Flint se couvrit les yeux alors qu'il traversa le portail. La puissante source lumineuse l'aveuglait et il avait peur de se brûler une fois qu'il plaça un pied à travers cette dernière. À sa grande surprise, quand il arriva de l'autre côté, il réalisa qu'il était sur une vaste plaine et devant lui se tenait une grande maison sortie tout droit d'un roman futuriste. Il regarda à gauche, à droite, puis en haut. Le décor n'avait rien de ce qu'il avait l'habitude de voir.

Les nuages étaient blancs, le ciel était bleu. Tout semblait normal, mais il y avait quelque chose qui clochait avec ce paysage. Rien n'avait l'air naturel, comme si tout ça n'était qu'une illusion. Il ne faisait ni trop chaud, ni trop froid. Une douce brise lui caressa la nuque. Il n'était même pas certain de se trouver sur Aeglys.

— Bienvenue dans l'un de nos centres d'entraînements privés, où tout se déroule en dehors du temps et de l'espace, dit Nash qui s'adressa au groupe qui se rassemblait tous autour de lui.

— Où sont passés les autres ? demanda Flint, qui venait de remarquer que les serviteurs et les gardes avaient disparu.

— Ils sont toujours en route pour Baldt. Ne vous en faites pas, je vous expliquerai tout ça au fil de la journée.

— Mais ne devions-nous pas rejoindre mon père ?

— Patience ! Vous ne pensiez tout de même pas que j'allais vous jeter aux crocodiles sans même comprendre comment vos pouvoirs fonctionnent ?!

Il regarda son neveu, d'un air choqué. Le capitaine se tut. Le dieu marquait un point là-dessus : il serait imprudent de les envoyer combattre sans d'abord leur expliquer les bases de ce qu'un ange pouvait faire.

— Pour reprendre où j'en étais, expliqua Nash, ici, vous êtes en dehors du temps et de l'espace. Ceci est une salle d'entraînement normalement réservée aux dieux, en temps de guerre. Je l'ai spécialement programmée pour vous, car je savais que nous manquions de temps. Ici, vous apprendrez à voler et vous pourrez aussi vous familiariser avec vos nouveaux pouvoirs.

— Mais la guerre... commença Shayne.

— Ne t'en fais pas pour ça, mon ami, coupa le dieu. Le temps s'est arrêté pour nous, dans cette zone. Enfin, il fonctionne au ralenti. Nous appelons cela la dilatation temporelle. Par exemple : plusieurs années passées ici, c'est une journée passée en Aeglys. Mais ne vous en faites pas pour ça, je me suis arrangé pour que nous arrivions quelques secondes après mes gardes du corps. Vous pourrez donc prendre tout votre temps pour vous entraîner.

— C'est... pratique, comme endroit, reprit Shayne. Avons-nous de la nourriture, au moins ?

— Votre nouvel abri ne manquera de rien, soyez-en sûrs. Je peux même modifier le terrain si vous le souhaitez et rajouter quelques objets, ici et là. Personnellement, je trouve que cet endroit manque de végétation et de faune, mais ça peut se régler en deux temps, trois mouvements... La preuve !

Ce dernier appuya sur le bouton du bracelet qu'il portait à son poignet gauche et un étrange écran translucide apparut devant lui, en plus d'un panneau sur lequel il appuyait sur ce qui semblait être des commandes. Luna trouvait que cela ressemblait à l'étrange bidule qu'elle avait trouvé dans la maison abandonné des Tabris. D'étranges petits symboles, carrés et cubes remplis d'informations apparurent dans la fenêtre bizarre. Il s'agissait sûrement d'un modèle d'ordinateur très avancé.

Quelques secondes plus tard, le sol se mit à vibrer sous leurs pieds et rapidement, de gigantesques arbres poussèrent derrière l'immeuble, ainsi qu'un grand lac creusé. Pas très loin de là, il y avait une chute d'eau qui était apparue par magie et ils voyaient déjà tous des oiseaux tropicaux s'envoler loin de cette jungle étrange. Plusieurs types de plantes et d'insectes apparurent autour d'eux, même quelques petits animaux sauvages comme des mulots, des ocelots et plus encore. Un instant plus tôt, cet endroit était pratiquement désert. Là, il regorgeait de vie.

— Mais quelle est cette sorcellerie !? couina Luna qui ne tenait plus en place. Je dois apprendre ça tout de suite !

— Ce n'est pas de la magie, très chère, mais de la science, expliqua le dieu. Enfin, techniquement parlant, c'est un mélange de magie et de science. Une forme d'alchimie... Tu apprendras tout ça au fil des mois à venir dans cet endroit.

— Des mois ?! dit Flint, qui n'en croyait pas ses oreilles. Avons-nous vraiment besoin de tout ce temps d'entraînement ?

— Je préfère ne pas prendre de risques avec vous, expliqua son oncle. Après tout, si nous pouvions passer un an dans cette dimension magique, cela donnerait le temps à Cassandra d'accoucher et de se remettre sur pied un peu plus vite...

Il se tourna vers la jeune femme et ajouta :

— Est-ce que ça te convient ?

— Euh... mm... peut-être ? commenta-t-elle. N'ai-je pas besoin d'être examinée par des médecins professionnels ? Je suis guérisseuse, mais nous aussi, on a besoin d'aide, de temps à autre.

— Ne t'en fais pas pour ça. Lorsque viendra le temps, j'aurais déjà planifié quelque chose pour Shayne et toi.

— Voilà qui me rassure...

Pendant qu'ils parlaient, les esprits élémentaires reprirent tous leurs formes animales, près de leurs porteurs. Dia s'étira les pattes au sol et bâilla. Elle avait besoin de se dégourdir un peu. Elle tourna son regard vers Flint.

— Eh ? Ça te dit qu'on aille visiter tout ça ? proposa-t-elle. J'en meurs d'envie.

Flint haussa les épaules, puis hocha la tête.

— Mouais, pourquoi pas ? fit ce dernier. Après tout, nous allons devoir nous familiariser avec les lieux...

Nash profita de cet instant pour leur dire :

— Faites donc comme Flint et Dia. Il sera important pour vous d'apprendre à connaître le centre d'entraînement. Je vous expliquerai comment certaines choses fonctionnent dans cette dimension, en temps et lieux. Pour le moment, faites comme chez vous. Vous êtes sûrement épuisés après tout ce que vous avez appris durant la dernière heure. On se retrouvera à l'intérieur de la maison, lorsque vous aurez faim. Je vais vous préparer un repas.

— As-tu besoin d'aide ? demanda Gabriel, intrigué.

— Oh, ça ne sera pas nécessaire, mais l'aide ne sera pas de refus, déclara le roi. Ta cuisine m'a manqué, nounours. Viens donc t'amuser !

Gabriel fit un signe de victoire avec son poing droit et lui afficha son plus beau sourire. Il s'aventura alors avec Nash vers l'abri auquel ils passeraient tous un certain temps, à s'habituer à leurs nouveaux corps. Charlie, le tigre blanc, décida de partir à la chasse. Il fut suivi de la plupart de ses frères et sœurs, et se promena gaiement dans la jungle magique qui entourait la nouvelle demeure de la Septième Brigade. Cet endroit aux odeurs fabuleuses envoutait déjà les esprits élémentaires qui préféraient de loin vivre dans la nature. Après l'enfer auquel ils avaient survécu ; les porteurs, ainsi que leurs créatures magiques, profiteraient tous de ce paradis synthétique, afin de reprendre des forces.

