62. Chaos sur l'île de Cao Cao
Vers seize heures, le bateau avait été accosté sur le rivage de l'île. Il pleuvait en abondance et les marins avaient dû baisser les mâts et rentrer plusieurs objets à l'intérieur de l'embarcation, afin de les garder au sec. L'ancre avait été jetée depuis quelques minutes et tous les membres de la Septième Brigade étaient descendus sur la plage boueuse, en compagnie de deux marins qui transportaient un coffre.
— Je sais que la température n'est pas à notre avantage, mais nous allons devoir diviser notre groupe en deux afin de refermer la brèche, informa Flint. Quelques-uns d'entre nous escorterons les marins au village de Cao Cao dans le but d'assurer leur sécurité. Le reste viendra avec Shayne et moi, dans la jungle.
Derrière Flint se tenait de longs cocotiers et plusieurs plantes sauvages qu'on ne retrouvait pas sur le continent de la Grande Aeglysienne. La température était normalement plus chaude sur cette île et pour cette raison, la faune et la flore avaient évolué différemment.
— Comment fait-on pour refermer une brèche, au juste ? demanda Estelle à son père.
— C'est que... Je n'en ai pas la moindre idée... répondit le capitaine, confus. Shayne... ?
Tous se tournèrent vers le général.
— Ce serait plutôt le domaine d'un mage, expliqua-t-il. Luna et Wyatt devraient être en mesure de contrôler le voile suffisamment pour le refermer. Estelle devrait accompagner les marins. Ses champs de forces leur seront utiles en cas d'attaque.
— Dans ce cas, j'aimerais que Gabriel l'accompagne, dit Flint qui jeta un coup d'œil du côté de son mari. Es-tu d'accord avec ça ?
Gabriel hocha la tête et fit signe à sa fille de le suivre avec les deux matelots. Ces derniers transportaient le coffre avec difficulté et tenaient à peine debout. L'imposant guerrier secoua la tête et pris le coffre d'une main, avant de le mettre sur une épaule.
Sous les regards ébahis des deux hommes, il dit :
— Montrez-moi le chemin jusqu'au village.
— Tout de suite, Monsieur Markios ! lança le premier.
— Je crois que je vais rester derrière... mentionna l'autre qui se sentait dévirilisé par la force de Gabriel. Je retourne au bateau.
Il soupira et fit demi-tour, la tête basse.
— Je vais vous accompagner, dit Misaki qui s'approcha de Gabriel et Estelle. La magie n'est pas vraiment mon domaine.
Flint se tourna alors vers Cassandra et les jumeaux. Il se gratta la tête, et se demanda ce qu'ils pourraient faire.
— Cassandra, je crois que tes sorts de soins pourraient nous être utiles dans la jungle, donc j'aimerais que tu te joignes à nous. Quant à vous, Scottie et Kylie, pourriez-vous surveiller la plage et vous assurer que rien n'arrive au bateau et son équipage ?
— À vos ordres, capitaine ! dit Kylie.
— O... oui, chef ! ajouta Scottie.
À peine ces paroles dites, une gargouille apparut derrière Flint et bondit en direction de lui. Le vampire planta rapidement son épée dans le ventre de la créature et la chose éclata en plusieurs morceaux d'argile.
— Vous pouvez compter sur nous ! déclara Kylie qui sortit son épée. Aucune créature ne touchera à ce bateau.
— Très bien, répliquons Flint. Tâchons d'être prudents. Cette île est infestée de monstres. Il y a de fortes chances que les villageois soient déjà tous morts, comme on l'a mentionné sur le bateau. Soyez prudents !
— Oui, chef ! répondit tout le monde, en chœur.
Flint, Shayne, Wyatt, Luna et Cassandra s'enfoncèrent alors dans la jungle, tandis que Gabriel, Estelle, Misaki et le marin prirent la direction du village. Finalement, les jumeaux restèrent sur la plage.
