89. Shayne et Cassandra
Deux jours plus tard, soit le 15 avril 3918 AD, le groupe de Shayne avait retrouvé la trace de la crécerelle qui s'était sentie attirée par sa fratrie.
Cassandra était agenouillée près d'un buisson, sur une colline au nord de Drokaï. Son arc en main et une flèche de l'autre, elle attendait pour que Windy se pointe. Le but était de l'attirer dans leur piège et de l'empêcher de s'enfuir.
Ils avaient croisé quelques esprits appartenant aux autres divinités d'Aeglys, mais ces derniers prenaient la fuite, aussitôt qu'ils avaient vu les porteurs. Le vampire avait insisté pour qu'ils se concentrent uniquement sur la lignée d'Athéna, puisqu'ils devaient retrouver Flint et les autres, prochainement. Il s'était donc caché sur la branche d'un grand arbre, avec Nox en main.
Misaki était absente. Elle avait préféré rester au manoir, car elle avait attrapé la grippe de Lucas et devait se reposer. L'ambassadeur, toutefois, était présent sur la colline et Éclipse se trouvait avec lui. L'esprit de la destruction avait pris la forme d'une faux rétractable, entre les mains du jeune homme. Ils avaient finalement formé un pacte et ils passaient toutes leurs journées ensemble. Contrairement à Shayne et Cassandra, il s'était dissimulé derrière un gros rocher.
Lusso, le chien de prairie, se cachait derrière l'arbre auquel Shayne attendait pour leur cible. Il avait peur et se recroquevillait tandis qu'il se couvrait les yeux. Il était l'appât. D'ici peu, il devrait s'aventurer un peu plus loin et émettre de petits cris afin d'attirer l'attention de la crécerelle monstrueuse. Windy était d'abord et avant tout un oiseau de proie ; son instinct animal la pousserait sûrement à le prendre pour de la nourriture. C'était le plan qu'ils devaient tous mettre en œuvre.
— Eh ? Que fais-tu ? demanda le puma noir, au-dessus de lui.
— Je... Je ne peux pas le f... faire ! couina-t-il.
— Mais si, tu peux, répliqua Shayne. Tu as déjà creusé quelques tunnels pour t'échapper. On l'entend déjà d'ici. Il ne reste plus que toi.
Le chien de prairie déglutit et hocha la tête avant de contourner l'arbre. Il courut à côté de Cassandra, puis s'éloigna d'elle de quelques mètres. Il prit une grande respiration avant de couiner à quelques reprises. La crécerelle remarqua ce dernier et lâcha un cri strident, ce qui alerta tout le monde.
— Pas maintenant... pensa Lucas. Elle n'est pas encore à portée de vue pour les autres. Je dois attendre quelques secondes.
Il avait reçu l'ordre d'éblouir la crécerelle avec sa magie alors que Shayne se chargerait de paralyser l'oiseau avec ses vrilles ténébreuses. Cassandra l'attaquerait à distance avec sa maîtrise du vent et ses flèches.
Lusso devrait aussi essayer d'entraver la crécerelle avec un piège terrestre, mais puisqu'il avait très peur de se faire manger, les autres savaient qu'ils ne pourraient pas compter sur lui.
Au moment où Windy apparut au-dessus de la colline, Shayne cria :
— Lucas, maintenant !
L'ambassadeur se leva d'un bond et lança une bombe magique qui explosa au-dessus de leurs têtes. Cela aveugla Windy, mais pas le vampire et la guérisseuse qui s'étaient recouverts les yeux. Lusso s'était déjà jeté dans l'un des trous qu'il avait creusés, un peu plus tôt, alors que Shayne invoqua son sortilège de vrilles obscures. Cassandra devait l'attaquer, mais elle en était incapable.
— Cassie, c'est à ton tour ! lança Shayne qui se tourna vers elle.
— Je... Je ne peux pas blesser une amie ! expliqua-t-elle en baissant son arc.
— Passons au plan B !
Dans un état colérique et d'un mouvement de la main, le vampire enfonça l'oiseau dans la terre. Ils n'avaient pas le choix de procéder autrement. Cassandra recula, désemparée. Elle était furieuse de voir son amant abuser de Windy, de la sorte. Elle grinça des dents quand elle entendit la crécerelle hurler de douleur. Elle avait presque envie de courir à sa détresse.
— Fous-lui la paix... dit-elle en se plaçant entre l'animal et le général.