¤*¤*¤

Estelle, Kylie et Scottie étaient assis près de la grande chute d'eau. Le grand lac auquel tombait toute cette eau contenait du poisson de toutes les sortes. Ils avaient remarqué que l'eau était tellement claire qu'ils pouvaient voir à travers celle-ci. Tout avait l'air si réel, qu'ils étaient sous le choc.

— Alors, vous êtes des dieux... dit Estelle qui s'adressa à ses amis.

— Mouais, soupira Kylie. Désolé de t'avoir caché cette partie de nous.

— Ce n'est pas vraiment ce qui me dérange, pour être honnête... C'est le fait que vous m'ayez menti quand vous m'avez dit que vous ne vous souveniez plus de rien... ni de vos parents et j'en passe...

Estelle jeta un caillou dans le lac, ce qui effraya quelques poissons.

— En fait, nous ne t'avons pas vraiment menti, puisque nous ignorions vraiment qui nous étions, répliqua Scottie. Lorsque nous avons fui le Saint Royaume, Kylie et moi, on a décidé d'effacer nos souvenirs une fois que nous avons pris nos nouvelles apparences. C'était un choix difficile, mais nous en avions besoin.

— Ouais, rajouta sa sœur. Les anges ont brisé notre amnésie magique une fois qu'ils nous ont foutus dans les incubateurs. Honnêtement, j'aurais préféré vivre dans l'ignorance plutôt que de me rappeler tout ça.

Estelle était triste. Elle hésitait de discuter avec les jumeaux, à propos de leur passé. Pendant un certain temps, elle avait cru qu'ils étaient réellement des esprits élémentaires et qu'elle était simplement leur porteuse. Avec tout ce qu'ils avaient appris durant les dernières heures, sa perception avait changé. La pauvre adolescente s'en remettait à peine de ce que le jumeau lui avait dit à propos de Wyatt Silverwind. Elle avait besoin de temps pour digérer tout ça.

— Tu n'as pas à t'en faire pour nous, lui rassura Kylie. On forme une excellente équipe, nous trois. On sera toujours là pour toi, tant que tu auras besoin de nous.

— C'est une bonne nouvelle, répondit Estelle. Cependant, je me sentirai bizarre de manipuler des dieux, ainsi.

— Techniquement parlant, nous ne sommes que des apprentis, mais nous sommes effectivement les enfants biologiques de Thor et Sif. Nous ne nous attendions pas à reprendre le flambeau, après la destruction de notre faction.

— Vous pourriez reconstruire le panthéon nordique, dans ce cas ?

— Peut-être, mais normalement le Roi Odin était notre dirigeant et tous ses enfants sont morts durant la grande guerre...

Estelle savait peu de choses de cette religion, mais savait que les jumeaux ne semblaient pas être attachés à l'idée d'être des nobles ou des dieux.

Voilà une demi-heure qu'ils discutaient ainsi, près de la rivière. Estelle avait eu le temps de faire apparaître ses ailes une autre fois et de voler un peu dans les airs, en suivant l'exemple des jumeaux. Contrairement à Flint, elle n'arrivait pas à garder sa forme angélique active plus d'une minute. Ses pouvoirs étaient trop instables et pour cette raison, elle était reconnaissante que Nash leur accorde une période d'adaptation.

— En tout cas, cette dimension est vraiment l'endroit idéal pour se détendre... prononça Scottie, qui s'allongea sur le dos. Et cette atmosphère est très romantique. J'ai presque envie de me baigner tout nu dans le lac...

— Pfft, je te parie que le patron et son ours vont le faire ce soir, pendant que tout le monde dormira, répondit sa sœur.

— Oh stop, ce serait bien s'ils nous laissaient nous amuser, pour changer.

— Pfft, ma personnalité est en train de déteindre sur toi, mon coco !

Scottie sortit sa langue à sa sœur, qui lui fit un clin d'œil. Ils se mirent alors à se chamailler, rien que pour s'amuser. Ils tournoyèrent sur l'herbe, et essayèrent de se prouver qui était le plus fort des deux. Au bout de deux minutes, Kylie plaqua son frère, face au sol et lui bloqua les bras derrière son dos.

— Avoue que c'est moi la meilleure ! lança-t-elle, amusée.

— Plutôt crever ! grommela son jumeau.

Estelle gloussa et se leva. Elle était curieuse de voir ce qui poussait dans cette jungle étrangement réaliste. Elle avait vu un bananier, un peu plus tôt, alors qu'ils marchaient le long de la rivière. Pendant qu'ils avaient commencé à explorer les lieux, Nash avait rajouté quelques détails au paysage. Pour une simulation magique, le centre d'entraînement spatio-temporel leur permettait quand même d'interagir avec tout ce qui les entourait.

Un peu plus loin du ruisseau, Wyatt discutait avec Luna. Estelle se cacha derrière un gros rocher pour ne pas se faire voir. Elle les entendait depuis sa position. Elle s'assit et entendit aussi le bruit de la rivière qui coulait à sa gauche. Un gros poisson sortit de l'eau, afin d'attraper un moustique.

— Donc... c'est ça, dit Wyatt. Avant que tout dégénère, j'ai embrassé Scottie.

— C'était comment ? demanda Luna. C'était bien ?

— Je l'ignore... je me suis senti... tout bizarre... pour être honnête. Tu sais comment tu es très importante à mes yeux, après tout...

— Je sais, mais bon... Tu dois absolument m'oublier. Je ne suis pas la fille pour toi.

Wyatt soupira. Il y eut une courte pause. Estelle se demandait ce qu'il pouvait faire en cet instant. Elle l'imaginait en train d'enlever ses lunettes, pour les nettoyer, dans ce silence inquiétant.

— N'y a-t-il aucun moyen que cela puisse fonctionner entre nous ? demanda-t-il, déprimé. Je voulais tellement qu'on forme un couple... tu vois ?

— Oh mon cher Wyatt... Tu le sais bien dans le fond que je ne suis pas comme toi et les autres... Je ne pourrais jamais te donner l'amour que tu recherches... Et puis je ne suis pas folle, tu sais ? Je le sais bien que tu veux me faire l'amour et tout ça. Tu me dévores constamment des yeux... C'est très maladroit pour moi, car je te considère comme mon frère adoptif. Flint est un peu mon grand frère et Estelle est ma petite sœur. Vous êtes tous ma famille...

— Si je n'étais pas dans votre entourage, crois-tu que j'aurais eu une chance ?

— Je ne sais pas... Je te jure que j'ai essayé plusieurs fois de sortir avec un mec, durant les dernières années. Je l'ai fait secrètement, pendant que tu travaillais en dehors de la capitale. Ça n'a jamais fonctionné. Je ne ressentais rien, je n'avais aucun appétit sexuel... Rien. Même pas avec une nana...

— Parce que t'as essayé de flirter avec une fille ? pouffa le mage.

— Ouep, c'était une voyageuse. Elle était adorable et tout, mais elle avait remarqué que je n'étais pas tellement intéressée au bout de quelques heures. Nous sommes quand même restées amies... Elle est partie pour Mytira, par la suite.