Quelques gobelins jaillirent des buissons et commençaient déjà à attaquer Kylie. Le jeune homme raidit son arc et décocha quelques flèches pendant que sa sœur foudroya la plupart de ses adversaires avec un sort bien placé.
Sur le pont du bateau, le Capitaine Rodriguez se tourna vers quelques archers et leur dit, d'une voix forte :
— Ne laissez aucune créature s'approcher du rivage !
— À vos ordres, capitaine ! lancèrent ces derniers.
Il se tourna alors vers quelques marins, armés de sabres et de lances.
— Quant à vous, assistez les jumeaux !
Tous s'exécutèrent, lorsqu'une nouvelle horde de monstres sortit de la jungle. Cette fois, une vingtaine de gobelins, de gargouilles et de chauves-souris monstrueuses s'approchèrent du bateau. Les archers tuèrent la plupart de ces bêtes, pendant que la milice improvisée se préparait à vivre un périlleux combat.
¤*¤*¤
Flint se fraya un chemin à travers les nombreuses plantes de la jungle et enfonça son épée dans le visage d'un monstre visqueux. Ils étaient encerclés. Les démons avaient déjà remarqué les déplacements des brigadiers, comme s'ils partageaient un esprit collectif et une envie de tous les tuer.
Shayne utilisa son sortilège de vrille ténébreuse afin d'immobiliser une chauve-souris cyclope et fracassa celle-ci au sol, avant de lui trancher une aile. Derrière lui, Cassandra décocha une flèche vers une gargouille.
Un portail magique s'ouvrit derrière eux, quelques gobelins se manifestèrent et bondirent aussitôt sur Wyatt. Ce dernier lança un champ de force, ce qui repoussa les créatures. Flint en empoigna une par la nuque et y enfonça son arme dans la jugulaire.
Luna profita de la confusion des monstres afin de refermer le portail avec sa magie. Des particules de mana se répandirent autour d'eux, après avoir accompli sa tâche.
— Il ne faut absolument pas rester en place ! suggéra Shayne. L'île est instable !
— Comme si on ne l'avait pas remarqué... répliqua Luna, caustiquement.
Bien qu'impertinente envers son supérieur, elle s'inquiétait pour son meilleur ami.
— Wyatt, tu n'as rien ? demanda-t-elle.
— Juste une égratignure, dit ce dernier. Ne vous en faites pas pour moi. Voyez ? C'est déjà guéri !
Il passa aussitôt une main sur une longue écorchure que sa camarade pouvait voir sur son bras. Il cessa de saigner. Cela n'avait rien à voir avec une blessure bénigne.
— Essaies-tu de m'impressionner ? lui reprocha son amie. Parce que tu viens de me mettre en colère ! Fais gaffe !
Elle retourna alors son attention vers les monstres qui les entouraient et fit apparaître plusieurs boules de feu. Wyatt l'assista en amplifiant les flammes avec des bourrasques. Bientôt, une petite tornade enflammée tournoya autour des troncs d'arbres géants. Afin de ne pas mettre la jungle en danger, le mage utilisa l'eau de la pluie autour d'eux pour éteindre tout ce qui commençait à prendre en feu. Rapidement, ils éliminèrent la première vague de monstres, puis s'enfoncèrent plus loin dans le but de chercher la source du problème. Ils finirent par se trouver encerclés par d'autres monstres, similaires à ceux qu'ils venaient d'abattre.
— Restez en formation ! ordonna Flint, ils sont plus nombreux !
Tous approuvèrent la directive du capitaine et ils combattirent de leur mieux jusqu'à ce que Shayne reçoive un coup de griffe dans le torse. Il hurla de douleur. Prise de panique, Cassandra se tourna vers lui.
— Ce n'est rien ! dit Shayne. Concentrez-vous à détruire ces bêtes !
Cassandra secoua la tête négativement et se mit aussitôt à puiser toute l'énergie qu'elle pouvait dans le voile, afin de lancer un sceau magique qui entoura le groupe. La blessure du vampire se referma aussi vite qu'elle était apparue.
