25. Les origines de Diana
Le mois de mars était arrivé après une dernière tempête qui avait recouvert presque entièrement la capitale sous un duvet de neige, froid et laiteux. Nash avait acquis ce matin-là une lettre de convocation au bureau d'Artael. Le président occupait la pièce dans laquelle Virgile avait passé la majorité de ses journées, de son vivant. Il avait reçu des nouvelles inquiétantes de la part d'un informateur qui avait rendu visite aux tribus des hommes ailés, à l'ouest du continent, deux semaines plus tôt.
Artael tentait de tisser de nouveaux liens diplomatiques avec eux, afin de voir s'ils ne pouvaient pas marchander davantage avec leurs clans, dans l'espoir d'aider la république à rehausser son économie. Cette nouvelle l'avait mis dans un tel état qu'il avait demandé à ce que Nash vienne personnellement à sa rencontre, car devait lui confier cette affaire. Daichi s'était absenté pour la journée, enrhumé et épuisé avec tout le travail accompli.
— Entre, je t'en prie, déclara le président, quand il vit son frère se présenter à l'entrée de la salle, protégée par deux gardes du corps.
Après avoir refermé la porte derrière lui, Nash s'approcha du bureau.
— Quelque chose te tracasse, mon frère ? demanda le capitaine qui s'assit en face du président. Tu es tout pâle... Quelqu'un est mort ?
— Peut-être... je l'ignore, mais un agent vient de m'informer que lorsqu'il a rendu visite aux communautés des hommes ailés ; ces dernières étaient vides et saccagées. Il n'a vu aucun survivant. Il n'y avait pas de sang, ni d'ossements nulle part.
— Je vois... Tu veux nous envoyer enquêter sur les lieux, n'est-ce pas ?
Le président hocha la tête.
— Il n'y a qu'une seule chose que tu dois savoir, dit ce dernier. C'est qu'il a découvert d'étranges vêtements recouverts de poussières dans certains des bâtiments abandonnés. Ils étaient sombres avec des seringues vides à leurs côtés.
— Tu ne penses tout de même pas qu'ils ont été attaqués par des représentants du culte ?! s'exclama le capitaine qui sursauta.
— Si c'est le cas, nous ne pouvons rien confirmer pour le moment, mais il serait fort possible qu'ils étaient dans cette région montagneuse dans le but d'y trouver un esprit élémentaire.
— Voilà qui m'inquiète... prononça Dia, sous sa forme d'épée. Beaucoup, même.
Artael était au courant que Nash, Shayne et Cassandra étaient tous des porteurs d'esprits élémentaires, ce qui expliquait pourquoi il avait insisté à rencontrer Nash.
Le visage du président s'assombrit.
— Je crois qu'il est temps pour moi de te révéler un secret important, dit-il. Je ne l'ai jamais dit à personne jusqu'à ce jour, pas même à mes enfants... Cela risque de vous choquer, Dia et toi.
Il avait peur d'en parler, mais il avait gardé silence trop longtemps à propos de ce sujet. Il fallait que ça sorte. Une fois mort, il serait trop tard.
— C'est à propos de Diana, commença-t-il.
Le président hésita un moment et baissa son regard légèrement. Nash pencha la tête d'un côté et se demandait où son grand frère voulait en venir.
— Je ne l'ai jamais mentionné à personne, continua-t-il, mais elle était en réalité un esprit élémentaire pourchassé par les membres du culte depuis des siècles. Elle se faisait appeler à une autre époque par différents noms et n'a jamais voulu me révéler sa véritable identité. Cependant, elle m'a informée que son alias était en fait inspiré de la louve qui te sert d'alliée en ce moment.
— Que... Quoi ? Comment ?! dit Nash qui se leva d'un bond.
— Pas si fort ! marmonna le président. Je ne veux pas que cette histoire s'ébruite... Qui sait comment les gens réagiraient en apprenant que mes enfants sont à moitié divins ?! Non... il ne faut pas qu'ils le sachent.
— Tu comptais m'en parler quand ? Sur ton lit de mort ?