— Tu as fait tout ça sans même nous en parler...

— Ouais... ma vie privée ne vous concerne pas, tu sais ?

— Oui, mais je suis ton meilleur ami. Tu peux tout me dire, tout de même.

— Je sais, Wyatt... Mais je n'avais pas envie de te faire du mal avec mes sexe-périences. Je ne voulais pas que cetoi qui soit ma première fois. Ç'aurait été trop bizarre...

— Tes sexe-périences ? s'esclaffa Wyatt. T'es trop marrante !

— Sa première fois ? se demanda Estelle, qui se gratta le front. Minute...

Le mage rit encore plus fort, avant de sortir l'adolescente de sa rêverie.

— As-tu couché avec quelqu'un ? demanda celui-ci. Wow... Et moi qui croyais que je perdrais ma virginité avant toi !

— Tu ne le répètes à personne, OK ? dit sèchement Luna. C'était avec l'une des nouvelles recrues. Si Cassie et Misaki devaient l'apprendre, elles ne me ficheraient plus la paix et me demanderaient tous les détails !

Estelle imaginait la magicienne qui serrait Wyatt par le collet de son chandail, pour le fusiller du regard. Elle sourit. C'était quelque chose qu'elle ferait.

— Et tu n'as rien ressenti ? demanda le jeune homme.

— Rien du tout, répliqua Luna. J'ai même essayé plusieurs trucs avec lui et ça ne m'a pas plu. Pourtant, il avait un physique bien bâti... Pour le remercier de m'avoir donné ce que je désirais, je lui ai offert le cœur séché d'une gargouille, car il en avait besoin comme ingrédient à la forge.

— À quoi ça pouvait bien lui servir ? interrogea son ami.

— C'est une vieille technique de la famille de Ruby. Les cœurs de gargouilles peuvent ensorceler les armes blanches et leur donner un effet secondaire, tel que l'art de pétrifier ses adversaires. C'est fait à base de runes.

— Ah oui... ! Là, je m'en souviens...

— Bref... au deuxième mec, j'ai voulu essayer une nouvelle expérience, puis j'ai réalisé que ça ne me faisait ni chaud, ni froid. Le sexe, ce n'est pas pour moi...

— Donc le mec avec qui tu as couché fut le seul à jouir, ce jour-là. Tu savais que c'est très difficile pour une femme d'avoir un orgasme quand le mec ne sait pas ce qu'il fait ?

— Wyatt, je suis probablement asexuelle, je ne suis pas stupide. Je savais déjà tout cela à force d'en parler avec Misaki. Une fois que j'ai atteint mes dix-sept ans, c'est elle qui m'a expliqué comment faire les préliminaires pour plaire à un mec... Je n'arrêtais pas de lui poser mille et une questions, alors elle s'est dite qu'il vaudrait mieux pour moi de bien comprendre comment me protéger, en plus de plaire aux garçons de mon âge...

Estelle, toujours cachée derrière sa roche, se sentit rougir honteusement. Elle devait déguerpir de cet endroit rapidement. Elle se sentait mal d'écouter une telle conversation qui ne la concernait pas. Estelle se mit donc à ramper derrière un buisson près d'elle et finit par se cogner sur la jambe de quelqu'un.

— Tu sais que ce n'est pas bien d'espionner les gens, Estelle ? dit Luna, qui prit le menton de son élève.

L'adolescente n'avait pas remarqué que sa professeure s'était téléportée devant elle, quand elle l'avait entendu ramper par terre. Wyatt se tenait à côté d'elle, et recouvrait son visage de honte.

— Euh... hé hé... couina la jeune fille. Bonjour ?

Estelle déglutit. Une perle de sueur coula le long de sa tempe. Elle espérait que ses mentors ne la balanceraient pas à ses parents pour les avoir écoutés en cachette.

— Tu sais ce que je fais aux petites curieuses, n'est-ce pas ma jolie ? continua Luna, qui esquissa un mauvais sourire.

— Et merde... soupira Wyatt.

¤*¤*¤

Shayne n'était pas à son aise. On l'avait ramené d'entre les morts, mais il n'était plus lui-même. Il s'était surpris à saliver quand il avait vu un sanglier courir devant lui, plus tôt, et avait même voulu lui planter ses crocs dans la nuque. Le problème, c'était qu'il n'était plus un vampire. Son cerveau lui envoyait des signaux mixtes. Il n'était pas habitué à manger de la nourriture solide et commençait à avoir faim.

— Essaie de manger un fruit, proposa Cassandra qui lui tendit une pomme.

Ils étaient installés à un jardin, tout près de leur maison temporaire. Gabriel leur avait apporté un bol de fruits et des breuvages à base de baies sauvages. Cassandra avait apprécié cette collation.

De son côté, Shayne se sentait comme si les anges du Saint Royaume l'avaient amputé de son être. Il ramassa la grosse pomme rouge que sa compagne lui avait passée et la renifla. L'odeur de la pelure était moins forte qu'avant. Son sens de l'odorat avait grandement diminué, sous cette forme.

— Je suis dégoûté, soupira-t-il. J'ai constamment envie de boire du sang... Qu'est-ce qu'ils m'ont fait, ces bâtards ?!

Cassandra haussa des épaules. Elle n'appréciait guère son côté vulgaire. Toutefois, elle reconnaissait que ce changement était très étrange. Avoir un général vampire dans leurs rangs ne les avait jamais gênés, même si ce dernier avait autrefois effrayé la plupart des étrangers qu'il avait rencontrés.

— Je me dis que c'est comme la dépendance à l'alcool ou à la caféine, prononça la guérisseuse. Il te faudra quelques jours, voir des semaines, pour t'y adapter.

Shayne grogna et prit aussitôt la coupe de jus de fruit que Gabriel leur avait préparé. Il tenta une petite gorgée afin d'apprivoiser cette saveur sucrée. Ses papilles gustatives lui jouaient des tours. Il ne goûtait rien du tout.

— Est-ce normal que ç'ait le même goût qu'un verre d'eau ? fit celui-ci.

— Je t'assure que cela a un goût de fruits frais, déclara son amante. Laisse-toi du temps. Ta langue a quand même passé plus de trois cents ans à déguster du sang et du vin. Forcément, ton cerveau n'a pas encore compris le lien.

— Au moins, je sens l'odeur du jus...

Nash sortit de la maison et rejoignit les deux elfes sur la véranda. Il mit une bouteille de sauce piquante devant Shayne.

— Essaie avec ça, proposa le Roi de l'Olympe. Les ressuscités ont parfois de la difficulté à goûter leurs aliments ; un trait qu'ils partagent avec les morts-vivants. Eux, par exemple, ne goûtent rien d'autre que ce qu'ils désirent, soit le sang ou les organes des personnes qu'ils dévorent. Tu as vécu avec l'infection du vampirisme toute ta vie, donc c'est normal d'après moi que ton cerveau ait cette soif de sang et que tu ne goûtes rien. Mais d'après nos experts, la sauce piquante est l'une des rares choses qui puisse donner du goût à la nourriture d'un zombie ou bien d'une autre créature ranimée.

Cassandra fronça des sourcils à ces paroles.

