26. Les nouvelles directives

Flint et Gabriel étaient assis devant Artael qui venait de répéter mot pour mot ce qu'il avait dit à Nash, un peu plus tôt. Kyran se trouvait avec eux et venait d'apprendre la nouvelle lui aussi. Le capitaine était sorti de la pièce, afin de laisser la chance aux fils du président de réagir chacun à leur façon. Gabriel avait été convoqué au cas où Artael aurait besoin de lui pour calmer Flint, car tout le monde savait ici que son mari était la personne la plus explosive qui soit ; lorsqu'il y avait des nouvelles de ce genre.

À l'étonnement leur grand étonnement, Flint ne réagit pas négativement... Il ne réagit même pas. Il battit simplement des paupières pendant une longue minute avant d'échanger un regard avec celui de Kyran, qui était tout aussi perplexe que lui. Ce fut le nouveau conseiller qui s'adressa en premier à leur père.

— Peu importe qu'il soit notre géniteur ou non, cela ne change pas le fait que tu es notre père et que rien ne changera l'affection que j'ai pour toi, dit-il.

— Enfin, il est vrai que je n'ai pas la meilleure relation avec toi, commenta Flint. Mais cette ordure ne s'est jamais occupé de nous, de toute façon, et ce n'est pas envers lui que nous devons toute notre vie, mais à Nash, Gabriel et toi. Vous vous êtes occupés de nous depuis qu'on est gosses. Troyd n'est qu'un bon à rien.

— Mais il y a un détail qui me trouble, papa... relata Kyran. Nous sommes à moitié élémentaires... Comment est-ce possible ?

Le président était bouche bée. Même s'il était heureux de voir que ses fils ne semblaient pas choqués par la nouvelle d'être potentiellement les enfants de son frère, Kyran était un peu plus inquiet par le fait d'être à moitié divin.

— Tous les élémentaires peuvent se reproduire, dit Artael. Naturellement, ils peuvent se procréer et renforcer leurs liens avec Athéna et par la même occasion rajouter de la puissance au sceau qui scelle Perséphone dans l'autre dimension. Lorsque les géniteurs élémentaires cessent d'exister, c'est à leurs progénitures de prendre le relais et de continuer leur tâche pour eux. Lorsque ça arrive, une partie de leur âme fusionne avec celle de leurs enfants. Votre mère ressemblait à une humaine parce qu'elle a été choisie par la déesse pour nous représenter. La plupart de vos pouvoirs sont liés à son héritage spirituel, à ses gènes et à ceux que je partage avec Troyd. C'est tout ce qu'elle a voulu me raconter...

— Ça veut donc dire que nous sommes liés à la foi athénienne, peu importe si on décide qu'on n'y croit pas, dit Flint, bouche bée.

— Pourtant, je vois que Gabriel et toi, vous vous êtes enfin mariés, à en juger vos alliances, remarqua le président.

— Je me suis marié dans une église parce que c'était la chose légale à faire. J'aurais très bien pu le faire dans un lupanar, ça n'aurait pas changé ce que les gens pensent de Gabriel et moi. Tu le sais aussi mieux que moi comment les gens ne pensent qu'aux traditions dans cette nation...

— Comme c'est romantique, répondit caustiquement Kyran.

— Toi, n'en rajoute pas, Monsieur Je-Fantasme-Sur-Ma-Sœur, dit Flint qui fusilla son frère du regard. C'est probablement ta faute si elle est devenue religieuse !

— Ne ramène pas cette histoire maintenant ! Ce n'est pas le moment !

Le sang de Kyran commença à bouillir.

Gabriel avait entendu ces paroles des milliers de fois pour savoir qu'il était temps pour lui de faire le vide dans sa tête. Vingt-six longues années à vivre en compagnie des quadruplés et trois-cent-douze mois à vivre les rires et les drames de ces quatre personnes qui n'étaient plus des enfants, mais de jeunes adultes. Flint exagérait.

