29. Les manigances de la secte

Quelques jours plus tard, Nash avait rassemblé la brigade au complet au bureau de Shayne. L'histoire de Luna s'était ébruitée un peu partout dans la capitale après qu'Ellen Prescott avait croisé en chemin Kyran Markios pour lui expliquer que son amie était en danger. Ce dernier avait fait rassembler quelques hommes et femmes pour se rendre dans les bois, mais ils avaient croisé Luna et Nox en chemin qui étaient en train de revenir de leur promenade. Le puma noir avait expliqué à Kyran qu'il s'était occupé d'exécuter la sorcière. Luna avait refusé d'en dire plus à ce sujet.

Ils étaient revenus à Baldt, pendant que le conseiller avait sermonné l'adolescente qu'il était imprudent de partir seul de la ville sans l'autorisation de ses supérieurs, surtout à son âge. Elle avait haussé les épaules, puis avait décidé de ne pas mettre le blâme sur Shayne. Le général n'avait pas besoin de ce genre de soucis, de la part du conseiller ; même si Nox était lié à lui.

La décision de Flint et de Gabriel d'adopter Estelle avait aussi fait son chemin dans les oreilles des habitants de la ville. Au départ, cela n'avait pas fait l'unanimité à l'orphelinat, mais Sarah avait pris la défense de son frère. Elle savait que Gabriel et lui sauraient prendre soin de la préadolescente. Les deux parents adoptifs avaient aussi fait la promesse que la gamine pourrait régulièrement leur rendre visite, si cela pouvait adoucir le processus. Le Père Shalom avait donc conclu un marché avec Flint. Si ce dernier et Gabriel devaient s'éloigner de la ville quelque temps et qu'ils ne trouvaient pas de gardiens pour Estelle, l'église accepterait de l'héberger.

Cela avait fait le bonheur d'Estelle qui était devenue inséparable de Flint et Gabriel. Sœur Sarah était maintenant, officiellement, sa tante et aussi sa nouvelle marraine. Kyran avait été choisi pour être le parrain d'Estelle. Il n'y avait pas eu de cérémonie de baptême pour la gamine puisqu'elle avait déjà été baptisée toute jeune ; mais on avait fait signer plusieurs papiers aux représentants de la famille afin de légaliser l'adoption de l'enfant. D'après ce que les anciens rebelles avaient révélé aux Markios, les premiers parrain et marraine de la petite avaient été tués en même temps que ses parents. Voilà pourquoi Kyran et Sarah avaient été choisis pour les remplacer.

Désormais, Estelle était une Markios. Elle adorait déjà passer du temps avec son grand-père au bureau. Celui-ci semblait prendre cette nouvelle avec beaucoup plus d'enthousiasme que le reste du palais. Il avait toujours voulu avoir des petits-enfants. Certes, ce n'était pas la méthode habituelle, mais cela lui convenait parfaitement.

Cassandra et Misaki avaient fini par visiter les clans des hommes ailés et avaient passé trois nuits à Doylesbourg, faisant quelques allers et retours entre les deux localités. Elles avaient trouvé les capes noires et les seringues près des installations des tribus, mais aucun homme ailé. Personne n'était revenu, sauf des créatures errantes qui cherchaient à survivre dans la nature. L'informateur d'Artael avait eu raison de s'inquiéter. Malheureusement, il n'y avait rien que la république puisse faire pour régler cet incident troublant. On avait toutefois alerté la population qu'il y avait eu des disparitions dans l'ouest du continent. S'il fallait que les gens se rendent là-bas, ils devraient surtout demeurer vigilants.

Ce jour-là, Nash avait une requête importante à faire au reste du groupe.

Une fois qu'ils s'étaient tous présentés au bureau de Shayne, il attendit qu'ils soient tous installés sur leurs chaises et d'avoir leur attention avant de leur dire :

— Vous êtes déjà tous au courant que par le passé, notre ville a été témoin de phénomènes paranormaux liés à l'ancien sérum de mutation. Artael m'a demandé de vous en parler et de vous demander s'il serait une bonne idée de continuer les recherches ou non. Il tient à faire passer un vote dans notre groupe et dans toutes les autres brigades, à savoir si nous devrions légaliser les recherches sur la mutation humaine ou bien laisser ces dernières de côté. Certains membres du Conseil insistent sur le fait que cela pourrait nous permettre de faire progresser l'espèce humaine beaucoup plus rapidement et que nous pourrions profiter de ces pouvoirs en cas d'invasions. Le seul hic, c'est que nous devrons probablement faire de nouvelles recherches, relever quelques échantillons de sang des créatures à l'extérieur de la capitale, et probablement demander aux créatures élémentaires si elles voudraient bien nous aider... Mais je sais déjà quelle sera la réponse de Dia, Nox et Windy. Les scientifiques veulent tenter une approche plus éthique sans pour autant faire du mal aux esprits élémentaires. Lorsque Virgile était aux commandes, les laboratoires de recherches étaient remplis de ces créatures magiques et ce n'était vraiment pas beau à voir. Mon frère croit qu'en réclamant poliment un peu de leur ADN, que l'on pourrait faire progresser les choses, à la fois pour notre peuple et pour l'économie.