— Ça t'est arrivé à ta propre mort, n'est-ce pas ? formula-t-elle.

Il hocha la tête.

— Ça m'a pris plus de quarante-huit heures avant de pouvoir ressentir d'autres saveurs sur ma langue, déclara Nash. Mon corps était un peu engourdi, après sa reconstruction. Dans votre cas, ça vous a pris beaucoup plus de temps, parce que deux mois se sont écoulés. Plusieurs d'entre vous avaient perdus leurs bras, leurs jambes et même la tête... Ne le dites pas à Flint, mais on a retrouvé que son nez. Nous avons eu de la chance de tous vous sauver à la dernière seconde...

— Le néant est à ce point dangereux, n'est-ce pas ? questionna Shayne.

— C'est l'élément le plus ancien depuis la création de l'univers. C'est comme deux facettes différentes d'une même pièce de monnaie. L'un ne peut exister sans l'autre. C'est pour cette raison que Lucas et Gabriel sont considérés comme des gens spéciaux, avec ces éléments rarissimes. Grâce à Éclipse et Giotto, ils pourront développer leur plein potentiel, au fil des années.

— Charlie, rectifia Cassandra. Il a changé de nom avec sa nouvelle apparence.

— Ah... c'est l'habitude, ajouta le roi. On m'a fait étudier tous les noms des esprits élémentaires depuis que je suis entré au pouvoir. Je ne les retiens pas tous.

Shayne remarqua l'épée à la lame noire que Nash portait à sa ceinture et haussa un sourcil.

— Dois-je en déduire que ce que tu portes là est aussi un esprit ? interrogea-t-il.

— Oh, en effet, répliqua son interlocuteur. Il s'agit de Cerbère, le chien de garde géant qui gardait la porte de notre enfer. Il a été gravement blessé lors d'un raid contre la ville céleste. Je l'ai soigné et depuis ce jour, il est mon protecteur canin. Il n'est pas très bavard, mais il a bon cœur.

— Mmpf... grogna l'épée.

— Le pauvre a perdu deux de ses têtes durant le carnage, continua Nash. J'ai refermé ses blessures... cependant, il n'a plus que la tête centrale. Il en avait trois, avant que les démons les aient arrachées...

Cassandra se couvrit la bouche choquée par cette remarque.

— Pauvre toutou... dit-elle.

— Ne vous en faites pas pour lui, fit Nash. La tête centrale de cet esprit est le centre nerveux de son corps. Les deux autres têtes ne faisaient que lui obéir. On a dû remplacer Cerb' par un serpent à sept têtes. Désormais, il travaille pour moi.

— J'aurais très bien pu continuer mon travail comme portier, grogna le molosse, sous sa forme d'épée. Mais bon... vous aviez besoin de ma protection...

— Pour la dernière fois, Cerbère, tu peux me tutoyer...

Nash s'éloigna à l'intérieur de la maison, alors qu'il se disputait avec son esprit élémentaire. Les deux elfes gloussèrent pendant qu'ils les écoutaient. Ils avaient une dynamique très différente à celle que l'ancien capitaine avait eue avec Dia, à l'époque. Le molosse leur rappelait étrangement Cyrus qu'ils n'avaient pas revus depuis la salle des portails. Shayne se demandait si tout le monde respectait les protocoles en présence de Nash par respect ou par crainte de se faire réprimander par leurs supérieurs.

— Ils sont spéciaux, les dieux et leurs collègues, tu ne trouves pas ? dit le général qui tourna son regard perçant vers sa dulcinée.

— J'ai l'impression qu'ils sont très stricts, pour être sincère avec toi.

— Sans doute qu'ils veulent à tout prix protéger leurs arrières...

Cassandra haussa des épaules pendant qu'il versa quelques gouttes de sauce piquante dans son breuvage. Il mélangea maladroitement le liquide avec un doigt, puisqu'il n'avait pas de cuillère. Ensuite, il prit une gorgée rapide. Il détecta un léger pincement sur sa langue et un arrière-goût de tomate.

— Bof, c'est mieux que rien, soupira-t-il.

Curieuse, Cassandra en mit une goutte sur une branche de céleri qu'elle avait fait apporter de la cuisine. Elle prit une bouchée et sauta de son banc en criant :

— Maaa bouf' est en feeeeeeeuu !

Elle s'éventait la langue et sautilla sur place. La pauvre demoiselle était en larmes, alors que son compagnon roulait des yeux.

¤*¤*¤

Flint déposa les morceaux de carottes dans la marmite dans laquelle il préparait un chili avec son mari. Au départ, il n'était pas certain qu'il apprécierait de passer quelques jours, voire quelques semaines dans cet endroit. Cependant, il se dit que cela serait une occasion en or pour celui-ci de rattraper le temps perdu avec son oncle. Nash avait l'air plus heureux que jamais et tout le stress des années semblait s'être envolé. Même Gabriel avait remarqué ce changement.

En ce moment, Flint observait Nash qui s'adressait à un chien noir qui s'était matérialisé à côté de lui. Le molosse était un peu plus grand que Gabriel et était très long. Il regardait le dieu d'un air sévère, alors que celui-ci le réprimandait d'avoir été impoli en présence de ses camarades. Flint constata aussi que l'animal avait deux cicatrices de chaque côté de sa nuque, même si sa fourrure avait poussé par-dessus ces dernières.

— Allons, ce sont de vieux amis, soupira Nash. Tu aurais pu te montrer plus gentil, quand même. Je ne te demande pas la mer à boire, non ?

— Je suis navré, Votre Majesté, mais l'ordre du Conclave était que nous devions partir directement à Baldt. Vous avez désobéi aux autres divinités. Ils finiront par le savoir. Sachez que les sanctions envers ceux qui les désobéissent sont normalement sévères. Pourquoi croyez-vous que le Zeus précédent avait tant de problèmes avec sa fille adoptive ? Vous répétez les mêmes erreurs qu'elle. Et vous osez prétendre que vous changerez le système... ?

Flint comprit que le chien était beaucoup plus éduqué qu'il en avait l'air.

— C'est qui ce clébard ? demanda Flint, alors qu'il s'approchait de son oncle et du gros chien. Ne saisit-il pas que la formalité, ce n'est pas notre truc ?

— Ce clébard, comme vous me définissez, jeune homme, porte un nom, bouda le chien gigantesque. Je suis l'ancien chien de garde du défunt roi, son illustre Zeus, et je m'appelle Cerbère. Malheureusement pour nous, notre véritable dirigeant s'est éteint... J'ai bien peur que tout l'Olympe ne court tout droit à sa perte avec votre oncle et ses idées saugrenues...

— Depuis quand les chiens s'intéressent-ils aux politiques des dieux ? se moqua Flint. Franchement, ça me fait rire...

L'énorme chien le dévisagea avant de lever son museau en l'air.

— J'ai plus de cinquante ans, je vous signale, rechigna ce dernier. Je suis très jeune contrairement à la plupart des autres gardes de cette armée, mais cela ne veut pas dire que vous devez me sous-estimer. Vous devriez me remercier que je sois si généreux d'offrir mes services. Sans quoi, votre oncle devrait constamment protéger ses arrières...

— Oui, mais tu viens d'éviter la question, clébard, continua Flint.

