Chapitre 57-1 Laisse-toi le choix de chérir
Le brouillard qui comprimait mon crâne comme un étau se compacta davantage. Le gémissement qui gonfla ma gorge mourut avant de prendre forme. Je n'en avais même plus la force. Mon esprit s'était comme détaché de mon corps. Il assistait à distance à la capitulation de mes organes vitaux face au poison. Je sentais la caresse rafraîchissante d'une énergie puissante qui luttait pour me garder en vie. Ça n'allait pas être suffisant. Je le savais. C'était fini. J'avais perdu la bataille.
Soudain, un esprit bouillant força le passage du mien. Il s’agrippa si fermement que je ne perçus plus rien d'autre que sa présence rassurante. Son emprise s'étendit jusqu'au plus profond de mon subconscient. Je n'étais plus seule à livrer bataille. Ma magie jusque là submergée par le poison redressa la tête. Sous l'impulsion de cette aide inopinée, elle regagna du terrain. La bulle de protection dont elle m'avait entourée se mit à briller plus fort. Son éclat repoussa la brume mortelle avec une force nouvelle.
À travers la bulle protectrice, je distinguai l'ombre d'une paume. Derrière, une silhouette ancrée dans le sol se dressait entre la brume et mon cocon. Droite et immobile, sa seule présence réchauffa mon esprit résilié. Une pincée d'espoir, la caresse d'une promesse indélébile. L'aura de sa magie qui se mélangeait à la mienne effleura la mienne. Mon Esprit se redressa, piquée par l'impulsion de cet alliée inattendue.
— Redresse-toi ! s'écria-t-elle. Bas-toi !
La Lumière de Rhee embrasa la mienne avec la frénésie d'un feu de forêt. Elle répondit à l'appel du mage de Feu avec une vigueur que je ne lui connaissais pas. Où plutôt, était-ce la sienne que je découvrais. Cette détermination qui déferla dans mon esprit, cette force désespérée qui me défendait d'abandonner. Le cocon s'effondra dans le silence le plus parfait. Six mots s'inscrivirent au plus profond de mon âme.
— Je ne te laisserai pas mourir.
Ma Lumière éclaira le visage de Rhee d'une lueur mordorée. Ses prunelles brûlaient. Elles brûlaient d'envie. D'une volonté de fer. Celle de me garder en vie. Elles brûlaient d'une fièvre qui étirait le silence entre nous. Il aurait suffi d'un mot pour verbaliser ce qui nous reliait en cet instant. Pourtant, je me refusais à le prononcer.
La poitrine du mage de Feu se soulevait à un rythme erratique. Ses lèvres expiraient son souffle brûlant, haché. Il arrivait à un point de non retour. Plonger dans l'esprit de quelqu'un exacerbait ses propres sensations, je l'avais expérimenté une fraction de seconde lors de nos entraînements. Nos émotions les plus profondes se révélaient, mises à nu.
Pourtant, Rhee rebutait à perdre le contrôle. Je le voyais à ses poings serrés, à sa mâchoire crispée. Ma Lumière me suppliait de céder à l'envie dévorante qui constellait ma peau de paillettes scintillante. Mon Esprit fut le premier à perdre la bataille. Si tout ça n'était qu'un rêve, il se perdrait dans les autres lorsque je me réveillerai. Si je ne me réveillais pas…, alors pourquoi hésitai-je encore ?
Je m'approchai d'un pas et glissai ma main derrière la nuque du mage de Feu. Son regard plongea dans le mien. Ses mains se posèrent sur mes hanches. Il expira profondément, il capitulait. Sur une impulsion mentale, il inclina la tête vers moi. Nos lèvres se frôlèrent. L'instant suivant, Rhee avait disparu.
Mon esprit harassé s'était endormi pour de bon. Il m’emporta dans le sillage de ses rêves. Je n'eus même pas le temps de regretter la chaleur du mage de Feu, que je basculai dans l’obscurité du sommeil. De temps en temps, j’émergeai et des sensations affluaient à mon cerveau. Je grelottais, la peau pourtant brûlante. Mes dents claquaient au rythme de la fièvre, qui me clouait au lit, et de la douleur qui pulsait par vague dans l'entièreté de mon corps.
Je replongeai alors avec plaisir dans le néant, aidée par cette présence qui distillait un baume anesthésiant avec sa magie. Parfois, je sentais une main effleurer ma tempe. Une fois, je devinai des doigts glissés dans les miens. Je tentais de les presser, sans savoir si j'en avais la force. Des voix murmuraient toujours autour de moi, masculine et féminine. Ma raison envolée m'empêchait de mettre un nom dessus, mais elles étaient familières. On veillait sur moi.