Flint plissa des yeux en direction de son oncle, l'air de lui dire du regard qu'il n'en revenait pas que son père avait songé à suivre les traces de Virgile et Randell.

— Ce n'est pas à nous que tu devrais demander ça, mais à ta partenaire, dit-il. Dia est mieux placée que nous tous pour connaître les mauvais traitements faits aux esprits. Déjà que vous avez tout le culte à votre recherche, il ne faudrait pas l'affaiblir davantage.

— Cette demande me fait en fait ni chaud, ni froid, avoua la louve sous sa forme d'épée. Du moment que ce ne sont que de simples prélèvements sanguins et non notre mort assurée, je ne suis pas contre.

— Je suis plus ou moins du même avis que Dia, mentionna Nox, cependant, je trouve étrange que notre président ait envie de poursuivre les recherches de son prédécesseur. N'est-ce pas à cause de lui qu'on a fait fermer les laboratoires du palais, il y a des années ?

— Oui, répondit Gabriel. Mais c'était à cause des activités de clonage qui avaient lieu dans les sous-sols sans la supervision du président. Le sérum a toujours été légal jusqu'à ce jour, toutefois, le clonage a été jugé immoral. Il est vrai que je suis le fruit d'un miracle, et possède quelques liens avec votre espèce, mais je suis aussi humain que n'importe qui dans cette pièce.

— Le miracle, en fait, c'est que tu n'as jamais vieilli, dit son mari qui ricana.

— Donc on fait quoi ? On vote oui ou non pour les recherches du sérum, dit Nash. Que tous celles et ceux qui sont en faveur des recherches lèvent la main.

Personne ne leva la main pendant une dizaine de secondes.

— Voilà qui est clair, déclara Flint. Je crois qu'on devrait laisser de côté ces recherches pour notre bien à tous. Tu sais mieux que quiconque au palais que les mutations n'ont pas que de bons effets sur nous. Regarde ce qu'elles ont fait à Troyd. Tu ne voudrais pas qu'un pauvre inconnu devienne comme lui, n'est-ce pas ?

— Très juste... Je crois que c'est pour le mieux, répondit Nash. Les humains et les autres créatures finiront bien par s'adapter aux changements de ce monde... Nous avons déjà quelques mutants et leurs prochaines générations qui vivent dans cette capitale. En créer de nouveaux, pourrait propager de nombreux risques.

— C'est quand même ironique que papa doive demander notre avis alors qu'il doit prendre une décision face au Conseil. Kyran et lui sont déjà au courant de tous les effets secondaires engendrés par le sérum. Je ne comprends pas vraiment où il voulait en venir avec ce vote. Il aurait tout simplement pu refuser cette demande.

— N'oublie pas que certains des conseillers travaillaient à l'époque pour Virgile et qu'ils veulent juste poursuivre ses rêves. Je comprends où ils veulent en venir, mais je ne crois pas que ce soit la meilleure des solutions. Ainsi donc, nous avons tous pris notre décision. La réponse est non.

Nash se racla la gorge avant de rajouter :

— Cependant, ce n'est pas la seule raison pour laquelle je vous ai fait rassembler ici aujourd'hui. Récemment, nous avons reçu une lettre de la part de notre frère Troyd, qui a décidé de sortir de sa cachette.

— Ah bon ? grogna Misaki. Ce bon à rien est toujours vivant ?

— Oui, et il nous invite à aller le rejoindre à l'ancien quartier général des rebelles.

— C'est un piège, dit Cassandra.

— Mais que font-ils là-bas ? marmonna Gabriel à son mari qui lui répondit avec un haussement d'épaules.

— C'est ce que pense Artael, Cassandra, formula Nash. C'est pourquoi il voudrait nous envoyer là-bas afin de voir ce qu'il désire. Nous ne pensons pas qu'il soit seul. Il est probablement en compagnie de Randell et quelques-uns de ses sbires. Je ne sais pas si vous avez remarqué, mais quelques serviteurs comme Narcissa ont disparu quelque temps après leur départ de la capitale. Nous croyons que certains d'entre eux seraient de mèche avec Troyd... et peut-être même, le culte de Perséphone.

