98. Utopie
Le centre d'entraînement spatio-temporel de Nash Markios s'était révélé être une excellente idée. En quelques jours seulement, les nouveaux anges avaient appris à voler et à utiliser la plupart de leurs pouvoirs divins. Cependant, ce fut la panique générale lorsqu'ils avaient réalisé que le passage entre le Saint Royaume et leur dimension avait été rompu. Ils n'avaient pas accès au monde d'Aeglys non plus. Prisonniers dans cette bulle magique, au milieu de nulle part, les membres de la Septième Brigade et les esprits élémentaires commençaient à s'inquiéter.
— Que fait-on, maintenant ? grogna Flint, au beau milieu d'un après-midi.
Ils étaient tous rassemblés en face de leur grande maison. Nash avait tenté de leur ouvrir deux passages, celui de leur monde d'abord, puis celui qui les mènerait à la salle des portails. Ce fut sans succès. Sur son dispositif portatif, ces accès lui étaient refusés. Il réessaya. Quand il réalisa qu'il ne pourrait rien faire pour aider son groupe, il poussa quelques jurons avant de faire les cents pas autour d'eux. Ils étaient pris au piège, par sa faute.
— Il doit bien y avoir un moyen de sortir d'ici, non ? suggéra Shayne. Une issue de secours, une trappe secrète...
— J'ai bien peur que non, râla Nash. Cette dimension privée a été conçue spécialement pour Athéna. Son père la lui avait offerte l'an dernier, mais elle ne s'en est jamais servie. C'est elle-même qui m'avait proposé de nous en servir...
— Tu veux dire... que cet endroit a été créé par l'ancien Zeus ? interrogea Flint. Si c'est le cas, il lui a probablement fait ce cadeau pour une raison très importante. Crois-tu qu'il lui a laissé un message secret quelque part ?
Nash cligna des yeux et grimaça de doute.
— Ce n'est pas bête du tout comme idée, remarqua-t-il. Mais où pourrait-il avoir laissé un message codé pour sa fille ?
Flint haussa des épaules avant de demander :
— Les souvenirs que Zeus t'ont légués, ne peuvent-ils pas t'aider ?
— Hélas non, j'en ai peur. Bien que j'aie hérité des pouvoirs de ton grand-père, je suis coupé de lui et de ses précédentes incarnations. J'ignore pourquoi. Athéna m'a expliqué qu'il s'agit peut-être d'une complication qui aurait eu lieu lors du transfert de pouvoirs, ou bien les souvenirs sont simplement enfouis dans ma tête. Je n'arrive juste pas à y accéder.
— Dans ce cas... y a-t-il pas une machine centrale qui est la base de ce monde artificiel ? Une boîte électrique qui commanderait tout le reste, par exemple ? Peut-être que c'est là qu'on devrait chercher en premier...
Nash claqua des doigts et sauta sur place.
— Le panneau d'administration ! s'exclama-t-il. Flint, tu es un génie !
Flint ne comprenait pas du tout où il voulait en venir, mais haussa des épaules et sourit bêtement. Même si Flint était reconnu pour son caractère ambivalent, il faisait preuve de débrouillardise et de créativité dans plusieurs situations. Son mari ne fut même pas étonné de voir qu'il gardait son calme, alors que les autres s'inquiétaient.
— C'est quoi ça ? demanda Luna.
— Le panneau ? répondit Nash. C'est par là que tout commence lorsqu'une dimension comme celle-ci est créée. D'après mes souvenirs, Zeus m'a un jour raconté qu'il avait placé tout ça dans la chambre réservée à sa fille. C'est là où Flint et Gabriel dorment tous les soirs.
— Ah bon ? fit Gabriel. Je n'ai jamais vu tout ça...
— C'est sûrement parce que c'est dissimulé derrière un objet quelconque, répliqua Nash. Toutes nos salles de bains sont connectées à des machines pour soigner nos blessures ou changer nos apparences, mais le panneau d'administration central doit être quelque part où vous n'avez pas encore cherché.
Flint se gratta la tête, il se demandait où tout ça pouvait se trouver.
— Allons vérifier dans cas ? proposa-t-il.
— Il vaudrait mieux que ce soit moi qui aille fouiller votre chambre, dit Nash. Je m'y connais plus en machines que vous et il n'y a pas assez de place pour y mettre tout notre groupe.
Flint hocha la tête. Il n'aimait guère leur situation actuelle, mais au moins, ils n'avaient manqué de rien, jusque-là. Du jour au lendemain, ils étaient passés d'une vie répugnante dans l'enfer d'Aeglys, pour ensuite atterrir sur ce petit paradis terrestre où ils pouvaient manger de tout et profiter de la belle température. Il appréciait de pouvoir se laver tous les jours, sans avoir peur de gaspiller les ressources de ce monde.
— En tout cas, c'est bizarre tout ça... soupira Luna. Tout allait si bien, il y a cinq jours. Qu'est-ce qui a pu arriver, entre-temps ?
— Je l'ignore, répliqua Flint, mais ça ne me dit rien qui vaille. Nous sommes obligés de rester ici, j'en ai peur...
— Enfin, ce n'est pas comme dans la dimension maudite, formula Wyatt, près d'eux. Ici, au moins, on peut cuire tout ce qui nous passe par la tête. Une chance...
— Mouais... surtout qu'on peut tout faire avec cet endroit, continua Luna. Hier, on a fait pleuvoir, rien qu'avec une commande. Imagine ce que nous pourrions faire à la longue...