Je ne me souvins pas des nombreux rêves qui peuplaient mon sommeil forcé. Seul un visage restait imprimé dans mes rétines. Une fille à peine plus âgée que moi aux longs cheveux blancs et aux yeux violets, identiques aux miens. Elle me parlait, mais ses mots s'échappaient de ma mémoire comme le vent qu'on ne peut capturer.
La dernière fois que je la vis, elle se tenait face à l'océan, un pendentif serré au creux de la paume. Les larmes ruisselaient sur ses joues parsemées de taches de son. Elle jeta le bijoux avec un cri de rage à la merci des profondeurs de la mer. Soudain, les embruns salés de l'océan firent place à un vent doux et chaud. L'air sentait la sève et les fleurs. Une odeur herbacée embaumait les draps dans lesquels j'étais lovée. Un éclair d'intelligence fusa dans mon esprit.
J'étais réveillée ! Et lucide. Dumë ricana dans un coin de ma tête. Le visage de la fille flotta un instant devant mes yeux fermés. Je la chassai d'une pensée, les rêves n’avaient toujours aucun sens. J'entrouvris les paupières, guettant la douleur qui enserrait mon crâne. En vain. Plus de fièvre. J'avisai mon environnement d'un coup d'œil hâtif.
Un établi rempli de parchemin et d'ustensiles en terre cuite. Des murs de bois parsemés de roses trémières. J'étais allongée sur une paillasse au sol, dans la hira de Myra. Les murs recouverts de bocaux et de plantes en terre me tirèrent un sourire en coin. Rien n'avait changé d'un pouce.
Je me redressai sur les coudes, mieux valait tester mes limites tout de suite. Une décharge de douleur étira mes muscles et me coupa le souffle. Je m’immobilisai aussitôt, une grimace collée au visage. J'étais vivante, mais dans quel état. J’étouffai un grommellement lorsqu'une fugace présence traversa mon esprit. Je fronçai les sourcils, hélai ma magie.
Non, compris-je, elle n'avait pas traversé. Elle s'était manifestée. Cette flamme qui vacillait doucement dans un recoin de mon esprit. Elle avait tenté de se faire discrète. Je souris. Tu me dois des explications, mage de Feu. La flamme s'agita, une douce chaleur se répandit dans ma poitrine.
La porte s'ouvrit soudain avec fracas. Une dryade aux longs cheveux blonds s’engouffra dans la hîra, les bras chargés de plantes en tous genres. Elle se débarrassa de son fardeau sur l’établi déjà bien encombré. Un effluve âcre envahit la pièce. Son premier réflexe fut de poser les yeux sur moi. Son regard rosé croisa le mien. Ses pupilles s'agrandirent de stupeur. Elle se précipita à mon chevet avec un cri étranglé.
— Atalaya ! Oh, par Raama !
Elle glissa une main au bas de mon dos pour me redresser en position assise. Je sifflai de douleur à chaque mouvement. Myra palpa la moindre parcelle de mon corps sans s'en émouvoir. Je découvris mes bras, mes jambes et mon buste drapés de bandages imbibés de cataplasme.
— Plus efficace contre les douleurs musculaires, marmonna-t-elle face à ma mine atterrée.
Une fois son inspection terminée, elle posa ses mains sur mes épaules. Un sourire tremblant étira ses lèvres fines et elle m'attira dans ses bras avec douceur. Je lui rendis son étreinte délicate avec toute la tendresse qui m'envahit. Myra m'avait sauvé la vie.
Elle sentait la fleur d'oranger et le miel. Je respirai son odeur à plein poumons, heureuse d'être auprès d'elle. Ce qu'elle m'avait manqué.
— Mō sîohbãn ! murmurai-je
Les mots s'écorchèrent contre mes cordes vocales desséchées. Myra s'écarta d'un bon, elle attrapa une gourde sur l'établi et me la tendit aussitôt.
— Bois.
Je ne me fis pas prier. J'avalai à grandes gorgées l'eau aromatisée. Sûrement une infusion froide de feuille de bellisée. Myra avait dû en rapporter du Semandar. Les produits en provenance de l’Eldöryan du Nord ne se commerçaient qu'à Cyllandîr. La jeune dryade attendit patiemment que j'eus bu tout mon soûl, puis elle reprit la gourde et la reposa à sa place. Ses yeux papillonnaient sur mon visage, puis sur mes bandages, sans parvenir à s'apaiser.
— Comment tu te sens ?
J’inspirai profondément, à l’écoute de mon corps.
— J'ai mal partout, avouai-je. J'ai l'impression d'avoir été écrasée par une horde de pantigra. À part ça, je pense que ça va.