— Mon cercle de la guérison va nous durer une minute ! déclara-t-elle. Faites-en bon usage ! Luna, Wyatt, un coup de main ?
Les deux mages comprirent où leur amie voulait en venir et lancèrent un champ de force, pile au moment où une quarantaine de gobelins et gargouilles sortaient des buissons, pour s'approcher d'eux. Shayne profita de cette diversion afin d'appliquer son sortilège de vrille ténébreuse à travers le mur magique. Il empoigna plusieurs petits démons qu'il cogna les uns contre les autres. Flint, de son côté, utilisa un sort de lumière aveuglante qui déstabilisa plusieurs de leurs adversaires.
— Tu t'améliores, on dirait bien ! formula Shayne.
— Pas le choix ! répliqua Flint. Il faut bien que je donne l'exemple !
Le combat faisait rage. Du sang volait dans tous les sens, alors que les cinq compagnons de route survivaient malgré tout. Au bout d'un moment, Flint réalisa qu'il tapait dans le vide avec son arme. Ce fut Shayne qui l'arrêta.
— Ça va, c'est terminé. Nous avons tué une bonne partie des monstres de cette section de la jungle, nous pouvons continuer notre trajet.
— Comment sais-tu cela ? voulu savoir le capitaine.
— Mon ouïe est très développée, ne l'oublie pas.
Ils étaient tous à bout de souffle. Cette deuxième vague les avait vidés de toute énergie. Ils durent rester là, un moment, afin de récupérer des forces. Luna pris cette opportunité pour passer des potions de récupération de mana à tout le monde. Cela leur permettrait de s'en remettre plus facilement.
— T'en as combien comme ça, dans ton sac ? demanda alors Wyatt.
— Une vingtaine, en tout, dit Luna. Je me suis assurée de les préparer la semaine dernière, par simple précaution.
— Bien joué, dans ce cas ! dit Flint. Très bonne initiative de ta part.
Shayne fut le seul à ne pas boire la potion de Luna. Il se contenta de se pencher vers l'un des gobelins et enfonça ses crocs dans sa nuque. Boire du sang de démon lui permettait de restaurer son énergie dépensée. Cassandra grimaça ; toujours déstabilisée par son côté monstrueux. Néanmoins, elle devait avouer qu'il avait un sacré avantage sur les mortels.
Lorsqu'il eut terminé, il jeta le corps de la créature à ses pieds et remis la potion de mana entre les mains de la petite magicienne.
— Vaudrait mieux que tu économises celle-là, dit-il. La brèche va vous demander énormément de vos forces.
Il se mit à pleuvoir davantage. Les cinq coéquipiers étaient trempés de la tête aux pieds, mais cela ne les empêcherait pas de continuer leur travail.
Toutefois, au moment où ils commencèrent à s'avancer à nouveau, une épaisse brume brouilla leur champ de vision. Une onde de choc puissante frappa au centre de leur formation, ce qui les propulsa à quelques mètres, les uns des autres.
Un tronc d'arbre amortit la chute de Flint. Ce dernier ressentit un os se fracturer dans sa côte et il hurla de douleur.
Il se laissa tomber sur les fesses, alors qu'il prenait son côté droit. Il tenta d'appliquer un sort de soin, mais le mal qu'il ressentait le déconcentrait. Un peu plus loin, il entendit des bruits de combats entre ses camarades et une nouvelle créature dont il n'arrivait pas à discerner, à travers le brouillard. Il essaya de se relever, mais sans succès. Était-ce la fin pour lui ? Ce fut ce qu'il croyait jusqu'au moment où une lueur blanche s'approcha de lui, depuis sa gauche.
— Flint ! s'exclama une voix qu'il ne reconnaissait pas. Oh par Athéna, c'est bien toi ! Ça fait des lustres que je te cherche !
— Hein !? Qui m'a parlé ?