Kyran et Sarah n'avaient jamais eu de relation incestueuse. Ils avaient simplement un profond respect pour l'un et pour l'autre, et ne s'étaient jamais fait de relations sérieuses. Un jour, alors que Sarah n'était pas encore religieuse, elle avait déclaré publiquement qu'elle ne trouverait sûrement personne de meilleur pour elle que Kyran. C'était une blague, mais cette remarque lui avait fait songer qu'elle n'avait pas besoin de personne pour être heureuse, sauf sa foi envers la déesse.

Elle avait décidé quelques semaines plus tard d'aller étudier afin de devenir religieuse et guérisseuse à l'église de Baldt. Flint en avait toujours voulu à Kyran, parce qu'à cause de lui, sa sœur était désormais parmi les gens qu'il n'aimait pas tellement. À cause de cette décision, il voyait de moins en moins sa sœur depuis ce jour. Voilà pourquoi, à chaque fois que les deux frères se croisaient, ils avaient l'habitude de se lancer des piques.

— Mais allez-vous grandir, à la fin ?! s'exclama le président, lassé d'entendre ses fils se chamailler de la sorte. Vous devriez plutôt vous réjouir que vous soyez encore en vie après toutes ces années ! Vous êtes chanceux que le culte ne vous a pas encore repérés, si vous êtes vraiment des esprits...

Flint soupira, se leva, s'excusa, puis quitta la pièce. Il en avait assez de cette réunion. Il croisa Nash à la sortie qui lui prit le bras ; celui-ci avait tout entendu.

— Tu dois toujours te rendre au bureau de Shayne, dit-il. Nous avons à discuter pour notre prochaine mission.

— Toi, ce n'est pas le moment...

— Je suis ton supérieur direct, oseras-tu me désobéir ?

Pour toute réponse, Flint lui planta son poing à la figure.

— Hors de ma vue ! grogna-t-il.

— Flint Markios ! En voilà des manières !

Flint s'éloigna ensuite, furieux. Gabriel sortit de la pièce à son tour pour aller s'excuser auprès du capitaine, puis suivit son mari à la hâte.

Nash regarda le président et le conseiller, encore sous le choc.

— Vous avez vu ça ?! s'exclama celui-ci qui se frottait le visage.

— Mon oncle, désolé qu'il t'ait frappé, mais tu sais mieux que n'importe qui dans ce palais qu'il ne faut jamais donner des ordres à Flint lorsqu'il est énervé, mentionna Kyran. C'est une grosse tête de mule.

— Mais je suis son supérieur !

— Peu importe, tu penses beaucoup trop au travail. Juste une suggestion : tâche de t'en souvenir la prochaine fois, si tu ne veux pas qu'il te brise les bijoux de famille.

Artael hocha la tête avant de rajouter :

— Kyran n'a pas tort, Nash. Laisse-le décompresser, je lui demanderai qu'il aille te faire des excuses.

Nash se croisa les bras, puis fronça des sourcils.

— N'empêche qu'il n'avait pas à me frapper comme ça, soupira-t-il. Maintenant, je vais avoir une ecchymose d'ici à quelques heures. C'est inacceptable.

— Estime-toi heureux qu'il ne t'ait pas découpé en rondelles, dit Kyran.

— Ouais, mais c'est inacceptable qu'il me traite comme ça... Ça fait des semaines à présent qu'il ne me montre aucun respect, qu'il me traite de tous les noms ou bien qu'il me prend comme si j'étais un objet. Je pensais qu'on commençait à s'améliorer avec le psy, mais je me suis trompé !

— Je crois surtout que tu exagères, répondit le conseiller, surpris par le ton employé de son oncle. Laisse les choses se calmer d'elles-mêmes.