— Nous ne sommes que sept, dit Shayne. Il faudrait sûrement que je demande à d'autres brigades de nous rejoindre, au cas où une embuscade nous attendrait.

— C'est aussi ce que je pense, dit Nash. J'aimerais que tu demandes à l'équipe de Ruby de nous rejoindre si possible. Ils sont mieux placés que nous pour explorer les montagnes.

— Daichi et Yosuke voudront aussi être mis au courant, indiqua Flint. Il y a des mois qu'ils n'ont pas été au QG. Je doute que ça leur fasse plaisir de savoir que leur ancien abri soit à présent occupé par des criminels.

— Voilà qui est ironique... mentionna Misaki, embarrassée. Mais tu marques un point, Flint. Même si vivre là-bas nous était difficile, nous y avons quand même vécu de bons souvenirs.

Cassandra ressentit le malaise de son amie et lui prit la main en gage de son amitié. Misaki la remercia avec un sourire.

— Il y a autre chose que vous devriez savoir, dit la guerrière, qui comprit que le moment était opportun afin de leur annoncer une bonne nouvelle. J'attends un enfant de Yosuke...

— Sapristi ! Toutes mes félicitations Misaki ! lança Gabriel qui se leva d'un bond, dans le but d'aller serrer la jeune femme dans ses bras.

— Ah, voilà qui rapporte un peu de positif dans cette rencontre, dit Nash. J'en conclus que tu ne pourras pas te joindre à nous pour cette mission, n'est-ce pas ?

— Normalement, mon médecin me le déconseille, mais je ne raterai pas cette réunion avec ton frère pour rien au monde... Euh, Gabriel ?

Gabriel serrait encore la jeune femme contre lui, dans les airs, toujours dans un état affectueux. Luna trouvait qu'il se comportait comme un bébé qui jouait avec sa friandise. Après avoir remarqué qu'il s'était laissé emporter, le colosse rougit de honte, s'excusa, déposa Misaki par terre et retourna s'asseoir auprès de son mari qui ricanait.

— Gab, j'apprécie ton enthousiasme et ta joie de vivre, mais des fois, tu es un peu trop excessif, dit Misaki. Je t'aime pareil, grand fou.

— Désolé, dit le concerné qui se fit tout petit sur sa chaise.

— Il faut le pardonner, déclara Flint. Depuis que nous avons Estelle dans notre vie, il explose de bonheur à tous les jours.

— Ça se voit, ajouta Nash avant de soupirer. Au moins, nous n'aurons pas le temps de pleurer avec les folies de notre cher nounours.

— Au fait, a-t-on décidé du moment de notre départ ? demanda Luna qui avait peu parlé depuis le début de la rencontre.

— Rien n'a encore été décidé, mais nous devrions confirmer tout cela d'ici à ce soir, répondit Shayne. Nous aimerions que vous restiez près du palais présidentiel. Essayez de prendre cette opportunité afin d'accomplir vos tâches en cours. Lorsque nous aurons pris notre décision, on vous enverra un messager.

La réunion tira à sa fin. Peu à peu, les gens sortirent de la pièce.

À la fin, il ne restait plus que Nash et Flint. Au moment où le grand blond allait sortir du bureau de Shayne, son oncle le retint par la manche.

— Quoi encore ? demanda Flint, sur le point de gueuler.

— Tais-toi.

À son grand étonnement, Flint reçut un câlin de son oncle qui lui donna ensuite une tape amicale sur l'épaule. Il se sépara ensuite de son neveu, qui était abasourdi.

— Même si toi et moi, on a une relation plutôt à chier, sache que je suis fier de toi et de tout ce que tu as accompli durant ces derniers mois, dit Nash. Tu as su me prouver à plusieurs reprises que tu es un adulte responsable et que tu sais faire preuve d'altruisme. Je sais que tu n'aimes pas trop que je me mêle de tes affaires, mais tu es comme mon petit frère, mon neveu et aussi mon ami en même temps. Il y a trop de sentiments que je ressens pour toi et jamais, je ne voudrai qu'il ne t'arrive malheur... C'est pourquoi... C'est pourquoi des fois, je n'ai pas le choix de me montrer strict envers toi... Parce que je t'aime.

— Tonton... répliqua Flint, ému par cette déclaration.

— J'aimerais si possible que tu restes à la capitale avec Gabriel. Cette invitation me donne froid dans le dos et je crains que la vie de ton père ne soit en danger. Il faudra que quelqu'un reste ici pour s'occuper de la ville durant notre absence. Il serait préférable que ce soit vous deux qui vous occupiez personnellement d'Artael.

— D'accord, mais... Je...

— Tu le sais mieux que moi, il va y avoir du sang. Beaucoup de sang même. Je risque de ne pas en revenir vivant...