— Cessez de m'appeler ainsi, grogna le chien qui souffla des narines et retourna son regard sur le capitaine. Ce que vous êtes impoli...

Boudeur, Cerbère reprit sa forme d'épée noire à la ceinture de son porteur.

— Désolé pour son tempérament, ajouta Nash. Tu sais comment se comporte la noblesse et tout ça. Ils se croient supérieurs au commun des mortels.

— À la seule différence que nous ne sommes plus vraiment des mortels, nota son neveu. Nous sommes des anges... ou des dieux.

— Bien vu, mais même dans nos rangs, il existe des gens hautains.

— Il s'entendrait bien avec Bella, en tout cas. Une autre peste.

— Oh pitié, ne m'associez pas à cette vilaine loutre ! se plaignit Cerbère. Elle me donne déjà des migraines...

— Ah, vous vous connaissez ? demanda le capitaine.

— Évidemment, puisqu'elle n'a pas arrêté de se comporter comme une petite fille gâtée, après qu'on l'a ressuscitée dans les machines...

— Oui, elle était très exigeante jusqu'à ce qu'on lui dise de se taire, ajouta le roi. Elle s'est enfin calmée lorsqu'on lui a promis un lac rempli de poissons. C'était en partie cette raison pour laquelle j'ai décidé de venir cuisiner, parce qu'elle commençait à m'énerver avec ses nombreuses demandes...

Flint soupira et secoua la tête.

— Était-ce nécessaire de lui donner son lac ? formula celui-ci.

— Non, mais tu me connais, dit le dieu. Je n'aime pas me casser la tête alors, j'aime que les choses soient simples. Ça me complique moins l'existence. Par contre, ma passion pour un travail bien fait n'a jamais changé.

Flint gloussa et mit une main sur l'épaule de l'homme qui avait passé une partie de sa vie à l'élever. Ça lui faisait tellement de bien de l'entendre qu'il avait l'impression que peu de temps s'était écoulé depuis leur séparation tragique.

— Que comptes-tu faire de Troyd, à notre retour ? demanda-t-il avant de retirer sa main.

— Ça ? C'est une excellente question...

Nash se frotta le menton et s'approcha du grand divan confortable du salon. Ce dernier était brun foncé et allait bien avec les tuiles blanches et marron, sous ses pieds. Tout le décor avait des allures très avancées, selon Flint. Ce dernier avait encore de la difficulté à se souvenir comment fonctionnaient tous les boutons de cette maison, ainsi que la lumière étrange qui s'allumait et se fermait, quand on claquait des mains. Nash s'était habitué à tout cela rapidement.

— Alors, fit le dieu, qui essaya de changer le sujet. Ça vous fait quoi de savoir qu'Estelle est un produit magique de votre chair ?

Flint cligna des yeux et rougit timidement.

— Franchement, je ne m'attendais pas à une telle révélation de la part de ma mère, avoua-t-il. Mais peu importe. Nous avons toujours aimé notre fille. Ça n'aurait rien changé de notre vie, même si ce n'était pas le cas.

Le roi sourit, puis tourna son visage vers Gabriel.

— En fait, avec la nouvelle capacité qu'elle a débloquée en lui, il serait possible que vous puissiez concevoir un enfant de façon... biologique, expliqua-t-il.

— Comment ça ? demanda le colosse. Aux dernières nouvelles, je suis toujours un homme... Je ne comprends pas où tu veux en venir.

— Ton pouvoir inné est lié à la transformation de ton être, en fait, continua son interlocuteur. C'est une compétence typique des adeptes de la création. Tu as sûrement dû le remarquer en Charlie, lorsqu'il a changé d'apparence... Pas vrai ?

Gabriel hocha brièvement la tête.

— Bah, voilà, continua son interlocuteur. Tu pourrais facilement remplacer tes parties intimes, si tu contrôlais ton pouvoir. À partir de là, vous pourriez concevoir un deuxième enfant et plus encore.

Gabriel semblait à la fois excité et fasciné par cette révélation. Cette idée lui avait paru très insultante, sur le coup. Il s'imaginait mal à changer de sexe, rien que pour donner naissance à un bébé. Cela ne se déroulait pas ainsi pour les véritables personnes trans. Même s'il s'était toujours senti comme un homme, il s'est toujours demandé comment sa vie se serait déroulée, s'il était né comme Lucas...

— Mais bon, cette dimension offre plusieurs options à ses invités, aussi, continua le dieu. Grâce aux nombreux panneaux dans vos chambres personnelles et vos salles de bain, vous pourriez jouer avec votre apparence. Il y en a partout au Saint Royaume, des gadgets comme ceux-là. Seuls les anges et les divinités peuvent y accéder, toutefois. Si vous étiez des humains, ça ne fonctionnerait pas.

— Tout ça me donne des frissons dans le dos... déglutit Flint. Je... je crois que je préfère mon physique tel quel.

— Oh, je sais ! commenta Nash. Mais ça peut nous être très pratique pour réparer un bras cassé par exemple, ou bien nous faire pousser une jambe manquante. Ces panneaux qui permettent de changer notre apparence a fait son apparition dans le monde spirituel, il y a de cela plus de mille cinq cents ans. Athéna m'a raconté qu'elle était l'un des ingénieurs à avoir travaillé sur ce projet.

— Vraiment ? fit le capitaine, étonné. Maman m'impressionne de plus en plus avec son passé très coloré. Elle est donc une scientifique ?

— Oui. C'est une mordue de tout ce qui touche aux sciences, sous toutes leurs formes. Elle adore créer de nouvelles choses ou les transformer avec son esprit très créatif. Je n'ai jamais rencontré une femme aussi curieuse, mais fascinée par son travail. Zeus l'appréciait beaucoup et je pense que c'est pour cette raison qu'il a commencé à être moins sévère envers elle, vers la fin de sa vie.

— Raison de plus pour laquelle le Conclave craint pour la sûreté de votre faction, rechigna Cerbère. Elle est beaucoup trop imprévisible.

Flint secoua la tête et se tourna vers l'épée obscure.

— Non, mais ce qu'il est cynique celui-là... remarqua-t-il.

— Tu ne me le fais pas dire, chéri, ajouta une voix féminine, depuis la cuisine.

Flint sursauta lorsqu'il réalisa que cela venait de Gabriel. Il se tourna en direction du colosse et à la place du gros barbu se tenait une femme légèrement plus courte, mais toujours aussi grosse. Elle avait une chevelure aussi folle que son mari, mais aucune barbe. Sa poitrine était un peu plus développée et ses hanches plus larges. Elle ne portait pas de maquillage, mais Flint remarqua qu'elle était d'une beauté naturelle. Il était bouche bée.

— Bon sang, Nash ne plaisantait pas lorsqu'il disait que tu pouvais faire ça ! constata Flint, qui pouffa de rire.

— Ouais bah, je suis fier d'être un gros nounours homosexuel.

Le roi se tourna vers Gabriel, pile au moment où il avait retrouvé son ancienne apparence. Seulement, il remarqua qu'il avait des seins plus gros. Le colosse jouait avec ses derniers alors qu'il sifflait un air de musique.

— Tu t'amuses ? demanda Nash qui haussa un sourcil.

— Oui, hi hi... remarqua le colosse, heureux.

— On a créé un monstre, soupira Flint.

