68. Sous les étoiles

Le soir arriva rapidement. La Septième Brigade s'arrêta à quelques kilomètres du village d'Alba. Il ne leur restait que deux heures de route, mais quelques chevaux commençaient déjà à s'endormir, alors ils décidèrent de poser leurs tentes près d'une rivière. Ils avaient croisé plusieurs créatures sauvages sur la route, mais pas de dragon. Ils soupèrent tard.

Suite à la conversation que Luna et les autres avaient eu avec Gabriel, ce dernier s'était fait silencieux pour une bonne partie de la journée. Lorsque vint le moment de laver les assiettes dans un ruisseau, Flint, qui s'inquiétait pour son mari, s'approcha de lui. Il n'avait pas l'habitude de le voir si pensif. Dia avait opté pour rester près du feu de camp.

— Quelque chose ne va pas, nounours ? demanda Flint à son époux.

Gabriel secoua la tête.

— Est-ce que tu m'en voudrais si je maigrissais un peu ? dit-il.

— Pourquoi cette question toute bête ? répondit Flint. Je t'aime, peu importe ton apparence... Que tu sois plus maigre, plus gros, ça m'est égal. Tant que tu es heureux, c'est tout ce qu'il y a d'important à mes yeux.

Gabriel hocha silencieusement la tête.

— Les autres m'ont parlé de mon apnée du sommeil, un peu plus tôt dans la journée, avoua-t-il. Luna et Wyatt s'inquiètent beaucoup pour moi lorsque nous dormons en dehors des endroits électrisés. Tu sais comment j'ai tendance à arrêter de respirer longtemps... n'est-ce pas ?

Flint opina du chef.

— Si je perdais un peu de poids, ce serait moins difficile sur mes poumons, continua Gabriel. Malheureusement, je ne serais jamais capable de descendre en dessous de cent soixante kilos à cause de ma création très étrange...

— Tu as vécu plus de trente-et-un ans avec ce corps de golem, il n'y a que toi qui saches ce qu'il y a de mieux pour toi, chéri... Je suis heureux que l'invention des ingénieurs de Baldt te soit utile, mais il est vrai que l'apnée du sommeil est une condition terrible. Pour ce qui est de ta pesanteur, je n'en ai rien à foutre de ce que les gens pensent de toi. Tu es mon chéri et je t'aime, un point c'est tout. Tu pourrais être aussi gros qu'une baleine, je t'aimerais quand même !

Les joues de Gabriel rougirent. Il se recouvrit le visage timidement.

— Oh allons, Flint... Tu dis simplement ça pour me faire plaisir... marmonna-t-il.

— Mais je le pense ! formula le blond, qui fronça des sourcils.

Il esquissa un petit sourire avant de blaguer :

— Par contre, si tu devenais immobile, ce serait difficile de faire l'amour. Quoique ça ne me dérangerait pas, puisque tes formes m'ont toujours excité...

Flint lui fit une caresse sur le bedon, suivit d'un clin d'œil.

— Pfft ! soupira Gabriel. Grand fou, va...

Il se pencha et mit ses mains près du bassin de Flint. Ensuite, il l'approcha près de lui et l'embrassa tendrement sur les lèvres. Flint en profita pour passer ses mains sur ses formes, ainsi que le dos. Son parfum à la cannelle l'enivrait toujours.

— Tu me donnes très envie, ce soir... susurra le capitaine.

— Ah bon ? Moi qui croyais que tu cachais une aubergine dans ta culotte...

Il plaisantait, ce qui fit marrer son époux. Flint avait déjà enlevé son chandail, pour dévoiler ses abdos bien taillés à son chéri. L'hématome de sa blessure ne paraissait presque plus. Il n'avait plus qu'à enlever ses vêtements en bas de la taille.

— Si ça ne tenait que de moi, on ferait l'amour dans cette rivière, tout de suite... dit Flint.

— L'eau est plutôt froide, mentionna Gabriel.

— Je sais... mais tu es si chaud... et j'ai très envie de toi...