— Le seul problème, c'est que tôt ou tard, les dieux du Saint Royaume vont sûrement remarquer que quelqu'un joue dans leurs ressources, expliqua Charlie, sous sa forme de hache. Ce centre d'entraînement a beau être un sanctuaire privé pour Athéna, il a quand même été construit à partir de la sorcellerie divine.
Luna sursauta et se tourna vers l'arme de Gabriel.
— Dis donc Charlie, commenta-t-elle. Tu m'as fait peur !
— Pardon, ce n'était pas dans mon intention.
— C'est que tu n'as pas beaucoup parlé, aujourd'hui, expliqua le colosse. On se demandait si tout allait bien.
— Je réfléchissais, c'est tout, ajouta le tigre. Dia et moi, nous avons eu le temps d'explorer cette dimension, de fond en comble depuis notre arrivée. En premier, elle faisait la grosseur d'une ville comme Baldt. Mais avant-hier, nous avons décidé de faire la course autour du globe et nous avons remarqué qu'il était beaucoup plus large qu'avant et qu'il y avait de plus en plus d'arbres et de rivières qui se formaient partout.
— Où veux-tu en venir ? demanda Flint.
— Le centre d'entraînement serait en train de grandir pour nous, continua Charlie. Je ne sais pas ce que ton oncle a fait, mais depuis qu'il a rajouté ces arbres et cette chute d'eau, les lieux sont devenus un peu plus vivants chaque jour. D'après moi, tout n'a pas fini d'évoluer.
— Serions-nous en train d'assister à la naissance d'une nouvelle planète ? questionna alors Luna.
Tous haussèrent des épaules.
Nash était entré à l'intérieur de leur abri temporaire depuis quelques minutes déjà et il n'y avait rien d'autre qu'ils pouvaient faire, sauf relaxer.
— Je propose que nous essayions de nous changer les idées, pendant que mon oncle fera ses recherches, déclara le Flint. Nous avons tous dîné, donc je pense que je vais me rendre à la cuisine avec Gabriel pour nous trouver des idées de recettes. Si rien ne change d'ici à ce soir, nous préparerons un souper.
— Bonne idée, fit Dia, à côté de lui. Ça ne sert à rien de rester ici, les bras croisés... enfin... les pattes croisées, pour mon cas.
Dia était allongée près de son porteur et avait écouté la conversation en cours, sans s'y mêler. Un instant plus tôt, elle avait ressenti un tintement dans ses oreilles. Elle avait eu l'impression d'avoir perdu toute trace de sa Créatrice. Elle ne la percevait plus avec son cœur et cela l'inquiétait. Les membres de sa fratrie l'avaient tous remarqué. Ils attendirent que leurs porteurs aillent se promener un peu, avant de tous se rassembler, dans un cercle.
— Ai-je raison de croire qu'Athéna n'est plus des nôtres ? dit Charlie à ses frères et sœurs, une fois qu'il avait repris sa forme animale.
Gabriel s'éloignait en direction de la maison, avec Flint.
— Peut-être, répliqua Dia à son frère.
— Ce n'est pas dans la nature de notre créatrice de partir si loin, sans nous prévenir, ajouta Windy. Quelque chose de mal lui est sûrement arrivé.
— Que doit-on dire aux autres, alors ? questionna Nox. Shayne se doute déjà que j'ai un truc sur la conscience.
— Attendons de voir ce que Nash trouvera, fit Charlie. Pour le moment, je vous demande à tous de rester discrets. Il ne faut surtout pas que nous paniquions. Nos amis ont déjà assez de stress comme ça.
Toutes les créatures élémentaires hochèrent leurs têtes en même temps, puis se dispersèrent afin d'aller retrouver leurs camarades.
¤*¤*¤
Nash avait fini par trouver ce qu'il cherchait : l'ordinateur central de la chambre du maître, soit celle d'Athéna, où dormaient Flint et Gabriel chaque soir. La tour était cachée dans le placard de la demoiselle et était relié à plusieurs cordes qui se rendaient partout dans la maison. Au bout de trois heures de recherches, avec l'aide de son bracelet magique, il avait fini par trouver ce dont il avait besoin et avait rassemblé tout le monde dans la salle à manger, après le souper. Il déposa l'appareil sur la grande table et appuya sur un bouton.
Un hologramme du Roi Zeus, le père adoptif d'Athéna, apparut au-dessus de ce dernier. Tous tournèrent leurs attentions vers le petit corps transparent qui venait de se former, comme par magie.
— Athéna, ma chère enfant, commenta le dieu. Si tu vois ce message aujourd'hui, sache que j'ai pris la bonne décision de te remettre la clé de cette dimension. Je ne voulais pas t'inquiéter, mais ça fait quelque temps maintenant que je soupçonne un coup d'État de la part du Conclave. Ces derniers sont furieux que nous ayons commencé à adopter ta façon de gérer les choses au Saint Royaume. Ils disent que nous nous éloignons des anciennes traditions qui ont toujours été très importantes pour les autres factions. J'ai décidé de ne pas prendre de risque, alors j'ai construit cette cachette, rien que pour toi.
Il fit une courte pause avant de ramasser ce qui semblait être une tasse de thé, qu'il avait prise sur une table invisible. Il prit une gorgée avant de poursuivre.
— Tu dois sans doute te demander pourquoi je t'ai dit que tu n'avais pas le droit de venir ici avant ma mort, n'est-ce pas ? formula-t-il. En fait, une rumeur circulerait comme quoi quelques membres du Conclave souhaiteraient me voir mourir et que pour cette raison, ils ont commencé à engager des démons de notre enfer, afin de provoquer des émeutes et tenter de nous tuer. Donc, si tu visionnes ceci, c'est parce que je suis bel et bien mort et que tu as décidé de suivre mon conseil de partir loin du château. Je suis certain que nos amis pourront te protéger. Malheureusement, je ne serais pas là pour connaître la fin de ce conflit.