— Un monstre sexy ! corrigea son mari, amusé.

— Tu me donnes de plus en plus d'idées pour ce soir, toi...

Nash se mit à rire nerveusement, et tira sur le collet de son chandail.

— Ne commencez pas avec ça, s'il vous plaît, demanda celui-ci. J'aimerais dormir, cette nuit. Une grosse journée nous attend demain. J'ai déjà prévu de vous apprendre tout ce que je sais du corps angélique.

— C'est bon... soupira Flint, par contre, j'exige que mon mari et moi passions un moment intime... d'ici à quelques jours. J'ai très envie de lui...

Il se lécha le bout de la lèvre quand il observa l'énorme poitrine de Gabriel, ce qui déstabilisa son oncle. Le roi secoua la tête et préféra reculer un peu. Flint pouffa de rire quand il s'approcha de Gabriel.

— Il vaudrait mieux que tu reprennes ta vieille apparence, sinon on risque de choquer tout le monde, dit-il en riant.

— Bien entendu, déclara le colosse. Par contre, j'étais en train de me demander à quoi je ressemblerais avec... Mmm...

Alors que sa poitrine reprenait une taille normale, son ventre grossit et ses oreilles montèrent au-dessus de sa tête, en forme triangulaire. Son visage s'allongea un peu, un museau se forma là où devait se trouver son nez et sa bouche. Une fourrure brune poussa tout le long de son corps et une grande queue touffue apparut derrière son bassin. Il avait l'air d'un gigantesque berger allemand, un terme qui leur était encore inconnu, car cette race de chien avait un nom différent sur Aeglys. Le colosse regarda Flint en pendant la langue. Nash roula des yeux et se tapa le front.

— Tu aimes ? demanda Gabriel à son mari, excité.

Il plaça ses deux puissantes mains sur sa panse poilue.

— Évidemment que j'adore ! répliqua Flint. Mon beau gros toutou !

Il lui caressa le menton et lui fit une bise sur le pif. Ravi de jouer avec son mari, Gabriel remua la queue. Cette nouvelle capacité lui plaisait déjà, puisqu'il pouvait désormais prendre toutes sortes d'apparences amusantes...

¤*¤*¤

Il était tard. Tout le monde était parti se coucher, sauf Flint et Gabriel qui s'étaient assis à la véranda, à l'extérieur de la maison. Étonnement, même Shayne avait trouvé le sommeil. Ce changement n'avait pas manqué de surprendre ses pairs. Il avait donc accompagné Cassandra dans leur chambre et s'était couché à ses côtés.

Flint n'avait pas sommeil et son partenaire non plus. Ils jouaient aux cartes, éclairés par l'ampoule électrique de la porte d'entrée.

— Il me manque un as, grrr... marmonna le capitaine, qui examinait sa main.

— Bah moi, j'ai une quinte flush royal, répliqua le colosse qui afficha un sourire moqueur à son mari. Dans ta face, bébé ! Tu me paies en bouffe ou en liquide, cette fois ? Attends, oublie ça pour la monnaie, nous sommes fauchés...

Flint leva les yeux vers le ciel et souffla dans une mèche folle qui lui pendait devant l'œil gauche. Il avait oublié à quel point son mari était un excellent joueur de poker. Il gagnait toujours contre tout le monde dans leur groupe, sauf Kylie qui semblait être une adversaire redoutable envers lui. Le capitaine et les autres avaient tous remarqué qu'elle était une joueuse compulsive. Kylie n'avait pas tellement parié depuis leur séjour dans la dimension maudite. Flint espérait que cela serait une bonne chose pour elle.

— Je te préparerais des tranches de pain doré, demain, à la première heure, déclara-t-il. Tout le monde en raffole.

— Eh bah, ça va être marrant de te voir servir notre bande, dit le colosse. Ça fait un bail que je t'ai vu t'investir autant dans un repas.

— Oh, arrête, Gab... Ce n'est que du pain et des œufs.

— Et alors ? Tu as envie de m'impressionner, ou quoi ?

Flint avait remarqué un changement étrange dans la personnalité de Gabriel. Depuis qu'ils avaient croisé Athéna, dans la salle des portails, celui-ci s'affirmait un peu plus facilement avec tout son entourage. Il avait toujours eu ce petit côté timide qui le définissait des autres, après tout. Ce changement récent inquiétait Flint. Il ne détestait pas cela, au contraire, mais il avait peur que l'âme de l'assistant de sa mère reprenne le dessus et qu'il force ensuite l'ex-golem à changer complètement de vie.

— Qu'est-ce qui ne va pas, chéri ? fit alors Gabriel. Est-ce que j'ai dit quelque chose de mal ? Je suis trop arrogant... n'est-ce pas ?

— Mais non... qu'est-ce que tu racontes ? mentit son époux.

Gabriel ne le croyait pas. Il était déjà au courant que quelque chose n'allait pas avec lui. Il se passa une main dans sa chevelure épaisse et respira lentement.

— Tout a commencé après que j'ai retrouvé mes anciens souvenirs, n'est-ce pas ? demanda-t-il. Tu as commencé à me regarder d'une étrange façon...

— Ç'a commencé bien avant ça, pour être sincère avec toi, Gab, répliqua Flint. On dirait que tu as développé deux personnalités bien distinctes au cours de ta vie : celle du gros bonhomme timide au cœur tendre et celle du brave qui n'a peur de rien. Il y a tellement de contradictions avec toi et je commence à me rendre compte que c'est probablement à cause de ton ancienne vie.

Le colosse se gratta la nuque, puis réfléchit à ce que son mari lui disait.

— Aujourd'hui, j'ai eu l'impression que mon mari timide avait complètement disparu... continua Flint. Je ne sais pas si je dois m'inquiéter ou si je dois être fier de lui. C'est inquiétant... mais je ne sais pas comment mettre tout ça en mots... Je n'ai pas envie de te blesser, tu comprends ?

— Non, je comprends parfaitement où tu veux en venir, répliqua Gabriel. En fait, il s'agit un peu de mon ancien moi. La version de moi qui portais des lunettes et qui était aussi studieux que Luna... J'avais aussi un peu de Wyatt en moi, toujours déterminé et confiant. Mon ancien moi n'aimait pas trop la compagnie des gens, mais rayonnait surtout en compagnie de ses camarades. Je crois qu'il est en train de déteindre sur moi depuis quelques années. Au départ, moi aussi, je trouvais cela inquiétant, car j'ignorais tout de mes origines. Maintenant, j'essaie de ne pas trop m'en faire... Nous ne formons plus qu'une seule personne, après tout.

— C'est quand même très étrange de te voir prendre autant de risques, tout à coup. Aujourd'hui même, tu as pris tellement de décisions sur un coup de tête que je me demandais si tout allait bien ou non. Je ne t'ai jamais vu aussi sûr de toi.

— Ah bon ? Je n'ai pas remarqué... Il est vrai que j'ai fait quelques modifications dans la cuisine avec l'aide de Nash, mais...

Il se perdit dans ses réflexions. Au bout d'un instant, Gabriel continua :

— J'ai carrément dit à ton oncle que le décor du salon n'était pas vraiment mon style, quand même ! C'était la première fois que je disais un truc dans le genre.

— As-tu réellement fait ça ? demanda Flint. Je devais être absent...

