45. L'Héritage des Markios
Un moment plus tôt, au monument des victimes de guerre, la statue de Flint se mit à scintiller dans l'obscurité. L'esprit élémentaire de la lumière, fusionnée à la pierre, essayait de comprendre ce qui était en train de se produire, mais elle n'arrivait plus à rejoindre l'âme de son partenaire.
— Où ai-je gaffé ? pensa Flint. J'avais tout pour être heureux, un mari, une fille adoptive, des amis... J'aurais pu devenir le capitaine de la Septième Brigade et me voilà pris au piège dans cette statue de pierre... J'ignore ce qui se passe à la capitale en ce moment... Mais je sais que tout va mal là-bas. J'arrive à le ressentir à travers cette pauvre Dia qui tente de communiquer avec moi. C'est bête. Si je pouvais lui dire de s'en aller, je ne crois pas qu'elle m'entendrait... Mais que dois-je dire de plus ? Je ne suis plus un être de chair. Je suis enfermé ici et je ne peux plus bouger, pourtant je suis encore capable de penser... Voilà qui est étrange, parce que j'ai perdu connaissance plus tôt... Combien de temps s'est-il écoulé depuis ma pétrification, au juste ?
Dia sortit de la statue pendant un bref instant, elle semblait avoir repéré quelque chose de dangereux à l'horizon. Flint, malgré son accablante situation, comprit qu'elle l'avait quitté. Mais pourquoi ? Il l'ignorait.
— Peut-être serait-ce le temps pour toi de recevoir un présent de l'au-delà, Flint... résonna une voix dans sa tête.
— De quoi parlez-vous ? Qui êtes-vous ? Et surtout... Où êtes-vous ? demanda l'âme du jeune homme. Vous n'êtes pas d'ici, pas vrai ?
— En effet, poursuivit la voix. Je suis ailleurs... Je ne suis pas à tes côtés, mais j'arrive à communiquer avec toi parce qu'on m'a donné ce privilège.
— Votre voix... pensa le brigadier. Elle m'est si familière...
Flint l'avait entendue de nombreuses fois par le passé pour la reconnaître. Cette personne qui avait été l'une de ses figures parentales au cours des vingt-six dernières années. Il n'y avait qu'une personne qui pouvait à la fois l'énerver et le rassurer ainsi...
— Oncle Nash ?! demanda alors la statue. Est-ce que... est-ce que toi ?
— Tu as visé dans le mille, Flint. Je n'ai pas de temps à perdre vu que plusieurs vies sont en jeu. Il se trouve que la Déesse Perséphone était déjà des nôtres au moment où j'ai été tué. Elle a pris l'apparence d'une jeune femme ailée et voyageait autrefois aux côtés de Shayne.
— Minute... Tu veux dire que Serenity s'est jouée de nous ?
— Oui... C'est effectivement cette femme. Perséphone espionne nos faits et gestes depuis des mois avec l'aide de ses sbires, y compris Lusso. Ce dernier était auparavant dans notre camp, mais il se trouve que la déesse arrive à convertir les esprits élémentaires pour les assimiler à ses propres pouvoirs. Puisque ses disciples et elle ont une longueur d'avance sur nous, on n'avait pas le choix d'intervenir...
— Attends un peu, Nash... Où es-tu, plus précisément ?
— Je l'ignore, je viens à peine de me réveiller dans l'au-delà, mais je devais te remettre ce message de toute urgence... Je ne suis pas censé t'aider, mais l'heure est grave et le monde d'Aeglys sera anéanti si nous n'intervenons pas au plus vite. L'équilibre doit être restauré.
— L'équilibre ? Quel équilibre ?
— Normalement, tu aurais dû développer cette capacité par toi-même et cela sans mon aide, mais le moment presse... Reste calme quelques secondes, tu risques de souffrir quelques secondes, mais le mal passera aussi rapidement qu'il sera venu. C'est important, si tu veux un avantage contre les disciples.
— Ma capacité ? Hein ? Mais de quoi parles-tu ?
— Concentre-toi ! ordonna la voix de son oncle.