Cette dernière phrase donna des frissons dans le dos de Nash, qui avait lui-même assisté à la mort de son roi.
— J'espère seulement que dans ce nouveau monde, tu pourras t'épanouir et reconstruire tout ce que nous avons perdu, continua Zeus. Ici, tu auras tous les outils nécessaires pour y créer la vie et plus encore. Puisque mes « anciens camarades » auront montré leurs véritables couleurs, je me suis dit qu'ils ne pourraient jamais mettre la main sur ta nouvelle planète. Elle n'est même pas enregistrée dans le système, pour être sincère avec toi. Seul l'un de nos ingénieurs connaît ses coordonnées et je lui ai lancé un sort qui lui empêchera de leur révéler tout ça, sous peine d'y laisser sa vie. Comme tu peux le voir, j'ai pensé à tout. Tu n'as pas à t'inquiéter de rien... Enfin... peut-être que si...
Il contourna ce qui semblait être un pupitre et s'assit dans le vide.
— Je ne sais pas si Nash est à tes côtés ou s'il a été tué par les agents du Conclave, continua celui-ci. Tout ce que je peux te dire, par contre, risque de te déplaire. Voilà quelque temps que la plupart de nos adversaires souhaitent anéantir Aeglys et remplacer ta planète par une nouvelle Terre, où toutes les âmes qui y vivent présentement renaîtront dans un monde sans magie et sans démons. J'ai tout fait pour m'y opposer et je continuerais tant que je vivrais. Toutefois, je ne peux pas garantir que tout se passera bien après ma mort. Je compte transmettre mes pouvoirs à quelqu'un qui saura gérer la crise. J'espère honnêtement que ce sera notre nouveau général, pour être honnête avec toi. Nash a non seulement une tête sur les épaules, mais il a du cœur. Il ferait un excellent dieu pour gérer notre faction et aussi poursuivre tous tes rêves.
— Oh, mais ça alors... fit Luna, qui n'en revenait pas. Il savait tout ça...
— Chut... fit Wyatt, à côté d'elle.
Le dieu holographique se passa une main dans la barbe et s'adressa encore à la caméra. Cette fois, son ton était un peu plus grave.
— Tu sais... Athéna... commenta celui-ci. J'ai toujours su en t'adoptant que tu serais une fille spéciale, en grandissant... Je sais que je n'ai pas toujours été le père idéal pour toi, mais je n'ai jamais cessé de croire en toi, même sous cette façade de dieu sévère. Ce monde que je t'offre, c'est un peu ma façon de te dire que je te demande pardon et que je t'aimerais toujours... peu importe où je serais après cette lettre... Tout te semble si sombre en ce moment, mais je peux te l'assurer, tu survivras et un jour, tu vengeras ma mort. Mon souhait le plus cher est que tu deviennes la Reine de l'Olympe. Il est plus que temps que ce soit une femme qui prenne les commandes, pour changer...
Il salua finalement la caméra, délicatement. Il pleurait et s'essuya les yeux.
— Adieu, ma fille... Papa t'aime très fort...
L'hologramme disparut.
Ils étaient tous ébahis par ce message. La plus émue était Cassandra qui pleurait à chaudes larmes. Elle recouvrit son visage d'une main, alors que son amant tentait de la réconforter. La grande compassion de la guérisseuse était un trait que plusieurs d'entre eux appréciaient. Ils avaient tous compris le but de ce message. Il était destiné à la déesse, au cas où un conflit civil éclaterait entre leur faction et les membres du Conclave. Zeus avait précisé que ce monde était une nouvelle planète et non une simple zone d'entraînement. En fait, il avait dissimulé celle-ci sous un faux terme.
— Pffft... s'exprima Misaki qui se laissa choir sur la table. C'est tellement lourd, tout ça. Je ne m'attendais pas à une telle histoire.
— Il avait déjà tout prévu... marmonna Nash, pour lui-même.
— Se pourrait-il qu'Athéna ait eu des doutes que le Conclave nous trahirait ? demanda Flint, qui se tourna vers son oncle.
— Sûrement... parce qu'elle avait reçu le message de venir ici, seulement après sa mort, expliqua le Roi de l'Olympe. Son chagrin était si grand qu'elle a tout oublié de cette clé...
Nash pointa le bracelet en disant cela.
— Elle le portait tout le temps à son poignet, avant votre arrivée, ajouta-t-il. Elle a décidé de me le donner, peu de temps avant votre réveil, puis m'a expliqué son plan de nous envoyer ici pour un entraînement. Je ne sais rien de plus.
— En tout cas, grand-père avait l'air d'un chic type, mentionna Lucas. C'est triste qu'il ne soit plus là...
Nash tourna son regard vers son neveu et hocha la tête.
— Au départ, je pensais qu'il était trop sévère, mais il s'est beaucoup adouci en observant tous nos exploits sur Aeglys, ainsi que ceux de ses petits-enfants. Je lui envoyais toujours des images de nos ordinateurs qu'il visionnait, lorsqu'il n'était pas occupé. Dans le temps où j'étais l'assistant de sa fille, elle me permettait souvent de jouer sur leurs machines... C'était vite devenu une habitude pour moi.
Luna trouvait cette conversation touchante, mais cela ne réglait, en aucun cas, leur problème de portail.
— Est-ce vraiment tout ce qu'il y avait sur l'ordinateur central ? demanda celle-ci.
Nash haussa des épaules.
