15. Le cadavre

Après avoir trouvé le cadavre du conseiller, ce ne fut qu'une question de temps avant que les soldats ne viennent s'entasser dans la salle pour voir ce qu'il s'était passé dans la salle des serviteurs. Artael et quelques soldats étaient venus à la rencontre de la pauvre Narcissa. Elle avait reculé jusqu'aux comptoirs et s'était recroquevillée sur elle-même. Elle grelottait de peur et sanglotait toutes les larmes de son corps ; ce qui était compréhensible, vu ce qu'elle avait vécu.

Artael avait remarqué le cadavre de son collègue et poussé un juron. Il y avait du sang partout, depuis le placard jusqu'au corps qui s'était effondré aux pieds de la servante. Jamais il n'aurait cru que quelqu'un en voudrait autant à Marcus pour l'assassiner et se débarrasser du corps de cette manière. Il avait beau être quelqu'un de rigide et de strict envers plusieurs de ses employés, Marcus était quand même quelqu'un d'important au sein du Conseil... Correction, avait été... Artael était sans voix. Il prit une grande respiration alors qu'il réfléchissait comment annoncer cette terrible nouvelle à Gretta et ses enfants.

La capitale avait rapidement été mise au courant et les festivités avaient cessé sur le coup. Tout le monde était rentré chez soi, sauf la famille Doyle qui fut rassemblée, puis escortée jusqu'au palais où ils virent le corps de Marcus. Artael leur offrit une prière et consola Misha qui s'était effondré dans les bras de son frère.

La pauvre Gretta s'agenouilla près du corps de son mari, à chaudes larmes. Le visage froid de celui-ci entre ses mains, elle poussa plusieurs jurons et maudissait son meurtrier. Elle s'en voulait de ne pas avoir été plus intéressée envers lui, ce matin-là, lorsqu'il lui avait offert un bouquet de fleurs pour lui faire plaisir. Elle avait été bien trop préoccupée par les paniers de légumes pour le festival... Elle ne comprenait pas ce qui était en train de se passer. Elle avait l'impression de vivre un cauchemar.

Artael tendit un mouchoir à Misha, tandis que le pauvre Derek était sans mots. Mais qui donc avait bien pu tuer le Conseiller Doyle ?

Nash et Kyran rejoignirent rapidement les soldats et les brigadiers qui s'étaient rassemblés près de l'office des domestiques. Un meurtrier rôdait toujours dans les parages. Quelques représentants de l'armée partaient déjà en patrouille, dans les rues.

Plusieurs, dans la pièce, commençaient à chercher des indices. Tout le monde savait que l'arme du crime était un couteau. On avait toutefois remarqué que le corps de Marcus avait d'abord été assommé par un objet lourd, car une partie du crâne avait été défoncé. Une partie du visage de Marcus était à peine reconnaissable à cause des coups qu'il avait subis. Cependant, tout le monde dans cette ville savait qu'il était l'un des plus petits conseillers et aussi le seul chauve, dans toute la bande. Il portait aussi son uniforme officiel, celui que tous les membres du Conseil possédaient.

Artael mit une main compatissante sur l'épaule de Gretta, qui priait pour son mari. Le Père Shalom avait été mis en alerte et malgré sa migraine, vint faire les prières d'adieux pour cet homme charitable. Marcus avait donné beaucoup de ses biens personnels aux orphelins et aux nécessiteux. Il avait été aussi l'un des bienfaiteurs de l'église, et leur avait souvent envoyé plusieurs sommes d'argents pour faire réparer leur bâtiment ou bien acheter de nouveaux articles pour les élèves. Même s'il n'avait pas été l'un des partisans de leur religion, les croyants d'Athéna de la ville éprouvaient beaucoup de respect pour cet homme.

Shayne et Gabriel avaient arrêté leur entraînement, aussitôt qu'ils avaient entendu les cris dans la foule et les gens qui hurlaient au meurtre. Ils se trouvaient près de la porte de la salle en compagnie de Flint, Misaki et Cassandra. Partie se coucher plus tôt, seule Luna manquait à l'appel. Cette soirée qui devait être mémorable pour de bonnes raisons, s'était vite transformée en un véritable cauchemar.

— Quelle tragédie... soupira Flint qui tourna son regard vers Misaki.