Flint n'avait plus vraiment le choix, de toute façon. Qu'est-ce qu'il avait à perdre, avec son corps recouvert de pierre ? Il ne pouvait ni voir, ni sentir, ni goûter, ni entendre quoi que ce soit ; sauf cette voix. Toutefois, il pouvait ressentir la présence de Dia, tout près de lui, qui semblait énervée. S'il avait l'option de voir en ce moment, il verrait qu'un étrange nuage sombre dissimulait la lune et qu'un orage se préparait.
La pluie commençait à s'abattre sur les plaines encore enneigées alors que Dia s'inquiétait pour Windy, avec qui elle venait de perdre son lien psychique. La crécerelle avait probablement été tuée durant leur absence. Elle sortit de ses pensées lorsqu'un éclair tomba tout droit dans la statue de pierre.
— Qu'est-ce que... ? cria la louve qui se tourna vers son porteur pétrifié. Flint !
Le jeune homme n'entendait toujours pas les paroles de son amie à l'extérieur de sa prison rocailleuse, mais l'éclair qui venait de s'abattre sur lui avait été ressenti. Il percevait une sensation de brûlure en direction dans son abdomen. Son cœur se mit à battre rapidement dans sa poitrine, et une puissante douleur en arrière de son dos lui donna l'envie de hurler à pleins poumons, mais il en était incapable. Rapidement, la couche de pierre qui recouvrait son corps disparut en poussières alors que Flint se relevait de terre, pour attraper ses épaules de chaque main. Il enleva son chandail à la hâte et essaya de calmer sa douleur avec la fraîcheur et la douceur de la pluie.
Deux ailes sortirent rapidement de son omoplate ; elles étaient longues, blanches et toutes recouvertes de plumes scintillantes. Étrangement, la sensation de brûlure dans son abdomen avait disparu aussi vite qu'elle était apparue, la douleur s'estompait déjà alors qu'il bougeait ses ailes instinctivement. Il avait l'impression de connaître l'entière fonctionnalité de ces dernières et pouvait même les faire disparaître et les faire réapparaître par magie ; ce qu'il fit à quelques reprises. Ses sens étaient devenus plus fins : son odorat, son ouïe, sa vision, tout semblait nouveau pour lui. Il examinait ses ailes, comme un nouveau-né apprenait à marcher pour la première fois.
Mais que lui était-il arrivé ?
— Flint ?! couina Dia, en état de choc.
— Ton frère et tes sœurs ont le même pouvoir, dit la voix de Nash dans le subconscient de Flint. Ils seront capables de reproduire cette transformation par eux-mêmes, lorsque viendra le moment. Toutefois, puisque tu es lié au destin des esprits élémentaires, notre priorité était de réveiller ton potentiel caché. Maintenant, Baldt a une chance de survivre à cette invasion. Tu dois t'y rendre sans plus attendre, car nos amis ont besoin de toi !
Quelque chose attira l'attention de Flint, pendant un moment, il perdit sa concentration alors que son oncle tentait de communiquer avec lui. Spontanément, il bondit dans les airs et battit ses ailes qui l'emportèrent très haut. C'était plus fort que lui ; quelqu'un au loin avait besoin de son aide.
Dia n'en croyait pas ses yeux. Flint planait à une telle vitesse à travers les plaines, qu'elle n'arrivait pas à le rattraper. La pluie et l'orage n'étaient pas assez pour arrêter le jeune homme en plein vol. Même les oiseaux n'étaient pas assez sots pour sacrifier leur plumage durant une telle atmosphère.
— Gabriel ! hurla Flint en plein vol alors qu'il attrapait dans ses bras l'imposant colosse, qui faillit lui faire perdre l'équilibre.
Gabriel était beaucoup trop lourd pour son mari. Flint n'eut pas le choix d'avoir recours à un effort surhumain afin de déposer celui-ci doucement au sol. Il battit des ailes plusieurs fois avec une telle puissance que cela amortit leur chute.
— Chéri ?! couina Flint, qui remarqua que son mari était inconscient. Tu m'entends !?
Il se mit à donner de petites tapes sur les joues de son âme sœur. Le pauvre Gabriel s'était probablement évanoui sous le choc d'être catapulté ainsi dans les airs. Flint se demandait d'ailleurs comment on avait fait pour le lancer ainsi, si haut dans le ciel. Après tout, Gabriel faisait plus de cent-quatre-vingt kilos avec cette armure...