— Tu étais parti chercher des légumes dans le jardin. Il m'a regardé d'un drôle d'air et a haussé les épaules. Lui-même a l'air d'avoir beaucoup changé.

— On s'est tous perdus de vue pendant quatre ans, après tout. C'est normal qu'il y ait autant de changements. Les gens finissent par changer aussi...

— Et c'est toi qui dis ça...

Le colosse croisa ses mains et retroussa ses lèvres pour taquiner son mari.

— Ah tiens, tu fais ton impertinent, maintenant... commenta Flint. Décidément, Luna a une bien mauvaise influence sur toi.

Son époux gesticula sa main droite de façon maniérée, ce qui lui donnait sur le coup une allure très douillette. Le capitaine roula les yeux et se leva de table pour aller enlacer Gabriel dans ses bras. Il déposa son menton sur l'épaule gauche du gros bonhomme et l'embrassa sur la joue. Gabriel lui prit les mains tendrement.

— J'aimerais essayer quelque chose de différent avec toi, cette nuit... proposa Gabriel.

Il lui murmura alors quelques mots à l'oreille. Flint rougit timidement et gloussa lorsqu'il entendit cette idée, puis se tourna vers son interlocuteur.

— C'est complètement tordu ton truc ! s'exprima-t-il. J'embarque !

Ils s'embrassèrent tendrement et décidèrent de rentrer dans le bâtiment.

Pendant qu'ils s'apprêtaient à faire des galipettes dans leur chambre, un autre binôme ne dormait pas dans la pièce d'à côté.

¤*¤*¤

Lucas était haletant alors que Misaki s'allongea à côté de lui, souriante. Celle-ci venait de lui faire passer une excellente soirée. Tous deux avaient finalement fait l'amour après plusieurs jours à flirter et à se donner plein de compliments. L'homme trans ne s'était jamais attendu à se retrouver dans une situation de ce genre, surtout pas avec une femme aussi jolie que l'albinos. Il était ravi.

— Tu... sais comment plaire un homme, toi, dit-il avant de rire.

— Oh, tu sais, j'ai fréquenté beaucoup de personnes intéressantes avant mon ex-mari et toi. C'était une expérience enrichissante, surtout avec tous tes petits couinements virils... Je suis contente que ça t'ait fait du bien...

Elle lui caressa les cheveux tendrement.

— Je ne sais pas ce qui est le plus étrange dans cette phrase, remarqua Lucas. Que tu associes tout ça à ma masculinité ou bien que tu sois une experte du sexe...

Misaki gloussa et l'embrassa sur les lèvres.

— Ce qu'il y a sous la ceinture, ça n'a pas d'importance pour moi, ajouta celle-ci. Tant que l'homme ou la femme avec qui je passe du bon temps m'intéresse, tout me va. Et puis, ça t'a plu, donc c'est l'essentiel.

— Il faudra que tu m'apprennes comment tu as fait, avec la langue...

— Ah bon ? As-tu envie d'essayer ? C'est plus facile que tu le crois.

Lucas lui toucha les lèvres, elles étaient douces et rouges comme des pétales de roses. Il la trouvait envoûtante. Jamais il ne s'était imaginé tomber follement amoureux de son existence. Tout chez elle lui plaisait. Son franc-parler, ses jolis yeux rouges et son côté garçon manqué, mais parfois légèrement vulnérable... elle était parfaite.

Il avait fini par craquer pour la dame et lui avait proposé un rencart dans la jungle magique, alors qu'ils s'adaptaient à la zone d'entraînement. Elle avait accepté, timidement et avait joué le jeu de la séduction avec lui. Quelques heures plus tard, ils s'étaient retrouvés dans une chambre, au hasard, et avaient verrouillé la porte. Pendant plus d'une demi-heure, ils s'étaient embrassés, puis enlacés au rythme d'une musique douce et romantique que l'homme avait choisi. Il avait pensé qu'il en avait fait un peu trop, mais elle avait trouvé cela adorable de sa part.

— Tu es si belle... murmura celui-ci, envoûté.

— Oh arrête, gloussa-t-elle. Je ne suis pas si parfaite...

— C'est là que tu te trompes, ma jolie colombe. Tu es duveteuse, forte et brave... Tu as tant fait pour ta famille, je n'aurais jamais eu ton courage...

— Et moi, je ne pense pas que j'aurais été capable de faire ce que tu as fait pour être heureux dans ta peau... Tu es plus courageux que tu ne le crois.

Elle lui caressa le dos et lui bécota le menton, puis la nuque. Elle descendit plus bas et enfouit son visage dans son torse. Elle chatouilla celui-ci, lorsqu'elle frôla ses cicatrices au niveau de la poitrine.

— Ce sont de belles marques de guerre, mon soldat, dit-elle en gloussant.

— Vilaine, pouffa son partenaire. Je parie que tu te demandes quelle était leur grosseur, pas vrai ?

Misaki leva sa tête vers son partenaire et la pencha d'un côté.

— Disons qu'ils étaient plus gros que ceux de Cassandra... avoua Lucas.

Les joues de l'albinos rosirent quand elle entendit ces paroles. Lucas s'esclaffa et secoua la tête. La guerrière baissa son regard, timidement. Elle lui donna une petite tape sur le torse et l'enlaça. Elle ne pouvait pas s'empêcher de trouver la situation amusante, quoiqu'embarrassante pour lui. Le pauvre devait avoir mal au cœur à force de parler de son passé.

— C'est bête, mais avec tout ça, je ne t'ai pas demandé si tu n'aimes que les femmes, gloussa l'experte des arts martiaux.

— Ouais... je me considère hétérosexuel. Si je n'étais pas trans, je serais probablement une lesbienne. C'est un peu ironique, quand on y pense. J'ai toujours aimé les formes féminines, mais pas sur moi.

— Ç'a du sens, mentionna-t-elle, tandis qu'elle égarait son regard dans le vide. As-tu connu une femme trans, de ton côté ?

— Non... mais j'ai entendu dire qu'il y en avait une à l'est de Lanartis, beaucoup plus âgée que moi. Ça n'a pas vraiment d'importance, sinon... Ce n'est pas parce que nous nous identifions comme transgenres que forcément, nous allons tous nous entendre. C'est comme te dire que tous les gays s'entendent bien.

— Ah... je ne voulais pas paraître maladroite, déglutit celle-ci.

— Ça ne fait rien. On me pose souvent cette question, car tout le monde se demande si je me sens seul avec ma condition de naissance.

Misaki hocha la tête, se déplaça à côté de Lucas, se tourna sur le dos et fixa le plafond. Ensuite, elle se passa la main sur le menton. Elle se demandait comment réagiraient ses enfants, une fois qu'ils apprendraient que leur mère s'était fait un nouvel amant. Elle n'osait pas imaginer la réaction de Flint et Gabriel ; ces derniers n'arrêtaient pas de les taquiner, car ils trouvaient qu'ils allaient bien ensemble. Au moins, Misaki savait qu'elle aurait le support moral de ses amis, si jamais leur histoire d'amour allait plus loin.

— Dis, Lucas... commenta celle-ci.

— Oui, ma douce ? fit l'ambassadeur.

— Que comptes-tu faire, une fois la guerre terminée ? Vas-tu essayer de restaurer la nation de Lanartis ?