Il tourna son visage vers la grosse tête poilue d'une louve blanche qui venait de s'asseoir à côté de lui. Elle le regardait d'un air innocent et pendait la langue, tellement elle avait chaud et ne supportait pas la chaleur de la jungle. La pluie ne semblait pas la refroidir du tout.
— AAARGH ! hurla le jeune homme.
— Mais voyons, Flint ! Tu ne m'as quand même pas oublié ? C'est moi ! Dia !
Le capitaine avait l'impression de rêver, mais la louve près de lui ouvrait sa gueule et parlait la même langue que lui. Il se pinça le bras, mais brailla de douleur, car sa côte fracturée lui faisait un mal de chien.
— Dia, comme l'esprit des mythes et légendes ? demanda-t-il. Je pensais que vous n'existiez pas !
— Non mais Flintounet, qu'est-ce qui t'arrive ? T'es amnésique ou quoi ? Décidément, puisqu'il faut tout faire par soi-même...
Elle le contourna et appliqua son museau sur sa côte fracturée. Ensuite, le corps de la louve se mit à briller encore plus.
Quelques secondes plus tard, la douleur de Flint disparut. Il ressentit son os se refermer, comme un étrange chatouillis à l'intérieur de son corps. Ensuite, l'animal se rassit et lui lécha le visage.
— Vous m'avez l'air drôlement amical pour une louve, mentionna-t-il, choqué.
— Pas besoin d'être si formel avec moi, bon sang ! soupira la louve. Fliiiiiint, c'est moi, ta Dia adorée ! On a combattu des tonnes de monstres ensemble et botté les fesses de plein de membres du culte de Perséphone ! Pourquoi ne t'en rappelles-tu pas ?
— Je n'ai aucun souvenir de vous... Désolé...
Choquée, Dia baissa la tête. Perdue dans ses pensées, elle commença à faire les cent pas devant lui et se mit à parler toute seule. Flint, éberlué, essayait de se remettre de ses émotions. Il avait l'impression de rêver.
— Oh bon sang... gémissait la louve. Que vais-je dire à Athéna si je ne suis pas capable de remplir ma mission ? Si Nash était là, il saurait que faire, non ? Il saurait quoi lui dire... Non... Je ne pense pas qu'il serait en mesure de tout lui dire, parce qu'il aurait, lui aussi, perdu la mémoire. Oh miséricordes ! Pourquoi tout est devenu si compliqué, tout à coup !? Que dois-je faire ?!
Puis, elle se raidit et se retourna vers Flint.
— Ah ha ! s'exclama-t-elle. J'ai trouvé la solution !
Elle fonça tout droit vers lui, il se recouvrit le visage pour éviter qu'elle le lui dévore, mais ce qui arriva par la suite changea la situation complètement. Dia se transforma en épée, entre ses mains et son esprit commença à comprendre qui elle était et ce qu'elle représentait. Il se souvint exactement pourquoi elle le connaissait et quelle était sa relation avec son oncle. Il vit des images de leur passé déferler à une telle vitesse qu'il en avait presque le tournis. Quand le tout fut terminé, il regarda l'épée entre ses mains.
— Oh ça alors ! Où étais-tu passée !? s'exclama-t-il. Quatre ans se sont écoulés suite à votre départ ! On vous a tous oublié !
— Quatre ans !? répéta la louve, confuse. Mais nous ne sommes partis que le mois dernier ! C'est quoi cette histoire !?
Flint n'eut pas le temps de répondre, car déjà, une énorme gargouille les avait repérés et s'apprêtait à les tuer. Instinctivement, il se releva et planta son arme dans la tête de la créature. La monstrueuse créature éclata en morceaux d'argile et cela alerta d'autres monstres qui vinrent à leur rencontre.
— Bordel, il s'est passé quoi en notre absence ? demanda Dia. La dernière fois que j'ai vu autant de démons, Baldt était envahie par Perséphone... et c'était il n'y a pas si longtemps que ça, en fait...