Dia avait fini par les rejoindre, essoufflée. Son poil était trempé du museau à la queue et elle était recouverte de gadoue. Il faudrait qu'on lui fasse un sérieux toilettage, plus tard. Elle était irritée et impatiente de savoir ce qui était en train de se passer avec Flint. Ce dernier avait déjà fait disparaître ses ailes blanches alors qu'il examinait de plus près le visage de son mari inconscient.
— Synchronise avec Dia, ordonna Nash dans l'esprit de Flint. Il y a de meilleures chances qu'elle comprenne la situation si j'arrive à l'inclure dans notre conversation.
Machinalement, Flint se tourna en direction de la louve et tendit une main vers elle. Elle posa une patte dans cette dernière et prit aussitôt sa forme d'arme. Une fois en contact avec son porteur, elle ressentit l'esprit de Nash.
— Tu m'as manqué, Dia, dit la voix de son ancien partenaire.
— Na... Na... Nash...?! couina la louve.
— Flint aura besoin de tout ton soutien durant les prochaines heures... Ne t'inquiète pas pour moi, je vais bien... Avec les nouveaux pouvoirs de Flint, vous pourrez venir en aide aux brigades. En ce moment, la ville est envahie par Perséphone et ses nombreux acolytes. Vous devrez d'abord venir en aide à Misaki, parce qu'elle a en sa possession l'une des plus anciennes créatures de ce monde, un esprit élémentaire relié à l'art de la création. C'est l'une des toutes premières bêtes magiques d'Athéna. Vous le connaissez en tant que Giotto.
— Ah ! Je me disais bien que j'avais ressenti sa présence...
— Athéna n'arrive plus à communiquer avec vous, Dia. Cependant, puisque nous sommes en train d'utiliser une autre méthode qui risque de nous causer des ennuis, je ne peux pas perdre mon temps. Elle a besoin que vous retourniez au Saint Royaume, toi et les autres esprits. C'est la méthode la plus rapide de refermer les failles et d'affaiblir le nouveau corps de Perséphone. Tant que vous serez dans notre monde, vous risquez d'être convertis par son influence démoniaque.
— Mais ça n'a aucun sens... dit Flint. S'ils partent, Perséphone détruira le voile.
— Pas vraiment, expliqua son Nash. En fait, une partie du voile vient directement du monde spirituel. En renvoyant les esprits au monde spirituel, l'énergie de l'au-delà réparera le voile. Dia et les autres en bénéficieront aussi, car ils récupéreront des forces.
— En gros, leur devoir de protéger ces terres s'achève ici, soupira Flint. Avons-nous réussi ?
— En quelque sorte, répliqua Nash. Tu possèdes en toi le pouvoir de renvoyer les esprits élémentaires et les démons dans leurs dimensions respectives. Tu peux aussi purifier et exorciser les victimes qui sont possédés par des forces maléfiques. Pour le moment, je veux que tu te concentres sur le sauvetage de Giotto, le dragon de la création. La survie de notre monde en dépend. Tu dois tout faire ce que je t'ai dit, sinon nous risquons de tout perdre !
— Qui va là ?! tonna une autre voix, dans l'esprit de Flint et Dia.
— Mince ! Ils nous ont repérés... marmonna Nash. Flint, Dia, j'essaierai de communiquer avec vous plus tard. Partez pour la capitale, maintenant !
Il y eut un bruit de déchirure, comme si une feuille de papier venait d'être froissée près des oreilles de Flint. La créature élémentaire fouilla dans les souvenirs de Flint pour y consulter ce qu'il avait échangé avec son oncle. Elle en déduisit que l'âme de Nash avait commis un sacrilège divin et qu'il se trouvait avec quelqu'un d'important.
Gabriel commençait à se réveiller. Il était déboussolé et parlait étrangement. Flint mit une main sur l'une de ses joues, soulagé de le voir réveillé. Il l'aida à se relever, puis ensemble, ils se rendirent près du monument où Flint avait laissé son chandail. Son vêtement flottait dans une flaque d'eau. Il grelottait de froid et constata que tous ses sens étaient redevenus normaux, puisque ses ailes avaient disparu.
— Je me demande ce qui cause ça, songea-t-il, alors qu'il tordait son habit trempé. J'ai été imprudent de voyager ainsi sans armure. On a failli y laisser notre peau à cause de ces maudites gorgones.