— Ah bon ? Parce que je suis le méchant, là ? Je suis le type qui se fait tout le temps du sang d'encre, comme la fois où Flint m'a laissé tomber en mission pour rejoindre les rebelles de Xu Fahn ! C'est aussi moi qui ai passé une bonne partie de sa vie à vous élever, ton frère, tes sœurs et toi, et je n'ai jamais eu le moindre remerciement de votre part ! Je n'étais pas obligé de vous élever, de remplacer votre mère ; mais je l'ai fait parce qu'il fallait bien que quelqu'un fasse avancer les choses dans cette famille de merde et aussi puisque votre père avait d'autres priorités !

Nash regardait Artael lorsqu'il formula la dernière phrase. Le ton de la voix du capitaine se faisait de plus en plus sec et agressif.

— À cause des choix de mes frères et de Virgile, je n'ai jamais eu une enfance comme celle des autres et j'ai dû grandir très vite, grogna celui-ci. Vous me traiterez d'égoïste, de ne pas avoir de gratitude envers ceux qui m'ont nourri, mais ce n'est pas le cas. Je suis reconnaissant d'avoir été élevé et sauvé par Virgile Knox, mais je suis furieux que personne ne veuille respecter mon autorité ! Je vaux mieux que ça et je suis à vos services depuis que j'ai l'âge de savoir lire et écrire. Que demander de mieux ?! Oh, mais Nash, tu n'as pas ton mot à dire, tu n'es pas politicien, tu n'es qu'un simple capitaine... Désolé, mais ça ne marche plus avec moi. J'exige le respect qu'on me doit et j'exige qu'on arrête de me prendre pour un moins que rien. J'ai autant de valeur que n'importe qui dans ce palais de pacotille ! Je ne suis peut-être pas à moitié élémentaire, je ne suis peut-être pas le président, mais je suis celui qui a fait en sorte que cette famille reste soudée !

— Nous n'avons jamais dit le contraire, commenta Kyran. Mais... Je...

— Pas de mais qui tienne ! répliqua sèchement le capitaine. J'ai fini de me faire insulter sans réagir. À la prochaine offense, je vous donne ma démission ! Je vous préviens, vous n'entendrez plus parler de moi et je partirai loin de cette ville, comme Gwen !

Le conseiller roula les yeux, puis secoua la tête. Il ne savait plus que dire à son oncle, il préféra s'éloigner et sortir de la pièce. Il savait que la fureur de celui-ci était justifiée. Rien qu'il ne puisse exprimer ne pourrait changer l'état d'âme de son oncle. Il comprit qu'il était allé trop loin avec Flint et que par sa faute, il avait provoqué sa colère. Il lui présenterait ses excuses plus tard, une fois qu'il se serait calmé.

Artael invita donc son frère à s'asseoir pour discuter.

Il était temps pour lui d'avoir une discussion importante avec son cadet. Il reconnaissait qu'il était fautif pour cette crise familiale et il valait mieux pour lui de discuter avec Nash maintenant, avant qu'il ne soit trop tard.

Dia, silencieuse, écoutait la conversation. Elle se sentait inutile face aux sentiments troublants de son maître. Puisque Kyran n'était plus là, Nash en profita pour dire :

— J'ai recommencé à boire...

— Oh Nash... non... soupira son frère.

— Ce n'était qu'un verre de whisky, au bar.

— Ce n'est pas ce qu'on avait conclu, toi et moi. Tu devais arrêter de consommer de l'alcool. Si tu continues comme ça, je vais devoir te faire surveiller. Tu ne veux pas finir comme Troyd, n'est-ce pas ?

— Je ne suis pas et je ne serai jamais comme lui.

Artael baissa la tête et se demanda pourquoi son frère avait rechuté. Toutefois, tout allait si bien avec les médicaments qu'on lui avait prescrits dernièrement.

— Ne mélange pas tes antidépresseurs avec ça, exprima-t-il. La dernière chose dont ta brigade ait besoin en ce moment, ce serait de perdre leur capitaine d'une surdose.

— Je ne suis pas stupide, Art'. Je sais ce que je fais.

— Et pourtant... soupira Dia.

