22. La colère de Nash

Nash n'en revenait toujours pas que son neveu venait de lui faire une leçon de morale, en plus de prendre cette décision qui pourrait ruiner sa carrière. Il n'avait rien pu faire de plus que de s'excuser auprès de la mairesse de la ville parce qu'ils n'avaient pas été en mesure d'intervenir avant. Elle lui avait dit qu'il n'y avait pas d'excuses à faire, mais il s'en voulait tout de même. Les paroles de Ruby, la rebelle, lui avaient fait beaucoup de mal. Avait-elle raison ? Les brigadiers étaient-ils tous coupables par association au Conseil ?

Shayne, de son côté, avait suggéré aux citoyens de relâcher ce qui restait des rebelles en dehors de leurs territoires, lorsque Nash et lui auraient quitté Xu Fahn. Il valait mieux ne pas causer davantage de pétrin avec ces criminels, sinon ils reviendraient pour se venger. Nox, toujours sous sa forme d'arme, se reposait à la ceinture de son porteur. Il était un peu secoué par la tournure des événements.

Dans un silence inquiétant, Shayne raccompagnait Nash à la calèche avec ce qu'il restait de marchandise. Il entreposa ce qu'il put dans un coin, puis s'assit en arrière du banc du conducteur. Le capitaine était sans voix, dégoûté et rempli d'une culpabilité qu'il n'arrivait pas à faire disparaître. La pauvre Dia n'osait pas l'interrompre dans ses pensées, elle savait qu'il avait besoin de réfléchir, alors elle se tut. Même Nox n'osait pas lui adresser la parole, dans un état pareil.

Nash savait au fond de lui que ce que ces gens vivaient était mal. Mais il se sentait impuissant face à tous leurs problèmes. Se joindre à eux aurait été une cruciale erreur de sa part. Il était capitaine après tout. Ce geste lui aurait valu d'être rétrogradé, pire encore : qu'on le jette en taule. Il ne pouvait pas se permettre de perdre son titre. Les gens avaient encore besoin de lui.

La trahison de Flint, toutefois, était davantage troublante pour Nash ; à cause des nombreuses explications qu'il devrait faire à son retour chez lui.

Artael sera furieux d'apprendre que son fils a rejoint la rébellion... songea-t-il.

Mais non, ne dis pas ça, couina Dia. Tu ne sais pas si...

Mais rien à faire. Nash n'était pas réceptif du tout à la télépathie. Il s'était formé un mur mental, en détresse. Il avait tort sur toute la ligne, en ce qui concernait son frère, car jamais Artael n'en voudrait à son fils d'agir pour le bien de la nation.

Alors qu'ils retournaient sur la route avec les deux chevaux et la voiture, Nash arrêta les animaux un moment avant d'enfouir son visage dans ses mains. Envahi par la honte, il se mit à pleurer. C'était plus fort que lui, il était en pleine crise de panique. Shayne savait qu'il valait mieux ne pas le perturber jusqu'à ce que le pire soit passé. Il reconnaissait facilement ces symptômes pour les avoir vécus à quelques reprises, lorsqu'il était plus jeune. Nash était en train d'expérimenter la peur de ne pas être capable d'assumer ses choix. Quelque chose que celui-ci avait rarement vécu auparavant.

Quand les larmes cessèrent de couler, il essuya ses yeux avec ses poignets, puis ordonna aux chevaux de continuer leur route et secoua légèrement l'attelage.

— J'essaie... Après, j'essaie encore et encore... râlait Nash, pour lui-même. Il faut toujours que quelqu'un vienne me dire comment je dois faire mon boulot ou que je fais tout de travers... Oh, mais ce n'est pas grave, je ne peux pas tout régler, je ne suis qu'une seule personne et gnan gnan gnan... Mais ça, ils n'ont pas l'air de s'en rendre compte que moi aussi, j'ai un putain de cœur ! Si Flint pouvait voir plus loin que le bout de son nez, il verrait que je l'ai torché toute sa vie et c'est comme ça qu'il me remercie !? Moi, qui a toujours pris sa fichue défense contre les homophobes !?