— Nash, tout ira bien. Je te l'assure.

— Dans ce cas, puis-je avoir confiance en toi ? Vas-tu rester à la capitale pour moi ? Pour prendre soin de ton père et des gens ?

— Oui mon oncle. Ne t'en fais pas. Je resterai, mais pas seulement parce que tu me le demandes. C'est notre devoir.

— Je te promets que si je reviens vivant de cette rencontre, que je vais payer ton voyage de noces s'il le faut. Gabriel et toi avez besoin de vacances.

— Ne sois pas si dramatique...

Nash mit une main sur l'épaule de Flint, tout sourire, puis sortit du bureau de Shayne avec une expression résignée. Flint n'aurait pas su expliquer pourquoi, mais il avait la sensation qu'il ne reverrait plus jamais son oncle après cette conversation.

Ce fut avec un pincement au cœur qu'il décida d'aller rejoindre son mari et leur petite qui les attendaient au réfectoire avec le président.

¤*¤*¤

Les anciens quartiers généraux de la rébellion étaient situés au pied des montagnes, au sud du continent. Les bâtiments étaient tous construits de pierres et de briques, mais avaient tous été rénovés au fil des années où ses anciens habitants avaient vécu ici. Ils avaient accès à une source d'eau potable et un petit lac au pied des montagnes où ils pouvaient pêcher durant toutes les saisons. Après que les rebelles eurent quitté leurs anciennes installations afin d'aller construire de nouvelles demeures près de la capitale, l'ex-Général Troyd Markios était venu s'installer ici avec ses troupes. Ils avaient rassemblé une bonne centaine de personnes qui n'étaient pas d'accord avec les changements et avaient fini par recruter d'autres gens durant les mois qui avaient suivi. Rapidement, l'abri était devenu un village indépendant au reste de la république, comptant au moins trois cent cinquante unités. Seulement un quart de cette population savait se battre ou avait recours aux arts de la sorcellerie lorsque viendrait le temps d'attaquer leurs adversaires.

À leur tête, l'ancien ministre des recherches et Conseiller Randell Tabris avait été nommé maire du village et celui-ci avait choisi Troyd comme son garde du corps personnel. Ils s'étaient installés tous deux au fond de la communauté, dans le grand bâtiment où créchait autrefois Daichi Hatsuki et ses acolytes. Le jumeau d'Artael avait envoyé une note à la capitale par l'un de ses représentants. Il avait comme plan d'attirer quelques brigades en ces lieux et toutes les exterminer. L'armée de Randell était plus petite contrairement aux brigades, mais elle avait un avantage de taille qui ne passerait pas inaperçu lorsque viendrait le grand moment.

Installé de façon décontractée sur sa chaise, Troyd était assis au fond de la plus grande pièce du bâtiment où étaient rassemblés plusieurs des membres de leur groupe, cette matinée-là. Randell passait à la stratégie d'attaque pour les gens qui allaient venir bientôt au village, tandis que son garde du corps écoutait le tout en silence.

— Vous savez tous, comme moi, que cette invasion à Baldt est un crime envers nos lois et nos traditions d'antan, dit le vieux mage. Cette trahison nous a causé la perte de notre président et de nos terres. Nous sommes tous rassemblés ici pour planifier notre vengeance. Bientôt, plusieurs représentants de leurs brigades vont venir nous chasser de ces terres, il est de notre devoir de les défendre et de protéger celles et ceux qui se sont sentis trahis par le nouveau Conseil géré par Artael. Nous aurons au moins quatre-vingts hommes et femmes postés à l'extérieur de notre ville, tous capables de repousser nos ennemis. Nous serons peu nombreux, mais sachez que nous aurons avec nous le titanesque et invulnérable Troyd Markios qui se chargera personnellement d'éliminer un maximum de leurs soldats. Nous avons aussi une surprise de taille qui les attend, vous devrez donc nous faire confiance et espérer que notre plan soit mis à exécution.

Tout le monde dans cette grande pièce comprenait exactement où Randell voulait en venir. On avait compris que d'ici à quelques heures, le sang coulerait à flot. Mais ces gens comprenaient-ils vraiment que Troyd et Randell avaient d'autres idées derrière la tête ? Non, ils ignoraient tout de cela. Ils buvaient leurs paroles avec enthousiasme.

— Nous vous demanderons de faire en sorte que les civils soient cachés et barricadés à l'intérieur de leurs demeures. Ils ne devront en aucun cas sortir de chez eux, même s'ils entendent des cris à l'extérieur, dit le maire. Nous ne comptons pas perdre ce combat, alors ne vous en faites pas, si vous avez des membres importants de votre famille qui ne sont pas en mesure de combattre, ils seront protégés.