Flint était complètement médusé par le regard de son époux. Il enlevait son pantalon, son sous-vêtement, ses souliers et ses chaussettes. Il était entièrement nu et lui fit son plus beau sourire. Il pénétra ensuite sa main, tout doucement, dans le sous-vêtement de Gabriel, cherchant l'objet de son désir.

Soudainement, ils entendirent une petite toux près d'eux, dans l'obscurité.

Le regard confus du Flint se tourna rapidement vers l'intrus... ou plutôt, l'intruse. Une jeune femme qu'il reconnut aussitôt, fronçait des sourcils.

— Vous avez oublié cette assiette, dit Cassandra qui les observait, mitigée. Sinon, ce n'est vraiment approprié, ce que vous faites. N'oubliez pas que j'ai une très bonne vision et que Shayne et moi, on entend tout avec notre ouïe...

— Sapristi ! couina Flint qui sursauta.

Il rougit, humilié et hurla de détresse avant de plonger à l'eau.

— Oh Athéna, que j'ai honte ! s'exclama Gabriel avant de faire volte-face.

Gabriel se passa une main dans les cheveux et étouffa un petit rire.

— Ça va, soupira-t-elle. Ce n'est pas comme si je n'avais jamais vu vos fesses. On vous surprend si souvent au palais que ce n'est plus une surprise pour personne. Continuez vos trucs, mais essayez de le faire discrètement, s'il vous plaît.

Flint remonta à la surface de la rivière et recracha de l'eau. Il grelottait de froid. Cassandra finit par glousser avant de déposer l'assiette sale près de celles qui avaient été lavées. Elle salua ensuite le couple et s'éloigna, amusée.

— Quels nigauds... dit-elle pour elle-même. Ils me feront toujours rire !

Gabriel déglutit. À présent, il ressentait beaucoup de chaleur. Il ôta ses vêtements du haut, ce qui dévoila son gros bedon bien rond à son mari. Ensuite, il enleva rapidement tout le reste. Complètement à poil, il partit rejoindre Flint.

— Ah voilà... on est mieux comme ça, dit Flint qui s'approchait déjà de son mari.

Gabriel était si grand qu'il pouvait se tenir debout dans l'eau de la rivière profonde. Il tenait les fesses de son partenaire et donna un coup vers l'avant, rien que pour le taquiner. Gabriel l'embrassa sur la nuque et huma son odeur.

— Alors... on fait quoi ? proposa le colosse qui passait ses doigts sur le membre endurci de son mari. On n'a pas de lubrifiant, donc...

Il lui donna un petit coup, Flint gémit de plaisir.

— J'aime quand tu fais ça... murmura Flint.

— Si j'étais plus bas, je pourrais aussi te...

Il se pencha vers l'oreille de son époux pour lui chuchoter des mots doux.

— Oh ho ho ! gloussa Flint. Quelqu'un est gourmand ce soir !

Gabriel posa Flint dans l'eau alors que ce dernier opta pour approcher ses mains de sa section pelvienne. À leur grande surprise, Dia surgit des herbes pour aller les rejoindre. Elle bondit dans l'eau et nagea vers eux, ce qui éclaboussa Flint au visage.

— Saluuuut ! lança-t-elle innocemment. Vous faites quoi ? On s'amuse ? .

Gabriel jeta un regard ébahi vers l'animal magique et cligna des yeux à quelques reprises. Il se tourna vers son mari aux abdos bien musclés et se mordit le poing, il regrettait de ne pas en avoir profité davantage.

Flint était obligé de rire, tellement il trouvait cette situation absurde.

— Bah quoi ? Qu'y a-t-il ? demanda Dia, qui ne réalisait pas qu'ils étaient sous le point de passer à l'acte. Vous voulez faire de la course avec moi, dites ? Pourquoi êtes-vous tous nus, en fait ? C'est un rituel humain ?

Puisqu'il ne pouvait plus se retenir, Gabriel se mit à rire aux éclats. Tant, qu'il dût se recroqueviller pour reprendre son souffle. La louve, qui ne comprenait toujours pas ce qui se passait, poussa un faible grognement. Elle remonta ensuite sur le gazon et se secoua le corps pour enlever toute l'eau qu'elle avait accumulée dans sa fourrure. Elle se lécha alors les pattes puis s'adressa à ses amis.