— Cassandra, nous devons la contrôler sinon elle va encore s'enfuir ! insista Shayne. Ce n'est vraiment pas le moment d'avoir une dispute !
— La seule personne qui mérite d'être contrôlée ici, c'est toi et ta fichue manie de toujours résoudre tout par la violence ! J'en ai assez ! Nous deux, c'est fini !
Elle se tourna vers la crécerelle et se jeta sur elle pour la protéger de Shayne. L'animal se mit à picorer l'épaule de la demoiselle, mais elle la serra quand même contre son corps. Elle lui caressa la tête, comme une enfant et ferma les yeux. Malgré le sang qui coulait le long de son bras, elle continuait à traiter la créature comme son amie. Peu à peu, Windy reprit son apparence normale et cessa d'attaquer sa porteuse. Miraculeusement, elle reprenait connaissance et réalisait ce qu'elle avait fait à l'épaule de sa porteuse.
— Oh... mais qu'est-ce que j'ai fait ? couina l'esprit du vent. Oh non ! Athéna... que suis-je devenu ? À qui ai-je fait ça ?!
Elle tourna son visage vers la jeune femme qu'elle reconnut aussitôt et réalisa que ce bras appartenait à celle qui l'avait autrefois porté comme une arme.
— Cassandra !? s'exclama-t-elle. C'est toi ? Mais que fais-tu ici !?
— C'est une longue histoire, ma belle... lui répondit son amie, avec son plus beau sourire. Nous sommes venus vous sauver...
Cassandra souriait, malgré la douleur immense qui s'était emparée de son épaule. Lucas courut dans sa direction afin de la soigner. Shayne était bouche bée. Il acceptait mal qu'elle venait de le larguer. Nox essaya de le consoler, mais l'ex-mercenaire l'empêcha de lui mentionner quoi que ce soit par pensée ou à l'oral. Il se mit simplement les mains dans les poches et marcha en direction du manoir.
— Euh... Flint ? demanda Windy en tournant sa tête vers Lucas. Tu as l'air... différent. C'est moi ou t'es plus court, qu'avant ?
L'ambassadeur gloussa et se passa une main dans les cheveux. Ce n'était pas la première fois qu'on le comparait à Flint ou bien Kyran. Il le prenait comme un compliment. Quant à sa taille plus courte, il le devait à sa naissance.
— Je suis le frère de Flint, Lucas Markios. Enchanté de faire votre connaissance, mademoiselle. Vous reconnaissez sûrement Éclipse, n'est-ce pas ?
La faux de l'homme brillait à la lueur de la lune. Il n'avait pas eu besoin de s'en servir contre elle. L'âme de son arme résonnait en cet instant avec celle de l'oiseau magique. Windy ouvrit grand les yeux, lorsqu'elle reconnut sa sœur.
— Oh, par Athéna ! formula-t-elle. La blessure !
Elle avait complètement oublié qu'elle avait lacéré l'épaule de Cassandra. C'était le bras dont elle se servait pour tirer sur la corde de son arc.
— Laissez-moi vous aider, supplia-t-elle en s'adressant à Lucas.
Il hocha la tête et elle l'accompagna dans l'incantation du sortilège de guérison. Cassandra ferma les yeux, prit une grande respiration, et se joignit à eux afin de lancer son propre sort. Rapidement, sa blessure se referma.
— Je ne pourrais pas me servir de ce bras pour une journée ou deux, leur informa cette dernière. La plaie était superficielle et je n'ai pas d'os cassé. Vous devrez me défendre sur la route, j'en ai bien peur.
— Je ferais tout pour t'aider ! couina Windy. Oh, je suis tellement désolée !
La crécerelle frôla sa tête contre la poitrine de la porteuse et pleura. Son amie lui caressa le dos pour la rassurer. Leurs liens n'avaient pas disparu, malgré tout le temps qui s'était écoulé. Elle ressentait toujours autant d'affection pour la demoiselle avec qui elle avait combattu les forces du mal, autrefois. Elle était si heureuse de la retrouver qu'elle en perdait tous ses moyens.
Un instant plus tard, Lucas aida Cassandra à se relever.
— Merci, dit-elle.
Il lui sourit timidement et rougit.
Ils s'éloignèrent de la bute et entamèrent de retourner au manoir.
— Ouf... c'est moi ou l'enfer est plus calme que d'habitude ? demanda l'oiseau. Normalement, ça grouille de monstres dans cette région.
