48. La riposte du vampire

Shayne grogna de douleur lorsqu'il se releva. Il venait de recevoir de la foudre ténébreuse dans son ventre. La puissance qui émanait de Troyd ressemblait à celle d'un démon. Comme le vampire l'avait prédit un moment plus tôt, celui-ci n'avait plus rien d'humain.

Une fois le champ de force détruit, quelques monstres avaient commencé à se rendre aux sous-sols. Ruby et son équipe éliminaient ce qu'ils pouvaient, mais certaines de ces créatures nauséabondes avaient déjà localisé les civils et se mirent à foncer sauvagement en direction de la porte de la pièce, où ils étaient barricadés.

— Que dis-tu de cela, oreilles pointues ? formula le tyran, d'un ton moqueur. Pas mal pour un chevalier des ténèbres ! Je ressens déjà l'exquise odeur de la victoire avec tout ce sang !

Shayne opta pour ne rien dire face à la remarque raciste de son adversaire. Troyd ne parlait que pour provoquer. Tout n'était plus qu'une question de survie. Nox prit l'apparence d'un gantelet métallique sur la main droite de son porteur et fit comprendre à celui-ci qu'il ne pourrait combattre Troyd qu'en utilisant sa magie.

Sous l'apparence du gant, Nox était en mesure d'invoquer les quatre éléments de base : soit le feu, le vent, l'eau et la terre. Il absorbait facilement les sorts offensifs, ce qui redonnait un peu de mana au vampire. Une autre capacité du gantelet était de créer des champs de forces de petites tailles qui permettaient à Shayne de repousser certaines attaques avec précision.

Shayne sortit sa seconde épée de sa ceinture et ne quitta pas Troyd des yeux. Il lui fallait se rapprocher de son adversaire.

— Ce n'est pas en faisant joujou avec ta boule de poils que tu vas m'arrêter ! formula Troyd. Ma reine est déjà en ville et elle montera les marches du palais d'ici à quelques minutes !

Shayne était sur ses gardes et savait que Troyd avait plus d'un tour dans son sac. Cependant, il ne s'était pas attendu de recevoir un sort paralysant aussitôt cette phrase terminée. Il jeta un coup d'œil du côté de la porte d'entrée et vit avec horreur Serenity qui s'approchait lentement d'eux.

La demoiselle ailée était entourée d'une étrange armure de pierre avec un diadème verdâtre sur sa tête. Ses longues ailes autrefois blanches commençaient à prendre des couleurs plus sombres. L'expression, jadis sereine et pacifique de la jeune femme, était devenue froide et sévère. Elle venait de lui lancer le maléfice.

— Excellent travail, très cher chevalier, dit-elle en avant de mettre une main amicale sur l'épaule du tyran. Maintenant fais-moi plaisir et débarrasse-moi de ce bâtard monstrueux. Nous n'avons pas toute la soirée...

Elle désigna Shayne d'un mouvement de tête.

— Oui, ma reine... répondit Troyd, qui semblait avoir hésité un moment avant de s'incliner poliment face à cette femme qui dégageait une aura malsaine.

— Avant toute chose, il me faut son gantelet, ajouta son interlocutrice.

Elle s'approcha sans plus attendre de Nox, affecté par le même sort que son porteur. Elle le retira du bras de Shayne et gloussa. Le général gémit.

— Pffourkwâ...?! demanda-t-il entre ses dents.

— Pourquoi ? dit Perséphone. Tout simplement parce que je le peux !

— Que... recherches-tu... à accomplir ainsi... ? fit-il, une fois qu'il réussit à retrouver l'usage complet de sa mâchoire.

— Accomplir ? Une petite vengeance personnelle, qui sait ? D'abord ce monde, ensuite le Saint Royaume ! Et si possible... la résurrection de toutes les entités qui ont été tuées à cause de cette stupide guerre... ? De toute façon, tu ne comprendras jamais, tu n'es pas l'un des nôtres... Un simple pion sur le grand échiquier des dieux.

Shayne soupira avant d'ajouter :

— Je croyais que nous étions amis...

— Ce que tu peux être naïf, mon petit vampire ! dit déesse qui secoua la tête. C'en est presque touchant...

Elle lui prit le menton du bout de ses doigts, une caresse qui se transforma rapidement en égratignure avec l'un de ses ongles. Ça lui prit quelques secondes avant de ressentir la douleur dans sa chair, le sort paralysant se dissipait de plus en plus.

— Lâche-le ! cria le grand félin, alors qu'il reprit sa forme animale.

— Silence ! aboya Perséphone.

— Je vais te tuer !

— La ferme !