La guerrière se sentait ébranlée. Elle aurait facilement pu y passer, elle aussi, alors qu'elle circulait librement à travers le sous-sol. Comment avait-elle pu rater ce meurtre ? L'assassin était-il présent pendant qu'elle fouillait toutes ces pièces ? Elle se mordilla le coin des lèvres en silence, tandis qu'on examinait le cadavre attentivement.

De son côté, Flint éprouvait du remords. Lorsqu'il avait appris que son oncle avait été nommé capitaine et pas lui, Marcus lui avait fait une remarque qui l'avait tant insulté qu'il n'avait pas pu s'empêcher de le traiter de tous les noms. Pour terminer, Flint avait insinué que les gens finiraient sûrement par l'apprécier qu'une fois six pieds sous terre. Maintenant, Marcus était mort et Flint ne pourrait jamais lui présenter ses excuses. Gretta ne lui avait jamais rien fait de mal, ni à Gabriel, ni à lui. Il s'en voulait à présent qu'elle ait perdu son mari.

Virgile Knox, toujours en isolement, fut averti de l'incident. Aussitôt la mort du conseiller annoncée, il avait ordonné à ses gardes de trouver le responsable de cette félonie et de l'emprisonner sans procès. Pendant les heures qui suivirent, les soldats et les brigadiers rassemblèrent leurs forces afin de trouver des pistes. Que ce soit à l'intérieur du palais ou à l'extérieur, le président voulait des réponses.

Cassandra avait remarqué qu'il y avait eu un combat dans la pièce des serviteurs et avait déjà formulé le début d'une hypothèse.

On avait enlevé l'arme du dos de Marcus pour ensuite déposer le corps sur une civière. Il était clair que le tueur s'était d'abord servi d'un objet lourd pour assommer le conseiller, puis lui avait planté ce couteau dans le dos pour ensuite traîner son corps dans le placard.

Cassandra souhaitait trouver la deuxième arme du crime, ainsi donc, peut-être qu'elle comprendrait mieux la scène du crime. Elle analysait les traces de sang depuis la garde-robe jusqu'à la table sur laquelle la servante Narcissa avait déposé son seau. Quelqu'un semblait avoir planté une arme dans la table en bois, car elle voyait une entaille sur celle-ci, puis un morceau de bois avait été arraché à l'autre bout et gisait au sol. Elle prit en note que l'arme qui avait été utilisée pour tailler la table était probablement la même que l'agresseur avait plantée dans le dos de pauvre Marcus.

— Le Conseiller Doyle s'est débattu, dit-elle à son capitaine qui la suivait. Il a tenté de prendre la fuite, mais son agresseur l'a quand même cogné. Je ne sais pas où se trouve l'objet en question, mais il a aussi utilisé le couteau qui a fait cette taille sur la table pour tuer notre supérieur.

Elle pointa la table pour montrer ce dont elle parlait, à Nash.

— Il vaudrait mieux que l'on retrouve ce qui a servi pour l'assommer, ajouta-t-elle. Il y a peut-être des empreintes que l'on pourrait prélever.

— Dans ce cas, fouillons les armoires, dit-il.

— Bonne idée, on a peut-être caché l'autre arme, là-dedans...

Pendant que les deux brigadiers enquêtaient, Artael et le prêtre consolaient la pauvre Gretta et ses enfants, de leur mieux. Il leur fallait quitter la pièce, avec le corps que l'on planifiait d'envoyer chez le coroner. Le président voulait faire en sorte que l'on connaisse exactement toutes les blessures et les motifs du meurtre. C'était la raison pour laquelle il avait demandé à l'un de ses hommes de faire signer une autorisation à l'épouse de Marcus afin que les experts puissent faire leur recherche sur le corps. Elle avait signé machinalement, perdue dans ses pensées.

Artael, le Père Shalom, ainsi que quelques soldats, escortèrent ensuite les survivants de la famille Doyle. Ils avaient besoin d'espace, afin de pleurer en paix. Lorsqu'ils furent sortis du palais, les ruelles étaient vides. Cette mort avait déjà ébranlé la communauté, car plusieurs personnes avaient fermé leurs fenêtres et d'autres avaient allumé des cierges, près de leurs fenêtres.