Le discours continua machinalement, Randell expliquait les procédures à suivre aux hommes et femmes présents dans cette pièce, tandis que Troyd bayait aux corneilles. Il trouvait cette réunion des plus ennuyeuses et avait hâte d'en finir. Il remarqua dans le groupe la jolie demoiselle, Meredith, qui assistait Randell depuis maintenant plusieurs mois dans sa nouvelle vie. Elle était de taille moyenne, à la poitrine moyenne, avait de longs cheveux blonds qu'elle attachait en chignon avec ses yeux d'un vert perçant, et portait aussi des lunettes argentées. Elle avait une simple chemise blanche avec une petite jupe noire. À ses mains, on retrouvait souvent un calepin et un stylo dans un porte-papier. Elle était apparemment l'une des anciennes conseillères qui avait pris la fuite à la mort du président.

Troyd la trouvait... exquise. Chaque fois qu'il l'observait, il se délectait de ses jolies formes et avait très envie de la mettre dans son lit. Sauf qu'il ne pourrait gagner son cœur, car elle n'avait d'yeux que pour Randell. Tant pis pour elle, se dit-il, mais au moins un jour, il comptait bien avoir raison d'elle et jouer avec son corps. Le démon qu'il était n'avait aucune honte à s'imaginer en train de baiser n'importe quelle femme qu'il voyait, toutes des putes, à ses yeux. Il n'avait d'estime qu'envers les hommes de son ancienne brigade, ainsi que Randell.

La réunion terminée, les quelques représentants de la ville sortirent de la grande pièce, ce qui laissa le maire, son garde du corps, Meredith et Narcissa seuls pendant un moment. La servante avait quitté la capitale au même moment que Troyd et Randell. Elle était en vérité la seconde fille de Randell, créée quelque temps après l'invention de Gabriel. Elle était beaucoup plus serviable et compétente que son grand frère et avait été construite à base de l'ADN de Randell et de celui de Meredith.

Pour Randell, l'infertilité n'était plus un sujet tabou. Il avait découvert une façon révolutionnaire de créer des enfants. Certes, ses méthodes étaient peu conventionnelles, mais ce brillant scientifique aurait pu faire progresser les choses à la capitale, s'il était demeuré loyal au nouveau président. Bien que Randell ne fût pas marié à Meredith, Narcissa les considéraient tous deux comme ses véritables parents. Elle n'avait pas grandi de la même manière que Gabriel. Elle était née sous l'apparence d'un bébé et vers l'adolescence, elle fut engagée au palais présidentiel en tant que femme de ménage. Randell s'était assuré qu'elle serait en tout temps près de lui ou bien de sa mère, car il souhaitait passer quelques tests sur elle, à l'époque. Au fil des années, il avait interprété qu'elle était pratiquement pareille à tout être humain, à l'exception que les gènes de mutations de son père avait fait en sorte qu'elle développe ses propres pouvoirs toute jeune.

Narcissa était capable de faire apparaître des ronces empoisonnées du bout de ses doigts pour entourer ses ennemis, tels des serpents et ensuite les étouffer avec ceux-ci. Si ses adversaires ne mourraient pas de suffocations, ils mourraient de l'empoisonnement des épines qui pénétrait à l'intérieur de leur peau. L'organisme de Narcissa semblait s'être adapté au poison, à un tel point qu'il lui était impossible d'être empoisonnée ou paralysée par un quelconque produit. Son propre corps produisait n'importe quelle forme de venin qu'elle pouvait appliquer sur ses armes, glissé dans des boissons ou même sur des objets inédits. Elle pouvait contrôler le niveau de toxines dans chacune de ses attaques, pouvant soit paralyser, empoisonner ou faire fondre les ligaments de ses adversaires. Bref, elle était un danger pour quiconque s'en approchait. Voilà pourquoi elle avait fait en sorte de toujours rester loin des gens toute sa vie et qu'elle avait lavé tout objet auquel sa salive avait pu prendre contact par le passé ; d'où son désir à devenir femme de ménage très jeune. Une idée qui l'avait menée jusqu'ici, avec ses parents.

— Es-tu certain que ce soit une bonne idée de déclarer la guerre au nouveau président ? demanda Meredith qui s'approcha du maire de la ville. Je ne pense pas que nous soyons prêts.

— Nous avons déjà un sérieux avantage sur eux, tu verras, Merry, dit Troyd. Lorsque nous avons quitté la capitale, nous avons eu la chance de leur laisser un petit cadeau. Nous en avons même apporté ici lors des transferts. Ils risquent de passer un mauvais quart d'heure grâce à l'ingéniosité de Randell.