— On t'expliquera tout ça à notre retour à l'abri, dit Cassandra. Pour le moment, essaie de te reposer, ma chérie. Tu as quand même passé un bail sous l'influence des dieux renégats... Est-ce que... est-ce que tout va bien ?
— Oui, oui ! couina l'oiseau. Je suis seulement confuse, c'est tout.
— Si elle était encore possédée... je le saurais... mentionna Éclipse.
— Merci, répondit l'elfe.
— Euh... on n'oublie pas quelqu'un, en fait ? questionna Lucas. J'ai l'impression qu'on a oublié quelque chose d'important...
Pendant qu'ils entraient dans la cour du manoir, Lusso était caché dans son trou, creusé sur la colline. Il se bouchait les oreilles et se balançait d'en avant et en arrière, tandis qu'il marmonnait une petite prière à sa déesse. Le petit rongeur avait une horrible peur de se faire dévorer par l'oiseau de proie.
Il finit par sortir sa tête de son trou, quelques minutes plus tard. Quand il vit que tous les autres avaient quitté les lieux, il cligna des yeux.
— Eh ? couina-t-il. Mais où sont-ils tous passés ?
¤*¤*¤
Quelques heures plus tard, alors que tous les membres du groupe se reposaient, Shayne faisait les cent pas dans le couloir et discutait avec Nox, mentalement. Il était sidéré que sa belle Cassandra avait rompu avec lui. Il bouillait de rage et ne comprenait pas pourquoi elle avait décidé que tout était terminé, sous un coup de tête. Elle était en train de le rendre fou.
— Pourquoi est-elle si compliquée !? grogna-t-il dans sa tête.
— Je n'en sais rien, fit Nox. Elle est difficile à cerner...
— Je pensais que tout était réglé entre nous.
— Laisse le temps régler tout ça. Lorsque les choses se seront calmées, elle viendra vers toi. Elle a besoin de calme, d'après moi. Cette dimension nous rend tous nerveux. Il y a tant de choses que nous ignorons de ces terres. Sans oublier que le danger qui nous guette est constant.
Shayne souffla des narines et regarda le plafond poussiéreux.
— Tu as raison, dit-il à haute voix. Je vais attendre.
Il n'avait pas besoin d'attendre longtemps, car quand il s'approcha de la porte de la cuisine, il fonça accidentellement Cassandra qui était partie se chercher une tisane. Elle échappa la tasse par terre et toisa le vampire avec mépris.
— Oh, c'est malin ! s'exprima-t-elle. Regarde où tu mets les pieds, andouille !
— Je ne l'ai pas fait exprès ! Nous en sommes à combien de ruptures maintenant ? La quatrième ou bien la cinquième ? Combien de fois vas-tu rompre avec moi ? J'en ai marre que tu joues ainsi avec mon cœur !
— Je... Je...
Shayne ne lui laissa même pas la chance de répondre. Il poursuivit :
— Tu es la seule femme qui me rende complètement fou ! Ton odeur me donne envie de rêver, ta voix me donne des frissons et tu es adorable... Mais tu me traites constamment comme une ordure parce que j'ose faire mon travail ! Tu me juges sans cesses puisque je consomme de la viande crue et du sang ! Tu n'arrêtes pas de me traiter comme un monstre alors que tous les autres ont accepté mon vampirisme depuis belles lurettes ! Si tu veux mon avis, Cassandra, ce n'est pas moi le problème, mais toi ! Tu es trop exigeante !
Elle le gifla et le poussa contre un mur. Nox préféra ne pas s'en mêler. Il reprit sa forme de puma noir et s'éloigna discrètement vers le salon. Shayne était assez grand pour se débrouiller sans lui.
— Oh toi... Oh toi... marmonna Cassandra.
Elle était au bord des larmes. Elle lui pointait le torse de façon accusatrice.
— Une gifle ? dit le vampire. Et quoi encore ? La prochaine fois, tu me donnes un coup dans les parties ? C'est très mesquin de ta part, Appleseed !
— Tu vas te taire oui ? C'est fini nous deux ! Nous n'avons rien en commun...
Elle pleura, secoua la tête et fit volte-face.
— Nous... nous sommes trop différents... affirma-t-elle. Cette relation ne nous donnera rien de positif ! Nous méritons mieux que ça. Moi, un homme qui ne me fera pas peur et toi une femme qui t'acceptera tel que tu es.