Perséphone enfonça ses ongles dans la nuque de la panthère qui essaya de lui dévorer le visage ; l'expression de la créature changea rapidement. En moins de trois secondes, Nox avait été converti au pouvoir de la déesse.

— Nox ! lança Shayne, en détresse. Réponds-moi !

Ce fut sans succès. Le lien qui les unissait avait été rompu par l'enchantement de Perséphone. Le vampire se sentit soudainement comme si une partie de son être lui avait été arrachée ; il n'aimait guère cette sensation. Son visage s'assombrit alors que la déesse rit à gorge déployée.

Derrière Shayne, un mur s'écroula tandis qu'un dragon aux écailles argentées se faisait attaquer, mordre, puis dévorer par les démons. Les civils, en compagnie de Misaki et les enfants, fuyaient beaucoup plus loin au sous-sol.

C'est donc la fin, pensa-t-il.

Ils avaient failli à leur tâche de protéger les esprits élémentaires et les nombreux sceaux du voile. Il ne s'était pas attendu à ce qu'ils perdent contre les disciples si rapidement. Sa rage commença à s'estomper et fut rapidement remplacée par le désespoir. Malheureusement pour lui, ils avaient un inconvénient de taille avec une déesse capable d'invoquer des démons dans le camp ennemi. Il ne pouvait rien contre ces forces surnaturelles, à moins d'avoir de puissants mages à disposition... Et encore, les mages dépendaient des potions de mana et en ce moment, ils étaient en rupture de stocks.

Avant que Nox ne se soit fait convertir par l'influence de Perséphone, Shayne avait réussi à absorber un peu d'énergie magique qui circulait dans l'atmosphère. Ce n'était pas suffisant pour attaquer la déesse renégate et son puissant chevalier des ténèbres. Toutefois, il pourrait se servir de quelques sorts d'illusions, s'il souhaitait se sortir vivant de cette impasse. Néanmoins, il avait aussi une autre solution à laquelle il n'avait pas pensé jusque-là, une fonction qu'il possédait depuis tout ce temps.

À la vitesse d'un éclair, il s'agrippa au corps de la déesse et planta ses crocs dans la chair de sa nuque, pour aussitôt absorber quelques litres de son sang. Au moment où elle comprit ce qui venait de l'attaquer par surprise, Perséphone déploya ses ailes afin de repousser le vampire dans les airs. Shayne, qui avait absorbé toute cette énergie divine, retomba sur ses pieds et essuya le sang de ses lèvres.

— Je ne vois pas le mal de boire le sang d'un démon, puisque nous sommes de la même famille, dit-il avant de lui afficher un sourire narquois.

— Je suis une déesse, je suis une reine ! Je ne suis pas une démone, sale clébard !

— Tes agissements contre l'humanité me prouvent le contraire. Tu ne mérites pas d'être ma déesse, Serenity.

— Je suis Perséphone...

Serenity, Perséphone, je ne vois aucune différence. Tu es la même à mes yeux, une harpie sans scrupules qui doit maintenant payer pour ses actes immondes envers l'humanité.

— Qui t'a donné cette autorisation ?! Si tu es un démon, ne devrais-tu pas servir notre cause au lieu de rejoindre celle des humains ?!

— La malédiction m'a affecté de moitié, je suis à la fois un être de la lumière et un être des ténèbres. J'ai choisi de servir l'humanité, toutefois, car le sort des démons n'a rien à voir avec moi.

— Lèche-bottes...

— L'ordre et l'intelligence sont deux choses que j'apprécie. Jamais je n'accepterai que le chaos et l'ignorance devienne l'avenir des hommes. J'ai juré d'enseigner aux brigadiers comment se défendre et de maintenir la paix dans cette nation ; je ne reviendrai pas sur ma parole, simplement parce que je suis à moitié démon...

— Alors crève, imbécile ! hurla la déesse.

Troyd était sur le point d'intervenir lorsque Perséphone lui ordonna de rester à l'écart. Elle comptait abattre Shayne d'elle-même, par ses propres moyens. Le tyran hocha la tête, avec compréhension – même s'il n'aimait pas forcément servir n'importe quelle femme. Il aurait préféré que ce soit un homme. Il décida d'intervenir, si jamais elle se retrouvait en danger. Il lui ferait confiance jusque-là, car il savait qu'elle n'avait pas récupéré tous ses pouvoirs. Il observa le puma des ténèbres prendre la forme d'une grande faux tranchante dans les mains de sa reine. Cette dernière était déterminée à gagner ce combat et abattre le général. Ce fut avec admiration et résignation que Troyd recula lentement.

La divinité abominable eut un tic nerveux au niveau de la tempe droite et tourna son regard vers l'extérieur du couloir. Elle venait de ressentir une étrange force de la nature apparaître vers le sud de la ville.