— Tu veux dire... Que ces choses sont ici ?

— Oui, et là-bas. J'en déduis qu'ils vont envoyer une bonne partie de leurs troupes par ici dans l'espoir de nous emprisonner, mais avec notre surprise, ils risquent d'en voir de toutes les couleurs.

Meredith soupira, puis poussa les lunettes du bout de son nez.

— Je vois... dit-elle. Dans ce cas, nous n'avons pas une minute à perdre. Nous allons devoir solidifier nos défenses et nous assurer que nos guerriers soient en position de défendre notre ville.

— Je vais me charger de tout ça, en sortant, ne t'en fais pas Meredith, mentionna le maire. Troyd et Narcissa ? Vous deux, vous savez ce qu'il vous reste à faire. On va avoir besoin de vous aux lignes de défenses.

Au moment de partir, l'ancien général les interrompit.

— Attendez, dit-il avant d'esquisser un sourire. Je crois que j'ai peut-être une meilleure idée...

Curieux d'entendre la proposition de leur acolyte, les trois autres écoutèrent attentivement ce que l'homme avait derrière la tête.

¤*¤*¤

Après la réunion de la Septième Brigade au palais présidentiel, plusieurs brigadiers furent rassemblés à l'extérieur du bâtiment, sous les ordres d'Artael et de Shayne. On leur avait annoncé que Randell et Troyd avaient été retrouvés au sud de la province et qu'ils avaient reçu une invitation à aller les retrouver. Évidemment, Shayne leur avait expliqué que ceci n'était qu'un piège et qu'ils risquaient de marcher tout droit vers leur mort. Néanmoins, il leur avait expliqué qu'il était essentiel pour eux de mettre ces hommes derrière les barreaux, afin de préserver la paix.

Pendant ce temps, Misaki aidait Cassandra à faire son sac de voyage dans sa chambre située dans les dortoirs du palais. Cassandra y gardait plusieurs de ses souvenirs, ainsi que quelques aliments dans son réfrigérateur, mais elle passait rarement du temps dans cette pièce. Misaki avait finalement accepté de rester à la capitale durant que les autres iraient en mission, même si elle était très réticente à l'idée d'être abandonnée par le reste de son groupe.

— Flint et Gabriel aussi sont chargés de rester ici, mentionna Cassandra pendant qu'elle pliait un pantalon.

— Ah bon ? Bah, pas étonnant. Daichi fait partie des troupes et il n'y aura personne pour veiller sur le président à part quelques gardes. Flint et Gab sont quand même de puissants guerriers. Je doute qu'ils n'auront aucun problème à veiller sur lui, en cas d'attaque. Par contre, est-il nécessaire d'augmenter nos défenses ?

— Il ne faut jamais sous-estimer l'adversaire. Ils ont parmi eux un bon stratège qui a été capable d'en venir à bout avec nos ennemis rien qu'avec ses propres manœuvres, dans le temps où Virgile était encore vivant.

— Mouais... Ils vont probablement essayer de nous attaquer par surprise pendant que nos meilleurs soldats seront sur la route, si c'est le cas.

— Maintenant, tu comprends pourquoi c'est nécessaire pour nous de garder quelques-uns d'entre vous au palais.

Misaki hocha la tête, quoique déçue. Son intuition lui disait qu'elle pourrait faire la différence sur les champs de batailles. Elle n'était pas encore si enceinte que ça, d'après elle. Quelques semaines, ça paraissait à peine, non ?

Windy était perchée sur l'abat-jour de la lampe dont se servait sa porteuse afin d'éclairer la pièce. Elle aussi agissait bizarrement. Elle était moins bavarde que d'habitude. À vrai dire, tout le monde était à cran avec cette nouvelle qui avait rapidement fait le tour de la capitale. Plusieurs étaient déjà au courant que les anciens fidèles de Virgile et des conseillers corrompus souhaitaient exercer leur vengeance après tous ces changements apportés à la région.

Le pire dans tout ça, c'était que Windy n'arrivait pas à ressentir la présence de ses frères et sœurs dans la république depuis plusieurs mois et qu'elle commençait sérieusement à s'inquiéter pour l'avenir. Le sceau de Perséphone était probablement en train de se briser peu à peu, sachant que plusieurs esprits avaient manqué à l'appel, dernièrement. Lusso, l'élémentaire qui représentait la terre, avait été aperçu pour la dernière fois près du désert, d'après les citoyens d'Osbourg, mais on ne l'avait plus revu après l'invasion des rebelles.