— J'avais fait promettre à Diana de ne jamais le mentionner à personne, sauf le jour où j'aurais la confirmation que le culte se trouvait dans notre état. Et puisque maintenant, c'est le cas, j'ai tenu ma promesse jusqu'au bout.
— Voilà qui est particulièrement touchant, mais je ne vois pas où ça nous emmène, déclara la louve attachée à la ceinture de Nash.
Le président soupira, puis se servit un verre de scotch d'une bouteille qu'il gardait dans un tiroir de bureau. Le sourcil gauche du capitaine tiqua lorsqu'il huma l'odeur de l'alcool qui se répandait déjà à ses narines.
Après avoir bu le verre dans un silence des plus louches, Artael reprit la conversation :
— Justement... Ça veut tout dire, surtout pour ton porteur, moi et son frère. Tous les mutants qui sont passés à travers le sérum fabriqué par Randell sont concernés. Diana était l'une des espèces vivantes capturées par le gouvernement, il y a de cela plusieurs années. Lorsqu'elle a ressenti des activités étranges à la capitale, durant la période où notre père faisait passer des tests à ses soldats et ses brigadiers, elle était à la recherche de ses frères et sœurs. J'ai fini par la rencontrer et nous sommes tombés amoureux... Je ne pourrai pas tout vous dire sur le pourquoi, ni le comment, mais elle m'a ouvert les yeux en ce qui concerne les expériences faites sur nous... C'est aussi elle qui m'a mis sur la piste de la fabrication des golems.
— Minute... Ça voudrait donc dire que Flint et Gabriel ont une relation incestueuse ?! demanda le capitaine, confus.
— Pas du tout. Le sérum dont Randell s'est servi pour créer Gabriel était à base d'un autre esprit élémentaire, encore plus vieux que Diana. Il est vrai que techniquement parlant, tous les esprits élémentaires sont frères et sœurs, mais ils ne partagent pas les mêmes géniteurs. Ils sont tous des animaux, à la base, nés sous la protection de notre déesse. Ils possèdent tous des pouvoirs divins. Leurs parents biologiques sont toutes des créatures normales.
— Il dit vrai, mentionna Dia qui écoutait tout, attentivement. Lorsque que l'un de nos prédécesseurs meurt, notre âme ère pendant un moment avant de choisir un nouveau corps où nous mélangeons notre essence à celle d'un nouvel animal, surtout un nouveau-né. Mon âme a déjà traversé plusieurs corps avant mon actuelle incarnation. Autrefois, j'étais une renarde, puis un colibri. Maintenant, je suis une louve. Ça varie d'un esprit élémentaire à l'autre. Nox, par exemple, a jadis été un crocodile... Allez savoir pourquoi.
— Fiou... Voilà qui me soulage, mentionna Nash. On avait déjà les bonnes mères de familles qui rouspétaient que Flint et Gabriel avaient une relation contre-nature, je n'avais pas envie de leur annoncer qu'ils étaient en fait demi-frères... Au moins, c'est une bonne chose de réglée...
Artael gronda son frère pour avoir détourné le sujet. Le capitaine baissa la tête honteusement, puis s'excusa.
— Avant qu'elle ne meure, j'ai aussi appris une autre nouvelle, expliqua le président. Celle-là risque de ne pas te plaire... Ça m'a pris du temps pour la digérer, mais je n'en ai jamais parlé à personne jusqu'à présent...
— Quoi donc ? Cesse de me faire languir, Artie !
— Tu risques d'être sous le choc...
— Mais parle !
Le président allait se servir un deuxième verre de scotch, mais réalisa qu'il n'avait pas besoin de se saouler pour ce qu'il allait annoncer. D'autant plus que sa bouteille devait sûrement donner envie à son frère qui souffrait d'alcoolisme. Peut-être serait-il mieux de ranger cette boisson... ? Il était un très mauvais exemple pour son cadet. Artael s'était répété ce scénario des milliers de fois dans la tête, comment il oserait raconter cette histoire à son frère et ses enfants. Il savait que peu importe ce qu'il dirait, il n'y aurait probablement jamais de fin heureuse pour personne. Il soupira et leva son regard vers le plafond un moment, l'air de prier pour que la déesse lui donne un peu de force...