— Encore quelque chose pour venir troubler nos plans, grogna-t-elle.

Elle fronça des sourcils, puis couina de douleur. Encore une fois, Shayne l'avait pris par surprise et lui mordait la nuque. Cette fois, il planta même ses ongles dans sa chair. Cette attaque ne s'arrêta pas là, d'un coup sec et rapide, Shayne trancha la tête de la déesse qui tomba à ses pieds ; ce qui laissa choir au sol les esprits élémentaires corrompues et le corps mutilé de Serenity.

Fou de rage, Troyd s'élança vers son adversaire et échangea plusieurs coups d'épée avec lui. Shayne avait retrouvé son état normal après avoir bu tout ce sang. Ainsi, il était en parfaite mesure de combattre contre Troyd. Le tyran avait quand même un certain avantage sur lui, au niveau de la puissance.

— Vous appelez ça une déesse ? dit Shayne. Elle est tellement faible qu'elle doit s'en prendre aux esprits élémentaires et absorber leurs pouvoirs !

— Certes, tu as tué son corps d'emprunt, mais son véritable corps rejoindra bientôt cette dimension ! tonna Troyd qui bomba le torse. Après ce que tu viens de lui faire, on te réservera un sort bien pire que la mort !

Pris par surprise, le vampire fût attaqué par le puma, la crécerelle et le chien de prairie en même temps. Les trois esprits élémentaires, convertis par les forces ténébreuses de la divinité, étaient toujours sous son emprise malgré le fait qu'ils n'avaient plus de porteur. Cela chagrina et frustra Shayne.

Il était dévasté à l'idée de devoir combattre deux de ses anciens compagnons de la Septième Brigade. Ces esprits convertis n'avaient plus l'usage de la parole, ils n'émettaient que des grognements et des couinements bestiaux. Même leurs apparences avaient légèrement été modifiées ; comme ils étaient devenus monstrueux et terrifiants. Bien qu'il fût athée, le vampire implorait pour qu'un miracle survienne pendant qu'il parait les nombreux coups de lames de Troyd, qui continuait à l'attaquer dans un rythme déchaîné.

À plusieurs mètres de là, Cassandra et le reste de son groupe s'étaient réveillés.

¤*¤*¤

Aux ruines de la ville, Cassandra, Luna et Kyran commençaient à reprendre connaissance alors que Flint, Gabriel et Dia étaient arrivés à l'entrée sud de Baldt. Ces derniers avaient croisé plusieurs créatures et démons sur la route, qu'ils avaient été obligés de tuer afin de survivre.

Peu de temps avant de revenir à la capitale, Dia leur avait annoncé qu'il ne restait plus qu'un sceau qui séparait cette dimension à celle où se trouvait Perséphone et des milliers de démons. Elle était donc la dernière créature magique à protéger le voile. Il fallait résoudre ce problème au plus vite. L'influence d'Athéna sur ce monde était si basse, en cet instant, que la louve craignait que cette dernière soit morte.

Flint jugea qu'il ne fallait pas attendre l'intervention de son oncle, depuis outre-tombe. Il devait agir de lui-même. Il fit apparaître ses ailes et s'élança en direction du palais présidentiel, avec son arme magique dans l'une de ses mains.

— Mais c'était quoi, ça ?! s'exclama Kyran qui observa son frère s'envoler, au-dessus de lui. Est-ce vraiment ce que je crois ?!

Gabriel, qui venait d'arriver à côté de lui, hocha la tête avant de répondre :

— Normalement, tes sœurs et toi avez le même potentiel à devenir comme lui. Votre mère en est l'origine, d'après ce que j'ai pu comprendre...

— Attends une minute... grogna Luna, irritée. Va falloir que tu nous expliques tout ça par le commencement, parce que ma tête va exploser.

Elle commençait à avoir une migraine avec tout ce qui s'était passé dans la dernière demi-heure. Voir Flint, avec des ailes, était la dernière chose à laquelle elle s'était attendue, ce jour-là.

Gabriel leur expliqua alors comment il avait retrouvé son mari dans les plaines, une fois qu'il avait été catapulté dans les airs par la fausse Serenity, et comment Nash avait réussi à communiquer avec eux depuis l'autre monde. Il leur expliqua aussi que c'était aussi grâce à lui si le pouvoir de Flint s'était réveillé et qu'il pouvait désormais s'en servir. Luna n'était pas certaine de vouloir croire à cette histoire.

— Honnêtement, après tout ce que nous avons vécu ces derniers mois, plus rien ne me surprend, dit Cassandra qui haussa des épaules. Si l'au-delà intervient en ce moment, c'est à notre avantage ; nous devons aider Flint.