— En tout cas, quand vous aurez fini de vous baigner, venez-vous réchauffer près du feu ! Misaki est en train de préparer des guimauves !

— Très bien ! déclara Flint. Mais vous pouvez commencer les histoires de feu de camp sans nous. On vous retrouvera plus tard !

— D'accord ! fit la louve.

Alors qu'elle s'éloignait, toujours inconsciente qu'elle venait d'interrompre une partie de jambes en l'air ; Dia se demandait ce que pouvait bien faire les vêtements de Flint et de Gabriel près de la rivière et pourquoi ils prenaient un bain froid, ensemble. Elle réalisa quelques secondes plus tard qu'ils avaient l'habitude de faire des trucs de ce genre, sous la douche de leurs toilettes privée. Ce fut à cet instant qu'elle se figea sur place et qu'elle grimaça de dégoût.

— Un peu plus et je me serais retrouvée avec un de leurs trucs dans ma gueule, se dit-elle. J'ai bien fait de quitter la rivière, tout compte fait...

Elle partit aussitôt rejoindre Misaki, Shayne et les autres.

— Enfin... soupira Gabriel, qui se tourna en direction de son mari. Je pensais qu'elle ne nous quitterait jamais... Euh... Flint ? T'es où ?

Puis, il ressentit quelque chose de merveilleux se produire en bas de sa taille. Il poussa un petit cri de plaisir, écarquilla les yeux, et se laissa couler dans l'eau pour rejoindre son mari dans une danse charnelle.

¤*¤*¤

— Décidément, ils n'ont jamais quitté la phase de leur lune de miel, remarqua Misaki qui se taillait un cure-dent.

Cassandra et Luna approuvèrent d'un hochement de tête, toutes deux perchées au-dessus d'une marmite remplie d'un liquide opaque. Avant de se coucher, elles avaient décidé de remplacer les potions d'énergie qu'ils avaient tous utilisé, durant les derniers jours. Cet après-midi-là, ils s'étaient arrêtés à quelques reprises afin de récolter des herbes sauvages. Ces dernières étaient d'excellentes qualités.

— Je les envie, à vrai dire, marmonna Luna. J'ai l'impression que je ne connaîtrai jamais le grand amour.

Elle leva sa tête en direction de Wyatt et Scottie, qui s'échangeaient quelques sortilèges offensifs mineurs. Elle retourna son regard vers l'elfe et l'albinos.

— À cause de l'incident du chou, je n'ai plus le courage de lui parler... avoua-t-elle. Je me dis que c'était un signe de la déesse et qu'elle voulait que je reste loin de lui.

— Sincèrement, je ne pense pas que ce soit divin, ton truc, rétorqua Misaki. Je pense surtout que vous êtes maladroits.

— En même temps, c'est probablement un mal pour un bien.

— Pourquoi dis-tu cela ?

— Disons qu'Estelle s'intéresse beaucoup à lui dernièrement... Je n'aurais pas envie de créer de tensions entre nous.

— Je pense plutôt que c'est parce qu'elle le voit beaucoup comme un mentor, non ? Peut-être serait-il mieux de lui en parler en privé...

Luna haussa les épaules. Elle observa Estelle et Kylie qui nettoyaient les chevaux. Dia les accompagnait et bavardait avec elles. Shayne était installé en face de la marmite et lisait un livre, éclairé par les flammes.

— Tu veux une guimauve ? demanda Misaki, qui essaya de lui changer les idées. Je commence à avoir la tête qui tourne à force d'en manger.

— Non merci, mais peut-être que les autres en voudront plus tard.

— Très bien, je vais laisser mon sac près du feu de camp. Je crois que je vais aller me coucher pour la nuit. Bonne nuit, les filles.

Cassandra et Luna saluèrent leur amie. Shayne fit de même, d'un mouvement de la tête. Luna tourna donc son attention vers lui, puis jeta un coup d'œil rapide vers la guérisseuse. Ils ne se quittaient jamais, dernièrement. Elle trouvait leur comportement louche. Habituellement, Cassandra ne manquerait pas une opportunité pour partager une tente avec sa meilleure amie. Ce soir, elle coucherait avec lui.