Enfin, il retourna son attention vers Nash.
— Cet enfoiré de Troyd a violé Diana le soir de nos noces, déclara-t-il, alors qu'il essayait de rester calme. Il s'est fait passer pour moi après avoir eu une crise de jalousie, parce qu'elle m'aimait et pas lui. Puis, il l'a violenté et traitée comme une moins que rien en portant mes vêtements, mon parfum et tout ce qui pouvait lui faire croire que c'était moi. J'ai aussi couché avec elle, la veille... Cependant, il est fort possible que je ne sois même pas le véritable père des quadruplés.
Le capitaine et la louve eurent le même réflexe :
— QUOI ?!
¤*¤*¤
Cassandra avait passé une partie de la matinée à discuter avec le Père Shalom à propos de tout ce qu'il lui avait instruit. Elle s'était procuré des accessoires qui pourraient l'aider dans ses enquêtes : de la poudre pour empreintes digitales, une loupe, quelques petits contenants avec une pince, des gants en caoutchoucs jetables et différentes bricoles qui pourraient servir. Plusieurs de ces objets étaient autrefois la propriété du prêtre qui avait décidé de les léguer à son apprentie.
Durant son apprentissage à ses côtés, elle lui avait confié qu'elle arrivait à ressentir des phénomènes paranormaux à certains moments, qu'elle ressentait les esprits de l'au-delà depuis toute jeune ; mais qu'elle n'avait jamais été capable de contrôler ce don. Elle aimerait bien savoir si elle serait un jour capable de communiquer avec les âmes errantes correctement. Shalom pensait qu'elle descendait probablement des anciens elfes chamaniques, ce qui voudrait dire qu'elle devrait possiblement rencontrer tôt ou tard quelqu'un qui serait capable de lui indiquer la marche à suivre, si elle voulait améliorer cet étrange pouvoir. Il n'aimait pas vraiment cette idée, par contre, puisqu'il servait la Déesse Athéna et que ce genre d'exercice était considéré impur et dangereux à sa religion.
L'elfe ne suivait pas la foi athénienne, mais cela ne l'empêchait pas de rester polie en présence du prêtre, des moines et des sœurs qui priaient plusieurs fois par jour. Elle leur avait fait comprendre qu'elle venait d'un village dans lequel la laïcité était habituelle et que la plupart des gens vénéraient les esprits élémentaires plutôt que la déesse. Les clans anthropomorphes étaient tous dérivés de ces créatures, d'une façon ou d'une autre. Personne n'avait insisté à convertir ou bien baptiser la demoiselle, même si cette dernière protégeait secrètement l'existence de l'esprit élémentaire du vent.
Windy n'était pas heureuse à l'idée de servir une païenne, mais croyait qu'Athéna avait sûrement ses raisons de lui faire confiance. Alors l'animal sacré n'avait pas le choix d'avoir foi en Cassandra... Même si elle avait été très hésitante durant les premiers jours qui avaient suivi leur rencontre. La crécerelle s'était attendue à visiter l'église plus souvent pour prier ou bien participer aux messes, mais Cassandra y venait surtout pour ses leçons privées avec le prêtre. L'oiseau avait aussi remarqué que les gens étaient de moins en moins croyants et que beaucoup d'entre eux passaient leur temps à s'entourer de biens matériels. Elle était profondément déçue.
Néanmoins, Cassandra ressentait la tristesse de son animal de compagnie, même lorsqu'elle était attachée à elle sous sa forme d'arme. Leurs consciences étaient en parfaites résonances et elles communiquaient fréquemment par la pensée, comme Nash et Shayne le faisaient avec leurs propres animaux magiques.
L'autre jour, l'elfe en avait eu assez de certains commentaires de la crécerelle et lui avait expliqué :
— Écoute, j'en ai marre que tu me reproches de ne pas être liée à tes croyances. J'aimerais que tu me respectes comme je te respecte. Nous devons travailler ensemble, après tout.