— Tout d'abord, nous devons nous assurer de la sûreté des civils, proposa Kyran. La plupart d'entre eux sont sûrement au palais et ont besoin qu'on les protège. Je peux vous assister avec ma magie.

— Et pour les esprits élémentaires, on fait quoi ? demanda Luna.

— Autant, ai-je envie de mettre une main dans la tronche de Serenity pour nous avoir trahis, autant je pense que Flint saura les restaurer à leur état normal, déclara Cassandra. Aie confiance envers lui, Luna.

L'adolescente jeta un regard intrigué en direction de l'elfe, avant de se croiser les bras :

— C'est moi ou Perséphone t'a bousillé le cerveau ?

Cassandra se mit à rire et lui répondit :

— Si j'ai bien retenu quelque chose de toute cette aventure, c'est qu'il faut faire confiance à nos camarades. Ma responsabilité envers la Septième Brigade m'a permis de m'ouvrir les yeux à ce sujet... Avant de vous rencontrer, je n'étais qu'une simple chasseuse pour Aöryn. Maintenant, j'ai un pays qui a besoin de moi. Alors pourquoi ne pas combattre à vos côtés ?

— Maintenant que tu le dis...

— Allons, ne perdons pas espoir, ajouta-t-elle. Flint a besoin de nous, autant que nous avons besoin de lui.

L'optimisme de Cassandra face à cette situation macabre semblait redonner un peu de courage à ses collègues et amis. La ville avait été saccagée, mais le moral de cette troupe n'était pas sur le point de disparaître.

— Par contre, ça va paraître bizarre, mais euh... Vous n'auriez pas un arc et des flèches à me prêter ? demanda l'elfe. On m'a pris mon arme...

Gabriel et Luna s'échangèrent un regard, embarrassés. Ni l'un, ni l'autre n'avait d'arme appropriée pour elle.

— Je peux toujours te passer mon épée, proposa Kyran. Je n'en ai pas vraiment besoin, puisque je suis aussi un mage.

— D'accord, dit Cassandra. Je risque d'être un handicap pour notre groupe. Essayez d'être patients avec moi.

Les trois autres hochèrent leurs têtes, puis tous quatre montèrent les marches du palais en vitesse. Ils croisèrent plusieurs créatures et brigadiers en chemin.

¤*¤*¤

Un peu plus tôt, alors qu'ils étaient tous coincés dans la pièce où les gardes les avaient transportés, les civils se tassaient tous près des coins, effrayés.

Il n'y avait que Misaki qui semblait moins inquiète par la situation. Même si tous les autres avaient peur de mourir, elle discutait avec l'âme de Giotto qui résidait dans les pistolets qu'elle avait utilisés jusque-là. Le dragon paraissait agité. Alors qu'elle ne s'y attendait pas, la guerrière albinos ressentit une étrange forme d'énergie lui parcourir le corps durant une fraction de seconde. Jugeant que l'esprit élémentaire était en état de panique, elle essaya de le calmer. Toute cette tension n'était pas bonne pour son bébé.

— Qu'y a-t-il ? demanda-t-elle.

— Laisse-moi faire diversion, dit Giotto, sur un ton grave. Ces gens doivent sortir d'ici. La pièce va bientôt être envahie de démons et je serais la seule chose, capable de vous protéger durant que vous prendrez la fuite.

Misaki était dégoûté, elle n'aimait pas cette requête.

— Tu mourras si tu fais ça, dit-elle, inquiète.

— J'étais destiné à mourir le jour où je vous ai rencontré, ton mari et toi. Je n'ai aucun regret, Misaki.

— Mais que fera-t-on sans toi ?! lança son interlocutrice, plus pour elle-même que pour les civils derrière elle.

— Tu n'as pas besoin de moi, nous savons très bien que tu es bien entourée. J'ai peut-être appartenu à ton mari, mais je tiens à te signaler qu'une partie de moi est désormais en toi et qu'à ma mort, ton fils deviendra le prochain élémentaire de la création. C'est à lui de protéger toute espèce de vie, à présent, et tu devras prendre soin de lui comme j'ai pris soin de ton mari.

— Comment ?! Sans même me demander mon avis ?

— Je réalise que c'est choquant de l'apprendre ainsi, mais je n'avais pas le choix de transmuter une partie de mon âme dans le corps de ton bébé. Je sais que mon heure a sonné. Il grandira avec moi comme guide et développera des pouvoirs similaires aux miens. C'était le mieux que je puisse faire dans mon état...

Misaki secoua la tête et roula les yeux. Elle trouvait le geste de l'esprit élémentaire irréfléchi et irrespectueux. Elle se rendit compte aussi qu'elle n'arrivait pas à synchroniser parfaitement avec Giotto, ce qui expliquait pourquoi certaines de ses pensées lui étaient complètement inaccessibles.