Gabriel retira le haut de son armure. La pluie avait cessé depuis quelques instants déjà et il s'inquiétait pour l'état de santé de Flint. Il retira son grand chandail de laine qu'il avait enfilé par-dessus une chemise à manches courtes.
— Tu grelottes, Flint... dit-il alors qu'il passait son chandail à son mari. Prends ça.
— Ce n'est pas à ma taille, Gab, ricana son mari.
— Je sais, mais ça va te réchauffer, crois-moi.
— Très bien, très bien...
Une minute après avoir renfilé le haut de son armure, Gabriel observa son époux et haussa un sourcil. Il ne comprenait pas trop comment il avait fait pour atterrir doucement au sol après la magie puissante qu'il s'était pris en pleine figure. Il avait perdu connaissance, en plein vol. Il se dit que c'était probablement dû au choc de se faire attaquer avec ce sort.
C'était un miracle pour lui de se retrouver face à face avec Flint, qu'il avait cru perdu, un peu plus tôt. Il s'était senti bizarre, un peu plus tôt dans la journée, comme si les forces surnaturelles avaient tenté de résonner avec lui. Le plus important était qu'il avait retrouvé son mari, sain et sauf. Il se sentait rassuré de savoir que Dia était aussi vivante.
Le cycle naturel du monde semblait disjoncté depuis quelques heures. L'atmosphère était devenue chaotique. Même les créatures sauvages sortaient des bois, agressives les unes envers les autres ou bien apeurées. L'air devenait sec, la température s'était réchauffée après cette pluie et l'orage qui avait suivi. On aurait dit une journée d'été en début de printemps. Même la neige avait fondu par endroits.
Le mieux que Gabriel puisse faire en cet instant, c'était de révéler à Flint pourquoi il s'était retrouvé ainsi dans les airs.
— Serenity est... commença-t-il.
— Perséphone, je sais.
— Comment l'as-tu deviné ? demanda Gabriel, étonné.
— Disons que Nash m'a aidé d'outre-tombe, alors que j'étais pétrifié. Littéralement. Te souviens-tu de la fameuse sorcière qui a élevé Luna ?
— Euh... Plus ou moins... Pourquoi ?
— Elle a des sœurs. Ce sont des gorgones et elles ont juré de venger la mort de Méduse, avant de me transformer en pierre. Un moment s'est écoulé avant que je ne commence à entendre la voix de Nash. Ensuite un éclair m'a frappé puis... Hm... Ce serait plus facile pour moi de te montrer que de t'expliquer...
Flint se racla la gorge avant de cligner des yeux. Aussitôt, ses ailes blanches apparurent à travers le chandail que lui avait passé Gabriel, sans même déchirer le vêtement. Les ailes dégageaient une magie si puissante qu'elles étourdissaient le colosse, rien qu'à les observer. Même Dia semblait déstabilisée par cette puissance.
— Il a fait de moi un ange, dit Flint.
— Minute... brailla le colosse. Es-tu en train de me dire que tu es mort ?!
— Je l'ignore... Vraiment... Mais je sais que maintenant, je peux appeler ces ailes comme je le veux et j'ai de nouvelles connaissances...
Il plissa des yeux avant de rajouter :
— D'étranges formules magiques circulent dans mon esprit. J'imagine que ça vient avec mes nouveaux privilèges.
— Mais les anges sont des créatures rares qui vivent aux côtés d'Athéna. Comment un ange peut-il vivre sur ses terres s'il n'est pas... enfin... Si tu n'es pas vivant ? Tu dois donc être mort forcément et... euh...
Flint caressa tendrement la tête de Gabriel et lui répondit tout simplement :
— Il vaut mieux ne pas s'attarder sur ces détails. J'ai bien peur que les voies des divinités soient impénétrables, bien qu'incompréhensibles. Je suis là, c'est tout ce qui compte, non ?
Gabriel hocha nerveusement la tête, même s'il se demandait s'il devait lui faire confiance. Était-ce vraiment son Flint ou quelqu'un qui avait décidé de prendre son apparence ? Il n'était plus certain de savoir qui était réel avec tous ces clones dans la région. Même cette Dia aurait pu être fausse.
— Ne t'inquiète pas, je suis là, en chair et en os ! répondit Flint qui semblait avoir compris ses doutes, après avoir lu l'expression sur son visage.