— J'envisageais de me marier avec toi un jour et de fonder une famille ! déclara Shayne, donc la voix était en train de se casser. Je pensais enfin d'avoir trouvé quelqu'un avec qui j'aurais pu vivre le parfait bonheur...
— Arrête ! Nous ne sommes ensemble que depuis quelque temps seulement ! Comment pouvais-tu planifier tout ça en avance ?!
— Parce que j'ai toujours voulu de toi, depuis tout ce temps ! Dès la première fois où j'ai posé mes yeux sur ton visage, mon cœur s'est mis à battre à une vitesse folle dans ma poitrine. Le jour où je t'ai vu t'asseoir avec nous à la salle de rencontres... J'ai tellement voulu te parler et apprendre à te connaître ! Au fil des semaines que nous avons passés ensemble, je suis tombé amoureux de toi, mais tu n'en avais que pour Nash et pour notre travail... Finalement, j'ai tout laissé tomber !
Cassandra essuya ses larmes et se tourna vers lui.
— Pourquoi ne m'en as-tu jamais parlé ? questionna-t-elle.
— Parce que j'avais peur de toi... Et j'ai toujours peur de toi...
Il avait les lèvres tremblantes alors qu'il lui disait enfin ce qu'il avait sur le cœur.
— Tu étais trop parfaite pour moi... Jamais un monstre tel que moi aurait pu te donner tout ce dont tu avais besoin. Je savais déjà que tu ne pourrais jamais être heureuse avec quelqu'un qui consomme autant de sang...
Il baissa son regard, déprimé.
— Et ce n'est pas par faute d'avoir essayé, mentionna-t-il. Par moments, je me laissais crever de faim pour ne pas te dégoûter...
— Par tous les esprits ! soupira-t-elle. Shayne, comment as-tu pu ?!
La guérisseuse était choquée par la confession du vampire.
— C'était donc ça, toutes les fois où je t'ai croisé au palais ? continua-t-elle. Quand tu étais tout pâle ? Tu jeûnais... Tu jeûnais pour... moi ?
Il hocha la tête, faiblement.
— Oh, mais il ne fallait pas ! s'exclama Cassandra, horrifiée.
— Comprends-moi, Cassie. J'étais fou de toi et je ne pensais qu'à une chose : t'impressionner. Mais j'ai vite compris que peu importe le nombre de fois où je me laisserais mourir de faim, que tu ne tomberais jamais amoureuse de ce que je suis. J'ai donc consacré les années suivantes à l'armée...
— Ne te laisse plus jamais mourir de faim pour moi, tu m'entends !?
Elle lui donna des coups de poings dans la poitrine. Des larmes de rage coulaient le long de ses joues. Elle s'enfonça dans son torse et pleura encore plus fort. Elle se calma lorsqu'il l'entoura de ses bras musclés pour la réconforter.
— Je t'aime tellement, imbécile ! gémit-elle. S'il fallait que tu meures, je ne te le pardonnerais jamais ! Mais tu m'énerves aussi avec toutes tes manies !
— Eh bien, c'est réciproque... Je t'aime autant que tu me rends fou...
Elle l'enlaçait alors qu'elle commençait à se calmer. Par réflexe, le vampire lui donna une bise sur le front. Ils restèrent ainsi quelques minutes, sans se dire quoi que soit. Peut-être était-ce mieux ainsi ? Le silence pouvait parfois régler bien des choses. Shayne observa Cassandra un moment. Elle releva son visage et ils s'embrassèrent pendant quelques secondes. Il caressa sa longue chevelure qui sentait les groseilles alors qu'elle se laissait porter au rythme de son cœur.
Ils s'aventurèrent d'une pièce vide où ils se déshabillèrent. Le beau ténébreux était déjà en train d'embrasser sa jolie demoiselle à la nuque, lorsque celle-ci ferma la porte derrière eux, assise sur un comptoir.
¤*¤*¤
Cassandra donna une petite tape sur le torse musclé du bel adonis à côté d'elle. Ils étaient allongés dans le grand placard à balai. La pièce était verrouillée de l'intérieur et ils étaient allongés sur sa cape.
— Tu en avais très envie, dit donc... ricana-t-elle.
— Et comment ! C'est sorti aussi vite qu'un canon !
— Eh bien... je l'ai ressentie...
Complètement nus, ils profitaient de cet instant pour s'admirer mutuellement. Ils étaient enlacés l'un contre l'autre, face à face.