— Tu aurais pu m'en parler avant de faire ce transfert, soupira la jeune femme, tandis qu'elle observait les pistolets dans ses mains.

— Je sais, répliqua le dragon. J'en suis sincèrement désolé, mais le temps presse. Tout ce que je peux te dire c'est que je te fais confiance. Je sais que tu sauras prendre soin de lui et de notre pouvoir.

Sakura, à côté de Misaki, observait les flingues et tira sur la jupe de sa mère.

— Maman, maman... dit celle-ci.

— Quoi, ma puce ? demanda la guerrière, inquiète. Tu ne vois pas que je suis occupée ?

— Je vais t'aider à protéger mon frère, je le promets ! C'est ce que papa voudrait.

Elle lui fit son plus beau sourire et serra sa mère contre elle.

Estelle, derrière son amie, se tournait les pouces. La préadolescente avait gardé silence, jusque-là et s'inquiétait beaucoup pour ses parents. Elle préférait ne pas se mêler des affaires de Misaki et de Sakura. Elle espérait que Sarah était toujours vivante. Silencieuse, elle retenait ses larmes et essayait de ne pas déranger les autres enfants qui pleuraient.

Touchée par l'attention de Sakura, Misaki sourit. Elle lui aurait bien caressé la tête, mais elle tenait toujours ses armes dans chaque main.

Le dragon poursuivit sa requête :

— Sakura sera pour ton fils ce que tu es pour Lusso, une protectrice et une amie. Il est possible que ton enfant prenne un certain temps avant de manifester ses pouvoirs, mais lorsque le temps viendra, tu devras tout faire pour qu'il vive une existence paisible. Je serais une partie de lui et mes souvenirs seront dissimulés parmi les siens. Il ne ser#a jamais seul.

— Je vois... dit la guerrière. Je n'approuve pas vraiment ce que tu as fait, mais puisque tu le devais vraiment, je n'ai plus vraiment le choix.

— Cette pièce sera bientôt défoncée. Lorsque le moment viendra, lance-moi dans la mêlée et je m'occuperai de bloquer le passage un moment, pour toi, les enfants et les autres.

— Ça m'attriste de savoir que tu vas nous quitter.

— Je ne vous quitte pas... Enfin... Pas complètement. Je vais simplement replonger dans un profond sommeil...

La porte commençait déjà à être enfoncée par l'ennemi, depuis l'autre côté. Les brigadiers étaient en train de perdre. Misaki leva son regard vers la sortie et ce fut avec tristesse qu'elle réalisa qu'il était trop tard pour Giotto. Malgré tout, elle survivrait en l'honneur de son mari et de son peuple, qui avait vécu à travers la misère depuis si longtemps. Baldt était sa demeure et elle avait foi envers l'armée et ses amis. Elle ne voulait pas perdre espoir.

— Nous allons réussir, se promit-elle, tandis qu'elle regarda les civils apeurés et les fillettes sous sa protection.

Après quelques secondes à réfléchir, elle s'adressa à Giotto :

— Je suis prête !

— Très bien, dans ce cas, préparez-vous tous à quitter cette pièce.

— Je crois qu'on n'a pas le choix de toute façon.

La porte tomba alors de ses gonds, tandis que certains brigadiers furent repoussés brutalement à l'intérieur de la pièce. Misaki profita de cet instant pour lancer ses flingues, dans la horde de monstres qui s'apprêtait à entrer dans la pièce. Elle sentit une perle de sueur couler le long de sa nuque. La terreur s'empara de tout son être lorsqu'elle entendit les cris de douleurs du dragon. À peine celui-ci avait-il repris son apparence de grand reptile ailé et argenté, qu'on l'avait déjà empalé, lacéré et mordu. Il se faisait dévorer vivant. Misaki regardait la scène, avec horreur et se recouvrit la bouche. Elle avait toujours cette sensation des flingues entre ses doigts au moment où elle venait de réaliser qu'elle avait causé sa mort.

¤*¤*¤

Flint arriva au hall du premier étage et examina la tête de Serenity qui roulait à ses pieds, au moment où Shayne et Troyd échangeaient des coups. La tête de la demoiselle décapitée ailée observait l'ange d'un air sévère.

— Un ange ?! cria-t-elle en direction de Flint. Il ne manquait plus que ça !

— Comment fais-tu pour vivre sans ton cœur ?! lança Shayne, au loin.

— C'est simple, répondit Perséphone, dont la tête se tourna en direction du vampire. Mon corps d'emprunt n'est qu'un récepteur d'énergie. Mon crâne ici présente conserve encore une partie de mon essence ; j'ai aussi propagé une partie de mon être à l'intérieur des corps de ces créatures que tu vois autour de toi. Donc tout n'est pas perdu pour moi !