— Malheureusement, je ne m'y connais pas assez en informatique pour fouiller partout dans la base des données. Ça me prendra encore quelque temps pour comprendre cette base de données.
Luna souffla des narines et se leva de son siège.
— Allons voir ça de plus près dans ce cas. Si je suis capable de décoder des formules de chimie avancée, je peux très bien apprendre comment fonctionnent ces machines bizarres. Fais-moi apparaître un manuel d'instruction et je vais te faire ça, les deux doigts dans le nez !
— Tu ferais ça pour nous ? gloussa Flint.
— Bah ouais ! Détrompez-vous, j'adore cette planète magique et c'est amusant de faire apparaître ce que l'on souhaite avec ce bracelet ultrachic, mais où sont les défis, dans tout ça ? J'ai envie de faire face à un peu de difficulté !
Nash sourit et hocha la tête.
— Tu as raison, déclara-t-il. Notre vie sur Aeglys n'était mal dans le fond. Cependant, je pense que l'on pourrait se servir de cet endroit comme une base secrète, où nous pourrions venir et décompresser... Qu'en dites-vous ?
— Ça me va, dit Gabriel. Nous pourrions y venir en vacances et s'amuser comme des fous... J'imagine déjà toutes les folies que nous pourrions faire avec...
Flint lui couvrit la bouche et se mit à rire d'embarras. Il croyait déjà savoir ce que le colosse comptait exprimer. Leurs amis pouffèrent de rire, tandis qu'ils se moquaient gentiment du capitaine et son mari.
— J'allais mentionner les ingrédients, grogna leur cuisinier qui baissa la main de son époux. Allons, Flint... Tu es vraiment trop pervers...
— Regarde qui parle, répliqua Flint, entre ses dents.
— Mouais, intervint Kylie, de l'autre côté de la table. Je crois qu'on va s'en souvenir longtemps de ce que vous avez fait avec vos corps, l'autre jour.
Estelle recouvrit son visage de honte, alors que Misaki était pliée en deux à force de rire très fort. Scottie imita cette dernière, il trouvait la conversation de plus en plus absurde. C'était la troisième fois, depuis l'incident, qu'ils parlaient de ce que le couple avait fait. Flint se sentit fondre sur sa chaise tandis que Gabriel devenait pâle.
— Bah quoi ? Ne venez pas me dire que vous n'avez pas essayé ces machines ? dit le capitaine qui leur faisait un bec de canard. Au début, c'était impressionnant, mais là, je préfère ma bonne vieille apparence...
— Dit l'homme qui a pris l'apparence d'un homme-renard, hier soir... remarqua Dia. Tu diras ce que tu voudras, Flint, mais tu t'amuses.
— J...Je ne vois pas où tu veux en venir, balbutia son porteur.
Son groupe rigola encore plus fort, pendant qu'il enfonça sa tête dans la poitrine de son mari et se mit à gémir.
— Allons Flint, fit la louve qui leva sa tête vers lui. Je disais ça pour te taquiner...
— Mes affaires personnelles ne te concernent pas, couina celui-ci.
Il toisa sa partenaire de combat et lui tira la langue, avant de retourner son visage contre le corps de son bien-aimé. Il entoura le bedon de Gabriel avec un bras et croisa ses jambes derrière les siennes, sur la chaise de celui-ci. Le colosse devait le tenir par les fesses pour l'empêcher de tomber.
— Chéri, je t'adore, mais tu es rendu trop vieux pour jouer au bébé avec moi, ricana-t-il. Ouah, et t'es plus pesant que dans mes souvenirs.
— Bouh, rechigna le capitaine.
— L'histoire de ma vie... soupira Estelle, assise un peu plus loin.
Charlie, assis tout près de la chaise de Gabriel, décida d'aller s'étendre dans le salon. Nox le suivit en silence, accompagné de Lusso.
Nash avait complètement perdu le contrôle de cette conversation. Il s'appuya sur la table sans même s'asseoir et frappa celle-ci avec son front, à quelques reprises.
¤*¤*¤
Un peu plus tard, alors que tout le monde était parti se coucher, Nash examinait toutes les commandes de son bracelet. Il y avait encore des options qu'il n'avait pas pu explorer depuis son arrivée dans cette dimension. Il avait beau avoir quelques connaissances en informatique, il n'était pas aussi doué que la plupart des divinités du Saint Royaume. Athéna aurait su que faire, lors d'une situation pareille. C'était souvent à elle qu'il s'était confié, depuis la mort de Zeus. Elle lui avait toujours conseillé de son mieux et cela lui avait permis de garder la tête froide.
— Vous devriez aller dormir, monseigneur, suggéra Cerbère, sous sa forme d'épée. Laissez tout ça pour demain.
— Je n'ai pas sommeil, Cerb', répondit Nash.
— Oui, mais vous seriez mieux reposé.
— Ce n'est pas comme si nous avions une routine à respecter ici... Mais il est vrai que nous pourrions toujours nous entraîner comme nous l'avons fait durant ces derniers jours. Le seul hic, c'est que nous sommes prisonniers de ce monde.
— N'y a-t-il rien que les esprits élémentaires d'Athéna puissent faire ? Ils sont tous réunis, après tout et représentent tous les huit éléments de base.
— C'est impossible. Ils ne peuvent qu'ouvrir des portails entre deux dimensions et seulement si c'est sur une planète qui partage plusieurs couches terrestres. Les téléportations à longues distances, ce n'est tellement leur truc.
— Et vous n'avez toujours pas suivi les cours qui permettent aux dieux de créer des portails à partir de leur énergie magique... Génial...