— Pas pour nous, répondit Flint. Fouille dans mes souvenirs et tu comprendras mieux certaines choses.
Il planta alors la lame dans le ventre d'un gobelin et trancha une chauve-souris cyclope par la même occasion. Il fit apparaître un faisceau lumineux, de sa main libre, et fit éclater quelques gargouilles qui se pointèrent devant lui. Pendant ce temps, l'esprit élémentaire faisait de son mieux pour rattraper le temps perdu avec tous les souvenirs de son porteur, qui se mêlaient aux siens, à partir de cet instant.
Alors, Flint se remémora un détail important, oublié depuis le tout dernier moment où il avait vu Dia. Il était un ange et le fils d'Athéna. Son devoir en tant que créature divine était de protéger ces terres, comme un esprit élémentaire, et de veiller à ce que Perséphone n'envahisse jamais cette dimension. Ce choc lui causa un mal de tête. Plusieurs de ses anciennes connaissances revenaient peu à peu et fusionnaient aux souvenirs de sa nouvelle vie.
— Les divinités ont effacé nos souvenirs de l'invasion de Baldt et de votre existence, jugea-t-il. Ils voulaient vraiment qu'on vous oublie.
— C'est aussi ce que je me dis, répliqua Dia. Mais pourquoi ont-ils fait ça ?
— Je n'en sais pas plus que toi...
Ils continuèrent à combattre tous les monstres qui se mirent sur leur chemin, alors qu'ils suivirent les bruits de combats au loin. Il leur fallait retrouver les autres brigadiers. Il y avait trop de monstre autour d'eux et ils ne pourraient pas tous les combattre seuls.
— Ma mère m'a donné une mission, ajouta Flint. Je ne pense pas qu'elle m'aurait effacé la mémoire comme ça. Donc forcément, quelqu'un d'autre est coupable !
Il fit siffler son arme devant le visage d'un fauve sauvage qui passait par là. C'était un animal de la jungle et non une créature maléfique. La bête devait avoir peur des bruits de combats et tentait de prendre la fuite. C'était un ocelot, rien de plus.
— Bon, tu sais quoi ? dit Flint. Laissons tomber cette conversation et concentrons plutôt à aider les autres.
— Bonne idée ! rétorqua Dia.
Ils aperçurent enfin Shayne, Cassandra, Luna et Wyatt, tous quatre encerclés par une horde de gros monstres. La plupart ressemblaient à des éléphants sur deux pâtes et d'autres étaient tout simplement des ogres. Les deux mages avaient activé un autre champ de force, alors que Cassandra était penchée au sol et amplifiait un Cercle de Guérison avec sa magie. Shayne avait le souffle haletant. Ils combattaient tous depuis plusieurs minutes déjà et les monstres se faisaient de plus en plus violents.
— Dia, peut-on faire quelque chose ? demanda Flint.
— Sers-toi de tes pouvoirs ! répondit-elle.
— Mes pouvoirs ? Tu veux dire... que...
— Tu es un ange, sers-toi de tes capacités divines !
— Oh, ça !
Il comprit enfin où elle voulait en venir avec sa suggestion. Ce fut une étrange sensation, au départ, mais il réussit à faire apparaître ses ailes blanches et tous ses sens furent rapidement décuplés. Sa vision, son toucher, son odorat et son ouïe lui permettait de mieux percevoir les démons qui entouraient ses amis.
Il s'élança rapidement dans la mêlée, son corps brillait comme un éclair et il tournoya sur lui-même avant de trancher l'estomac d'un ogre. Il scia ce dernier en deux et continua à s'en prendre à l'un des éléphants monstrueux. Il ne s'était même pas rendu compte qu'il battait des ailes et qu'il volait déjà dans les airs. Tout ça était comme une seconde nature pour lui.
Ses collègues et amis de longues dates l'observèrent, déboussolés. Ils ne comprenaient pas ce qui était en train de se produire sous leurs yeux. Ce qu'ils comprirent, par contre, c'était que Flint était venu à leur rescousse et qu'ils étaient en train de gagner ce combat.