— Vous essayez simplement de gagner du temps, jusqu'à l'arrivée de votre corps, pas vrai ? demanda Flint qui pointa son arme vers la tête.

— C'est ça ! répliqua la déesse qui retourna son regard en direction de l'ange. Tu as tout deviné, mon garçon. Maintenant, donne-moi ton arme !

Flint recula au moment où Nox bondit dans sa direction et visa le bras avec lequel il tenait Dia. Cette dernière était choquée de voir ses frères et sa sœur sous ces formes monstrueuses. Instinctivement, Flint leva sa main libre en direction du puma noir et lança un sort qui plaqua le félin au sol. Il exorcisa la présence de la divinité de ce dernier. Une aura étrange, pourpre et tentaculaire, sortit de son corps pour ensuite se faire absorber par la tête de Serenity. Nox perdit aussitôt connaissance.

— Vous l'avez peut-être ramené de votre côté, mais il est trop faible pour protéger les sceaux ! se moqua la déesse.

— Peu importe, la vie de Nox est plus importante à mes yeux ! lança Flint. Tant que nous survivrons, vous ne pourrez pas vous sortir vivante de cette confrontation ! Si nous devons éliminer une déesse, ainsi soit-il !

— Vous ne pourrez jamais vous débarrasser de moi ! Je suis reine, je suis...

L'ange soupira, puis donna un coup de pied dans la tête de Perséphone, tel un ballon de football. Cette dernière roula de l'autre côté de la pièce et lâcha une tonne de jurons. Il se tourna ensuite en direction de Shayne et de Troyd.

— Besoin d'un coup de main ? demanda-t-il.

— Flint ?! formula Shayne. Ça tombe bien ! On a besoin de tes services aux sous-sols !

— Tout de suite, mon général !

Aussitôt, le jeune homme ailé s'éloigna du lieu de combat. Son supérieur ne semblait même plus étonné que celui-ci soit en possession de deux grandes ailes blanches. Troyd venait de se prendre un coup de poing en plein dans la tronche et saignait du nez. L'expression endolorie de Troyd fit sourire le vampire.

— Putain de merde ! râla le tyran. Tu vas crever oui ?!

— Je n'ai pas l'intention de mourir aujourd'hui ! répliqua Shayne.

De son côté, Flint était arrivé en bas des marches qui menaient au sous-sol. Il s'approcha de ce qui restait d'un mystérieux dragon. Les murs du long couloir avaient été saccagés par la présence de la grande bête aux écailles argentées, ainsi que les nombreuses créatures qui y rôdaient. Les monstres en question étaient en train de dévorer la pauvre bête, alors que les civils au fond des couloirs étaient encerclés.

D'autres démons et disciples étaient plus que déterminés à tuer les survivants. Quelques brigadiers faisaient de leur mieux pour les protéger.

Près d'eux, une jeune femme vêtue de vêtements de servante s'était installée contre un mur et regarda la scène. Elle bâillait et et semblait s'ennuyer.

— Flint, n'approche pas ! cria Misaki alors qu'il s'approchait rapidement. C'est un-

— Hein ?! Qu'est-ce que-

— Piège...

L'ange fonça tout droit dans ce qui paraissait être un mur électrique invisible. Il fut foudroyé sur le champ et tomba à quelques mètres, renversé par l'impact du piège.

Misaki, qui tenait la main de sa fille et d'Estelle, soupira. Ils étaient vraiment dans une fâcheuse position. Elle venait de remarquer que son ami avait des ailes. Elle ne cherchait pas à comprendre pourquoi, mais ce dernier venait de se faire prendre au leurre de Narcissa. La servante était apparue par surprise à travers les conduits d'aérations et avait ordonné à la guerrière de lui donner son arme. Ironiquement, Giotto s'était déjà offert en sacrifice, ce qui avait réglé le problème de la servante.

Ce que Narcissa ne savait pas, toutefois, c'était qu'avant de mourir, le dragon avait insufflé une partie de son essence dans l'embryon de Misaki. Ainsi donc, elle n'avait pas entièrement accompli son objectif.

— Gardez-les dans un coin, avait exigé Narcissa aux démons, quelques minutes plus tôt. Il ne reste plus qu'un esprit élémentaire à traquer et cette femme est l'une de ses amies.

Misaki, de son côté, se demandait à quoi son enfant ressemblerait, maintenant qu'il était à en partie dragon. La jeune femme avait l'impression de vivre un cauchemar. Elle secoua la tête et essaya de se ressaisir. Trois brigadiers avaient été tués quand ils avaient tenté de la protéger. Il y avait aussi d'autres hommes et femmes devant elles qui persistaient à combattre ces créatures du mal. Tant que Narcissa n'apprendrait pas que son enfant était le successeur de Giotto, elle n'était pas dans un danger immédiat.