— Je ne dis pas le contraire, mais...
Flint roula des yeux, puis se mit sur la pointe de ses pieds avant de faire une bise sur le menton de son mari, qui se mit à rougir comme à chaque fois qu'il lui faisait cette surprise. Les ailes d'ange avaient disparu, comme elles étaient apparues, ce qui rassura le colosse.
— Eh, ça suffit les amourettes ! râla Dia, toujours dans sa forme d'épée. Nous avons une ville à sauver ! Souviens-toi, Flint ! Nash va tenter de reprendre contact avec nous et je crois bien qu'il espère que nous retournions à Baldt !
Flint roula les yeux, puis opina du chef. Il n'aimait pas être interrompu quand il batifolait avec Gabriel. Néanmoins, il n'avait pas le choix. Il jeta un coup d'œil du côté du cheval qu'il avait emprunté pour se rendre au monument ; il n'était plus qu'un gros point sombre dans l'obscurité de la nuit. L'animal était toujours pétrifié. Les premiers rayons de la lune commençaient à éclairer les plaines, ce qui voulait dire que quelques heures s'étaient écoulées depuis son départ de la capitale.
— Comment va-t-on expliquer tout ça aux autres ? demanda Gabriel à partenaire de vie, alors qu'ils commençaient à marcher en direction de Baldt.
— Je n'en ai aucune idée. Parfois, il vaut mieux ne pas trop se poser de questions avec tout ce qu'on a pu vivre récemment... Dia et les autres ont quand même des passés qui sortent de l'ordinaire.
— Ah, et c'est toi qui dis ça ? Toi qui as passé toute la vie à renier les dieux ?
Gabriel roula les yeux.
— N'en rajoute pas, ma grosse patate en sucre ! grogna Flint, qui le fixa sauvagement avant de sourire.
Gabriel s'esclaffa. Il était heureux de constater que c'était bel et bien son mari. Ils se taquinaient toujours ainsi lorsqu'ils étaient ensemble.
Dia commençait à y être habitué, sauf qu'elle s'ennuyait déjà de la voix de Nash. Elle se demandait pourquoi il avait interrompu leur conversation, un peu plus tôt. Était-il poursuivi, là-haut ? Elle n'était jamais sortie du Jardin d'Éden du Saint Royaume, là où elle et ses semblables avaient été créés. Athéna les avait envoyés tout droit sur Aeglys. Elle avait espéré qu'ils pourraient protéger le peuple des mortels. Ensuite, elle leur avait demandé de s'assurer que les nombreux sceaux placés sur le voile ne soient jamais brisés. Le simple fait que la déesse n'arrivait déjà plus à communiquer avec ses créations, l'inquiétait. Perséphone avait à désormais un avantage contre les membres de sa fratrie. Maintenant que les esprits étaient affaiblis, il était fort probable qu'ils perdraient la guerre.
— Au fait, comment es-tu censé renvoyer les élémentaires dans leur monde d'origine ? interrogea Gabriel qui cligna des yeux. Je ne t'ai jamais vu faire d'invocation ou de magie, depuis le temps qu'on se connaît !
— Il est vrai que je n'ai jamais été un mage aussi bon que mon père et mon frère, mais je connais les bases... commenta Flint, qui évita le regard inquiet de son mari.
— Nash te surestime.
— Je ne crois pas qu'il m'aurait donné ce don sans raison. Il dit que mon frère et mes sœurs pourront reproduire tout ça, un jour...
— C'est dans votre sang, dans ce cas ?
— Probablement.
Flint se gratta la tête, car il essayait de se souvenir mot pour mot de sa conversation avec Nash. Quelques secondes plus tard, Gabriel fut celui qui brisa le silence :
— Se pourrait-il que votre mère soit en fait un ange et non un esprit élémentaire ?
— Euh... Je ne sais rien de ma mère, commenta son époux. Papa croit qu'elle était l'une des sœurs de Dia. À part ça, nous n'avons pas cette information.
— Si vous êtes effectivement des anges, c'est que quelque chose de plus dangereux se prépare au Saint Royaume, déclara Dia.
— Comment ça ? demanda Gabriel.
— Les dieux n'enverraient jamais des anges sur vos terres pour se reproduire, à moins d'une urgence extrême...
— Ah, je vois...