Cassandra était consciente que Windy s'inquiétait davantage pour l'avenir de sa fratrie que celle du pays, mais il n'y avait rien qu'elle puisse faire pour le moment ; autre que de suivre les ordres qu'on lui assignait et tenter de réconforter son amie lorsqu'elle le pouvait. Elle s'attendait à ce que Windy reçoive un message de la déesse dans l'un de ses rêves, un jour ou l'autre, quelque chose qui leur permettrait de suivre une piste vers un autre esprit. La crécerelle était découragée, elle avait besoin de retrouver un peu d'espoir.

— J'espère seulement que tu reviendras saine et sauve, mentionna Misaki à son amie. Je m'en voudrais qu'il t'arrive malheur à cause de mon absence.

Cassandra roula des yeux, puis regarda sa collègue de travail du coin de l'œil.

— Ne t'en fais pas pour moi, dit-elle. J'ai pu me débrouiller toute seule durant plusieurs années et je n'en suis pas morte.

— C'est justement ce qui m'inquiète...

— Allons, ça se passera bien, tu verras.

Cassandra remarqua qu'elle avait échangé sa personnalité avec celle de la guerrière, à force de la fréquenter. Peut-être était-ce un problème hormonal ou bien le simple fait qu'elles étaient souvent ensemble.

— C'est bête à dire, mentionna-t-elle. Mais maintenant que nous nous connaissons depuis tout ce temps, je ne pourrais pas imaginer ma vie sans toi, Misaki. On forme une sacrée équipe, toi et moi. Tu ne trouves pas ?

Misaki hocha la tête et fit une accolade à son amie.

— Nous deux, c'est à la vie, à la mort, répliqua-t-elle. C'est comme si la déesse m'avait offert la petite sœur dont j'avais toujours souhaité, quand j'étais gamine.

Les joues de Cassandra s'empourprèrent alors que Misaki se dégagea doucement. Elle appréciait même d'avoir adopté le rôle d'une tante, pour la petite Sakura. Misaki disait vrai. Elles étaient toutes deux devenues comme de véritables sœurs.

Un peu gênée par cette scène, Windy, depuis l'abat-jour de la lampe, leur dit :

— Il nous reste quelques heures avant qu'ils annoncent le départ des troupes. On devrait peut-être en profiter pour aller nous promener un peu dans la ville, non ?

— Bonne idée, exprima Misaki.

Après avoir rempli le sac de voyage de Cassandra, elles sortirent toutes trois de la chambre et partirent se détendre à l'extérieur. Elles profiteraient de ces derniers instants pour discuter d'un peu de tout, en bonnes compagnies de leurs amis.

¤*¤*¤

L'après-midi arriva en coup de vent ; au sens figuré, parce qu'il y avait quelques brises dans l'air. Les brigades commençaient déjà à quitter Baldt. Flint était installé près de la fontaine du quartier marchand et ressentait un profond malaise. La moitié des brigades avait été convoquée pour rejoindre cette mission, l'autre devait rester à la capitale pour veiller sur la population et les alentours. Flint n'avait pas revu son oncle depuis leur dernière rencontre et croyait qu'il y avait de fortes chances que plusieurs de ces brigadiers soient tués lors de leur confrontation contre Troyd et ses sbires. Tout le monde était déjà convaincu qu'il s'agirait d'un guet-apens.

Ellen Prescott avait même envoyé quelques membres de sa guilde avec les brigadiers, parce qu'elle avait aussi conscience du danger qui guettait la région s'ils ne réglaient pas ce problème au plus vite. La jeune femme était près de la porte d'entrée de son immeuble et regardait les troupes au loin qui s'éloignaient. Flint avait remarqué que plusieurs personnes de la ville faisaient la même chose. On avait l'impression d'assister au début d'une guerre. Peut-être était-ce le cas ? Les informateurs de son père n'avaient jamais eu l'occasion de calculer le nombre de personnes qui vivaient dans les quartiers généraux de la rébellion. Mais d'après Daichi, ces lieux étaient grands pour y contenir au moins cinq cents personnes, ce qui expliquerait pourquoi le Conseil avait envoyé mille hommes. Brigadiers, aventuriers de la guilde, mages et volontaires. Cela devrait suffir pour ce qui se préparait au sud de la république.

Le message de l'ancien général avait bien dit :

« Venez me chercher. Moi et mon armée, on est prêt à réclamer notre belle république par le sang. Vous nous trouverez là où vos bâtards de chiens ont créché. – Troyd. »

La menace était claire. Il déclarait la guerre à leur nation. Il n'aurait pas envoyé ce message s'il ne s'était pas senti prêt à affronter les troupes de son frère. Et par chiens, Artael avait compris que son jumeau désignait les anciens rebelles. Troyd n'avait jamais eu de respect pour personne, sauf son père adoptif. Cette guerre, il l'aurait ; peu importe qu'il le désirait ou non. Il était temps qu'on arrête cette ordure.