Windy avait ruminé pendant quelques instants avant de finalement s'excuser. Elle était sévère et sérieuse. Elle plaisantait rarement. Elle ne s'entendait pas très bien avec la louve et la panthère. Elle avait plutôt une attitude froide envers les autres. Cassandra avait rapidement deviné que Windy était craintive et qu'elle cachait ses émotions derrière un mur de glace. Elle essayait de se faire invisible lorsqu'elle se sentait menacée. Peut-être réussiraient-elles à travailler là-dessus avec le temps. La soigneuse de la Septième Brigade avait envie que l'oiseau soit plus à son aise avec elle, même si celle-ci avait trop de préjugés.
Alors qu'elle sirotait du thé et observait son arc magique, dans la cuisine de l'église, quelqu'un vint à sa rencontre. Cassandra devait se présenter au palais dans les plus brefs délais. Elle salua donc le prêtre, ramassa ses affaires, puis quitta les lieux pour marcher en direction du grand bâtiment.
L'hiver allait bientôt laisser place au printemps, malgré le fait qu'ils devraient encore attendre quelques semaines pour que la neige se mette à fondre. Il faisait légèrement chaud aujourd'hui, plus que d'habitude. Les gens se promenaient encore en manteaux de laines, des bonnets ou bien des caches oreilles de temps en temps. Cassandra n'avait qu'une simple pèlerine blanche, qu'elle avait fait faire sur mesure chez le tailleur, ainsi que ses bottes d'hiver noires. Peu importe où elle tournait son regard dans la capitale, elle ne pouvait cesser de remarquer à quel point les choses avaient changées.
Tout semblait plus neuf, plus moderne. Les projets avaient été exécutés si rapidement que même certains conseillers avait dû prendre le temps de s'adapter au tout.
— Cassandra ! lança une voix forte, en arrière de la chasseuse.
— Hm ? Oui ?
Au coin de la rue, elle avait remarqué Flint et Gabriel qui sortaient de l'auberge, où ils avaient été déjeuné en compagnie de Sarah. Celle-ci était un peu plus courte que son frère et portait un long manteau par-dessus sa soutane blanche pour lui donner un peu de chaleur. Elle n'avait pas de couvre-chef, ni boucles d'oreilles, ni maquillage. Elle avait opté pour la simplicité volontaire en rejoignant l'église. Cependant, elle avait un rosaire autour du cou qui pendait par-dessus son manteau. À en juger la mine renfrognée de Flint, celle-ci leur avait probablement prêché la Parole d'Athéna durant leur repas, à moins qu'il n'aimât pas les bénédicités...
Celui qui avait appelé l'elfe était donc Gabriel. Il avait eu beaucoup de problème à contrôler son poids dernièrement. À cause d'une certaine tension qui régnait entre Nash, Shayne et lui. On le voyait rarement au palais quand il n'était pas dans un coin à lire un livre. Sinon, il se promenait souvent avec Flint. Ce jour-là, le Gabriel portait un grand manteau de fausse fourrure qu'on lui avait offert au Nouvel An. Cassandra le comparait à une sorte de grosse boule de poils, chaque fois qu'elle le voyait avec cet accoutrement. Il ne s'était pas coupé les cheveux depuis quelque temps et sa barbe devenait un vrai nid d'oiseau.
— Encore un qui n'a pas compris que l'hygiène est importante, pensa Cassandra.
— Bonjour à vous, Mademoiselle Appleseed ! dit Sarah qui marcha vers l'elfe dont elle serra les mains dans les siennes. Vous avez bonne mine ce matin ! Heureuse de vous revoir !
— Bonjour à vous aussi, Sœur Sarah. Je vois que la déesse a répondu à vos attentes, répliqua l'elfe par politesse.
— Oh, je ne pourrai être plus heureuse ! Mon frère et son mari m'ont promis de passer plus souvent aux messes en fin de soirée, maintenant que je fais la lecture de certains passages ! Je suis tout excitée !
— M... m... mari ? couina Cassandra, confuse, alors qu'elle jeta un coup d'œil rapide vers Flint et Gabriel. Eh ?! Je pensais que votre mariage serait public !