Il roula les yeux et se passa une main dans les cheveux.

— J'ai passé toute ma sainte vie à nettoyer les dégâts derrière lui. Puis, j'ai fait en sorte qu'il grandisse comme il faut avec son frère et ses sœurs et il a le culot de me dire que je suis le traître ?! Qui est l'imbécile qu'on a chargé de travailler pour veiller sur lui ? Moi ! Celui qui devait servir de garde du corps en plus d'oncle pour lui et sa fratrie ? Moi ! Qui est le con de service qui a eu la malchance d'être le frère cadet des jumeaux Markios ?! MOI ! Qui est le pauvre connard qui n'est pas capable de prendre une décision sans être guidé par quelqu'un au-dessus de lui ?! Moi, MOI, MOI, MOI !

Il fusilla le ciel et maudit la déesse de l'avoir mis au monde. Dia sentit son cœur se briser, ressentant toute la détresse de son porteur. Comment pourrait-elle l'aider à passer cette épreuve si difficile ? Seulement, toute cette colère était pour elle tel du poison. Elle commençait à se sentir légèrement malade. Elle ne pouvait pas en vouloir à Nash de ne pas comprendre ce qui lui arrivait, mais elle ne souhaitait pas l'empêcher de s'exprimer non plus. Elle savait au fond de son cœur que son porteur était quelqu'un de bien. Il avait juste une immense souffrance à exprimer.

— Non, mais ils me prennent vraiment pour un crétin ! continua Nash dans sa tirade. Je suis loin d'être parfait... Mais au moins, j'ai grouillé mon cul pendant toutes ces années pour faire en sorte qu'ils n'aient manqué de rien ! Et pour quoi ? Je n'ai pas eu un seul remerciement de la part de Flint, de Gabriel, de Gwenaëlle, ni d'Artael. Toujours occupés ceux-là ! Au moins j'avais Sarah, mais quand elle est rentrée au couvent, elle a cessé de nous voir régulièrement. C'était la seule qui m'ait montré que j'avais de la valeur à ses yeux. À part ça, je suis quoi moi ?! Un enculé de capitaine pour une brigade qui vient de perdre l'un de ses membres à cause de nos différences d'opinions ! FLINT, JE TE HAIS ! TU M'ENTENDS !? ESPÈCE D'IMBÉCILE LUBRIQUE SUR DEUX PATTES !

Il ne le pensait pas, mais il avait quand même besoin de le crier haut et fort.

Il prit une pause avant de reprendre :

— Ouais, c'est moi, l'oncle débile d'une famille monoparentale reconstituée avec pour titre CRÉTIN DE SERVICE QUI EST SUPPOSÉ ÊTRE LEUR ONCLE, MAIS QUI EST ASSEZ JEUNE POUR ÊTRE LEUR FRÈRE OU LEUR COUSIN ! AH ! Que c'est bien de se sentir comme de la merde ! On se plie en quatre pour faire plaisir à tout le monde, mais jamais on ne viendra nous remercier pour plusieurs années de loyaux services... Pas vrai, Shayne ?!

Shayne comprenait tout à fait où Nash voulait en venir avec sa crise. Mais le capitaine ne s'arrêta pas là dans son monologue. Tout comme Dia, Nox commençait à s'inquiéter. Si un porteur devait avoir trop de pensées maléfiques lorsqu'il était synchronisé de son esprit élémentaire, il y avait de fortes chances qu'il puisse lui faire beaucoup de mal. Pour cette raison, les esprits élémentaires devaient prendre la fuite lorsque leurs protecteurs devenaient dangereux. Cela, Shayne le savait déjà, mais personne n'avait encore pris le temps de l'expliquer à Nash.