Le roi tourna ses yeux vers son épée et dit :
— Ha... tu fais de l'ironie, maintenant ?
— Votre amie Luna commence à déteindre sur ma personnalité...
— Mouais, il est vrai qu'elle a tendance à être sarcastique.
Il ferma les menus de son bracelet électrique et se mit les mains derrière la tête. Il était déçu par la tournure des événements, mais en même temps, il était heureux que cela puisse leur donner un peu plus de temps pour s'entraîner et renforcer leurs muscles. Certains d'entre eux avaient clairement plus besoin de bouger des ailes que les autres.
Gabriel ne pouvait pas tout le temps voler, à cause de son poids, mais arrivait à créer de puissantes bourrasques avec ses plumes. Lorsqu'il utilisait son pouvoir de transformation, toutefois, il lui arrivait de maigrir volontairement ; rien que pour imiter les autres. Il revenait rapidement à sa forme précédente, une fois qu'il revenait au sol. Il était étrange de le voir alterner entre ses formes différentes.
Les membres de la Septième brigade semblaient tous à leur aise lors des leçons de vol, sauf Wyatt. Ce dernier souffrait malheureusement de vertige et n'aimait pas se rendre très haut dans les airs. Charlie profitait toujours de ces entraînements pour reprendre sa forme de dragon et allait parfois les aider quand il envoyait beaucoup d'air dans leur direction. Windy, la crécerelle, était aussi très présente quand ils volaient. Sa parfaite maîtrise de l'élément du vent était un avantage pour leur groupe. Bref, ils avaient tous fait du progrès en quelque temps.
— Nash... dit une voix familière derrière la tête du dieu.
— Athéna ?! remarqua le roi.
— Je te parle à travers ton bracelet, dit-elle.
Rapidement, il avança ses mains devant lui et remarqua qu'une petite gemme de son accessoire brillait dans le noir.
— Par tous les Saints ! s'exclama-t-il. Où es-tu ?
— Le Conclave m'a expédié sur Aeglys lorsque j'ai découvert qu'ils étaient en train de détruire tout notre travail, déclara la déesse. J'ai fait prisonnier l'un de leurs agents, mais il refuse de m'adresser la parole.
— Mais que diable se passe-t-il ? Que veulent-ils ?
— Nous réincarner sur un monde sans magie, je crois. Ils essaient de faire revenir l'ancienne dimension, celle où vos âmes ont été récoltées illégalement. Cette fois, ce sera Aeglys qui finira comme l'enfer. Ç'a toujours été leur solution à tous leurs problèmes de démons... Ils n'attendaient que la mort de mon père pour tous nous balancer sur cette planète et nous bannir comme ils l'ont fait avec les dieux renégats.
— Un jour, il faudra vraiment qu'on m'explique en détails ce qui s'est passé avec ces divinités. Vous n'arrêtez pas de me parler de cette rébellion et pourtant, je sais si peu de choses de leur passé et pourquoi ils sont si en colère contre vous. Le pire dans tout ça est que je n'arrive toujours pas à accéder aux souvenirs de ton père.
— J'aimerais bien rester un peu, Nash, mais le temps presse. D'ici peu, la croûte terrestre sera complète au-dessus de nos têtes et il fera nuit éternellement. Ensuite, ils comptent transférer les âmes innocentes sur la nouvelle planète. Je ne pourrais pas rester plus longtemps. Le processus se fait très rapidement...
— Y a-t-il un moyen que je puisse te sauver de leur bêtise ? Un portail ? N'importe quoi ? Dis-moi ce que je dois faire, je t'en prie...
Athéna soupira. Nash comprit qu'elle aussi avait songé à cette solution.
— Malheureusement, tous les portails ont été bloqués, mais votre centre d'entraînement spatio-temporel possède toute la technologie des dieux afin de créer vos propres machines, prononça la princesse. Je peux vous donner les coordonnées d'Aeglys, mais je doute que ce soit une bonne idée de vous y rendre maintenant... Après tout, nous allons bientôt perdre notre magie et probablement nos souvenirs.
— Comment ça ? Que comptent-ils faire avec eux ?
— Ils ont tendance à effacer la mémoire des gens qu'ils jugent problématiques, mais c'est surtout la procédure lorsqu'ils transfèrent les âmes d'un monde à l'autre. Cependant, tout espoir n'est pas perdu. Je vous ai laissé un petit cadeau dans la maison où vous vous trouvez. Sous le pot de fleurs du salon, se trouve un... il... Je... mince... Ça commence. Je...
La voix d'Athéna était interrompue par une série de bruits étranges et de coupures sonores. La gemme lumineuse du bracelet s'éteignit. Nash déglutit et réalisa que l'intervention divine du Conclave venait d'être terminée. Cependant, avant que la communication fût coupée, la déesse lui avait envoyé un fichier informatique qu'il ouvrit aussitôt. Il s'agissait des coordonnées du monde d'Aeglys et des trois mots suivants : pot de fleurs.
— Ils ont vraiment fait ça ?! grogna Cerbère. Mais pourquoi ? Les olympiens étaient pourtant de si gentils dieux...
— Il faut croire qu'ils se sont joués de nous depuis tout ce temps, soupira son porteur. Une chance pour nous que notre princesse avait tout prévu...
Il se leva de la table en refermant le menu du bracelet et se dirigea au salon. Il chercha un pot de fleurs et le trouva tout juste près de l'entrée principale de la maison, près la sortie de l'arcade qui se trouvait entre la salle de séjour et le hall. Le dieu remarqua que le pot était très léger et que tout était fait en plastique. Il le souleva et vit qu'une partie du plancher avait été arraché pour y dissimuler un petit coffret. Il ramassa le coffret et le ramena à la salle à manger.
