ma lèvre jusqu'au sang. Jusqu'à ce que la douleur physique supplante celle de mon cœur. Je ne pouvais pas perdre pied ainsi, sans raison. Ce n'était pas ce qu'on attendait d'une Héritière. Ce n'était pas ce que ma tante aurait attendu de moi.

— Je ne pensais pas que sa vie t’importait autant, murmura le jeune homme avec une pointe d'ironie.

Il effleura mon front d’un baiser. Je ne répliquai même pas, mais un léger sourire flotta sur mes lèvres un instant. Moi non plus, je ne pensais pas. Riv s’approcha soudain et claqua son bec à un cheveu de ma pommette. Je le rassurai d'une pichenette mentale. Il glatit, sceptique, mais finit par se coucher à quelques pas, l'œil alerte. Rhee soupira, sa main droite glissa au creux de mes reins. L'autre enroula une mèche de mes cheveux entre ses doigts.

— Tu n'as jamais réfléchi aux raisons qui l'ont poussé à retenir ta nature de Sheioff au fond de toi ?

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