— Corrigez-moi si je me trompe, mais vous vous êtes beaucoup rapprochés dernièrement... n'est-ce pas ? demanda la magicienne.

— Euh, je ne vois pas de quoi tu parles, répondit Cassandra.

— Oh ça va, tu n'es pas une très bonne menteuse.

— Mais qu'est-ce que... ?

Shayne ferma son livre et esquissa un sourire.

— Malgré le fait que tu sois une excellente observatrice et que tu arrives facilement à détecter quand une personne te ment, tu as toujours été incapable de garder un secret très longtemps, répliqua Cassandra. Donc, je vais te rendre service et te libérer de ce fardeau. Oui Luna, nous formons un couple... et depuis un bail.

Les joues de Luna s'empourprèrent alors qu'elle apprit cette nouvelle. Elle bondit de joie avant d'observer ses collègues de travail avec un large sourire.

— Oh Athéna, soit louée ! s'exclama-t-elle. Enfin une bonne nouvelle ! Je suis trop contente pour vous ! On s'est souvent dit que vous finiriez ensemble, Wyatt et moi.

— Ah bon ? demanda Cassandra. Pourquoi ça ?

— Bah, disons que vous êtes tous les deux d'excellents traqueurs et passez beaucoup de temps à combattre côte à côte. D'autant plus que vous êtes des elfes de deux lignées différentes, mais vous avez tellement de points en commun, comme vos valeurs, votre sens de la justice et j'en passe ! Bref, on s'est dit que vous formeriez un joli couple.

— Eh bah... vous avez une sacrée imagination, vous les mages...

Luna s'esclaffa et poussa amicalement l'épaule de son amie. Elle retourna ensuite son attention dans la préparation de leur potion.

— Ça fait du bien d'entendre ça, après la folle journée qu'on a eue, poursuivit-elle.

— J'apprécierais que tu n'en parles pas aux autres avant que nous le fassions, souhaita Shayne. On essayait de trouver le bon moment, mais aujourd'hui ce n'était pas possible. Par contre, je crois qu'Estelle nous a déjà surpris dans les couloirs du palais, alors qu'on s'embrassait. À part, elle et toi, je ne crois pas que les autres soient au courant pour notre petit secret.

— Je comprends.

Cassandra mit une pincée de poudre dans la marmite et quelques bulles colorées en sortirent. Elle prit ensuite un petit éventail et répandit l'odeur de la potion dans sa direction. Il y avait une fragrance de myrtilles et de fleurs.

— Notre préparation sera bientôt terminée, annonça-t-elle à Luna. Tu peux aller bavarder avec les autres, en attendant, si tu le désires.

— Je préfère rester, dit son amie.

— Très bien, dans ce cas, préparons les bouteilles vides. Je vais retirer la marmite du feu dans une quinzaine de minutes. Je refroidirai ensuite le liquide avec une douce brise. Je connais un sortilège très pratique pour cela.

— Je sais, tu m'en as déjà parlé.

Pendant ce temps, Wyatt et Scottie avaient terminé leur entraînement et marchaient en direction d'Estelle et de Kylie. Luna remarqua qu'elles s'étaient approchées des tentes après s'être occupé des chevaux. Dia, quant à elle, s'approcha du feu de camp afin de se coucher près de Shayne. Elle se croisa les pattes avant de s'y pencher.

— Quoi de neuf ? demanda Cassandra à l'esprit élémentaire.

— Rien en particulier, si ce n'est qu'Estelle nous a parlé d'un rêve étrange qu'elle fait régulièrement. Elle parlait d'une chauve-souris...

Luna grimaça de dégoût. Elle n'avait jamais aimé ce genre d'animal. Tout ça lui rappelait la fois où elle s'était aventurée dans les sous-sols de Kritz avec Nash.

— Encore ?! s'exprima Cassandra. On en a parlé l'autre jour, lorsqu'elle a fait sa crise.

Dia l'observa et dit :

— Je crois qu'il s'agit d'un membre de ma fratrie. Il essaie sûrement de communiquer avec nous, donc il passe par Estelle.

— Ah, alors tu ne le connais pas ? demanda Cassandra.

— Pas d'après mes souvenirs, j'en ai peur...