— Encore heureux que tu ne sois pas complètement guérie, après la frayeur que tu nous a causé, ricana la dryade.
Je pinçai mes lèvres d'un air coupable. Elle avait enduré une angoisse terrible par ma faute. Ses prunelles rubis étincelaient derrière son masque pincé. Sa manière à elle de me faire payer ma bêtise. Pourtant, elle ne semblait pas d’humeur à me faire la morale. Elle respirait fort, l’émotion lui enserrait la gorge. Je pressai ses mains dans les miennes avec douceur.
— Myra, je…
— Plus tard, esquiva-t-elle d'une voix autoritaire. J'ai des questions.
Ça, elle devait en avoir de nombreuses. Mais la plus importante flottait entre nous comme un espoir qu'on redoute de briser.
— Il est en vie ? finit-elle par souffler du bout des lèvres.
J'esquissai un sourire ému, acquiesçai.
— Oui, Daisyel est en vie.
Je refoulai mes larmes à grand peine tant le sanglot qui étrangla la dryade me déchira l'âme. Elle pressa mes mains plus fort.
— Et cet enfant ? Qui est-il enfin ? Rhee a refusé de me répondre.
Je notais l'information dans un coin de ma tête, avant de rassembler mes pensées.
— Il va falloir m'écouter, Myra. Je vais… tout te raconter. Tout ce qui m'est arrivé depuis que nous nous sommes quittées.
Elle hocha la tête avec gravité. Et elle m'écouta sans m'interrompre. Son visage se décomposa au fur et à mesure qu'elle comprit les raisons de notre fuite, de la présence de Lay et surtout, celle de Rhee. Les mots lui échappaient, cette fois.
— Nous allons devoir affronter l'obscurité, répéta-t-elle d'une voix blanche.
J'esquissai un sourire sans joie.
— Les dryades ne feront rien, Myra, réfutai-je. Pas tant que l'Eldöryan vous protègera.
— Nous ne pouvons pas attendre bêtement qu'elle prenne en force ! C'est maintenant qu'il faut se défendre !
— Je ne te donne pas tort, mais tu connais aussi bien que moi la position des Seinarîn.
— Il faut que tu rencontres la Seinarîn Lysandrael. Tu dois te présenter à Cyllandîr, décréta Myra.
Je la dévisageai, les yeux ronds.
— La Seina Reisha te l’a déjà proposé, je le sais. Tu as refusé par trois fois. À présent, ce n'est plus une option. Tu es l’Héritière des Mages, il est de ton devoir de te rendre à Cyllandîr.
— Tu sais très bien pourquoi je ne veux pas y mettre les pieds, grondai-je.
Un éclair de compassion traversa ses prunelles rubis. Elle pressa mon épaule avec tendresse.
— Laya, il y a cinq ans, te tenir devant les portes de Cyllandîr aurait signé une déclaration de guerre. Aujourd'hui, il n'y a plus de guerre qui tienne car il n'y a plus de peuple à combattre.
— Tu fais fi des Sheioff ?
Elle haussa un sourcil moqueur.
— Parce que tu les pèses dans la balance, toi ? Soit, alors laisse moi avancer mon deuxième argument.
— Le premier n'en était pas vraiment un, marmonnai-je.
Elle plissa les paupières, courroucée.
— J'ai senti ta Lumière et ton Feu, shēeni. Il est trop tard pour te voiler la face. Tu as laissé parler ton sang, tu dois assumer ton rôle.
Je serrai les poings, les lèvres pincées. Affronter la Seinarîn des dryades du Sud relevait du suicide. Elle vivait pour les Premières. Celles-là même qui avaient désavoué Isadora, des siècles plus tôt. Ses descendants n'étaient pas les bienvenus en Eldöryan. Qu'un Seinar m'offre l'asile, soit. Mais que j'ose requérir une entrevue avec la Seinarîn Lysandrael, c'était un affront sans faux-semblants.
— De quel rôle parles-tu exactement ?
Elle soupira, cette fois excédée par mon refus de se ranger à son avis.
— Tu es l’Héritière des Mages, leur dernier rempart contre l’obscurité. Tu es leur Lumière, celle qui se lèvera contre Léander.
— Tu récites une prophétie qui n'a jamais été écrite, ricanai-je.
— Oses prétendre que ce n'est pas ce que tu vas faire ?
Ma mâchoire se contracta involontairement.
— Je ne suis pas le pantin d'une destinée tracée dans la déchéance, maugréai-je. Je me battrai pour ceux que je veux protéger, certainement pas au nom d'une cause qui ne me concerne pas.