Flint soupira, puis se passa une main dans les cheveux avant de répliquer bêtement :
— Nous nous sommes mariés en privé, il y a quelques semaines. Nous n'avons invité personne. C'est le prêtre de Kritz qui a administré nos vœux.
Gabriel s'empressa de rajouter :
— C'est mieux ainsi... Personne ne fera de scandale que deux hommes se soient mariés dans l'église de la capitale... Nous savons que rien n'interdit notre relation dans la bible, mais nous savons aussi à quel point certaines personnes sont difficiles à vivre... Sarah comprend très bien où je veux en venir.
La sœur de Flint approuva, même si elle grimaçait de colère.
— Le jour viendra où ils accepteront tous que mon frère soit gay et que c'est le meilleur à mes yeux, déclara la religieuse qui fronça les sourcils. Je me fous de ce que les gens peuvent penser. Il est ma famille avant tout ! Les traditions ne peuvent pas tout le temps être respectées... Nous sommes dans une période de changement après tout ! Que la Déesse me pardonne pour cette colère qui hante mes pensées ! Parfois, je vous jure que je mordrai ces femmes rapaces qui leur font des commentaires lorsqu'ils passent devant leurs maisons !
— On voit que la volonté de fer des Markios coule dans vos veines, Sœur Sarah, dit Cassandra, amusée.
— Oh, on me le mentionne souvent...
La nonne gloussa d'embarras avant de relâcher les mains de la chasseuse.
— Que les esprits vous protègent, dit-elle avant de s'éloigner en direction de l'église.
Flint poussa un long soupir de soulagement. Il trouvait ces rencontres de plus en plus exténuantes, même s'il aimait sa sœur. Il avait récemment coupé ses cheveux très courts. Cassandra n'était pas habituée à le voir sans ses cheveux semi-longs entremêlés. Il n'avait pas beaucoup changé en quelques mois, mais s'était beaucoup assagi à force de fréquenter le même psychologue que son oncle, Monsieur Plante.
Artael avait reconnu que son fils savait faire preuve d'initiatives et lui avait proposé de former sa propre brigade. À la grande surprise de tous, Flint avait refusé. Il était à son aise dans son groupe et ne cherchait plus à surpasser son oncle. Il se concentrait désormais sur sa vie amoureuse avec Gabriel et espérait tôt ou tard qu'ils pourraient adopter un enfant ou deux. Les deux jeunes époux comptaient aussi essayer la méthode de fécondation in-vitro avec une mère porteuse.
La situation du couple allait de mieux en mieux, du moins c'était ce que croyait leur capitaine. Celui-ci avait passé les deux derniers mois à s'assurer que Gabriel ne fasse pas de crise cardiaque avec toutes les saletés qu'il avait l'habitude de manger. Nash n'avait plus à s'inquiéter pour les sautes d'humeur de son neveu non plus. À vrai dire, il n'était pas inhabituel de penser que Nash traitait Gabriel comme son enfant, tellement il s'inquiétait pour sa santé et son bien-être.
Tout semblait aller comme sur des roulettes...
— Alors... Qu'allez-vous faire pour le voyage de noces ? demanda Cassandra, pendant qu'ils marchaient en direction du palais.
— Nous avons décidé de nous concentrer sur les tâches de notre brigade pour le reste de cette saison. Lorsque le printemps viendra, nous comptons demander notre congé à Artael en personne, dit Gabriel.
— Ah bon... ?
— Je me demande bien ce qui nous attend comme mission, déclara Windy. J'espère que ce ne sera pas une autre requête de livraison. J'en ai marre que nous fassions les facteurs sans arrêt. Je désire un peu d'action !
— Ça ne risque pas, Windy, répondit l'archère. J'ai mentionné au vice-président que nous étions sous-payés pour livrer nos paquets et que la plupart de nos clients nous manquaient souvent de respect. Malheureusement, ce n'est pas tout le monde qui est aussi poli que le maire d'Osbourg.
Cassandra se souvint du jour où elle avait livré le dessert légèrement écorché au village entouré de sables. Elle avait dû s'expliquer au représentant de cette communauté qu'elle avait été attaquée sur la route par un pillard et que cela avait effrayé la jument. Elle n'avait reçu aucune sanction pour cet accident, et fut même invitée à prendre le thé avec le maire et son épouse qui avaient fêté l'anniversaire de leur fils. Elle était repartie pour la capitale au lendemain, après avoir passé la nuit chez eux ; ils lui avaient offert une jolie chambre.