— M'en voudrais-tu si je t'ai mise enceinte ? interrogea le vampire, inquiet. Nous n'avions pas de préservatifs, cette fois...
— Pas du tout, dit-elle. Et puis, n'oublie pas que je prends la pilule...
— Oui, c'est vrai...
— Mais ce serait marrant de voir nos gosses courir partout, n'est-ce pas ?
Shayne s'esclaffa et caressa la chevelure de sa douce et tendre partenaire.
— Nous n'en sommes pas encore-là, mais bon...
— Honnêtement, je crois qu'on devrait consulter un bon thérapeute.
Elle baissa la tête vers le torse nu de son ami de cœur.
— Si nous voulons vraiment que ça marche entre nous, ça pourrait nous être utile, tu ne crois pas ? poursuivit-elle.
Il haussa les épaules.
— On peut toujours essayer, répliqua-t-il.
Cassandra passa une main sur les petits poils qui avaient poussé sur la poitrine du vampire. Ils n'étaient pas visibles à l'œil nu, mais elle pouvait les ressentir. Un frisson lui parcourut le corps.
— Tiens donc, Gabriel a de la concurrence, plaisanta-t-elle.
— Pfft, fit Shayne. Arrête, il a l'air d'un gros gorille contrairement à moi. Mais j'avoue que j'envie son torse bien garni...
Cassandra recula sa tête, confuse.
— Je ne parlais pas de la grosseur de sa poitrine, remarqua le général. Je parlais du fait qu'il est poilu... ! Tu sais ? Ça lui donne un côté très viril.
— Ah, je vois, dit-elle. Mais c'est vrai que ses seins sont assez gros. Bien plus gros que les miens. Ne lui dis surtout pas ça, mais j'en suis jalouse, parfois.
— Héhé, tu connais bien notre ami. Il le prendrait comme un compliment. Il ne le mentionne pas souvent, mais à cause de mon ouïe très développée, je l'ai déjà surpris en train de s'admirer devant la glace. Il était à moitié nu dans sa chambre et la porte était entrouverte. Quel imbécile heureux, celui-là...
— Ah bon ? Bah, ce n'est pas surprenant, à vrai dire. Flint et lui sont tellement exhibitionnistes que plus rien ne me choque venant d'eux.
Le vampire pouffa de rire.
— J'ai abandonné toute tentative de faire maigrir notre cher gros débile, soupira Shayne. Il insiste vraiment qu'il soit heureux comme ça. Et le pire dans tout ça, c'est qu'il envisage peut-être de prendre encore du poids... Je n'en peux plus. Il va bouffer à en crever. Et ne le répète à personne, mais il est celui que j'apprécie le plus dans notre groupe. C'est un très bon collègue de travail et aussi un confident auquel je me suis beaucoup attaché au fil de ces dernières années...
Cassandra était déjà au courant que Shayne appréciait beaucoup la présence de Gabriel. Il ne lui en avait jamais parlé, mais elle les avait souvent vus passer beaucoup de temps ensemble. Que ce soit en cuisines ou à la bibliothèque, ils avaient partagé beaucoup de moments entre amis, quand Flint avait été occupé.
— Gabriel est le membre le plus populaire de notre brigade, c'est un fait, remarqua Cassandra. Depuis l'invasion du culte au palais, il est toujours très demandé par les clients pour des livraisons ou bien pour servir de garde du corps. C'est à croire que sa réputation a changé du jour au lendemain. Avant, beaucoup se moquaient de lui et de sa timidité... Mais depuis que tu l'as pris en charge, il est devenu un homme neuf.
Shayne esquissa un sourire. Il était fier de constater qu'il avait au moins apporté un changement positif dans la vie du golem. Il se demandait si Nash serait fier d'eux, après tous les exploits que leur équipe avaient accomplis en quatre ans.
Cassandra profita de ce silence pour revenir sur un autre point :
— Sinon... pour ce qui est de Gabriel et ses formes... Je dirais que tout le monde a ses fantasmes. Ça ne m'étonne pas qu'il ait lui-même une sexualité assez tordue pour s'être marié avec Flint. De toute façon, ils sont assez grands pour faire ce qu'ils veulent sous la couette. Du moment que tout est consentant...
— Penses-tu vraiment qu'il soit possible d'aimer autant les rondeurs, comme eux ?