— Tu peux faire tomber tellement de mur, Atalaya, insista Myra. Les dryades portent le poids des erreurs du passé autant que toi. Ensembles, nous pouvons dépasser ces barrières qui ont cloîtré nos esprits trop longtemps.
Je lui jetai un regard suspicieux. Elle me dissimulait quelque chose de plus important que son revirement.
— Tu as rencontré la Seinarîn au Semandar, n'est ce pas ? devinai-je. Pourquoi le taire ?
Elle se releva d'un bond souple, non sans grimacer, et se dirigea vers une étagère.
— La Seina Reïsha n'est pas encore au courant, avoua mon amie à regret.
Ma stupeur n'eut guère le temps de s'épanouir. Myra extirpa de derrière un panier garni de romarin un parchemin bleu pâle, comme recouvert de poussière turquoise. Une missive de la Seinarîn, sans aucun doute.
— Il est pour toi.
Elle me tendit le précieux rouleau, sans croiser mon regard.
— Qu'est ce qu'il contient ?
— Contente toi de le lire, tu auras déjà suffisamment de questions ensuite.
Je ravalai ma curiosité et détachai le ruban de soie cyan pour déplier la missive. Tracée à l'encre bleu nuit, les mots s'alignaient dans un balië parfait et un tracé plus fin que le meilleur des scribes de la cour du Seigneur Haddrix.
“ Sîn Diaslîn,
Puisque c'est ainsi que l'on vous nomme en ces lieux. Je souhaite tout d'abord vous adresser mes condoléances. Je crois qu'elles sont surfaites, tant elles sont bien inutiles face à la peine que vous avez enduré avec courage.
Si vous recevez cette missive, alors vous avez à nouveau posé le pied en Eldöryan du Sud, sur mes terres. Nulle intention de ma part de vous en chasser. Je souhaite simplement porter à votre attention certaines choses.
L'obscurité s'est réveillée, mais je crains que vous ne le sachiez déjà. Les Premières ont enfoui des secrets ici qui ne peuvent plus être passés sous silence. Pas si nous voulons survivre.
Je vous en conjure, Atalaya de Tirawan, répondez à mon appel. Vous êtes la porteuse de la Lumière des Mages. Nous avons besoin de vous. Je vous attendrai à Cyllandîr au Semandar d'hiver au plus tard.
Qu'Isadora guide vos pas jusqu'à moi. Qu'elle vous donne la clé pour retrouver ce que les Premières nous ont laissé.
Lysandraël, Seinarîn de l'Eldöryan du Sud ”
Je relus par trois fois la missive de Lysandraël. Ce morceau de papier était inestimable. Il représentait au bas mot l'absolution d'Isadora et le blanchiment du sang de ses descendants, des Mages. Lysandrael venait de nous placer sur un pied d'égalité. Elle m'offrait le poids de ma voix sur l'échiquier politique des dryades et des descendants des Premières.
Je dévisageai Myra, incrédule. Un frisson me traversa tandis qu'une quinte de toux m'empêcha de formuler mes mots. Je me renfonçai dans les coussins, soudain faible. La dryade posa aussitôt une main sur mon front et se précipita vers son établi. Elle me fourra un bol rempli d'une soule verdâtre dans les mains. Enfin, plutôt une bouillie à l'odeur trop âcre pour avoir bon goût.
— Myra…, protestai-je avec une grimace de dégoût.
Inflexible, elle replaça le ramequin que je venais de repousser entre mes mains.
— Le remède ne fait plus effet, tu dois l'avaler. Trois fois par jour pour l'instant, tu pourras peut-être réduire les doses dans quelques temps.
— J'espère bien ! m'écriai-je. Combien de temps, d'ailleurs ?
Myra me jeta un regard étrange, qu'elle remplaça à la hâte par un sourire de façade. J'aurais juré avoir aperçu du regret ou du dépit dans ses yeux.
— Aussi longtemps que je le déciderai ! railla mon amie
Je ne répliquai pas, le visage fermé. Mes doigts se crispèrent autour du bol en terre cuite. Son sourire disparut, pour céder la place à une moue résignée.
— Que ne m'as-tu pas dit ? m'enquis-je d'une voix tendue
Elle mit un point d'honneur à lisser les plis de la couverture avant de formuler sa réponse. Un tic nerveux que je ne lui connaissais pas. Un mauvais pressentiment m'assaillit.
— Tu n'es pas complètement guérie.
— Ça, j'avais saisi.
Un sourire en coin étira furtivement la commissure de ses lèvres.
— Rhee déteint sur toi, tu mords comme tu brûles, ne put-elle s'empêcher de commenter.
— Myra !