— Quand Diana est morte, je n'avais que six ans, mentionna Nash. Merde... Six ans et déjà oncle... T'en rends-tu compte, Shayne ? J'étais qu'un orphelin et on m'a adopté alors que mes frères commençaient à peine leur adolescence. On nous a fait passer des tests bizarres pour voir si nous étions compatibles avec le sang de ces créatures... Après, quand mon frère a eu ses bébés, c'est Gabriel et moi qui avons hérité de toutes ces responsabilités. Parce que monsieur était bien trop occupé à régler les problèmes que notre père adoptif laissait derrière lui, au lieu des siens. J'ai été forcé de grandir vite, apprendre à cuisiner rapidement et à changer des couches, parce que Gabriel était nul à chier comme serviteur durant ses premières années. Ce n'était qu'une marionnette sans personnalité autre que la peur dans les yeux. Et moi dans tout ça ? Comme un crétin, j'ai été foutu d'élever quatre enfants avec les nounous et le golem dans mes pattes. Il y a de quoi me rendre fou, hein ?! Mais je ne peux pas en vouloir à Gabriel d'avoir été mis au monde comme ça. Son créateur n'est qu'un vulgaire déchet qui ne mérite même pas son poste de Conseiller. Et le pire dans tout ça, c'est que je l'adore, Gab... C'est Gab, quoi ! Le meilleur pote qu'on puisse avoir... Mais il m'a quand même rendu fou avec les quatre bébés sur les bras...

Il secoua sa tête, découragé par tout ce qu'il avait sur le cœur.

— Tout le monde était tout le temps épuisé pour nourrir les bébés ou bien les changer, continua Nash. C'est qui l'idiot de service qui était forcé de régler tout ça ? MOI ! Je n'ai pas eu une seule putain d'année de repos depuis qu'ils sont nés. Et comme une mauvaise plaisanterie, c'est encore à moi qu'on a délégué mon neveu parce qu'il n'est pas fichu de grandir comme tout le monde et maintenant, il m'annonce qu'il s'en va...?! MAIS JE L'EMMERDE ! Non mais quoi, ça fait depuis combien d'années que je dois toujours réparer ses erreurs, à cette andouille qui ose partager mon sang... ? Si je l'attrape, je jure que je l'étrangle et que je vais le découper en rondelles et le faire cuire pour souper pour ensuite le faire dévorer par Gab... Non ! Mieux que ça : son abruti de père qui abusé de ma santé mentale ! Oh, Artael... tu vas morfler pour ce que tu m'as fait subir...

Il continua son récit pour lui-même en ruminant sa rage intérieurement, laissant le pauvre Shayne se frotter les oreilles. Ces dernières étaient devenues sifflantes à force de l'entendre crier. Mais il venait quand même de voir une nouvelle facette de la personnalité de son capitaine qui lui plaisait bien. Ce pauvre Nash était assez vulnérable au niveau sentimental et il ressentait sa détresse, cette tristesse vieille de plusieurs années. Nash avait eu une enfance assez difficile et méritait un peu plus de reconnaissance de sa famille.

Dia soupira de soulagement quand elle ressentit que son porteur commença à se calmer. Elle se sentait moins nauséeuse, maintenant que le pire était passé.

Shayne aussi avait vécu une enfance assez particulière. Assez pour le rendre fou. Mais ce n'était rien, contrairement à ce que Nash avait pu endurer. Quatre enfants à élever alors qu'il était lui-même tout jeune à l'époque... ce n'était pas de tout repos. Shayne admirait son capitaine, mais en avait aussi pitié. Il espérait que tôt ou tard, il réussirait à retrouver la paix intérieure. Néanmoins, il était vrai que le départ de Flint allait causer tout un bordel à la capitale. C'était quand même le fils d'un conseiller...

— Au fait, Shayne, dit le capitaine qui essayait de se calmer. Qu'en est-il de ton amie ? As-tu pu la retrouver finalement ?

— Non. La mairesse m'a expliqué dans l'entrepôt qu'elle est partie de Xu Fahn quelques semaines plus tôt. Elle voulait rendre visite à son clan, d'après elle.

— Ah... Au moins, on sait à présent qu'elle n'a pas été attaquée par les rebelles.

— Ce qui ne m'empêche pas de me faire du sang d'encre pour elle...

— Tu finiras bien par la retrouver un jour.

Shayne approuva en faisant un simple « Mm-hmm ». Nash se racla la gorge.

— Je m'excuse... pour mon coup de gueule, finit par dire le capitaine alors qu'il regardait la route, la tête timidement baissée.