¤*¤*¤

Puisque Nash, Flint et Gabriel n'allaient pas revenir, Shayne décida qu'il fallait parler de la mission aux dames présentes dans la pièce. Il s'exécuta sans plus attendre. Il avait reçu une lettre du président ce matin-là, qui détaillait l'anéantissement du clan des hommes ailés. Cette missive expliquait qu'il y avait probablement un lien entre ces nombreuses disparitions et le culte de Perséphone. Nox et Windy réagirent les premiers.

— J'ai un très mauvais pressentiment, fit le puma noir.

— Nous avons vu ces capes noires et ces seringues, mentionna l'oiseau. C'était en octobre, si je m'en souviens bien. Avant de rencontrer Cassandra, j'en ai croisé plusieurs durant mes aventures dans la Grande Aeglysienne.

— Ils ont cessé d'apparaître après la mort de Virgile et le départ de Troyd, Randell et d'autres représentants de l'ancien régime.

— J'en conclus que le culte est sûrement lié à ces personnes.

Shayne fit non de la tête.

— Il vaut mieux ne pas sauter aux conclusions tout de suite, dit-il. Nous n'avons pas suffisamment de preuves afin de prouver leur fourberie. Cependant, les disparitions de ces clans m'inquiètent beaucoup. Mon amie Serenity est retournée au sien, à quelques reprises depuis octobre, et elle ne m'a pas donnée de nouvelles depuis un mois. Je vais devoir vous envoyer là-bas, Luna est indisposée et ne pourra pas vous suivre. Vous devrez mener une enquête et essayer de trouver la source de ce problème. Lorsque vous aurez terminé votre tâche, revenez dès que possible.

Misaki et Cassandra s'échangèrent un regard.

— Je peux très bien m'y rendre, mais pourquoi ne pas te déplacer ? demanda l'albinos.

— J'ai déjà des obligations au palais pour les jours à venir, répliqua Shayne. Certaines recrues ont besoin d'être entraînées et Artael insiste pour que ce soit Yosuke et moi qui veillons à leur apprentissage. En tant que l'un des généraux, je me dois de donner l'exemple. Vous pourrez solliciter de l'aide à d'autres brigadiers, vous avez mon autorisation. Dites-leur que Shayne a besoin de leurs services. Je vous suggère de le faire le plus tôt possible.

— Quelles sont les brigades présentes à Baldt pour le moment ? demanda Cassandra.

— La Première et la Neuvième sont en ville. Les autres sont en missions jusqu'à leur retour. Je vous autorise à partir sans Nash, Flint et Gabriel. Ils ne semblent pas en état de participer à cette mission.

Misaki s'adressa ensuite à sa collègue :

— Donc, c'est qui la patronne ? C'est toi ou c'est moi ?

— On tire ça à pile ou face si tu le veux, répliqua Cassandra.

— Sérieux, je préférais que ce soit toi qui diriges cette opération.

— D'accord, si tu le souhaites...

Shayne se racla la gorge avant d'ajouter :

— Vous trouverez Ruby à la forge de la ville. Aujourd'hui, elle a quartier libre comme la majorité de son groupe. Essayez de la recruter.

— D'accord, dit Cassandra. On verra.

Les deux amies sortirent de la pièce en discutant.

Shayne tourna ensuite son attention vers Luna qui était demeurée discrète jusque-là.

— C'est bon, tu es couvert, dit-il. Toutefois, fais en sorte que personne ne te voit. Je ne pourrai pas toujours mentir pour toi.

— Je sais, mais j'avais besoin de ce congé, expliqua-t-elle.

— Où comptes-tu te rendre ?

— Je ne peux pas en révéler plus. C'est une affaire personnelle.

— Emporte au moins Nox avec toi, je t'en prie.

— Ça ne sera pas nécessaire, formula-t-elle, alors qu'elle roulait les yeux. Je vais très bien pouvoir m'occuper de ça toute seule. Ça fait des mois que j'attends ce moment...