Artael ne comptait pas se rendre là-bas, car lui aussi pensait que c'était une très mauvaise idée de laisser la ville seule, sans contrôle. Il ne serait pas seul, du moins. Flint, Gabriel, Misaki, quelques brigadiers et des membres de la guilde s'étaient portés volontaires afin de surveiller la ville durant le départ des autres brigades. Pour ce faire, on avait demandé à la majorité des citoyens de demeurer à l'intérieur de leurs maisons ou bien de se diriger vers le palais, en cas de panique générale. De nombreuses pièces étaient vides dans ce gigantesque bâtiment, il serait donc une bonne idée d'y mettre les enfants et les adolescents en sécurité.

Luna Kelly avait insisté sur le fait que la bibliothèque reste fermée toutefois. Elle ne voulait pas qu'on se mette à fouiller dans ses livres durant son absence. Même si elle s'était déplacée quelques jours plus tôt dans l'unique but de tuer la vilaine sorcière qui avait gâché sa vie, elle semblait avoir repris son ancien comportement d'adolescente sérieuse, mais sarcastique, autoritaire et responsable.

La première chose que Luna avait faite après être revenue des bois, avait été de montrer ses cicatrices à tous les membres de son groupe et de leur raconter son histoire. Elle avait gardé la tête haute durant tout son discours et leur avait dit que sans Nox, elle n'aurait jamais eu la chance de revenir vivante. Parce qu'elle avait décidé de mentir et de faire croire à tout le monde que l'élémentaire était un héros. Nox avait décidé de jouer le jeu, même s'il savait que Luna avait dupé les autres afin de limiter les dégâts. Tout le monde dans son groupe avait été mal à l'aise à la fin de son histoire.

Luna avait vu Cassandra et Misaki pleurer, enlacées l'une contre l'autre, alors que Gabriel s'était mordu les ongles et que Flint et Nash étaient choqués. Shayne de son côté avait gardé son calme. Il leur avait expliqué par la suite que l'esclavage était encore une pratique courante à l'époque où il était né, dans les pays du nord. Cette pratique était déjà en train de se faire bannir par les rois et reines de son temps. Il était très surprenant que Luna ait survécu à cette sorcière.

Aujourd'hui, Luna accompagnait les troupes au sud de la république, dans l'espoir d'apporter du soutien à son mentor, Nash, qui lui avait offert sa nouvelle vie. Elle était reconnaissante d'être vivante et de pouvoir raconter cette histoire encore et encore. Elle ne se sentait plus seule, ni emprisonnée par le passé. Elle était libre comme l'air et pouvait désormais clamer haut et fort qu'elle était une survivante.

Avant de partir avec les autres, Derek avait reçu une lettre de sa mère. Celle-ci était arrivée à Lanartis avec Misha et elles avaient décidé de s'installer à Archenwald afin d'y ouvrir une boutique de fleurs et de parfums. Elle lui demandait des nouvelles. Cela lui avait remonté un peu le moral après les nombreuses tentatives à demander Luna à sortir avec lui, mais sans succès. Le pauvre Derek était trop timide et chaque fois qu'il la voyait, il devenait aussi vulnérable qu'un nouveau-né, puis se mettait à fondre sur place et à bégayer lorsqu'elle lui adressait la parole. La magicienne ignorait tout de ses sentiments pour elle, toutefois, elle le trouvait marrant et bizarre.

Cassandra s'était demandé à quelques reprises si elle ne devrait pas parler à Luna en ce qui concerne Derek et ses sentiments pour elle ; mais pensa que ce n'était pas prudent de se mêler des affaires de cœur des autres. Pendant qu'elle suivait son amie magicienne avec le reste du cortège, elle avait remarqué que le jeune Doyle semblait déconcentré par la chevelure pourpre de Luna qui volait dans tous les sens, à cause du vent. Elle secoua la tête, et se souvint qu'elle était déjà passée par là avec ses propres béguins. Des amours de jeunesse, dans son ancien village.

À son dos, Windy sous sa forme d'arc lui dit :

— Je ne m'attendais pas à ce qu'on soit si nombreux pour un seul homme.

— Va falloir que tu t'y fasses, Windy. Troyd est un homme très dangereux et nombreux sont celles et ceux qui veulent lui faire la peau.

— L'histoire des humains est vraiment banale, dans le fond. Vous êtes toujours en train de guerroyer pour un oui ou pour un non. N'est-ce pas lassant à la fin ?

— Dois-je te rappeler que je suis elfe et que toutes les races font à peu près la même chose depuis la création de ce monde ?

— Ah... En effet, tu marques un point.

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