— Sérieux, Nash, j'aurais fait pareil si j'avais été à ta place.

Malgré tout, Nash s'en voulait de s'être emporté.

— Le pire dans tout ça, c'est que Flint a raison, dit le capitaine. J'aurais dû l'écouter et baisser mes défenses, me joindre à eux, plutôt que de renier leur cause. Artael doit probablement être en train de négocier quelque chose avec leurs supérieurs, si ça se trouve. J'ai fait une énorme boulette, je le sens.

— On ne peut pas toujours prévoir nos émotions, dit Shayne. Parfois, elles prennent le dessus et affectent notre raison. Il est vrai que tu aurais pu rejoindre les rangs de la rébellion, mais en même temps, on ne sait pas quels seront les résultats de ton frère et s'il réussira à convaincre leur chef de baisser les armes. Quoi qu'il arrive, nous connaîtrons les résultats bientôt.

— Très juste, soupira le capitaine. Mais bon, le choix de Flint était impulsif. Il n'a vraiment pas réfléchi aux conséquences. Oh misère !

— Essayons de retourner à la capitale pour commencer. On tentera de raisonner ton neveu lorsque ce sera possible.

Shayne n'avait pas l'air de s'en faire, il savait que Nash était sous pression et que Flint essayait simplement de faire ce qu'il croyait bon et juste. Le capitaine hocha la tête aux dernières paroles du mercenaire, puis se tut. Toutefois, le vampire pensa qu'il devrait lui mentionner plus tard les effets de la colère et la malveillance, sur les esprits élémentaires. Si Dia ou Nox ne le faisait pas, il le ferait.

Le reste du trajet se passa en silence.

Au bout d'un moment, Nash repensa au flacon de whisky qu'il avait jeté dans les toilettes pour hommes du palais présidentiel. Il se dit qu'il aurait dû la garder, rien que pour cet instant. Il avait soudainement besoin de noyer son chagrin avec plusieurs pintes de bière... À ce rythme, il ne serait plus sobre du tout.

Sois fort, Nash... je sais que tu peux y arriver, murmura Dia dans son esprit. J'ai foi en toi. Tu es un homme admirable. Je sais que tu passeras à travers cette douleur. La déesse veille sur toi... et tu le sais, puisque je suis là...

Pour toute réponse, le capitaine essuya une larme qui coulait le long de sa joue et se concentra sur la route. Il n'avait plus envie de parler. La louve, quant à elle, ressentit que son âme semblait s'apaiser. Ce qui la rassurait. C'était un homme pur, pieux. Jamais il n'avait demandé quoi que ce soit à son entourage, mais sa tête avait grandement besoin d'être soignée. Elle avait eu raison de croire qu'il lui faudrait devenir sa confidente. Elle n'était pas douée pour la psychologie humaine, mais les avait assez étudiés pour savoir qu'il avait besoin plus que jamais qu'on reconnaisse ses efforts.

— Au Nash, commenta Dia. Il faudrait que je te mentionne un truc sur la corruption des esprits élémentaires... C'est... pour notre protection à tous.

— Pardon ? demanda le capitaine, confus. Où veux-tu en venir ?

La louve lui expliqua alors ce qu'il devait absolument apprendre, au grand soulagement de Shayne et de Nox qui écoutaient leur conversation en silence.

¤*¤*¤

Alors qu'ils marchaient en direction du campement des rebelles, Ruby questionnait Flint qui s'était joint à eux. Elle n'avait pas insisté pour qu'il reparte, mais était quand même intriguée par la tournure de la situation. La nuit avait recouvert le ciel de son voile nocturne et le jeune homme blond était résolu à passer à l'action. Il n'était pas très bavard, mais semblait s'être attaché Estelle, la petite fille à qui il avait offert une poupée en porcelaine, un peu plus tôt.

— Tu peux toujours retourner chez toi si tu le souhaites, nous ne te retenons pas, dit l'un des rebelles qui s'était rapproché de Ruby et de Flint.

— Non, je reste, déclara Flint sur un ton résolu. Si mon oncle refuse de passer à l'action, dans ce cas je le ferai de mon plein gré.