Ensuite, la magicienne s'éloigna du bureau du général en silence ; elle adopta une autre posture, comme si elle feignait une crampe. Le général plissa des yeux, car il trouvait le comportement de l'adolescente ombrageux. Elle refusait de lui parler de son secret, mais il n'était pas pour la laisser s'en aller loin de la capitale toute seule. Elle comptait partir discrètement durant la journée et revenir pendant la nuit, quand elle aurait terminé sa tâche.

— Nox, je sais bien qu'elle ne veut pas que tu l'accompagnes, mais j'aimerais que tu la suives subtilement, ordonna le vampire à son arme. Fais en sorte qu'elle revienne saine et sauve à Baldt. Si vous ne revenez pas d'ici aux prochaines vingt-quatre heures, j'enverrai Nash, Flint ou Gabriel à votre recherche.

L'épée à la ceinture de Shayne se transforma en panthère, à ses côtés.

Nox hocha la tête, puis se faufila en dehors du bureau, suivant la gamine en se cachant dans les ténèbres. Son pouvoir lui permettait de se dissimuler facilement dans toutes les ombres des salles et même à l'extérieur. Ainsi, il passait inaperçu. Il serait facile pour lui de suivre Luna sans qu'elle ne se doute de sa présence.

Shayne n'avait pas peur que son ami félin soit attaqué par le culte. Il savait que même si on le trouvait, qu'il saurait se défendre. Il regrettait de ne pas pouvoir accompagner Luna, ni Cassandra et Misaki, mais il savait qu'il pouvait leur faire confiance.

Pour un homme qui craignait la solitude depuis toujours, ce nouveau poste de général lui donnait assez de travail pour ne plus s'ennuyer. Puisqu'il vivrait sûrement encore plusieurs années, il pourrait s'occuper des générations à venir et formerait ces dernières en leur racontant des histoires de leurs ancêtres. Artael avait bien fait de le mettre à cette position. Maintenant, il se sentait apaisé et savait qu'il aurait une place importante dans ce monde, du moins pour les prochaines années.

Néanmoins, Shayne savait que tôt ou tard, les gens qui l'entouraient finiraient par mourir et qu'il se retrouverait seul malgré lui, avec de nouveaux étrangers. Il devrait continuer à se faire de nouveaux amis et apprendre à connaître de nouvelles personnes. Ce serait en comblant cette envie de ne plus être seul qu'il réussirait à faire le vide dans son esprit et qu'il parviendrait à vivre une existence paisible.

Avant la rencontre de ce matin, Luna était entrée dans son bureau et lui avait expliqué qu'elle avait une affaire importante à régler. Elle ne voulait pas participer à la prochaine mission, car pour elle, c'était un avis de vie ou de mort. Elle avait refusé de donner des détails au général, mais lorsque les gens avaient commencé à arriver dans la pièce, Luna s'était inventée des fausses crampes liées à son cycle menstruel. Shayne avait compris qu'il devrait improviser et avait mentionné au reste du groupe qu'elle était malade.

Après que tous ses collègues furent partis de son bureau, il avait opté pour se rendre au centre d'entraînement qu'on avait construit près du palais ; situé là où se trouvaient autrefois les mannequins et les panneaux dont les archers se servaient pour se pratiquer. Les brigadiers et les soldats n'avaient jamais eu d'endroit proprement à eux pour leurs exercices, c'était la première requête que Shayne avait faite en tant que nouveau général de l'armée ; une demande qui fut accomplie lorsqu'Artael était devenu président. Ce bâtiment était aussi grand qu'une écurie royale.

L'étage du bas était équipé de plusieurs objets pour que les gens puissent perfectionner leurs coups, peu importe l'arme qu'ils utilisaient. Il y avait un sous-sol long et large avec une seule pièce qui servait à tout le monde pour les combats amicaux ou bien les entraînements de groupes. L'étage supérieur était un entrepôt pour les armes et les accessoires de rechange. Il y avait aussi quelques bureaux pour Shayne et les autres responsables qui s'occupaient du centre d'entraînements. Pour terminer, il y avait des douches et des toilettes.