— Je n'ai pas trouvé l’antidote, Laya.
Cette fois, le silence se fracassa au sol. Je ravalai ma salive et penchai la tête sur le côté.
— Tu n'as pas trouvé…, répétai-je d'une voix atone. Mais comment… ?
Myra inspira fébrilement, une grimace frustrée déforma son visage. Elle qui d'habitude conservait un sang-froid à toutes épreuves, semblait dépassée par la situation.
— C'est à Rhee que tu dois la vie, je te l'ai dit, grogna-t-elle.
— Sans toi, je serais morte, insistai-je en posant ma main sur la sienne.
— Tu ne comprends pas, s'écria la dryade.
Elle secoua la tête. Des larmes perlaient au coin de ses yeux.
— Myra, explique-moi !
Elle se leva d'un bond. Ses émotions venaient de déborder.
— Je n'ai pas d'antidote ! Je ne l'ai pas trouvé, je ne sais pas ce qu'est cette plante. Je ne peux pas te sauver…
Je refermai mes lèvres entrouvertes et déglutit bruyamment. Elle désigna la porte d'un geste brusque.
— Tu vis parce qu'il te maintient en vie. Parce que ce remède repousse les symptômes, mais il ne te sauvera pas la vie. Pas tant que je n'aurais pas mis la main sur cette plante.
Myra frappa l’établi d'un poing rageur.
— Je ne fais que maintenir tes constantes vitales à un niveau suffisant. Je ne parviens qu'à donner un coup de fouet à ton système immunitaire.
Comme si ses mots trouvaient sens dans mon esprit, celui-ci se mit à tourner autour de cette présence qui stagnait à ses côtés. Ce filet inextricablement lié à mon subconscient. Je n'avais pas ressenti à quel point il stabilisait ma conscience.
— C'est Rhee qui garde ton esprit éveillé, qui le retient de toutes ses forces. Lui qui tient le poison à distance.
— J'ai compris, murmurai-je. Enfin, je crois.
Aucune larme ne vint s'échapper de mes yeux. Mon estomac s'était comprimé, mais je ne m'effondrai pas. Probablement parce que je refusais d'y croire. Au lieu de laisser la colère s'épanouir, je me concentrai sur celle de mon amie. Je refusais de la laisser craquer par ma faute. Je lui tendis une main qu'elle saisit sans hésiter.
— Le temps est compté à qui les Premières ont décidé, Myra, murmurai-je doucement.
Ses prunelles s'étrécirent instantanément.
— Les Premières sont mortes, ce n'est plus à elles de décider. Moi, je te le promets, je ne te laisserai pas mourir. Je vais trouver cette plante.
J'humidifiai mes lèvres du bout de ma langue, soudain la gorge sèche. Les mots de la dryade résonnaient dans ma tête avec l'écho d'une autre voix. Plus grave. Plus prégnante encore. Je fermai les paupières un instant, le visage du mage de Feu s'imprima en contour lumineux. Où était-il d'ailleurs ?
Un coup brusque fut asséné contre la porte de la cabane. Je jetai un regard interloqué à mon amie qui esquissa un sourire en coin.
— Il y en a un qui voudrait te dire bonjour, je crois. Dommage qu'il ne puisse pas entrer.
Je me redressai aussitôt, mais elle réfréna mes ardeurs d'une voix sans appel.
— Oh là, pas question ! Riv va sagement patienter. Et toi, tu ne vas pas bouger d'un orteil tant que je ne l'aurais pas décidé.
Je me rallongeai contre les coussins avec un grognement rageur. Myra me couvait d'un regard que je lui avais rarement connu. Un mélange de tendresse, d'inquiétude et de détermination. Elle angoissait, mais sa ténacité l'empêchait de perdre pied.
— Il y a quelqu'un qui pourrait nous aider, tu sais ?
Elle souleva un sourcil interrogateur.
— Daisyel. Il pourrait tout à fait connaître cette plante.
— Alors mes recherches seront écourtées, et tu seras sur pied rapidement, sourit la dryade.
Bien que son sourire n'atteigne pas ses yeux, j'admirais les efforts qu'elle y mit.
— Vous ne vous êtes pas donné tout ce mal pour me ramener, pour me perdre comme ça ! plaisantai-je à demi
Comme elle ne réagit pas, je claquai dans mes mains avec un entrain exagéré.
— Bon, quel est le programme ? Je veux bien rester cloîtrée ici, mais s'il te plaît je ne veux pas être inutile. J'en ai par-dessus la jambe de rester alitée.
— J'ai quelque chose qui pourrait t'intéresser, je crois, s'écria-t-elle avec un sourire rusé.
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