— Étrange... C'est peut-être d'un nouvel esprit envoyé par Athéna.

Dia parut soucieuse un moment, puis se leva tranquillement.

— Je vais me coucher, j'ai besoin de réfléchir un peu, formula-t-elle.

— Bonne nuit, dans ce cas, répliqua Shayne.

La louve salua tout le monde et s'éloigna vers la tente de Flint et Gabriel. Elle passa par l'ouverture et disparut derrière celle-ci.

¤*¤*¤

Flint et Gabriel étaient enlacés, l'un contre l'autre, alors qu'ils étaient complètement nus sur le gazon près de la rivière. Ils venaient de passer un moment magique, sous l'eau. Par la suite, ils avaient exploré toutes les possibilités que leur avait apportées cette nuit ensorcelante. Le plus petit des deux hommes câlinait son nounours vivant et enfouit son visage dans son épaisse poitrine.

— Ta peau est si douce, remarqua Flint. Je t'envie.

— La tienne n'est pas si mal non plus, chéri.

— Mais non, elle est rugueuse ! À force de combattre et de m'entraîner, j'ai l'impression qu'elle est en train de devenir aussi coriace que la pelure d'une pomme de terre...

Gabriel gloussa, ce qui fit vibrer chaque partie de son corps.

— J'aime bien comment tu me touches, par contre, formula-t-il.

— Je sais... C'est pour ça que j'aime passer des heures à te vénérer comme le dieu de la gloutonnerie que tu es... Je t'aime tant, tu n'as pas idée comment...

— Bah, nous sommes mariés depuis quelques années maintenant et nous sommes ensemble depuis quatorze ans, je commence à avoir une petite idée là-dessus...

Il pouffa de rire ; Flint roula des yeux.

— Tu me fais sentir comme un adolescent, chaque soir... avoua Flint. J'ai l'impression que tu seras mon éternelle source de jouvence, jusqu'à ce qu'à ce que je sois vieux et sénile... Tu prendras soin de moi, hein ?

Il grimpa un peu sur son mari, de sorte qu'il puisse croiser ses bras autour de son bedon. Il observait Gabriel dans les yeux, avec un regard de chien battu.

— Toujours, répliqua Gabriel. Je ne sais pas combien d'années je vivrai, mais je te promets que nous serons toujours ensemble, toi et moi.

Flint se laissa tomber à nouveau sur le bras confortable et accueillant de son bien-aimé. Il entoura sa taille, respira un grand coup et laissa l'air sortir de ses poumons.

— Par contre... je dois avouer que c'est très étrange de te voir vieillir, déclara Gabriel. Je perçois désormais une ride sur ton front, quand tu n'es pas de bonne humeur, et l'autre jour, j'ai remarqué que tu t'étais arraché un cheveu blanc... Puis, il y a moi... coincé dans cette apparence si jeune... J'en ai parlé à ton père et Kyran, tu sais ? Techniquement parlant, je devrais avoir le corps d'un vieux croûton en ce moment...

— Si tu étais un véritable humain, tu aurais probablement l'air d'un vieil homme dans la soixantaine... Mais tu ne l'es pas, chéri. Tu es un golem... Mon golem, rien qu'à moi... Et je me fiche que tu ne sois pas comme les autres, je ne t'échangerais pas pour tout l'or du monde... Je t'aime, peu importe ce que les autres disent.

— Oh, Flint...

Il tourna son visage vers lui, pour lui afficher un sourire attendrissant. Il avait l'impression de se retrouver, une dizaine d'années plus tôt, alors qu'ils avaient appris à se connaître en tant que jeune couple. Tout avait été si bizarre, nouveau, mais agréable. Gabriel rougit timidement, tandis que Flint lui faisait des grattouilles dans sa barbe.

— Ce que j'aime le plus de toi, par contre, c'est que tu fais le parfait toutou ! ajouta Flint, d'un air enjoué.

Il se leva un peu pour lui faire un clin d'œil complice.

— Ah, ce que t'es con... fit Gabriel.

— Et tu m'aimes comme ça.

— Ouais, bah... tu vas rendre Dia jalouse si elle t'entend.