La louve prit un moment avant de rajouter :
— On en a déjà parlé, je crois. D'après les informations que notre créatrice a implantées dans nos souvenirs, les anges sont des âmes formées et transformées au fil du temps, dans le monde spirituel. Ils ont tous une tâche importante à accomplir au nom de leurs divinités, mais les meilleurs travaillent directement sous les ordres du chef d'une faction.
— Super... répliqua Flint sarcastiquement. Même après ma mort, je vais devoir lécher les bottes de stupides politiciens ailés...
— Ne parle comme ça des dieux, Flint, gronda Dia.
— Dans ce cas, explique-moi pourquoi j'ai maintenant des ailes.
— Soit les anges sont en voie d'extinction, soit un conflit d'une tout autre nature a forcé Athéna à envoyer quelqu'un ici-bas pour augmenter votre taux de survie ; dans le but de donner naissance à des gens comme ta fratrie et toi.
— Dans ce cas, ma mère serait un ange...
Il était choqué. Ces éclaircissements à propos des races spirituelles commençaient à prendre beaucoup de place dans les pensées du jeune homme. Un an plus tôt, la seule chose que Flint désirait, c'était occuper un poste de capitaine dans une brigade et plus de moments intimes avec son fiancé.
— C'est dingue comment les choses ont changé, pensa Gabriel.
— En effet, les choses changent... dit Flint. Si les changements n'avaient pas eu lieu, j'en serais encore à embêter ma famille parce qu'on n'aurait rien de mieux à faire en dehors de nos tâches respectives.
Le colosse sursauta, pris au dépourvu.
— Je n'ai rien dit... répliqua-t-il en clignant des yeux. C... comment est-ce possible ? As-tu lu dans mes pensées ou quoi ?!
— Euh... fit Flint, embêté.
— Les anges ont, pour la plupart, la faculté de lire dans les pensées des gens, expliqua la louve. Ils sont un peu comme nous avec nos porteurs, sauf qu'ils arrivent à lire les pensées des personnes qui sont près d'eux. Leur don est un degré plus puissant que le nôtre, mais c'est une capacité difficile à maîtriser.
— Je suis désolé, mentionna Flint. Je l'ai fait sans m'en rendre compte.
— Ça risque de nous causer des problèmes dans de cas, soupira Gabriel. Il y a des trucs qui me passent par la tête qui feraient rougir une religieuse, tellement je peux être vulgaire et violent, là-dedans ! Et il y a des choses que je n'ai pas tout le temps de partager avec toi...
Il se pointa le crâne rapidement. Il avait peur que Flint découvre une partie de lui qui le rendrait repoussant et qui les forceraient tôt ou tard à vouloir se séparer. Quand il ressentit monter la tension, Flint secoua la tête et le rassura en lui mettant une main sur la joue.
— Crois-moi, j'ai vu pire, raconta Flint. Tu as devant toi le plus vilain des pécheurs. Je ne serais même pas étonné que les dieux me bannissent du Saint Royaume pour m'expédier tout droit en enfer !
Dia, qui venait de reprendre sa forme animale, souhaitait se dégourdir les pattes. Cette conversation commençait à l'exténuer.
— Les bras m'en tombent ! exprima-t-elle, bien que le couple ne fit pas attention à ses paroles.
— Si tu vas en enfer, ne me laisse pas tout seul ! brailla le colosse qui n'avait pas compris la blague de Flint. Je... Je vais aller te sortir de là et te monter au paradis et supplier Athéna à genoux pour qu'elle te donne une seconde chance et euh... je prendrais ta place s'il le faut !
— Gab, mon amour... Franchement, tu es nunuche, ce soir...
— Hé ho ?! grommela la louve. Êtes-vous sourds ?! LES BRAS M'EN TOMBENT !
Puisque les deux tourtereaux l'ignoraient complètement, Dia baissa la tête et grogna pour elle-même.
— Pfft ! J'abandonne... Stupides humains... Je vous déteste.
Malgré les gémissements de la louve et les pensées saugrenues du colosse, Flint s'amusait beaucoup à taquiner ces derniers. Le reste du trajet vers la capitale se fit dans la bonne humeur et le rire, bien qu'ils aient accéléré le pas à plusieurs reprises, dans l'espoir de rejoindre la ville au plus vite.
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