Avant de repartir pour Baldt, l'épouse du maire avait confié à Cassandra qu'elle avait un jour rencontré une elfe qui lui ressemblait beaucoup dans la région sud-est du continent. C'était une vingtaine d'années plus tôt, alors qu'elle n'était qu'une adolescente. Cette remarque avait rempli le cœur de la demoiselle d'espoir. Peut-être qu'un jour, elle connaîtrait ses origines. Sans doute avaient-elles un lien de parenté ?
Cassandra secoua la tête, de retour à la réalité. Flint et Gabriel marchaient à ses côtés dans le grand couloir principal du palais. Elle avait franchi cette porte des milliers de fois depuis son arrivée en ville ; elle avait pris connaissance des lieux par-cœur et n'eut aucun problème à aller mettre son manteau dans la garde-robe des visiteurs près de la salle des domestiques.
Les deux mariés firent de même et escortèrent la demoiselle jusqu'aux bureaux administratifs où Shayne avait désormais sa propre pièce. Celui-ci occupait l'ancienne salle où Artael avait autrefois travaillé. Toutes les rencontres de la Septième Brigade se faisaient dans cette salle, depuis sa promotion, même s'ils se sentaient un peu entassés avec Gabriel qui devait souvent se mettre près de la porte, grande ouverte.
Luna était installée au fond, adossée sous un tableau et espérait que cette réunion s'achève bientôt. Il ne manquait plus que Nash et elle se faisait impatiente. Elle avait un mal de ventre lié à ses périodes et avait prévenu Shayne que peu importe ce qui se passerait ce jour-là, qu'il ne faudrait pas compter sur elle afin de sortir de la capitale. Elle devrait rester ici jusqu'à ce que son mal soit passé.
Gabriel observa l'expression endolorie de Luna et grimaça par compassion. Il reconnaissait cette expression pour l'avoir habituellement lorsqu'il avait une vilaine indigestion.
— Ouf, encore ces vilains maux de ventre ? dit-il.
— Ouais, aucun médicament n'est assez puissant pour calmer cette fichue douleur.
— Veux-tu que j'aille te chercher quelque chose au réfectoire ?
— Non... ça ira... soupira-t-elle.
Misaki était installée tout près de Luna et lisait un document qui semblait important. Concentrée, elle ignorait les autres. Shayne, de l'autre côté du bureau, attendait patiemment pour l'arrivée du capitaine.
Flint s'installa sur la chaise tout à côté de la guerrière. Il essayait de voir ce qu'elle lisait du coin de l'œil, mais les caractères étaient trop petits pour qu'il puisse lire à distance. Avait-il besoin de nouvelles lunettes ?
Shayne remarqua les bagues aux doigts des deux jeunes hommes et haussa des sourcils.
— Dites, vous vous êtes finalement mariés, vous deux ? demanda-t-il.
— Nous l'avons fait en février, dit Flint. En privé.
— Dommage, j'aurais aimé assister à la cérémonie. Vous êtes quand même des membres importants de notre communauté.
Misaki sursauta quand elle entendit cette nouvelle. Elle rangea le document sur le bureau et se leva pour aller serrer la main de Flint et celle de Gabriel, afin d'aller les féliciter. Cassandra était coincée dans un coin, pendant que le colosse et la guerrière s'enlaçaient amicalement. Durant un instant, elle crut qu'elle allait se faire écraser par le golem lorsqu'on cogna à la porte. C'était Nash.
L'albinos reprit sa position initiale, Gabriel se tassa et laissa le capitaine entrer. La première chose qu'il fit, fut de prendre Flint par la main et de le tirer en dehors de la pièce pour l'emmener ailleurs. Il ordonna au mari de celui-ci de les suivre, laissant le reste du groupe à l'intérieur du bureau de Shayne.
— Mais que se passe-t-il ? commenta Cassandra, confuse.
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