La servante Narcissa était partie dans sa chambre, aux dortoirs du palais. Elle était terrorisée et incapable de prononcer quoi que ce soit. Nash s'était assuré d'envoyer une autre domestique avec elle, pour rester à ses côtés.

Flint, Gabriel et Shayne fouillèrent quelques pièces près de la salle des serviteurs, afin de se rendre utiles. Ils remarquèrent une tache de sang sur le cadre de la porte d'entrée de la pièce dans laquelle le cadavre avait été trouvé. Shayne se dit que le meurtrier s'était essuyé les mains.

Nash suggéra qu'on pourrait analyser ce sang, avec le bon matériel. Ensuite, il poursuivit les recherches avec Cassandra. Le cœur du capitaine se mit à pomper vite dans sa cage thoracique. Jamais il n'aurait cru que le retour de la Septième Brigade à Baldt deviendrait si mouvementée, après les dégâts qu'il avait causés à Kritz. Dia était incertaine comment réagir, alors elle ne dit rien.

— Tâchons de terminer cette affaire au plus vite, dit Nash à Cassandra.

Il soulevait des assiettes et des couvercles dans l'une des armoires.

— Je ne crois pas que nous réussirons à trouver le meurtrier ce soir, exprima son interlocutrice. Mais au moins, le corps de Marcus sera examiné par le coroner. Lui, il pourra nous aider.

— Je ne savais pas que tu étais capable de rester calme dans une situation pareille, ajouta le capitaine. Me voilà impressionné.

— Oh, je vous en prie. J'ai grandi dans les bois et j'ai souvent enterré des gens qui se sont fait tuer par des créatures sauvages. William m'a entraîné très jeune à suivre des pistes de ce genre afin de ne jamais me perdre en forêts. Vous n'avez pas idée à quel point cela me sert à tous les jours.

— Je vois... J'en conclus que ça te sert aujourd'hui pour mener cette enquête ?

Elle hocha la tête.

— En principe, il faut savoir regarder les moindres détails et faire en sorte de ne pas trop déplacer les objets qui pourraient être suspects. Si j'étais vous, j'aurais mis des gants avant de toucher à cette assiette.

Nash relâcha l'assiette dans l'armoire, puis se tapa le front quand il réalisa qu'elle avait raison. Il avait, malgré lui, endommagé la scène du crime. Il s'absenta ensuite et revint, un instant plus tard, avec une paire de gants en caoutchoucs qu'il avait pris dans une penderie. Cassandra n'avait rien touché depuis qu'elle était entrée dans la pièce, sauf pour ouvrir des portes d'armoires pour son capitaine.

— C'est vraiment louche tout ça, vous ne trouvez pas ? dit-elle. Plus tôt, vous m'avez informé que certains soldats n'étaient pas à leur poste. Je crois que vous cherchiez votre frère... si ma mémoire est bonne.

Elle marque un point, Nash, dit la voix de Dia dans l'esprit de son porteur.

— Il est vrai que les gardes n'étaient pas à leur poste habituel, lorsque j'ai visité les bureaux administratifs, répondit le capitaine. Je croyais que c'était parce qu'ils étaient partis fêter comme tout le monde... Tu ne crois tout de même pas que l'un d'entre eux serait responsable de la mort de Marcus... ?

— Ce ne sont que des suppositions, poursuivit Cassandra. Ils étaient peut-être plusieurs sur le coup, je l'ignore. Pour le moment, ce serait une bonne idée que nous continuons nos recherches. Cela prendra tout le temps qu'il faudra, mais nous éclaircirons cette affaire. Vous devriez envoyer Dia à la recherche du meurtrier, pendant qu'on y est. Elle n'aura qu'à renifler les traces et les odeurs.

Nash sursauta, regardant derrière lui. Il dévisagea alors la chasseuse. Elle se souvint aussitôt qu'il fallait garder l'existence des esprits élémentaires, secrète. Elle s'excusa et rougit. Le capitaine soupira de soulagement. Il était juste qu'un animal pourrait facilement traquer les odeurs du meurtrier. La personne qui se rapprochait le plus à une bête dans leur groupe, Shayne, pouvait les aider.