— Bah ouais ? Il existe quelques personnes rondelettes dans mon village qui s'aiment comme elles sont. Les coutumes des gens d'Aöryn sont parfois très différentes à celles des humains, puisqu'ils sont aussi des animaux anthropomorphes.
Shayne cligna des yeux et répondit :
— Est-ce moi ou nos conversations sexuelles portent souvent sur Flint et Gab ? Suis-je en train de développer une attirance pour les hommes ?
— Tu plaisantes, j'espère ?!
Elle fronça des sourcils, peu impressionnée.
— J'avoue que Flint a un beau petit cul, plaisanta Shayne. Ça ne me dérangerait pas de m'essayer avec lui. Je te laisse son mari, par contre.
— Eh ! fit-elle avant de rire. Ce n'est pas gentil pour Gabriel.
Elle lui donna une tape sur l'épaule et ils s'embrassèrent.
— Ou sinon, on peut toujours leur demander de se joindre à nous, dans un ménage à quatre... Qu'en dis-tu ? proposa Shayne.
Cassandra était bouche bée.
— C'était une blague, ajouta-t-il en lui faisant un clin d'œil.
— Oh, le coquin ! répondit-elle.
Elle sourit, et le serra contre son corps. Elle appréciait de humer son parfum naturel.
— Quoique... je sois ouvert pour essayer ça au moins une fois... ajouta le guerrier.
Cette fois, Cassandra était abasourdie. Elle était tombée amoureuse d'un homme assez étrange. Cependant, elle trouvait son ouverture d'esprit particulièrement rafraîchissante. Si Shayne était prêt à tenter des expériences sexuelles de ce genre, et surtout avec d'autres hommes, elle se dit qu'elle avait sûrement gagné le gros lot avec quelqu'un comme lui. Pourtant, elle n'aimait pas trop l'idée de le partager.
— Allons chérie, ne fait pas cette tête, dit-il. Ce n'est que du sexe. Romantiquement parlant, je n'aime que toi. Pour le reste, ce n'est que du plaisir.
Légèrement embarrassée, elle rougit.
— Nos enfants ont intérêt à être aussi chouettes que nous, plus tard, dit-elle. On les élèvera à respecter tout le monde.
— Tu penses déjà au futur ? formula son interlocuteur.
Elle le prit par la nuque et le tira vers elle, son regard dans le sien. Tous deux restèrent ainsi pendant un moment, jusqu'à ce qu'ils s'échangent une série de langoureux baisers et de caresses. Au bout d'un moment, Cassandra se retrouva au-dessus de lui et l'observa, l'air de lui dire qu'elle en voulait plus.
— Prends-moi maintenant et je t'offrirai la plus belle famille qui soit, dit-elle.
Shayne roula les yeux et haussa des épaules.
— Ça tombe bien, parce que je sens que ça revient... mentionna-t-il.
— Et c'est reparti pour un tour ! s'esclaffa sa partenaire qui se lança sur lui.
¤*¤*¤
Au matin du 16 avril 3918 AD, Misaki était assise à la table de la cuisine et se servait un bol de fruits et de légumes sauvages. Elle avait récupéré de sa vilaine grippe et se sentait de meilleure humeur que trois jours plus tôt. Lucas aussi n'avait plus d'écoulements nasaux. Il dormait encore sur le divan. Ils avaient passé la soirée précédente à discuter dans le salon, pendant que Cassandra et Shayne s'étaient emboîtés les parties dans le placard à balai.
Misaki avait appris rapidement que Lucas était assez simple comme personne. Il aimait beaucoup passer du temps à l'extérieur et faire de longues randonnées. Lorsqu'il n'avait rien de mieux à faire, il aimait peindre ou bien traîner dans les bars pour boire une bière avec ses amis. Il était tellement calme qu'il apportait un peu de sérénité dans la tête de la guerrière albinos.
Petit à petit, ils devenaient de bons amis. Il lui rappelait étrangement Yosuke avec certaines de ses habitudes, mais il était tout de même différent, car il aimait la littérature, la musique, le théâtre et bricoler... et il aimait parler pendant des heures et des heures. Son défunt mari n'avait jamais été très verbal.