Lorsqu'il arriva devant le bâtiment, Shayne se rendit compte qu'une dizaine d'aspirants brigadiers l'attendaient à la porte. Le général était en retard. C'était lui qui s'occupait d'ouvrir et de fermer le centre, ce jour-là. À cause de ses autres occupations, il avait oublié ce détail.

Normalement, quelques brigadiers se portaient volontaires pour assister le général lorsqu'on entraînait les nouvelles recrues. À cet instant, il semblerait qu'il soit seul pour accomplir cette tâche. Cependant, il n'était pas du genre à refuser un défi. Il savait déjà qui étaient la plupart de ces nouvelles têtes et avait déjà planifié un entraînement chargé pour quelques-uns d'entre eux.

Le conditionnement physique était tout aussi important que le maniement des armes, voilà pourquoi le sous-sol servait aussi de piste de course et de gymnase pour les athlètes et celles et ceux qui avaient besoin de s'étirer un peu. C'était l'endroit idéal pour Shayne qui ne quittait plus la capitale sauf en cas d'urgence. Il était toujours un membre de la Septième Brigade, certes, mais ne participait plus autant aux missions. Il aurait bien aimé accompagner les autres dans leurs aventures, mais on avait besoin de lui ici.

Tôt ou tard, il devrait quitter sa brigade et se concentrer définitivement sur l'armée. Il avait peur du jour où cela se produirait. Il n'avait pas envie de décevoir Nash, ni les autres membres de son groupe. D'ici là, il trouverait bien quelqu'un pour le remplacer. Daichi et Yosuke étaient déjà qualifiés ; seulement le premier était malade depuis quelque temps et le second était absent, ce jour-là. Avec eux, il s'assurerait de trouver une personne assez douée pour couvrir tout le monde, qui soit capable de se défendre soi-même.

Un mercenaire qui travaillait pour la guilde des aventuriers serait le plus approprié. Même que Shayne était déjà en négociations avec la propriétaire de ladite guilde pour le recrutement de certains de ses employés. C'était une femme avec un fort caractère qui n'avait pas froid aux yeux. Elle aurait pu mener la république comme un véritable chef, mais avait préféré ne pas se présenter aux élections. Elle n'aimait pas les discours et encore moins passer du temps à se morfondre sur les problèmes qui entouraient la nation.

Shayne trouvait qu'elle était tout le contraire de l'ex-propriétaire de la ferme des Doyle. De taille moyenne, sensuelle et visage d'ange, c'était comme ça que le vampire la voyait. Elle était douce, mais à la fois stricte comme une mère, forte, mais aussi délicate qu'une fleur et toujours en train de travailler dans les nombreux papiers de requêtes qu'elle recevait chaque semaine.

Ce qu'elle ne pouvait pas faire passer à sa guilde, elle l'envoyait au bureau administratif du palais présidentiel, et ici, on envoyait les missions les plus louches à son organisation. Les deux groupes travaillaient en symbiose depuis toujours. Le général n'arrivait pas à se souvenir de son prénom... Mais il savait qu'elle était apparentée aux McFinnigan. Une cousine, d'après les dires de Ruby.

Sur ces pensées, le vampire entra au centre d'entraînement avec les nouvelles recrues sur ses talons. Ils étaient impatients de commencer leur journée.

¤*¤*¤

Nash râlait alors qu'il observait son frère.

Toujours assis devant le bureau de ce dernier, il se tournait les pouces.

— Écoute, je suis au courant de tout ce que tu fais pour nous et je t'en suis redevable, dit Artael. Toutefois, ces derniers jours, nous avons remarqué que tu étais de plus en plus impatient et grincheux. Je crois que des vacances te feraient le plus grand bien. Que dirais-tu d'aller te reposer pour le reste de la journée ?