— Je sais, je sais. Elle adore jouer le rôle de notre chienne.

Gabriel gloussa, avant de reprendre :

— Ça tombe bien, parce que j'ai toujours voulu avoir un chien, rien qu'à nous. C'est dommage que le palais soit aussi strict en ce qui concerne les animaux. On a quand même de la chance que les esprits élémentaires échappent à cette règle.

— Nous pouvons toujours déménager, tu sais ?

— Mouais... mais j'aime bien le palais...

— Moi aussi.

Ils décidèrent de se relever et de s'habiller afin d'aller rejoindre les autres, au campement. Le couple avait passé une agréable soirée à jouer dans l'eau et à se laisser aller dans leurs ébats amoureux. Il était temps pour eux d'aller se coucher.

— Quels sont les plans pour demain ? demanda Gabriel qui ramassa les assiettes propres sur la pelouse. Nous partons toujours pour Alba ?

— Oui, affirma Flint. Si la température nous le permet, j'aimerais aussi que nous essayions de résoudre le problème des brigands qui rôdent près de leur communauté. Avec la prime, nous pourrions acheter d'autres provisions pour le reste du trajet.

— En as-tu parlé aux autres ?

— J'en ai glissé un mot à Cassandra, Shayne et Luna avant de venir te rejoindre, ils semblaient d'accord avec ce plan.

Gabriel se gratta l'intérieur de son oreille droite, et secoua la tête un peu.

— Rappelle-moi de ne plus nager sous l'eau, sans protections auditives, grogna-t-il.

— Hé hé, on finit par s'habituer.

— Tu as passé pratiquement tout l'été dernier à nager, je te signale. Tu revenais tout le temps au palais, avec des pistes sur le plancher.

— Ah, mais ce n'est pas ma faute si l'académie a une excellente piscine...

Flint lui fit un clin d'œil avant de poursuivre :

— Il fallait bien en profiter...

Il chantonnait un peu et se dandinait. Gabriel roula les yeux.

— Je n'ai pas encore eu la chance d'y aller... soupira ce dernier. Je n'aime pas que les autres me voient nager nu ventre... Et avec un tee-shirt ? Oublie ça.

— Tu ne sais pas ce que tu manques, répliqua son mari, d'une voix flûtée. Il y a tellement de beaux mâles qui s'y baignent...

Gabriel grogna légèrement, jaloux. Il savait que son mari plaisantait, mais n'aimait jamais se faire taquiner à ce sujet. La simple idée qu'un autre homme pouvait tenter de séduire Flint, le rendait chèvre. Cependant, il avait la conviction que Flint ne le tromperait jamais. De toute manière, la population homosexuelle à Baldt était très basse. Il n'avait vraiment pas à s'inquiéter.

Toutefois, son esprit s'égara un moment, quand il repensa à Scottie Sanders. Flint lui avait mentionné que leur jeune ami brigadier était probablement polyamoureux. Il se demandait comment aurait été leur vie, s'il avait pris la décision d'ouvrir leur couple à d'autres hommes. Il n'était pas certain qu'il serait capable de partager son mari à qui que ce soit. Néanmoins, il ne pouvait s'empêcher de se dire que si Scottie avait une dizaine d'années en plus, il aurait... peut-être accepté d'essayer des trucs à trois. Pour le moment, Scottie lui faisait surtout penser à un petit frère et rien d'autre...

Afin de sortir Gabriel de son soudain mutisme, Flint décida de reprendre la discussion.

— Je m'inquiéterais plutôt pour toutes les demoiselles qui me demandent un rencart, si tu veux mon avis, plaisanta-t-il. Elles n'en ont que pour mes beaux biceps.

Il monta ses bras en l'air pour montrer ses bras musclés à son époux. Gabriel retroussa ses lèvres et cligna des yeux.

— Dans tes rêves, oui, répliqua-t-il. Tout le monde en ville sait que nous sommes mariés.

— Eh, ne brise pas mon fantasme !

Il laissa tomber ses bras, déçu. Après quoi, il enfila son blouson et ils étaient enfin prêts à revenir au camp. Gabriel partit le premier. Flint le suivit, les mains derrière la tête. Le capitaine profita de la lueur de la lune afin d'admirer les formes du colosse. Il avait déjà hâte à leur prochain rendez-vous nocturne.