— Je vous en supplie, laissez-nous partir ! lança Misaki. Nous n'avons pas à souffrir davantage ! Laissez au moins partir les enfants !

— Misaki, arrête de la provoquer, dit Conrad aux côtés de Ruby.

— Il faut faire quelque chose... Shayne a besoin de nous !

— On r... risque tous d'y p... passer, de t..toute façon ! couina Scottie.

— Oh la ferme, toi ! répliqua Kylie. On a survécu plus d'une heure, on peut encore y arriver ! Maintenant grouille ton cul et tue ces monstres !

Ils étaient tous prêts à se sacrifier pour la vie de Misaki et des enfants. La capitaine de la Septième Brigade se sentait misérable et impuissante. Pour une fois, elle regrettait de ne pouvoir rien faire. On lui avait offert un bâton en fer plus tôt, mais sa priorité était de protéger les petits. Elle resta donc à l'arrière du groupe.

Ils étaient environ une quarantaine de personnes entassées au fond du couloir, repoussés et encerclés par une centaine de démons. Narcissa était toujours installée au mur ; elle critiquait ses sbires d'être de faibles vermines.

Flint se releva quelques secondes après s'être fait frapper par le mur invisible. Quelques mèches de ses cheveux avaient pris feu au contact du piège. Il éteignit ces dernières rapidement. Le plus douloureux, c'étaient ses ailes. Il ressentait une énorme douleur dans celles-ci, il n'arrivait même pas à les faire disparaître tellement l'intensité de cette souffrance était grave. Finalement, ce pouvoir ne le rendait pas invincible, même s'il avait l'impression de l'être. Il devrait faire plus attention, à l'avenir.

— Flint, utilise mes pouvoirs ! lança Dia. Je peux te soigner !

Il approuva et empoigna fermement son épée, qui se mit à briller. Aussitôt, la douleur commença à s'estomper. Il se concentra ensuite à détruire ce mur invisible. Il regarda de chaque côté du piège étrange et vit deux dispositifs de forme circulaires déposés, l'un en face de l'autre. Il prit un risque et envoya deux ondes tranchantes dans chacun des objets. Le mur invisible se désintégra comme s'il venait de briser du verre. Il fonça une seconde fois en direction des démons et des civils, et espérait cette fois de ne pas tomber dans un piège. Cependant, il fut accueilli par une ronce épineuse qui sortait de la main gauche de la servante. Narcissa esquissa un petit sourire moqueur avant de se tourner vers lui.

— Enfin un peu d'action ! déclara-t-elle d'un ton acerbe. Je commençai à me lasser à force de me tourner les pouces. Et si on s'amusait un peu ? Il parait que tu sais traiter les golems comme il se doit... Je te préviens que je suis la version améliorée de Gabriel, alors tu risques d'en baver !

— Je crois que ton père et toi avez perdu le privilège de considérer mon mari comme un être de votre sang ! Il ne vous appartient plus ! Vous l'avez abandonné pendant qu'il n'était qu'un nouveau-né !

— Un prototype défectueux aussi laid ne mérite pas d'exister, de toute façon... Je suis la vision parfaite de ce que père désirait à l'époque.

— Un pantin qui agit au doigt et à l'œil, bien sûr ! répliqua Flint, sidéré. Une esclave qui fait tout ce qu'on lui demande !

— C'EST FAUX ! Oui, je m'habille en servante et je suis loyale à mon père, mais je sers cette cause de mon propre gré !

— Parce que c'est tout ce que tu connais ! Tu n'as pas choisi de servir Perséphone, tu as été créée dans le but d'obéir !

— Tu ne connais rien de moi, tais-toi !

Narcissa fit apparaître une autre ronce épineuse de sa main droite et battit cette dernière en direction de Flint, dans l'espoir de l'étrangler. Il observa avec attention les deux étranges plantes qui sortaient des manches de sa chemise et réalisa qu'elles bougeaient selon ses désirs. Le moindre faux-mouvement de sa part lui vaudrait sa vie, s'il ne faisait pas attention. Elle tenta de l'attraper au cou une seconde fois, ce qui égratigna la peau de son visage avec l'une des ronces. Flint réussit à trancher l'une d'entre elles qui se désintégra au contact du sol ; une autre ronce poussa pour remplacer celle qui venait d'être coupée.

— Je ne connais peut-être pas ta vie, mais tu ne sais rien de la mienne ni de celle de ton frère, déclara-t-il. Tu as passé ton existence à servir et à obéir sans jamais te poser de questions, parce que tu n'étais qu'une esclave écervelée aux yeux de Randell ! Je te connais mieux que tu le crois ! Si tu avais osé remettre en question les œuvres de ton père, tu n'en serais pas là aujourd'hui.