Quand la plupart des monstres s'affalèrent au sol, le capitaine se posa à terre et fit disparaître ses ailes. Il fit siffler son épée dans les airs, afin de se débarrasser du sang dégoulinant qui la recouvrait. La brume commença à se dissiper et la pluie cessa tranquillement.
Il remarqua ensuite une déchirure magique, à plusieurs pas de son groupe. C'était la brèche, celle qui avait causé ce désastre sur l'île de Cao Cao. Il se tourna vers elle et pointa son arme dans sa direction.
— Dia ? fit-il. Tu sais ce qu'il te reste à faire.
— C'est comme si c'était fait, Flint ! répliqua-t-elle.
L'épée lui glissa des doigts et repris sa forme de louve. Elle se dirigea alors vers la brèche, sous les regards étonnés des autres. Ensuite, une lumière divine jaillit de la créature, avant d'aller refermer la déchirure du voile. Le reste du groupe s'approcha de Flint. Ils ne comprenaient toujours pas ce qui s'était passé et comment leur ami avait fait pour régler la situation en un rien de temps.
— Toi, tu as des choses à nous expliquer, dit Shayne, à la fois inquiet et autoritaire.
Flint rit nerveusement, alors qu'il se tourna vers ses compagnons. Cassandra était bouche bée. Luna se recouvrit la bouche, choquée par ce qu'elle venait de voir. Quant à Wyatt, il se frottait les yeux, comme s'il avait eu une hallucination. Le capitaine se mit une main derrière la tête puis frotta sa nuque. Une fois la brèche refermée, Dia s'approcha d'eux et s'assit à leurs côtés, la langue pendante.
¤*¤*¤
Gabriel et son groupe étaient à l'entrée du village de Cao Cao, ou plutôt ce qui en restait. Il déposa le coffre à ses pieds et secoua la tête. Ils étaient arrivés trop tard. Tout avait été saccagé par les monstres.
— Quelle horrible tragédie, soupira le marin, près d'eux. Nous leur apportions beaucoup de produits chaque mois. Leur communauté était reconnue pour leurs excellents bains publics...
Il y avait des cadavres partout et plusieurs immeubles avaient été incendiés ou avaient été démolis par d'autres moyens. Il ne restait de cet endroit que des souvenirs.
Misaki n'avait rien dit depuis qu'ils étaient arrivés sur l'île. Elle venait d'assister à un autre massacre, similaire à celui qu'elle avait vécu sur l'île Megumi. Elle reconnut dans ces ruines et ces corps, des traits familiers à sa culture. Son visage s'assombrit lorsqu'elle vit le corps sans vie d'une gamine, recouvert par celui de son père.
— Ils étaient comme mon clan, soupira-t-elle. Ces gens... leurs habits... ce sont ceux que l'on portait chez moi...
— Ah bon ? demanda Gabriel. Oh...
Il remarqua que son amie était en train de pleurer, elle serrait les poings contre ses hanches, enragée. Estelle, derrière eux, ne savait pas ce qu'elle devait dire pour réconforter la guerrière. Elle avait compris que son amie ne se sentait pas bien.
— Que voulez-vous dire, comme eux ? demanda le marin qui se tourna vers Misaki.
— J'ai les cheveux blancs et les yeux rouges, mais je partage les mêmes traits que leurs visages... Mon défunt mari, tout comme nos enfants, ont les cheveux et les yeux noirs. Ces gens, que vous voyez devant nous, étaient comme nous... Cette île fait partie de notre héritage.
— Je pensais que vous n'aviez que l'île Megumi, dit alors Gabriel. Vous ne nous avez pas tout dit, on dirait bien...
— C'est parce qu'il y a très longtemps, la plupart de nos ancêtres se sont disputés et pour cette raison, ils ont quitté l'île Megumi afin de voyager vers l'est, formula Misaki. Je ne suis jamais venue à Cao Cao, mais je savais que cette île était celle de nos ancêtres... Quel gâchis...