— Que dirais-tu qu'on aille faire l'amour dans la baignoire à remous de l'académie, dès notre retour ? proposa-t-il. L'eau est tellement chaude, ce serait parfait !

Gabriel rigola encore une fois. Il n'avait jamais autant ri que ce soir-là, avec toutes les conneries que son mari sortait de sa bouche. Ses joues commençaient à lui faire mal.

— Essaie toujours de me convaincre, on verra, rétorqua Flint.

— Défi accepté ! lança le chef de la Septième Brigade, son poing en l'air.

¤*¤*¤

— Mouahaha ! s'exclama Kylie. J'ai encore gagné ! À moi le gros lot !

— Ce ne sont que des bonbons, quand même, répondit Scottie.

— Pfft ! Tu dis ça parce que tu es un mauvais perdant...

Elle lui fit une grimace alors qu'elle ramassa le plat de jujubes dans lequel ils avaient tous pariés une collation. Ils étaient installés près du feu : Scottie, Wyatt, Estelle et Kylie. À défaut de s'être fait réprimander par le général, lorsqu'ils avaient voulu parier de l'argent, un peu plus tôt ; ils avaient décidé de parier sur de la bouffe.

Shayne lisait toujours son livre, près du feu de camp. Cassandra et Luna étaient parties dormir après avoir refermé les bouteilles de potions. L'ancien mercenaire protégerait tout le monde, pendant qu'ils dormiraient tous. C'était ce qu'il avait l'habitude de faire, à cause de son insomnie.

— C'est bien beau tout ça, mais je suis crevé, déclara Wyatt avant de bâiller. Je vais me coucher. À demain et faites de beaux rêves.

— Toi aussi, Wyatt, dit Estelle qui salua ce dernier.

Scottie se contenta de les saluer d'une main, puis commença à mêler les cartes avec lesquelles ils avaient joué cette partie. Il rangea ensuite le paquet dans un carton et mit le tout dans son sac à dos.

— Tu sais qu'on va devoir faire quelque chose avec ton problème de jeu, hein Kylie ? commenta-t-il, pendant qu'elle dégustait ses friandises.

— Oh arrête, râla-t-elle. Je ne fais de mal à personne.

— Peut-être pas pour le moment, mais tu nous as souvent endettés avec ce vice...

Kylie grimaça et lança un jujube dans les airs pour le rattraper avec ses dents.

— Tu es incorrigible, soupira son frère. Un de ces jours, j'espère bien que le karma aura raison de toi et que tu comprendras enfin ce que j'essaie de te dire.

Elle haussa les épaules et s'allongea près du feu de camp, alors qu'Estelle bâilla à son tour.

— Il se fait tard... marmonna cette dernière. Quelle heure est-il ? J'ai laissé ma montre dans ma tente...

— Minuit passé, répondit Scottie. Nous aussi, on devrait se retirer pour la nuit.

Au moment où ils allaient se lever, Shayne ferma rapidement son livre et sauta de sa bûche avant de sortir son arme de sa ceinture. Il venait de repérer un bruit qui l'inquiétait et cela mit les jumeaux en état d'alerte. Estelle ne comprenait pas trop ce qui était en train de se passer.

Elle se frotta les yeux, avant de demander :

— Que se passe-t-il ?

Shayne s'avança vers eux, sans répondre, et quelques secondes plus tard, une énergie ténébreuse entoura son corps, comme s'il faisait appel à toute sa magie dans le but de combattre un adversaire. Estelle ne comprenait pas ce qu'il faisait, mais savait qu'elle ne devrait pas rester là. Elle se leva donc en vitesse et se cacha derrière lui. Elle mit sa main sur sa hanche droite et remarqua qu'elle avait laissé son fouet avec son sac de voyage, dans la tente où elle dormirait ce soir-là. La seule chose qui lui vint à l'esprit, à cet instant, c'était de faire apparaître un champ de force, autour d'elle.