— Oui... mais es-tu conscient dans quoi tu t'embarques ? dit la cheffe du groupe.

— Pas besoin de t'en faire, exprima l'arbalétrier à sa supérieure. Il a fait son choix.

— Conrad, répliqua Ruby. Ce n'est pas tous les jours qu'un brigadier quitte la capitale pour rejoindre nos rangs, alors excuse-moi si je suis sous le choc. Imagine si l'un des nôtres nous trahirait pour rejoindre leur brigade...

— N'est-ce pas ce que Misaki a fait ? demanda Flint. Elle a rejoint les brigades et en ce moment même doit négocier avec votre supérieur...

— Ah ouais... Qu'est-ce que cette histoire de négociation, au fait ? interrogea Conrad. Tu l'as mentionné aussi à ton oncle, avant qu'il nous ait laissé partir du village.

— Mon père essaie de limiter les dégâts, alors il est parti en mission diplomatique avec votre ancienne partenaire, Misaki. Il espère parler avec votre chef. On devrait savoir comment ça s'est passé à notre retour à votre camp... Personnellement, j'ai confiance en lui. C'est pourquoi j'ai décidé de...

— Misaki a fait quoi ?! lança Ruby, incrédule.

— C'est une longue histoire... soupira Flint.

Il lui expliqua par la suite qu'elle leur avait dévoilé ce matin-là et qu'à partir de là, ils avaient dû diviser leur brigade en deux afin de protéger Xu Fahn ; en plus d'envoyer des représentants au camp des rebelles. Étonnée, Ruby cligna des yeux.

— Je ne comprends pas, dit Conrad. Vous étiez au courant de tout ça, toi et ton oncle... ? Pour ton père, je veux dire.

— À vrai dire, nous étions incertains des plans de mon père après en avoir parlé, ce matin. Mais papa devait me dire un truc en privé, après notre rencontre. Il m'a demandé de vous rejoindre parce qu'il planifie un truc... Nash de son côté est beaucoup trop coincé et suit les lois à la lettre, comme c'est comme ça qu'on l'a élevé. On aurait pu éviter ce conflit à Xu Fahn si on avait mentionné Misaki et son histoire, mais je crois que ç'aurait causé davantage de problèmes. Vous ne nous faisiez pas confiance lorsque nous sommes arrivés. Puis, mon oncle a entaillé Ruby... Les choses auraient pu être pires s'il n'avait pas refermé sa blessure.

— Maintenant que tu le dis, il est vrai que les chances auraient été contre vous, soupira la concernée.

— Mais, il est vrai que ton oncle nous a bien eu avec ses sables mouvants ! s'exclama l'arbalétrier qui pouffa de rire.

Il s'était fait amical avec Flint malgré le fait que plus tôt, ils auraient pu s'entre-tuer. Conrad Sanders avait passé une bonne partie des dix dernières années à travailler pour Daichi et son groupe, il avait perdu un œil lors d'un raid dans l'un de leurs nombreux campements. Depuis ce jour, il avait appris à se servir de ses autres sens pour percevoir ce qui l'entoure. Ses enfants, Scottie et Kylie, l'avaient beaucoup aidé durant sa réhabilitation, d'après ce que Flint avait retenu de leurs présentations.

Ce mec doit être aussi grand que Gabriel, mais plus costaud que Shayne, songea Flint qui le regardait de plus près.

Il avait la tête rasée. Un faible duvet poussait en dessous de son menton, ainsi qu'une petite barbe noire. Il avait l'air sévère, mais en fait, il était jovial et aimait beaucoup faire la causette avec tout le monde.

Ruby McFinnigan était un vrai garçon manqué. Elle n'avait rien de très féminin, comme Misaki, mis à part sa silhouette légèrement plus voluptueuse. Elle avait de jolis yeux d'un vert pétillant qui faisaient ressortir la rousseur de ses cheveux, attachés dans une courte queue de cheval. Elle portait une simple chemise en cuir avec un pantalon noir et de grandes bottes.