Le vampire était entré dans la pièce, puis avait écouté les paroles de Cassandra. Ensuite, il avait reniflé les odeurs de la pièce. L'arôme du sang de Marcus avait raison de lui, car il n'arrivait plus à se concentrer. D'ailleurs, cette odeur lui donnait soif, à un tel point qu'il lui fallait mordre la nuque de quelqu'un...

— Pardonnez-moi... dit-il, alors qu'il approchait ses crocs du cou de Nash. Ce désir est trop puissant...

Puis il se donna un coup de poing au visage et recula aussitôt. Il prit la fuite et gémissait comme un animal.

— C'était quoi ça ?! demanda le capitaine, abasourdi.

— Ne vous en faites pas pour lui, soupira Cassandra. Il va sûrement aller se calmer avec le sang d'un animal. Je me doutais bien que tout ceci le rendrait fou...

— Alors, il n'y a rien d'autre que l'on puisse faire... Nous n'avons pas de chien dressé pour traquer qui que ce soit. Notre dernier traqueur est mort de vieillesse et on n'a jamais trouvé de chiot à entraîner.

Ça, c'est malin, soupira Dia, mentalement.

Jugeant que les choses ne s'arrangeraient pas d'elles-mêmes, les membres de la Septième Brigade continuèrent leurs recherches.

Artael était revenu au palais dans un état défaitiste. Il n'arrivait pas à réfléchir clairement, alors il partit se coucher. Quelques instants plus tard, la plupart des gens qui avaient participé aux fouilles firent de même. Flint et Gabriel restèrent avec le groupe un moment, avant de retourner à leur chambre. Ils n'avaient rien trouvé de concret qui aurait pu aider l'enquête, donc ils avaient préféré laisser tout cela entre les mains de Nash et Cassandra.

La jeune femme elfique rassembla toutes les connaissances qu'ils avaient trouvées sur les lieux du crime et demanda à son supérieur de la conduire chez le coroner. Là-bas, elle tenterait d'examiner le corps de plus près.

Après avoir escorté Cassandra à destination, Nash jugea qu'il était temps pour lui d'aller dormir. Il reprendrait l'enquête à son réveil.

¤*¤*¤

Durant sa course dans les bois situés au sud de la capitale, Shayne traquait un lièvre. Il courait, tel un fauve, en direction du petit animal. Il finit par retrouver la petite bête qui allait bondir dans son terrier, puis l'attrapa avec agilité et finesse. Il planta ensuite ses crocs dans la chair de sa cible et but tout le sang qu'il put. Il réfléchissait aussi à ce qu'il pourrait bien faire afin d'aider Nash et Cassandra.

Une fois le lièvre vidé de sang, il déposa celui-ci près de son terrier.

Il prit un moment avant de se calmer et s'assit près d'un arbre. Il médita sur tout ce qui s'était passé depuis le début de la soirée. Il avait vu quelques personnes aller et venir du palais présidentiel, comme Misaki, Luna et même des soldats... Il ignorait qui pouvait bien coller au profil de l'assassin.

À en juger l'arme du crime, le couteau, il fallait que cette personne soit habile pour trouver et détruire facilement les organes de ses ennemis. Se pouvait-il qu'on ait engagé un professionnel pour cette tâche ? Il se pouvait bien aussi que ce soit un crime passionnel... Mais qui donc en voudrait au conseiller, au point de vouloir le tuer ?

Flint avait un alibi solide, même si Shayne savait que celui-ci ne le portait pas dans son cœur. Il n'avait pas arrêté de rouspéter qu'il détestait Marcus Doyle durant leurs conversations sur la route, ainsi que tous les conseillers qui n'étaient pas son père. Cependant, le jeune homme avait passé toute la soirée aux côtés de Shayne et Gabriel. Donc, il était impossible que ce soit lui, le coupable.

On avait assommé la victime, puis planté le couteau dans le dos. Le sang avait coulé, Marcus avait perdu connaissance et fini par en mourir. Le meurtrier avait placé le corps inanimé, debout, dans le placard à balai et face au mur. Ce qui voulait dire qu'on l'avait attaqué par l'arrière. À en juger la marque sur la table de bois et le morceau de table absent, Shayne se dit que Marcus s'était débattu avec le criminel.