Il y eut un moment de silence. Il réfléchissait.

— Le Roi Davis et Dame Floraine n'ont jamais eu d'enfant, répondit Lucas. C'est possible que des cousins éloignés puissent prendre la place du trône, s'ils sont toujours vivants, mais je doute qu'ils le soient... Après tout, mon oncle s'est emparé de la nation et a fait exécuter plein de nobles...

— On les vengera dans ce cas.

Lucas gloussa.

— J'aime bien cette idée, dit celui-ci. Après, on verra... J'imagine que j'ai perdu mon titre d'ambassadeur à leur mort, mais ça ne m'empêchera jamais de me dire qu'Archenwald était l'endroit où je me sentais chez moi.

— C'est comme cela que je me suis sentie, lorsqu'on a quitté notre île pour traverser l'océan. Quand nous sommes arrivés aux montagnes, Yosuke et moi, on a eu du mal à s'adapter, tellement on aimait notre petite vie paisible. Puis, on a eu Sakura et les choses se sont améliorées.

Lucas prit la main de Misaki, afin de lui prouver qu'il tenait à elle. Elle lui sourit et se coucha en cuillère, contre lui.

— Essayons de dormir, maintenant, proposa-t-il. Mon oncle nous veut tous debout de bonne heure, pour l'entraînement.

— Oui, répondit cette dernière. Dors bien, mon beau papillon...

Ce surnom lui toucha droit au cœur. Il versa quelques larmes de bonheur, puis s'endormit paisiblement.

¤*¤*¤

Le lendemain, tous les brigadiers et Lucas se rendirent à la cour extérieure. Ils avaient bien dormi et déjeuner, seulement, il leur manquait Flint et Gabriel. Les esprits élémentaires, de leur côté, partirent se promener dans la jungle, afin de chasser ou bien de cueillir des fruits sauvages. Tout le monde était jumelé à quelqu'un et attendait patiemment l'arrivée du capitaine et du colosse.

Nash commençait à s'impatienter. Il avait une sensation de déjà-vu. Il souffla des narines et tapa du pied à quelques reprises, comme un lapin.

— Mais où diable sont-ils passés, ces deux-là ?! demanda-t-il, aux autres. Quelqu'un les a-t-il réveillés, au moins ?

Ils haussèrent tous leurs épaules, un par un.

— Et ça recommence... grogna celui-ci qui se tapa le front. Mon neveu n'a pas changé d'un poil. Toujours aussi désordonné.

— Bah, on s'y habitue, répliqua Luna. Normalement, Gabriel s'occupe de leurs horaires, mais il faut croire qu'ils n'ont pas encore réglé leur réveille-matin.

— Ça leur apprendra à faire l'amour comme ça à trois heures du matin. On va devoir commencer sans eux. De toute façon, Flint connaît déjà les bases et je suis certain que Gabriel aussi, puisqu'il a une vieille âme en lui.

Il procéda alors à leur enseigner comment contrôler leurs ailes. Lucas et Luna assistèrent Nash dans sa démarche, car ils comprenaient déjà la complexité de ce pouvoir. Les faire apparaître au grand jour était facile, mais les maintenir était beaucoup plus difficile. Shayne était celui qui éprouvait le plus de difficulté. Il n'arrivait pas à garder ses ailes déployées plus de quelques secondes, avant qu'elles ne disparaissent dans un nuage magique.

— Qu'est-ce que cette arnaque bidon ? râla l'ex-vampire. Que m'ont-ils fait ?!

— Tu es trop impatient, Wolfe, soupira Misaki. Respire par le nez...

— Mais je ne fais que ça : respirer !

Le pauvre Shayne était si désemparé par sa transformation qu'il ne s'habituait toujours pas à son nouveau rythme de vie. Encore une fois, ce matin-là, la nourriture avait été fade et il avait dû mettre beaucoup de sauce piquante sur ses omelettes pour leur donner un goût. Cassandra l'avait surpris à pleurer en cachette. Il détestait son nouveau corps. La guérisseuse ne voulait pas le déranger, mais elle se demandait ce qu'elle pouvait faire pour lui remonter le moral.

— Ton corps de vampire demandait moins d'effort, commenta Kylie. C'est à peine si on te voyait respirer. Mais le truc, c'est que les anges t'ont foutu un nouveau corps. C'est chiant, je dois l'admettre. Scottie et moi, on a fait la même chose quand on a décidé de vivre sur Aeglys. Ça nous a pris du temps pour nous habituer à nos nouvelles apparences et nos nouveaux poumons, mais on s'y est fait. En tant que faux mortels, nous étions plus faibles au départ. Par contre, au fil des années, on a fini par s'habituer. Tu es comme un nouveau-né, dans le fond. Tu as besoin de t'adapter.

Shayne grommela et se croisa les bras. Elle avait raison là-dessus, il se sentait comme un bébé. Il prit une grande inspiration, bomba son torse et expira. Il s'éloigna du groupe, s'assit à terre, puis décida de méditer. Lorsqu'il était en colère, c'était la seule façon pour lui de se calmer. Ils comprirent tous qu'il avait besoin d'espace, alors ils le laissèrent seul.

— Je n'ai pas fait ma chieuse, hein ? demanda Kylie qui se tourna vers les autres.

— Non, répondit Nash. Ce que tu as dit est la stricte vérité. Tous les anges passent par cette étape d'adaptation. Certains prennent plus longtemps que d'autres, comme lui...

Aussitôt, Nash entendit des cris derrière lui, qui venaient de la maison. Il fit volte-face et ce qu'il vit lui glaça le sang.

— Oh par Athéna, nous sommes en retard ! râla le Flint.

— Attends, ne sois pas si vite ! gémissait Gabriel. J'ai un nerf coincé dans le cou !

— Je t'avais pourtant dit de mettre le réveil à la bonne heure... !

— Ouais bah, avec nos singeries, je n'y ai pas pensé ! grogna son partenaire.

Ils arrivèrent enfin au groupe. Tous deux bâillèrent en même temps sous les regards ébahis de leurs camarades.

— Quoi ? demanda Flint qui posa ses mains sur son gros bedon. Qu'avez-vous à nous regarder comme ça ? Oh crotte... Qu'ai-je encore fait ?!

Ses yeux s'écarquillèrent lorsqu'il réalisa l'erreur. La veille, avant de faire l'amour avec son époux, il avait utilisé la machine spéciale près de leur douche pour changer son apparence physique. Il était en cet instant très grand, très gros, en plus d'être poilu partout. Gabriel, quant à lui, était plus petit, plus costaud et imberbe. Ils avaient inversé leurs rôles et leurs vêtements pour une nuit. Tout le monde l'avait compris.

— Ils sont si prévisibles... mentionna Luna qui secoua la tête, les bras croisés.

Flint et Gabriel se regardèrent dans les yeux, horrifiés, puis partirent en courant, en direction de la maison. Tous deux hurlèrent et se lamentaient de honte. Nash soupira tandis que le reste du groupe éclata de rire.

— Ils sont vraiment irrécupérables ! s'esclaffa Shayne, depuis sa position.

Finalement, Nash ne put s'empêcher de glousser à son tour.

— C'est dingue comment ces idiots m'ont manqué, déclara-t-il.