En pleine nuit, alors qu'ils marchaient loin de la forêt kritzienne, ils croisèrent un messager qui leur remit une lettre. On illumina cette dernière d'une torche, puis Flint vit qu'elle lui était adressée à son oncle et lui. Lorsqu'il lut celle-ci, il comprit que son père avait réussi son plan et par conséquent, qu'il avait pris la bonne décision de rester avec les rebelles. Il s'agissait désormais d'une histoire qu'il serait fier de raconter à sa descendance un jour, s'il avait la chance d'être père.

Flint se perdit dans ses pensées un moment et expliqua la situation au reste du groupe. À cette nouvelle, Ruby s'exclama :

— Eh bah ! Quelle joie de savoir que nous avons dorénavant des alliés qui vont nous aider à la capitale ! Tu diras merci à ton père de ma part.

Conrad ne semblait pas du même avis, il était craintif. Flint savait qu'il avait raison de s'inquiéter, puisqu'ils avaient tous vécu un véritable calvaire dans cette association. Cependant, si son père était de mèche avec les rebelles, cela voulait dire que la révolution allait bel et bien avoir lieu et que bientôt, la république connaîtrait plusieurs changements. Flint remercia le messager qui décida d'escorter le reste du groupe au campement. Lorsqu'ils arrivèrent aux tentes où les membres de la rébellion dormiraient cette nuit, Ruby alla présenter Flint à son chef Daichi.

Le chef des Rebelles reconnut aussitôt les airs de familles entre Flint et Artael, puis l'accueillit à bras ouverts, au grand étonnement du jeune homme qui ne s'attendait pas à cette réaction. Du moins, son père avait fait bonne impression, comme toujours. Partout où le conseiller passait, les gens finissaient toujours par être de bonne humeur. Peut-être était-ce dû au fait que Daichi se sentait fin prêt à agir ?

— Alors, tu es le fils d'Artael, dit-il quand il lui serra la main. Enchanté de faire ta connaissance ! Ton père nous a fait la promesse de nous aider. Je ne pensais pas qu'il t'enverrait afin de nous assister.

— Ouais bah... il était convaincu qu'une révolution aurait lieu, alors il m'a donné l'ordre de vous rejoindre, répliqua Flint. Par contre, je l'aurai fait même sans sa demande, si vous voulez mon avis.

— Ah... bon ? dit le chef des rebelles.

— Après ce qui s'est passé à Xu Fahn, la situation de vos camarades m'a ouvert les yeux. Je ne pouvais plus retourner chez moi après avoir appris dans quel état la plupart d'entre vous vivez depuis des années.

Daichi sourit et lui mit une main sur l'épaule. Il était reconnaissant de recevoir l'aide du jeune homme. Il n'aurait su expliquer pourquoi, ni comment, mais les Markios avaient laissé une impression positive dans les rangs de la rébellion. Daichi se sentait comme si la chance allait enfin tourner en leur faveur avec des alliés dans la république. Il remercia Flint de son soutient, puis retourna dans sa tente.

Pour le reste de la soirée, Flint bavarda avec Daichi, Ruby et Conrad. Il leur expliqua d'où il venait, ce qu'il avait vécu depuis qu'il était jeune, ainsi que tous les agissements bizarres de certaines personnes au palais présidentiel et dans le secteur de la capitale. Lui-même avait remarqué que les choses étaient devenues étranges à Baldt. Il n'aurait pas su expliquer, plus précisément, mais il savait, cela devait avoir rapport avec les anciennes expériences faites avec l'ADN des esprits élémentaires.

Il évita de mentionner Gabriel, de peur qu'on s'en moque. Après tout, il avait pris la mauvaise habitude de parler de sa création à tout le monde et essayait de changer cela afin de respecter son fiancé. Ce qu'il ne savait pas, c'était qu'Artael avait déjà mentionné tout ça à Daichi, durant leur première rencontre.

Pour les prochaines vingt-quatre heures, Flint devrait s'assurer de faire la connaissance des gens au campement et de discuter des stratégies avec les responsables du groupe. Comme la majorité des gens qui avaient rejoint le campement durant la soirée, il ne se coucherait pas tôt... 

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