Alors qu'elle prenait une bouchée de pain qu'ils avaient préparé avec un vieux sac de farine ; elle se dit que finalement, elle n'avait pas besoin d'un homme dans sa vie, mais simplement de changement et cela commençait par se faire de nouveaux amis. Elle ignorait où cette histoire la mènerait avec Lucas, mais pour le moment, elle appréciait sa compagnie. Il l'aidait un peu à oublier le fait qu'elle ne puisse pas voir ses enfants, à cause de la distance et aussi parce qu'en étant coincé dans cette dimension. Ils ne pouvaient rien faire pour aider leurs proches.
Lusso entra dans la cuisine. Il lâcha un bâillement. Ce dernier avait dormi au fond du couloir, sur un coussin qu'il avait tiré avec lui. Il n'était pas matinal. Il s'était levé comme il savait que ce jour-là, ils devraient partir très tôt vers le nord de la région. Ils avaient rassemblé tous les esprits élémentaires possibles et pour cette raison, il était temps pour eux de rejoindre Flint et les autres.
— Bon matin... dit mollement le chien de prairie.
— Bonjour, fit sa porteuse.
— Bien dormi ?
Misaki haussa les épaules.
— Mieux qu'hier, en tout cas. Comment vas-tu ?
— Ça pourrait aller mieux... Vos potes n'ont pas arrêté de me réveiller avec leurs cris et les bruits... On dirait le big boss et son mari.
Misaki pouffa de rire après s'être souvenue que Lusso avait déjà entendu Flint et Gabriel en pleine action. Il n'avait pas été avec eux très longtemps. Toutefois, elle se souviendrait toujours de la fois où elle s'était promené dans les couloirs du rez-de-chaussée avec le petit rongeur sur son épaule. Ce jour-là, ils avaient entendu le couple faire l'amour dans les vestiaires pour hommes des brigadiers. Le pauvre Lusso, bien que sous l'influence de Perséphone, avait quand même dégueulé.
— Tu me dois toujours une chemise, tu sais ? remarqua la guerrière. C'était ma préférée, en plus. Mais bon, je doute que les esprits élémentaires connaissent la valeur de l'or. Ça m'a bien fait rire, en tout cas.
— Ah... ce moment-là ? fît ce dernier. Je m'en souviens maintenant. Tu étais enceinte quand c'est arrivé...
Misaki hocha la tête et lui tendit un morceau de pain, alors qu'il s'approcha de ses pieds. Il irait chasser un peu plus tard, lorsque le puma et la crécerelle se seraient réveillées. Éclipse étant végétarienne, mais surtout frugivore, elle n'avait pas besoin de chasser avec eux.
— Je donnerais n'importe quoi pour une jolie feuille de laitue... soupira Lusso. Bien croquante et juteuse... Une bonne salade...
— Ah ouais, formula Misaki. J'oubliais que tu aimais certains légumes.
— Tout ce qui pousse sous la terre, ça me va ! Je ne suis pas difficile. Mais bon... Il me manque des protéines dernièrement.
— Ça explique ton côté léthargique.
— Mouais...
— Je pourrais toujours demander à Cassandra de te passer des vitamines, non ?
— Non, ça ira. J'ai vu une sauterelle hier en revenant au manoir et...
— Euh... je mange...
Le chien de prairie s'excusa et prit une bouchée de pain.
Ce fut à ce moment que Shayne Wolfe entra dans la cuisine, à moitié nu. Il ne portait que ses sous-vêtements et révéla son torse à la guerrière, abasourdie. Il s'approcha de l'évier auquel ils avaient mis l'eau du puits qu'on avait pompé la veille. Il marchait d'une étrange manière, comme s'il avait passé la nuit sur la corde raide. Il mit sa main dans l'eau et secoua celle-ci avant d'en ressortir de la neige. Il se tourna dos à la guerrière et enfonça ce qu'il put dans ses slips, près de ses parties. Il poussa un long soupir de soulagement.
— Je n'ose même pas demander ce que vous avez fait... remarqua Misaki.
— J'imagine qu'ils se préparaient pour le record de la meilleure baise au monde, plaisanta Lusso.
— Arrête, ils ne vont quand même pas faire un marathon...
Shayne tourna son visage ; il affichait une expression macabre. D'un ton lugubre, il dit :
— La prochaine fois que Cassandra me demande de faire des bébés, s'il vous plaît, ligotez-la quelque part et permettez-moi de prendre la fuite...
Misaki s'esclaffa si fort qu'elle en tomba en bas de sa chaise. Elle s'empoigna les côtes et hurla de rire, tellement elle trouvait cette réplique marrante. Le pauvre général se sentit comme si les dieux se moquaient littéralement lui pour lui avoir envoyé une elfe aussi... gourmande en amour. Le pire dans tout ça, c'était qu'elle dormait paisiblement, comme si rien de tout cela ne s'était passé.