Elle était sur le point de faire demi-tour lorsqu'elle entendit un petit cri.
— Qu'est-ce que c'était ?! fit Estelle qui sursauta. Ça venait d'en face !
Elle pointa un immeuble effondré. Quelques créatures rôdaient toujours dans la ville, mais ce cri avait attiré leur attention. Gabriel s'avança et prépara sa hache, au cas d'une confrontation. Il fut suivi par Misaki et le marin. Estelle attendit un moment avant de les suivre. Elle observa son père soulever une partie de toit et ils y trouvèrent une mère et sa fille, coincées sous les décombres. Ils les sortirent de là, aussitôt.
— Ne perdons pas espoir, dit alors Gabriel. Il se peut que d'autres aient survécu.
Sa fille et sa collègue de travail hochèrent leurs têtes. Elles assistèrent ensuite les villageois blessés, tandis que Gabriel s'éloigna un peu plus loin, accompagné du matelot. L'homme, à ses côtés, était armé d'un sabre et combattait les créatures qu'ils croisaient, un par un.
Gabriel arrivait toutefois à éliminer plusieurs monstres à lui seul, à un point que son partenaire improvisé se sentait ridicule.
Au bout d'une quinzaine de minutes, la pluie avait cessé et certaines bêtes prirent la fuite vers le nord du village.
En tout, ils avaient trouvé une quinzaine de survivants qui s'étaient cachés dans l'auberge et une dizaine de personnes prises au piège, sous les décombres de leurs bâtiments. Il y avait eu un taux élevé de mortalité, mais au moins, la plupart d'entre eux pourraient reconstruire ce qui avait été perdu.
— Mais depuis quand tout ça a commencé ? demanda Misaki à l'aubergiste.
— Depuis la nuit dernière, répondit-il, d'un air grave. Quand les monstres ont envahi la ville, j'ai accueilli qui j'ai pu à l'intérieur de mes murs et on a dû barricader les portes et les fenêtres, parce que c'était trop dangereux pour sortir...
— Je comprends... Vous avez fait de votre mieux. Une chose similaire est arrivée sur mon île.
Elle leur avait déjà expliqué d'où elle venait et pour qui ils travaillaient. Elle leur raconta par la suite qu'elle était une survivante du clan Megumi.
— Comment se remet-on d'un tel drame... ? demanda l'aubergiste, désemparé. Notre village était un endroit touristique si apprécié des voyageurs...
Il se prit le visage et fondit en larmes. Misaki dût le réconforter, alors que d'autres villageois vinrent le consoler.
À l'extérieur du grand immeuble, Estelle soignait de son mieux quiconque avait besoin d'un sort de guérison. Elle avait aussi des pansements et des outils de premiers soins qu'elle gardait dans son sac de voyage. Gabriel l'aida de son mieux à immobiliser certains de ses patients trop instables. L'adolescente n'était guère une experte, mais elle avait vu sa tante Sarah soigner tant de gens qu'elle avait fini par apprendre d'elle.
— Ne bougez pas trop votre bras, sinon l'os ne guérira pas, dit-elle à une vieille dame qui ne comprenait pas la langue commune.
— Mais que dit-elle ? marmonna sa patiente, dans un dialecte qui lui était peu familier. Je ne comprends pas...
Gabriel avait entendu Misaki et Sakura parler ce langage à plusieurs reprises. Toutefois, il n'y connaissait que les prononciations et non les définitions.
— Ne remue pas ton bras, mamie, demanda un adolescent, près de la blessée.
Il tourna son regard vers Estelle.
— Je peux traduire, ajouta-t-il, en langue commune.
— Très bien, répondit l'adolescente. Je suis une apprentie, mais je connais les cours de premiers soins. Essaie de maintenir le calme et je vais faire en sorte de soigner qui je peux, avant que les secours n'arrivent.