— Je n'ai pas besoin de vacances, répliqua sèchement le capitaine. J'ai besoin de me sentir apprécié et utile pour ma famille.

— Dans ce cas, je pourrai te demander de rendre visite au royaume de Lanartis, afin de porter une lettre d'invitation au Roi.

— Pourquoi ? Que comptes-tu faire avec le royaume ?

— Je crois qu'il serait temps pour nos deux nations de travailler main dans la main, plutôt que de ne jamais leur demander de l'aide. Nous pourrions vendre de nos produits là-bas et ils pourraient exporter des leurs par ici.

— De quoi rehausser notre économie, n'est-ce pas ?

Le président approuva d'un signe de tête.

— J'ai besoin que cette lettre soit livrée avant le début de l'été, car j'ai déjà quelques produits que j'aimerais leur vendre, dit Artael. Nous pourrions envoyer des techniciens dans leur pays afin de leur apprendre tout ce qu'on sait sur l'électricité. En échange, ils pourraient nous offrir de nouvelles plantes et produits pour nos fermes. Nous avons besoin de renouveler nos terres et d'y accueillir de nouveaux travailleurs.

— Ça me semble être un échange raisonnable, mais je doute qu'ils acceptent facilement cette requête. Ils ont été difficiles à convaincre pour céder une partie de leurs terres à nos ancêtres, je ne crois pas qu'ils voudraient nous aider à agrandir notre communauté.

— C'est là que les échanges pourront apporter des profits des deux côtés. Tout le monde y gagnerait quelque chose.

— Pourquoi ne pas envoyer Kyran ? N'est-il pas notre ministre spécialisé en diplomatie ? Il est beaucoup plus doué que moi pour les négociations.

— Kyran et moi devons nous occuper d'un projet de loi que certains marchands essaient de faire passer. Leur syndicat essaie de créer un compromis avec le Conseil pour une augmentation du salaire minimum.

— Je vois... Toutes ces histoires politiques me donnent la nausée. Je ne comprendrai jamais comment vous faites pour ne pas perdre la tête avec tous ces projets ainsi que les nombreuses personnes que vous rencontrez.

— Par contre, une simple rencontre avec le roi du royaume d'à côté ne devrait pas te faire de mal... Non ?

Nash hésitait, mais il se dit que partir en mission pour son frère pourrait lui changer les idées. Artael lui avait expliqué un peu plus tôt que Shayne se chargerait de l'autre mission avant de commencer leur conversation, donc il n'avait pas à s'en faire pour les disparitions des hommes ailés. Malgré cela, il ne pouvait s'empêcher de grogner tandis qu'il frottait sa joue endolorie. Flint ne l'avait pas manqué.

— Encore désolé pour ce que mon fils t'a fait, dit Artael.

— Je l'ai pratiquement élevé et voilà comment il me remercie... bouda Nash. Une chance qu'il ne m'a pas disloqué la mâchoire.

— Je sais... Flint a dépassé les bornes. Je crois que pour le punir, tu devrais l'emmener avec toi pour ta mission.

— Mauvaise idée, il va encore me désobéir et n'en fera qu'à sa tête.

— Je crois surtout qu'il a besoin qu'on prenne soin de lui. Après tout ce qu'il vient d'apprendre, il serait préférable qu'on ne le laisse pas seul durant les jours qui vont suivre. Qu'on le veuille ou non, l'un des enfants de Diana pourrait très bien prendre sa place un jour.

— Tu veux dire que l'un d'entre eux serait le nouvel élémentaire, c'est ça ?

— C'est comme ça que Diana me l'a expliqué. À la mort d'un esprit élémentaire, sa descendance devra accomplir ses tâches à sa place et cette personne sera choisie par la déesse. Ton amie la louve aurait sûrement ressenti la présence d'un élémentaire à force de fréquenter Flint, Kyran et Sarah... Donc j'ai le pressentiment que l'un d'entre eux pourrait être le successeur... Sinon, il nous reste Gwenaëlle...

