Chapitre 4 Fais-lui confiance
Le sang battait à mes oreilles tandis que le feu démangeait mes muscles. L’odeur du souffre imprégnait l’air. Pas étonnant lorsqu’on interdisait à un Mage de Feu de se battre ! Je trépignais d’impatience derrière le battant clos tout en jetant des coups d’œil répétitifs aux allées et venues incessantes tout autour. Au lieu de faire le pied de grue, je devrais être en train de superviser les jeunes recrues pour vider l’armurerie ! Pas perdre du temps bêtement, il nous était trop précieux !
À l’instant où je tournais les talons, la porte s’ouvrit à la volée. Le chef des sentinelles en sortit, sourcils froncés. Il me jeta un regard courroucé, me bouscula sans ménagement avant que je n’ai pu l’interroger et disparut dans l’obscurité. Je fixai intensément l’orée de la forêt où il venait de s’enfoncer, hébété. Puis, l’urgence de la situation me rattrapa.
— Vous m’avez fait demandé, chef ? m’enquis-je en pénétrant dans la maison
Jonathan d’Othien se tenait debout, vêtu de son armure de combat, sa seconde à ses côtés. Ses lèvres pincées m’empêchèrent de satisfaire ma curiosité, j’attendais mes ordres.
— Je veux que tu diriges l’unité de Fabian pour couvrir nos arrières jusqu’au Gouffre de Dhraein, Rhéod se chargera des autres Sentinelles. Fabian ne nous accompagne pas, il est chargé d’une autre mission.
La confusion grimpa d’un cran, je penchais la tête sur le côté, pas dupe.
— Qui nous attaque ? Vous n’allez pas me faire croire que ce sont des Hommes !
— Non, ce ne sont pas des Hommes, Rhee, confirma posément Eléanora, ses longs cheveux châtains dissimulant un côté de son visage. Nous sommes dans l’incertitude, les Sentinelles Eclaireurs n’ont rapporté que peu de détails.
— Ce sont des mages de l’Air, trancha Johnatan d’une voix tendue. Celui qui semble mener l’attaque est un jeune nommé Daisyel.
Je haussai un sourcil étonné.
— Vous le connaissez ?
— Une alliée le connait, et tu iras la trouver une fois que le clan sera en sécurité. Fabian devrait nous avoir rejoints d’ici là. Quoi qu’il se passe, je veux que tu ailles la chercher à Vëonar. Elle est notre seul espoir.
Une moue sceptique se peignit sur mon visage.
— Une humaine, notre dernier espoir ?
— Elle se nomme Atalaya, tu iras la trouver à l’Académie, poursuivit mon chef sans relever, la province frontalière avec Faiz. Evite de la contrarier, nous n’étions pas forcément en bons termes la dernière fois que nous nous sommes vus, mais je sais qu’elle viendra. Quelles que soient ses conditions, accepte-les, elle est notre seule chance d’échapper à ces Mages de l’Air.
Des dizaines de questions brûlaient le bout de ma langue, mais nous n’avions pas le temps pour ça. Il était clair que Johnatan me cachait une bonne partie de la vérité, cette Atalaya représentait bien plus pour lui qu’une amie, mais la confiance qu’il plaçait en elle suffit à me convaincre. J’acquiesçai vivement sans tergiverser, pressé de retrouver les recrues et de mettre de la distance avec l’ennemi qui approchait.
Eléanora s’approcha alors que mon chef s’éclipsait, parti régler les derniers détails de l’évacuation. Elle posa une main sur mon épaule et la pressa tendrement.
— Ais confiance en nous, mon fils, nous ne prenons pas la fuite par lâcheté.
J’esquissai un sourire coupable, la frustration devait saturer mon aura.
— Le Gouffre de Dhraein n’est qu’une solution de repli temporaire, si tant est que la situation se stabilise.
Une lueur étrange tapissait le fond de ses prunelles vertes.
— Qu’est-ce que vous ne nous dites pas ? devinai-je avec appréhension
— Il est trop tôt, Rhee. Il est des choses qui doivent rester cachées pour la sécurité du plus grand nombre.