— C'était donc ça, votre coup de fusil dans le ciel ? questionna le garçon.
Estelle approuva d'un signe de tête. Depuis quelques années, presque tous les brigadiers transportaient un fusil de détresse dans leurs bagages. Cela leur permettait de se retrouver plus facilement. Les armes à feux avaient récemment été déclarées illégales dans la république et à Lanartis, mais cet outil avait été régularisé afin d'aider les brigadiers et les voyageurs à venir en aide à leurs semblables.
Flint et ses collègues avaient aperçu le signal d'Estelle et étaient déjà en route pour le village, pendant que l'apprentie-guérisseuse soignait les victimes.
— Comme je vous le disais, expliqua Dia aux amis du capitaine, vos souvenirs devraient revenir sous peu. Quand nous vous avons quittés, nous étions en route pour le Saint Royaume, afin de réparer les déchirures du voile. Cependant, nous ne sommes pas restés longtemps et quand je me suis réveillée, j'étais sur cette île et j'étais entourée de brouillard.
— Tu veux dire... que tu t'es réveillée qu'aujourd'hui ? demanda Flint.
— Bah ouais ! s'exclama-t-elle. Mais ça fait peur quand même, quand vous me dites que quatre ans se sont écoulés... Je reconnais à peine la figure de Shayne et la coupe de cheveux de Cassandra... Quant à toi, Luna...
La louve siffla avant de hocher la tête.
— Ton nouveau look te va à ravir ! lança-t-elle.
— Euh... moi ? Enfin... ce n'est rien qu'une robe de chambre... Et euh...
Luna ne reconnaissait pas la louve, mais se dit que si Flint lui faisait confiance, c'était sûrement pour une bonne raison. Sa présence lui semblait être familière, même nostalgique. Elle avait la sensation de l'avoir déjà vue en compagnie d'une autre personne. Wyatt était le seul qui n'avait pas passé beaucoup de temps en compagnie des esprits élémentaires. Pour cette raison, il se sentait de trop dans cette conversation. Il trouvait quand même curieux de constater que la louve vivait un décalage horaire monstrueux. Quelques années s'étaient tout de même écoulées depuis leur dernière rencontre.
— Oh ! Ça me revient ! s'exclama Cassandra qui observait la louve. Nous avons fait ta rencontre à Kritz et tu hantais les lieux... C'est Nash qui t'a sorti de ce trou souterrain, pas vrai ? Tu étais sa partenaire...
— Bingo ! sautilla la louve de joie. Enfin, je te retrouve, ma petite Cassie.
Cassandra se pencha et donna une caresse sur la tête de l'animal. Alors que Dia lui lécha le menton, la guérisseuse lui demanda :
— Par contre, j'avais aussi une crécerelle, n'est-ce pas ? Je ne me souviens plus de son nom... Elle représentait l'élément du vent, d'après mes souvenirs.
— Windy, mentionna l'animal. Vous étiez très proches avant que les dieux ne nous séparent de vous. Elle est quelque part en ce monde et dort paisiblement, j'imagine. Elle ne devrait pas tarder à te retrouver.
— C'est bien ma Windy... Elle passait beaucoup d'heures à dormir sur mon épaule lorsque je me promenais en ville...
Elle eut un petit sourire nostalgique, alors qu'elle repensait au passé.
— Et Nox ? demanda Flint. Sais-tu s'il est parmi nous ?
Shayne tourna la tête en direction du capitaine. Voilà bien un nom qu'il n'avait pas entendu depuis longtemps. Comment avait-il pu oublier le puma noir qui l'avait accompagné pendant une bonne partie de sa vie ? Il s'en voulait beaucoup, maintenant qu'il comprenait ce qui s'était passé.
— Il doit se reposer, comme tous les autres, remarqua Dia. Shayne le retrouvera bientôt, j'en suis certaine !
Les pensées du vampire furent aussitôt apaisées. Il sourit.
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