Dans ce coffret, il trouva plusieurs bagues aux gemmes transparentes – la même sorte de gemme qu'il avait sur son bracelet. Il y avait une lettre sous ces bijoux. Il ouvrit une lumière pour éclairer un peu la pièce et lut la note qui leur était adressée. Il reconnut l'écriture d'Athéna.
— Salut à celui ou celle qui lira cette note, murmura le roi. J'ai écrit cette note pendant que vous dormiez dans les incubateurs, sachant que ce serait probablement la dernière fois que j'aurais la chance de vous contacter. Vous vous demandez sûrement pourquoi je vous ai envoyé ici et non sur Aeglys. Nash vous a déjà expliqué que c'était pour un entraînement... Ce qui est en partie la vérité. Il ne savait pas que je vous ai épargné le châtiment du Conclave.
Nash soupira et roula des yeux. Il aurait dû s'en douter qu'elle lui cachait quelque chose, avec son comportement évasif durant cette journée-là.
— Une loyale servante de mon père, autrefois, m'a tout raconté, poursuivit-il. Elle a entendu tous les membres du Conclave voter pour le remplacement de toute notre faction et la fin du monde d'Aeglys. Ils souhaitent reconstruire la dimension originelle de ma planète par-dessus la mienne et recommencer à filtrer les âmes à travers un monde sans magie et sans démons. Je ne sais pas où je serai dans quelques jours, mais je ne vous laisserai pas tomber. Ces bagues ont les mêmes capacités que les bracelets, offerts à tous les dieux. Vous pourrez communiquer plus facilement entre vous, y stocker des objets inanimés et plus encore. Normalement, elles devraient être reliées au réseau du Saint Royaume, mais je me suis arrangée pour que celles-ci soient conçues pour être uniquement reliées au réseau de la clé. Vous aurez désormais accès à ce monde autant de fois que vous le désirez et pourrez venir vous y reposer lorsque vous en aurez besoin.
Nash haussa un sourcil et se tourna vers son épée. Cerbère était tout aussi étonné que lui et il le ressentait.
— Elle est vraiment rusée, notre princesse... dit le chien de garde.
— C'est bien notre Athéna, gloussa Nash. Son père serait fier de son coup, non ?
— Oui... Terminez la lettre, je vous prie...
Nash trouvait amusant que son partenaire de combat se montrait intéressé par ces intrigues politiques. Habituellement, il ne se souciait que de la sécurité des citoyens du Saint Royaume ou bien des dieux.
— Bon... je continue, ajouta le roi. Où en étais-je ? Ah ! Voilà le passage...
Il se racla la gorge avant de poursuivre :
— Je n'ai qu'une demande. Attendez que la crise soit passée et retrouvez-nous sur le nouveau monde dans lequel nous serons prisonniers. Le mauvais sort que le Conclave s'apprête à nous jeter ne vous affectera pas, tant que vous serez en sécurité dans votre repaire. Profitez de tout le temps qui vous sera accordé, car, sachez que vous vous trouvez en dehors du temps et de l'espace. Vous pourriez vous servir de votre base pour créer toute une armée, si vous le souhaitiez... ou reconstruire tout ce qui nous a été volé... que sais-je ? Le plus important est que vous restiez en vie et que vous n'oubliez jamais cette trahison. De mon côté, je vous souhaite bonne chance dans votre quête et j'espère que celui ou celle qui aura reçu ma clé, mon bracelet, saura en faire bon usage. Mes amitiés, Athéna.
Nash était bouche bée alors qu'il finissait de lire cette lettre.
— Elle savait vraiment tout, ma parole... dit-il, pour lui-même.
— Nous devons tout raconter aux autres, répliqua Cerbère.
— Oui... et leur offrir ces bagues... Il y en a pour tout le monde, sauf les esprits élémentaires. Sapristi, elle aurait pu m'en parler... Elle a tout fait ça en deux mois et je ne m'en suis jamais rendu compte...
— Vous ne pouviez pas tout savoir, Votre Majesté. Son Altesse Zeus, votre prédécesseur, savait qu'un conflit d'état civil allait bientôt éclater, alors il a créé cet endroit pour sa fille. Quant à Athéna, j'ai bien l'impression qu'elle a décidé de prendre ses précautions après avoir visité ces lieux. Ce qui expliquerait pourquoi elle ne voulait pas vous en parler. Elle avait déjà des doutes sur les activités louches des autres dirigeants.
— Pourtant, ils avaient l'air si ouverts d'esprits, durant nos nombreuses rencontres... Comment ai-je pu me faire berner à ce point ?
— Sans vouloir vous manquer de respect, monseigneur, vous avez beau être un homme de cœur ; la politique et vous, vous ne faites pas bon ménage...
Nash se mit à rire nerveusement ; il n'avait pas tort à ce sujet. Nash était plus un général d'armée qu'un dirigeant. Athéna était réellement la tête pensante de leur faction, maintenant que son père adoptif était mort. Le roi se passa une main dans les cheveux et prit une grande respiration. Ainsi donc, son prochain objectif serait de retrouver la princesse et de la ramener parmi eux.
— Nous pourrons compter sur tous les membres de la Septième Brigade, dans ce cas, dit-il. J'ai confiance en eux. Nous réussirons à sauver nos amis et nous mettrons fin à cette stupide guerre. Qu'en dis-tu ?
— Je suis d'accord avec vous, monseigneur. Je vous le dois bien, après tout ce que vous avez fait pour moi. Toutefois, j'ai une proposition à vous faire, si vous le voulez bien... Ça concerne la Déesse Perséphone et ses acolytes...