— Mais Gwen est en dehors de la Grande Aeglysienne, on le saurait si elle vivait encore avec nous... Pour le moment, il n'y a rien que l'on puisse faire, autre qu'attendre que le destin suive son cours, n'est-ce pas ?

— En effet... Peut-être serait-il sage que tu partes à la recherche de ta nièce après ta visite à Lanartis. Nous devrions lui apprendre ce qui vient d'être dit au bureau, en personne. Elle mérite de connaître la vérité au sujet de sa mère... et aussi la possibilité qu'elle ne soit pas ma fille.

Nash fronça des sourcils avant de fermer les yeux. Il imaginait déjà la fureur qu'il lirait sur le visage de la jeune femme, une fois qu'elle apprendrait que son oncle, l'ivrogne misogyne, était probablement son père. Gwen, tout comme ses frères et sa sœur, n'avait jamais eu une très bonne relation avec Troyd. Elle avait honte d'être de la même famille que lui.

— Sinon... en rapport à Troyd... Que fait-on de lui ? demanda Nash, après avoir rouvert les yeux. La prime, sur sa tête, court toujours. Personne ne l'a encore trouvé.

Artael se gratta la tête.

— Je doute que ça plaise à la déesse de m'entendre dire ça, avoua le président. Mais s'il le faut, j'aimerais que quelqu'un mette fin à ses jours.

— C'est quand même ton jumeau... poursuivit Nash, surpris. Ta propre chair.

— Oui, mais pour moi, il n'est rien d'autre qu'un étranger et une nuisance pour notre peuple et notre famille. Je n'ai qu'un souhait, c'est qu'on n'entende plus jamais parler de lui. On a suffisamment souffert à cause de lui.

— Donc, tu ne m'en voudrais pas si je devais le tuer...

— Tu dois tout faire pour le bien de notre pays. C'est tout ce que je peux dire. Tout le monde sait qu'il est un criminel recherché à présent. Quelqu'un finira bien par trouver sa trace et nous rapporter ses faits et gestes. Nous devrions demeurer vigilants en attendant.

— Laisse-moi un peu de temps pour réfléchir à tout ça... M'autorises-tu de passer un peu de temps à l'écart des autres ? J'ai besoin d'une sieste.

— Très bien. C'est ce que je souhaite pour toi.

Nash décida donc de se rendre à sa chambre. Au moment de se lever, le président l'arrêta et lui fit signe d'approcher de l'autre côté du bureau.

— Qu'y a-t-il ? demanda Nash.

— N'oublies-tu pas quelque chose ? Tu sais... dans ta poche... ?

Le capitaine roula des yeux et sortit son portefeuille. Ensuite, il tira un jeton d'une petite ouverture qu'il passa à son frère.

— Nous allons devoir en parler à prochaine rencontre des A. A., dit Artael.

— Jeton de sobriété ou pas, je suis parfaitement en contrôle.

— C'est ce que tu dis, Nash, mais tu suis une thérapie avec un psychologue. J'espère que tu comprends pourquoi je fais tout ça pour toi.

Nash préféra ne rien exprimer. Il rangea son porte-monnaie et mit ses mains dans ses poches avant de sortir du bureau. Encore une fois, Dia était sans mots. Elle préférait demeurer silencieuse, afin de ne pas empirer l'atmosphère entre les frères Markios. Elle veillerait à ce que personne ne vienne troubler le sommeil de Nash, durant la prochaine heure. Elle-même avait besoin de repos.

Artael salua son frère, puis attendit que ce dernier soit partit de la salle avant de regarder la photo de Diana qu'il gardait dans un tiroir de son pupitre. Cette image datait du jour où ils avaient eu leur tout premier rencard. La photo avait jauni, mais il voyait toujours les traits amicaux et bienveillants de celle qu'il avait aimée durant son adolescence... Celle qui lui avait légué un héritage hors du commun... Il sourit et repensa à la toute première fois qu'ils s'étaient embrassés...

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