Ce fut pile à cet instant qu'une flamme gigantesque vint s'abattre sur son mur magique, alors qu'un rugissement puissant fit trembler la terre sous ses pieds. Estelle n'arrivait pas à voir ce qui se passait à travers la fumée, mais compris qu'ils avaient fini par attirer l'attention du dragon ; le même qui rodait à travers les plaines de Lanartis et qui faisait peur à tout le monde.

— Il ne manquait plus que ça ! grogna Shayne. Vous deux, ramassez vos armes et venez m'aider. Estelle, essaie de maintenir ton sortilège le plus longtemps que tu le pourras. Je vais avoir besoin de ton aide !

— Oui, chef ! lancèrent les jumeaux en même temps.

— Je ferais de mon mieux, répliqua Estelle.

Scottie et Kylie sortirent du champ de force, par l'arrière, alors que Shayne fit apparaître des vrilles ténébreuses à travers le mur qui les défendait. Avec son sortilège, il agrippa les pattes du dragon et le fit trébucher vers l'avant. La fumée se dissipa légèrement et Estelle eut l'impression de l'avoir déjà vu quelque part. Ces écailles argentées ne mentaient pas.

— Giotto ?! fit Shayne qui reconnaissait la créature. Mais... tu es mort !

Estelle se souvint alors que le général avait vu le dragon se sacrifier, quatre ans plus tôt. Même s'ils ne s'étaient pas connus très longtemps, Shayne savait qui il était et ce qu'il représentait. C'était l'élémentaire de la création, créé par Athéna dans le but de protéger l'humanité. Lorsqu'il avait trépassé, une partie de son âme avait été absorbée par le bébé de Misaki, qui n'était pas encore né. Devant eux se tenait une créature magique qui n'était pas supposée exister.

— Est-ce un spectre ?! demanda Estelle.

— Non ! lança Shayne. C'est bel et bien un dragon, fait de chair et de sang ! Essayons de gagner du temps jusqu'à ce que les autres viennent nous aider !

Aussitôt ses paroles mentionnées, Dia bondit en face de la créature et lui lança un puissant faisceau lumineux. Cette dernière s'était réveillée au beau milieu du combat et était venue à la rescousse de ses camarades.

— Dia ? fit Estelle. Ça tombe bien ! Où sont mes parents !?

— Ils ne sont pas encore revenus de la rivière, fit la louve. Mais ils ne vont pas tarder, car j'arrive déjà à ressentir la présence de Flint derrière moi !

Et elle avait raison, puisqu'à peine une minute plus tard, Flint avait rejoint la mêlée. Il était accompagné de son mari, Misaki, Cassandra, les mages et les jumeaux. Ils étaient tous équipés pour combattre l'énorme créature.

— Je n'en reviens absolument pas ! fit la guerrière albinos. Comment peut-il être des nôtres ? S'il est ici, est-ce que mon fils est en danger ?!

— Je n'en sais rien, mentionna Shayne. Il faudra demander à Dia.

— Je vais devoir lâcher le mur... dit Estelle qui commençait à s'essouffler.

— Ça ne fait rien, on peut le combattre désormais ! déclara le capitaine. Replie-toi et va chercher ton arme. Luna, Wyatt, prenez sa place !

— C'est comme si c'était fait ! répliqua Luna.

Pendant que les membres de la Septième Brigade luttaient contre la bête féroce, Estelle courut tout droit en direction de la tente de ses parents et chercha pour son sac à dos. Elle n'avait même pas remarqué qu'au-dessus leur campement, il y avait une brèche d'où sortaient plusieurs créatures volantes et des démons de toutes les sortes.

Lorsqu'elle se retourna pour sortir rejoindre les autres, Estelle se retrouva nez à nez avec une goule monstrueuse qui tentait de lui mordre à la nuque. Elle riposta avec une boule de feu à la figure et lui donna un coup de pied dans le ventre.

— Estelle est en danger ! hurla Scottie.

— Tiens bon ! On arrive ! ajouta sa sœur.

Estelle allait leur crier de rester où ils étaient, mais reçut un coup de gourdin sur la tête. Alors que sa vision commença à s'embrouiller. La dernière chose dont elle se souvint fut les jumeaux qui couraient vers elle et qui criaient son nom. Elle perdit connaissance.

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