— Ah bon ? Dans ce cas, parle. Je t'écoute.
L'épée ténébreuse du roi changea de forme et prit l'apparence d'un grand chien de garde, au côté de son porteur. Il était moins grand que la dernière fois qu'il avait pris cette apparence, mais il était toujours aussi imposant. Il faisait plus ou moins la même taille et largeur que Charlie, en tigre blanc.
— J'ai toujours trouvé le raisonnement d'emprisonner ces derniers assez louche, dit Cerbère. Je crois... enfin... ce n'est qu'une théorie... Je crois qu'il y a des choses que nous ignorons de toute cette histoire. J'aimerais que nous songions à l'éventualité de négocier avec ces derniers, afin de comprendre comment tout ce conflit a commencé entre le Conclave et eux.
— Minute... tu veux que je négocie avec l'ennemi ? fit Nash. Enfin... ce n'est pas une mauvaise idée, mais je ne sais pas si c'est la bonne direction à prendre.
— Je vous comprends parfaitement, Votre Majesté. Mais je descends d'une longue lignée de chiens à trois têtes qui ont servi celui qui devait devenir mon propriétaire : Hadès. Celui-ci était reconnu pour être un homme respectable et ne causait jamais d'ennuis au Saint Royaume, contrairement à ses ancêtres qui, eux, étaient souvent rivaux à vos prédécesseurs. D'aussi loin que je m'en souvienne, les Zeus et les Hadès de cet univers ont toujours été des adversaires, même ceux qui fussent liés par le sang. Notre roi précédent, par contre, ne ressentait aucune hostilité envers lui. Je pense... enfin... j'ai la certitude que quelque chose ne tourne pas rond dans son arrestation et celle de son ex-épouse.
— Es-tu au moins conscient que Perséphone a essayé d'envahir Baldt, il y a quatre ans, et qu'elle est présentement en train de semer un chaos épouvantable sur le continent de la Grande Aeglysienne ?
— Oui, Votre Altesse... Mais dans le nouveau monde dans lequel le Conclave est en train de plonger leurs âmes, ne serait-ce pas l'endroit idéal pour négocier avec elle ? Si elle ne possède plus aucun pouvoir, là-bas ; elle ne pourra pas vous faire de mal, ni à vous, ni à vos camarades...
Nash se joua avec les lèvres, un moment, et inspira lentement avant d'expirer.
— C'est bon... Nous allons essayer de lui parler. Mais pour le moment, je dois d'abord en parler avec les autres.
— Je vous remercie, Votre Altesse, répondit Cerbère. J'aimerais vraiment connaître le côté de leur histoire. Ça fait maintenant des années que je cherche à comprendre ce qui s'est réellement passé.
— Il est vrai que leur emprisonnement était un sujet tabou auquel les olympiens et le Conclave ne pouvaient jamais discuter, ajouta son interlocuteur. Si nous pouvions discuter calmement avec Perséphone et ses collègues, peut-être que cela nous empêcherait de tuer des gens qui ne sont peut-être pas... coupables de certains crimes. Enfin, ça n'efface pas tous les meurtres qu'ils ont accomplis depuis leur exil, mais je ne peux plus faire confiance aux autres factions après ce que je viens d'apprendre. Nous devrons donc travailler seuls, à l'écart et régler ce conflit, de notre mieux. J'espère que les autres comprendront.
Ce fut à cet instant que Nash vit le visage de Zeus dans son esprit. Il semblait approuver leur décision, même s'il n'arrivait pas à communiquer avec eux. Ce transfert du pouvoir divin n'avait pas été parfait, mais au moins, Nash se sentait comme s'il était sur la bonne voie.
Pour le reste de cette soirée, le porteur et l'esprit élémentaire discutèrent de leur plan de la journée suivante, avant de finalement s'endormir l'un contre l'autre, sur le divan du salon.
Le lendemain, Flint s'habilla en vitesse et descendit au rez-de-chaussée avant de retrouver son oncle, qui dormait paisiblement avec le molosse à ses côtés. Il esquissa un sourire, puis se dirigea vers la cuisine, où il comptait préparer des omelettes pour tout le monde. Il ne remarqua même pas le coffret et la lettre que Nash avait laissés sur la table. Flint était simplement heureux de préparer un bon repas pour sa bande. Il était loin de se douter, toutefois, qu'ils allaient bientôt replonger dans une toute nouvelle aventure.
¤*¤*¤
— Oh mon dieu ! Je suis en retard ! lança une jeune femme blonde qui entra dans une grande salle remplie de pupitres et d'employés. La patronne va me chauffer les fesses... Vite, il lui faut son café et son muffin... !
Elle était vêtue d'une simple chemise blanche avec une jupe noire. Ses yeux étaient cernés, elle avait mal dormi la nuit dernière à cause d'un terrible cauchemar dont elle n'arrivait même pas à se souvenir. Elle n'avait mis qu'un peu de maquillage, ce matin-là, tellement elle avait été pressée de quitter son appartement.
— Bon matin, Diana ! lança l'un de ses collègues de travail.
— Bon matin Louis, pas le temps de parler !
— Fais vite, la patronne s'en vient...
Diana Kingston était l'assistante de la présidente-directrice générale d'un journal local. Sa supérieure était reconnue pour être très exigeante et on l'avait surnommée l'Ogresse, tant elle pouvait être mesquine et dangereuse envers les gens qui lui manquaient de respect.