Ma mère se détacha de moi après m’avoir ordonné de rejoindre mon poste. Il nous restait moins d’une quinzaine de minutes pour mettre les voiles. Un tourbillon d’incertitude planait aux frontières de mon esprit. J’aurais bien tenté de joindre Fabian pour lui tirer les vers du nez, mais il m’avait bloqué l’accès à ses pensées depuis longtemps.
Je contactai mentalement les membres de son unité afin de nous mettre au diapason. Pas sûr que cette promotion temporaire leur plaise, après tout, je n’étais même pas une Sentinelle. À mon grand soulagement, les vieilles habitudes avaient la vie dure et je retrouvai les réflexes sans trop de difficulté, l’entrainement ne datait pas de si loin. Je fis un crochet par l’armurerie et dénichai in extremis une tenue de Sentinelle pas encore emballée.
Qui était donc cette Atalaya, et plus encore, qu’est-ce qui était en train de se passer ? Une troupe d’homme armés avait été aperçu une bonne heure plus tôt par les Sentinelles en veille, au nord-ouest du village. Comment avaient-ils bien pu pénétrer Othien, c’était un mystère. Leur aura de Mage avait été détectée au quart de tour, mais ce n’étaient clairement pas des Tamar. Il fut assez vite évident que leurs intentions étaient hostiles.
Alors que l’excitation de la bataille à venir s’était répandue dans le village comme une trainée de poudre, notre chef avait ordonné la fuite vers le Gouffre de Dhraein, en plein cœur des Montagnes de Shinéar, dès que la description du chef de l’escouade était parvenue à ses oreilles. Celui-là aussi, il devait le connaitre. Cette attaque surprise était inexplicable d’autant plus que nos assaillants sortaient d’on ne savait où.
Quelque chose clochait clairement. Jamais Fabian ne m’aurait cédé sa place à la tête de son unité, plutôt perdre ses deux bras. Son absence combinée à l’apparition de cette mystérieuse alliée confortait mon idée. Ce nouvel ennemi n’était pas n’importe qui et Johnatan savait à qui il avait à faire.
Un cri strident interrompit brutalement le fruit de mes réflexions.
— Le feu ! couina une recrue. Othien flambe !
Je tournai la tête dans la direction pointé par son index. Effectivement, une fumée âcre s’élevait du haut des arbres et une lueur rougeoyante remplissait l’horizon. Simultanément, une corne de brume retentit à travers tout le village.
— Rejoignez la place centrale du village, ordonnai-je aux jeunes aux yeux exorbités par la terreur. Tant pis pour tout ce qui traine, on décolle !
Ils ne se le firent pas dire deux fois. Je couvris leur arrière et, arrivé en vue de la foule, m’assurai d’un coup d’œil que mes armes étaient bien sanglées. Puis, je bondis sur un balcon et d’une traction, me hissai sur le toit d’une maison surplombant la place. Johnatan, au centre, donnait ses ordres tandis que Rheod répartissait ses troupes et les Sentinelles autour du reste du clan. Une ombre se forma à mes côtés.
— Heureux de te retrouver, camarade, me salua Naath, un sourire en coin.
Sa carrure imposante écrasait ma silhouette vu de loin, mais elle n’égalait que son sens profond de l’équité. Un vrai compagnon sur qui on pouvait compter. Je dénombrai les quatre autres membres de l’unité perchés sur les toits voisins, trop éloignés pour que je distingue les traits de leur visage.
— Prêt pour le coup d’envoi ? me contentai-je de lancer
Un ricanement de défi me répondit tandis que le tonnerre grondait au loin. La partie allait commencer. À nous six, nous allions devoir tenir à distance l’escouade ennemie, tandis que le clan atteindrait les tunnels. Une fois disparus dans les profondeurs souterraines d’Othien, nous allions les rejoindre, tout en s’assurant que les entrées étaient correctement dissimulées. L’adrénaline inonda mes veines en même temps que les nôtres se mirent en marche, organisés aux millimètres près.
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