— Je t'ai dit de la fermer !

— Tu as renié ton propre frère, né du même sang que votre père ! Vous auriez pu être proches si tu lui en avais laissé la chance. Au lieu de cela, tu l'as négligé comme Randell !

— Je n'ai pas de leçon à recevoir d'un fidèle d'Athéna ! cracha-t-elle au sol. Cette maudite déesse n'a pas cessé de gâcher nos plans, depuis que je suis de ce monde ! Toujours à se mêler de ce qui ne la regarde pas ! Mais je t'assure que je me suis fait un plaisir de tuer une multitude d'esprits élémentaires, pour aider mon père !

Flint soupira, embêté. Ce n'était pas dans sa nature de vouloir éliminer qui que ce soit, mais là, elle commençait sérieusement à l'énerver.

— Eh bien... formula-t-il. Ça ne sert plus à rien à parler. Il est temps d'en finir.

— Bonne idée, répondit son interlocutrice.

La servante bondit aussitôt en direction de l'ange et tournoya sur elle-même. Les ronces épineuses saccagèrent les murs autour d'elle, bien que son objectif fût de frapper Flint dans son élan. Elle atteint la manche du chandail que Gabriel lui avait passé et déchira celle-ci. Il saignait de l'épaule. Il commençait à se sentir étourdi.

— T'as mis quoi dans tes plantes ? demanda Flint, qui commençait à ressentir une étrange nausée.

— Du poison, tout simplement, dit-elle en ricanant. Je suis née avec ces pouvoirs. Tu en veux encore, mon mignon ?

— Mmpf...

Il se dit qu'il l'avait sous-estimée. Elle était très dangereuse et il risquait d'en mourir à cause de sa maladresse.

— Flint, concentre-toi, commenta Dia sous sa forme d'épée. Je vais faire de mon mieux pour ralentir le poison.

L'épée se mit à briller, ce qui attira l'attention de Narcissa.

— Ah, je vois, un autre esprit élémentaire à tuer ?! Quel immense privilège ! dit-elle avant de planter les ronces au sol. Prépare-toi à une jolie petite surprise, baiseur de golems !

Aussitôt cette remarque faite, plusieurs ronces de tailles démesurées sortirent d'en dessous des pieds de Flint et entourèrent ce dernier pour l'empoigner par les chevilles, par les poignets et aussi par la taille. Si ses ronces étaient assez puissantes pour broyer la céramique à ses pieds et creuser la terre par la même occasion, Flint n'osait pas imaginer ce que la servante pouvait faire avec celles-ci.

Il cligna des yeux avant de répondre :

— Vraiment ? C'est tout ce que tu sais faire ? Gabriel a de meilleurs jeux à me proposer. Tu fais pâle figure à côté de lui.

— Ne me provoque pas ! répliqua son adversaire avant de serrer les ronces.

— Voilà qui me désole, je m'attendais à mieux de la part de celle qui aurait pu être la sœur de mon mari. D'ailleurs, il est beaucoup plus intéressant que toi au lit.

Narcissa comprit aussitôt qu'il était en train de faire allusion à leurs parties de jambes en l'air. Elle était si dégoûtée par cette remarque qu'elle figea sur place un instant. Elle secoua la tête et hurla :

— Mais tu vas te taire, oui ?!

Les ronces prirent feu. Flint avait profité de cette diversion pour utiliser un faible sort qu'il avait appris, plusieurs mois plus tôt, à force de s'entraîner avec Luna. La flamme se propagea à une vitesse hallucinante, jusqu'aux mains gantées de la demoiselle qui reçut l'attaque de plein fouet.

Narcissa se recroquevilla de douleur et pressa ses mains contre son torse, alors que le reste des ronces tomba entre le jeune homme et elle.

En larmes, la servante cracha ce qui semblait être de l'acide en direction de Flint, qui l'évita de justesse. Le liquide s'éparpilla au sol et fit fondre le carrelage. Narcissa profita de cette distraction pour sortir, d'une pochette de sa chemise, un filtre qu'elle déboucha à travers ses larmes. Elle but rapidement son contenu, devint invisible et prit la fuite.

Lorsque Flint remarqua qu'elle avait disparu, il essaya de la repérer avec ses autres sens, mais le poison en lui affaiblissait tous ses sens angéliques.

— Elle s'est barrée ! grogna la louve.

— J'ai remarqué, répliqua son porteur, mollement.

— Tant pis pour elle, nous devons aider les autres !

L'ange hocha la tête, puis fonça en direction des démons en face de lui.

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