Diana se rendit au comptoir à café et prépara un double expresso, et ramassa le muffin du jour. Ensuite, elle se dirigea vers le local de son employeuse et déverrouilla la porte de cette dernière. Elle entra et déposa le café bouillant sur son pupitre, ainsi que sa collation. L'assistante avait dans son sac à main une clé USB qui contenait tous les articles que les reporteurs lui avaient envoyé durant la veille. Elle appuya sur un bouton de l'ordinateur de la patronne et y installa le petit accessoire avant de sortir du bureau.
Une fois sortie de la petite pièce, Diana tomba nez à nez avec une grande dame aux allures strictes. Elle portait un simple ensemble gris foncé, avait attaché ses cheveux en chignon et portait des lunettes aux manches noires. Son rouge à lèvres écarlate était brillant, ce jour-là. La supérieure de Diana esquissa un petit sourire en coin.
— Bon matin, Madame Sawyer, dit l'assistante. Votre café et les articles de vos employés vous attendent sur votre bureau.
— Ah Kingston... que ferais-je sans vous ? répliqua la dame aux allures sévères. Avez-vous au moins ramassé mes habits au pressing, comme je vous l'avais demandé ? N'oubliez pas mon rendez-vous avec Monsieur le Maire, cet après-midi. Tout doit être impeccable pour mon entrevue.
Diana rougit timidement et baissa la tête honteusement.
— J'ai oublié tout ça dans ma voiture, madame. Puis-je aller le chercher ?
Lisa Sawyer leva les yeux vers le plafond et expira pour ensuite pointer la porte de sortie derrière elle.
— Allez-y, mais faites vite. J'ai besoin de vous pour préparer le reportage que nous allons publier sur internet, au dîner.
— Oui madame ! Tout de suite, madame !
Cette directrice de l'une des gazettes les plus populaires d'Ottawa observa la blonde marcher à une vitesse hallucinante vers la sortie. Elle prit une grande respiration et salua ses employés avant de se diriger vers son bureau. Ensuite, elle s'installa confortablement et déposa son petit sac à main sur son pupitre.
— Bon, voyons voir ce café... dit-elle avant de prendre une gorgée.
Elle recracha ce qu'elle avait goûté, dans sa corbeille à papiers et jeta aussi le verre en carton. Elle secoua la tête, puis ouvrit les documents que son assistante lui avait insérés avec sa clé USB, sur son ordinateur. Le regard de la journaliste s'arrêta toutefois sur le portrait d'elle et de son mari, qu'on avait attaché en face de son pupitre, au mur. C'était leur photo de mariage. Elle avait été posée dans une jolie robe blanche et son époux avait porté un élégant smoking. Ce dernier avait de jolis yeux dorés, une longue queue de cheval noire et une barbe fraîchement rasée.
— Finalement... cette nouvelle vie n'est pas si mal, pensa la présidente qui esquissa un sourire. Au moins, ma chère petite princesse de sœur m'obéit au doigt et à l'œil... Qui plus est ? Je suis mariée avec Thane. Les gars qui travaillent pour nous au Conclave connaissent très bien mes goûts... Ils ont bien fait de conserver mes souvenirs... J'apprécie tout le travail qu'ils ont fait pour nous. Maintenant, c'est à notre tour de faire vivre un cauchemar à ces fils de putes d'olympiens. Athéna... Oh, Athéna... Tu vas en baver, ma chienne... Ha ha ha !
Diana revint un instant plus tard avec la tunique rose et le pantalon chic que Lisa Sawyer lui avait fait repasser la veille. Elle était essoufflée. Les deux morceaux de vêtements étaient recouverts d'un plastique protecteur.
— Veuillez le poser juste là, Kingston, fit la présidente du Maple Leaf's Gazette, qui pointa la chaise des invités. Comment va votre mère ?
— Très bien, Madame Sawyer. Pourquoi cette question ?
— Oh, je me demandais si elle ne pourrait pas nous préparer de son fameux cheesecake à la cerise pour la réception de la semaine prochaine. Nous devons rencontrer un client important pour la gazette et j'ai entendu dire qu'il adore ce genre de dessert.
— Vous voulez le soudoyer, pas vrai ? répliqua Diana, compréhensive. J'en parlerai à ma mère, c'est promis.
— Je vous en remercie. Maintenant, veuillez m'excuser, mais j'ai du travail à faire.
La blonde au regard pétillant salua sa patronne et partit s'asseoir à son pupitre, tout près de la porte du bureau de sa supérieure.
Alors qu'elle allumait son ordinateur, elle eut l'image d'une ville en flammes, qui apparut dans son esprit. Elle revoyait les anges dans son cauchemar de la veille. La dame avait couru et lutté pour sa vie. Tout était si flou dans son esprit, mais cela avait semblé si réel ! Elle prit une gorgée de son propre café en silence et ouvrit une fenêtre de son courrier électronique.
Dans sa boîte de courriels, elle avait un nouveau message. Elle se rendit compte que c'était un pourriel. Quelqu'un à l'identifiant d'Arthur Sage essayait de la rejoindre pour la troisième fois cette semaine-là.
« Je dois absolument vous parler. La vie de notre famille et de nos amis en dépend. Je vous prie de me répondre et d'accepter un rendez-vous au 15ᵉ appartement de Baldt Street, le 30 juin 2018. »
Diana effaça cette lettre et bloqua l'utilisateur. Elle n'avait pas de temps à perdre avec des types louches de ce genre. Ensuite, elle jeta un coup d'œil à son café et le renifla. Elle aussi trouvait que ce café avait très mauvais goût. Elle le jeta à la poubelle et retourna à la lecture de ses courriels, un sourire aux lèvres.
Fin du Volume 2 - Le Monde des Ténèbres.
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