Le vampire entendit un craquement de branche derrière lui. On l'avait suivi. Il se leva d'un bond et fit face à une mystérieuse silhouette encapuchonnée. De cette dernière, la voix masculine s'adressa à lui.

— Donnez-moi votre arme... dit l'étrange personnage.

— Que voulez-vous ?! lança Shayne. Qui êtes-vous ?!

— Votre arme... Maintenant... Sinon, je vais devoir vous tuer...

— Shayne, je crois que c'est l'un des membres du culte, dit Nox.

— Comment avez-vous fait pour nous trouver ?! aboya le guerrier.

— Cela n'a guère d'importance, cette arme nous appartient... Soit, vous me la donnez maintenant, soit vous mourrez...

Shayne retira Nox de sa ceinture et fit siffler l'arme dans les airs. Il envoya une onde tranchante et obscure en direction de l'individu. L'homme disparut pendant un bref instant, pour réapparaître au même endroit. L'attaque magique alla se fracasser sur le tronc d'un arbre qui fut scié en deux sous l'impact.

L'étranger encapuchonné s'élança alors en direction de Shayne. Il était équipé de deux longues dagues qu'il faisait pivoter entre ses doigts rapidement. Le vampire comprit que son adversaire était rapide et qu'il ne comptait pas négocier. Il para donc un premier coup, puis un second et un troisième, donna un coup de pied dans le ventre de son agresseur et recula de quelques pas. Il lança une seconde onde tranchante qui propulsa son ennemi dans les airs. Ce dernier retomba au sol et tenta de se relever, mais le brigadier plaça un pied sur le dos de l'homme et y mit sa pesanteur. Shayne renifla un bon coup. Il ne reconnaissait pas son odeur.

— Commencez à parler ou je vous tranche la gorge, dit-il.

Il se pencha pour enlever les dagues des mains de son adversaire et les lança dans deux directions opposées.

L'homme encapuchonné ne dit rien, il connaissait les risques de sa mission. Pour toute réaction, il s'injecta le liquide d'une seringue qu'il sortit de l'une de ses poches, dans une veine de son bras droit.

— Qu'avez-vous fait ?! lança Shayne.

Aucune réponse. L'étrange personnage poussa son dernier souffle, puis se désintégra quelques secondes plus tard. Il n'était plus qu'un tas de poussière. Choqué, Shayne resta debout, près des cendres de son adversaire. Il conclut que celui-ci avait eu recours à un poison si puissant que son corps s'était décomposé à une vitesse hallucinante. C'était comme si le liquide à l'intérieur de cette seringue avait complètement déshydraté l'individu, jusqu'à en broyer ses os et ses organes en quelques secondes. Il n'y avait même pas la moindre tache de sang.

— Non, mais c'est quoi bordel !? commenta Shayne.

— Je suis aussi choqué que toi, vieux, dit l'arme entre ses mains.

— T'as vu ce qu'il a fait ? C'était de la magie ou quoi ?!

— Je ne saurai dire...

Le vampire se pencha et fouilla le tas de poussière.

— Que fais-tu, Shayne ? demanda le puma noir.

— J'essaie de voir s'il reste de cette substance chimique dans la seringue. Je crois qu'un scientifique de Baldt pourrait l'analyser pour nous.

— Bonne idée !

Quelques secondes plus tard, Shayne mit la main sur le petit objet en plastique en question. Il était vide. Les dagues n'avaient aucune information sur elles, pas même des empreintes. Les vêtements et la seringue étaient tout ce qui restait de l'agresseur. Shayne se dit qu'il valait mieux laisser les objets tels quels. Il informerait seulement Nash et son groupe de ce qu'il avait vu. Ainsi donc, Dia et Nox avaient été repérés.

Il était dommage pour le vampire de ne pas avoir de gants en sa possession, car il venait probablement de gâcher une preuve importante avec ses doigts. Il remarqua aussi les gants portés par le mystérieux personnage lorsqu'il s'était injecté ce mystérieux liquide. Ce dernier avait pensé à tout afin de brouiller ses pistes.

Vaincu, Shayne décida de retourner en ville. D'autres membres du culte étaient peut-être à sa recherche en cet instant. Il valait mieux ne pas traîner en dehors de la capitale. Il se demandait si le meurtre de Marcus Doyle n'avait pas quelque chose à voir avec cet étrange individu. Toutefois, le culte devait surtout se concentrer à retrouver les esprits élémentaires. Les lier, hypothétiquement à la mort du conseiller, n'aiderait pas l'enquête.