Après avoir respiré un bon coup, Shayne se dit qu'il était temps pour lui de préparer tout le monde à partir. Mais avant, il avait besoin de soulager son mal.
¤*¤*¤
Shayne menait son groupe au nord de la région. À quelques reprises, ils s'étaient servis du sortilège de rapidité que Luna leur avait enseigné, afin d'éviter quelques combats. Ils formaient un groupe de huit, avec les quatre créatures élémentaires. Leur source de mana partait de ces créatures et ils avaient de moins en moins besoin de se servir de potions magiques pour récupérer ce qu'ils avaient dépensé.
Au bout de quelques heures, ils arrivèrent au campement abandonné où ils avaient trouvé Wyatt et son groupe, quelques jours plus tôt. Rien n'avait changé, sauf qu'on avait laissé une enveloppe sous deux grosses pierres, près des bûches de bois brûlées. Cassandra se pencha pour ramasser cette dernière et en sortit une lettre qu'elle passa au vampire.
— N'attendez pas pour nous, nous sommes déjà partis au nord, lut le général. Et c'est signé Flint Markios.
— Ouais, bah moi, j'ai une crampe, dit Misaki. Reposons-nous un peu avant de reprendre la route.
— Profitons-en pour dîner, ajouta Lucas. Je me souviens qu'il y a un ruisseau, pas très loin d'ici. Nous pourrions y attraper du poisson.
— Mince, pas encore du poisson... se plaignit Misaki. Nous allons nous transformer en truites à force d'en manger.
— C'est mieux que rien, relata le puma noir. Nous, ça fait depuis quatre ans que nous suivons cette diète. Nous n'en sommes pas morts.
— Je tuerais pour un bon steaaaaaak, grogna la guerrière.
La végétarienne dévisagea sa meilleure amie qui venait de gaffer.
— Pardon, dit Misaki.
— Bof, pas grave, répondit son amie. Juste... ne parle pas de tuer un animal devant moi... Ça ne me met pas très à l'aise.
— Je ferai attention, la prochaine fois. Promis.
Elles continuèrent de discuter alors qu'elles s'éloignaient vers la rive, en compagnie des esprits élémentaires et de Lucas.
Shayne et Nox ramassèrent quelques brindilles afin de préparer un nouveau feu, pour leurs camarades. Ils avaient peu parlé depuis ce matin-là et Nox était curieux d'en savoir plus sur les folies nocturnes du vampire et de sa belle aux yeux émeraude. L'homme était dans un état second alors qu'il s'approchait d'un vieil arbre mort. Le félin était de plus en plus intrigué par les agissements de son ami.
— Donc... quand vas-tu me parler de ce que vous avez fait hier ? demanda la panthère, sous sa forme d'épée noire. C'était comment... ?
— Oh arrête... dit Shayne.
— Allons, on vous a entendu crier comme des hyènes durant toute la soirée. À un moment, j'étais sur le point de me demander si vous n'étiez pas possédés par notre capitaine et son mari. Hi hi hi...
— Pourquoi faut-il toujours qu'on ramène tout à eux ? Ils ne forment plus le seul couple de la Septième Brigade, je te signale !
— Bah, à côté d'eux, votre liaison est assez jeune.
— On se voyait en cachette quelque temps après votre départ dans l'au-delà, pour être honnête avec toi. Tout a commencé à être sérieux dernièrement.
Nox reprit sa forme animale sous ses yeux et l'observa avec un drôle d'air. Il n'avait pas réussi à lire cette information dans les pensées du général qui avait réussi à lui cacher ce détail, jusque-là.
— Dis-moi absolument tout ! fit le félin qui monta sa longue queue en l'air, en forme de point d'interrogation. C'est la première fois que je te vois si heureux, c'est attendrissant. Je veux tout savoir !
Shayne leva les yeux vers le ciel et maudit son meilleur ami de vouloir potiner avec lui sur ces dernières années. Cassandra et les autres ne reviendraient pas avant un bon moment et il avait toujours du bois à ramasser. Quoiqu'embêté, Shayne se dit que Nox avait bien mérité qu'il lui raconte quelques histoires. Après tout, il lui avait mordu la nuque, l'autre jour.
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