— Si ça se trouve, ce type était un adorateur de Perséphone, commenta le puma noir. Ce n'est pas la première fois qu'on croise quelqu'un d'aussi louche, mais le déguisement était différent, ce soir.

— Je crois que tu as raison, Nox, répondit son porteur. Tout cela est inquiétant.

Shayne observa ce qui restait de l'agresseur, encore une fois et dit :

— Tout bien réfléchi, je n'ai pas remarqué de cendres, à l'intérieur de la salle des serviteurs... Soit les deux cas sont liés, soit ils ne le sont pas.

Si l'un des disciples avait été responsable du meurtre du conseiller, il y aurait eu des vêtements par terre, sur la scène du crime... Et il y aurait une seringue similaire à celle qu'il venait de trouver. Et puis, qu'est-ce qui lui disait que l'agresseur de Marcus s'était enlevé la vie ? Les pensées de Shayne étaient embrouillées, alors qu'il cherchait à comprendre les événements de cette soirée.

— On ferait mieux de rentrer maintenant, dit-il.

Une dizaine de minutes plus tard, il arriva aux portes de la ville.

¤*¤*¤

Gabriel avait fermé la porte derrière lui et observait son fiancé s'allonger de son côté du lit. Il n'avait pas sommeil, alors il s'installa à leur table, au coin de la pièce où il alluma une lampe au plus bas niveau de luminosité. Il ouvrit un livre qu'il se mit à lire en silence. Cette soirée avait bien commencé, mais après ce qui s'était passé en bas, il n'avait plus envie de rire. Il ne réagissait pas bien à la mort, il s'enfermait toujours sur lui-même lorsqu'un proche ou bien un ami de la famille décédait.

Or, cette fois là, il s'agissait d'un vieil homme homophobe qui n'avait jamais hésité à se montrer désagréable envers Flint et Gabriel, par le passé. Gabriel ressentait quand même de la peine pour Gretta et ses enfants, car il les aimait bien, eux. Pour noyer ce genre de chagrin, le colosse se tenait à l'écart des autres et lisait des livres ou bien cuisinait. Il n'avait pas vraiment le cœur à concocter quoi que ce soit en ce moment.

Flint n'arrivait pas à dormir, il fixait le plafond dans l'obscurité et se tournait les pouces. Il n'arrivait pas à oublier l'image mentale de Gretta qui pleurait au-dessus du cadavre de son mari. Ainsi que Derek et Misha qui étaient inconsolables, l'un contre l'autre. Il ignorait comment il aurait réagi s'il avait à sa place.

Gabriel déposa son livre sur la table, jeta un coup d'œil du côté du blond, puis se croisa les mains. Ce silence dura ainsi pendant quelques minutes. Flint décida de parler, mais la seule chose qui sortit de sa gorge fut une espèce de raclement étrange. Il avait la parole difficile et ne savait pas comment faire face à cette terrible nouvelle. Ce n'était pas comme s'il était attaché au Conseiller Doyle, mais il aimait bien acheter les produits de sa ferme. Tout le monde appréciait sa ferme...

Il eut un pincement au cœur, puis se tourna sur son côté droit. Il regardait la lune à travers les rideaux en soie. Ceux-là empêchaient plusieurs rayons de la lune à rentrer dans la pièce. La fatigue ne l'aidait pas. Il avait envie de dormir pour le reste de la nuit, mais toutes ses pensées se bousculaient dans sa tête.

Gabriel se leva donc pour aller s'allonger à côté de son fiancé et lui passa une main autour de la taille. Il renifla l'odeur de ses cheveux et essaya de se poser confortablement la tête sur l'oreiller près de lui. Il n'avait pas sommeil, mais se coller contre Flint était la seule chose qui puisse le réconforter en cet instant. Il avait besoin de sa présence. Instinctivement, Flint attrapa la main de Gabriel qui l'entourait. Peut-être que la meilleure chose à faire, pour le moment, était de ne rien dire du tout. Sur ces pensées, les deux tourtereaux s'endormirent dans cette position.

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