140. Le début d'une nouvelle ère

Le 16 juin 3920 AD, au milieu de l'après-midi, Luna se trouvait au parc de Baldt et observait les photos que Misaki lui avait envoyées par courriel. Six mois s'étaient écoulés depuis l'exécution de Troyd et la Septième Brigade était de retour au Saint Royaume, pour un congé bien mérité.

La guerrière albinos avait profité de cette pause pour se rendre sur Terre, afin de retrouver ses petits. Bien entendu, cela avait semé la panique au Conseil qui ne voulait pas qu'une déesse se mêle à la vie commune des mortels sans leur supervision, mais Artael lui avait accordé son souhait. Les souvenirs de Sakura, Yuki, ainsi que leurs parents adoptifs, leur avaient été rendus. Misaki serait désormais autorisée à visiter ses enfants durant ses temps libres, afin de passer du temps avec eux. Cela leur avait pris du temps, mais au moins, elle pouvait enfin les voir !

Luna vit que Conrad Sanders avait deux yeux, sur l'une de ces photos. Elle avait complètement oublié ce détail ; elle qui avait déjà consulté plein de fichiers des anciens aeglysiens, dans la base des données du Saint Royaume. Elle sourit. Ruby, quant à elle, attendait leur premier enfant, même si elle aimait beaucoup Sakura et Yuki comme les siens. Sur ces images, la magicienne vit que Daichi aussi faisait partie de leur vie familiale, en tant que voisin. Comme eux, il était policier.

Misaki avait été heureuse de retrouver sa fille et son fils, cela paraissait sur toutes les photos. Elle avait enfin vécu ce moment qu'elle avait désiré le plus dans l'univers. Luna ne serait pas étonnée à l'idée qu'elle ne revienne plus après cette visite. La guerrière albinos avait beaucoup pleuré d'être séparée de ses bébés, après tout.

— Elle est belle quand elle sourit, dit Lucas à la gauche de la magicienne.

La jeune femme sursauta. Elle était assise sur un banc de parc et observait les images qu'elle avait ouvertes dans son ordinateur portable. Derrière elle, un grand arbre au feuillage épais lui donnait assez d'ombre pour qu'elle puisse bien voir ce qu'elle regardait. Lucas Markios s'était approché, par curiosité.

— Ah, te voilà toi, dit Luna. Je pensais que tu aurais apprécié de la suivre sur Terre.

— J'aurais pu, oui, mais ma place est ici, auprès de ma famille. Nous allons bientôt célébrer notre trente-troisième anniversaire et je ne veux pas manquer ça. Misaki comprend. Je respecterais sa décision, si jamais elle décidait de rester là-bas.

— Ça fait des années qu'elle est avec nous, qu'on partage ses rires et ses pleurs, ses moqueries et j'en passe. J'ai du mal à imaginer la Septième Brigade sans elle.

— Oui... je comprends. Cassandra et Shayne comptent bientôt passer plus de temps avec leurs enfants, au Saint Royaume. Nous allons devoir continuer nos voyages sans eux. Flint, Gabriel, Estelle, Wyatt, et les jumeaux pensent faire la même chose, bientôt, avec leurs bébés. Si ça se trouve, quelqu'un d'autre héritera du Célestia II.

— Ça va nous faire un sacré changement, lorsqu'on reviendra s'installer ici pour de bon.

— Je sais, mais c'est la vie. Tout change en un clin d'œil.

— Crois-tu que nous vivrons de nouvelles aventures, tous ensemble ?

— Sans aucun doute. Seulement, je crois que la plupart d'entre nous ont bien mérité leur repos. Votre dernière simulation a beaucoup affecté tout le monde et je crois que vous en gardez encore des séquelles... Non ?

Luna hocha la tête.

Nash avait commencé à s'effacer du groupe depuis l'exécution de son frère. Certains d'entre eux soupçonnaient qu'il avait recommencé à boire, comme sa version virtuelle. Parce que oui, cette autre version de lui avait aussi été un alcoolique.

Flint et ses amis avaient opté pour lui laisser le temps et l'espace dont il avait besoin. Mais ce jour-là. Cassandra avait décidé qu'il était pour lui de subir une intervention. Il avait besoin de voir une personne très spéciale à son cœur et pour cette raison, la guérisseuse s'était rendu à l'église, un peu plus tôt.

Luna posa son regard sur Shayne et les triplés. L'ancien général de l'armée baldtienne jouait au chat et à la souris avec eux, tandis que la plupart de leurs esprits élémentaires se reposaient sur l'herbe. Éclipse, la chauve-souris, était perchée sous une branche d'arbre, au-dessus de Lucas, alors que Kelvin avait décidé d'aller chasser son repas, dans les plaines. Cette vision paradisiaque donnait presque envie de pleurer à la jeune femme.

— Tout ceci est trop beau pour être vrai, soupira-t-elle. J'ai l'impression que nous sommes toujours au beau milieu d'une illusion.

Lucas roula des yeux et pinça Luna sur l'épaule.

— Aïe ! reprit-elle. C'était quoi, ça ?!

— Est-ce que tu vois toujours la même chose ?

Elle cligna des yeux et réalisa pourquoi il avait fait ça. C'était bel et bien leur réalité. Elle sourit. Cette paix, ils l'avaient gagné avec leurs propres mains et leurs efforts à arrêter tous ces démons, tous ces criminels et plus encore. Luna avait été habituée à une vie si chaotique que ce calme lui était perturbant. Elle avait besoin de résoudre de nouvelles énigmes ou de nouveaux conflits, sinon elle se sentirait inutile.

Au bout d'un moment, Lucas s'assit à côté d'elle.

— Tu sais, il nous reste encore tout plein de mondes à explorer à travers l'univers. Nous avons tout notre temps pour profiter de ce qui nous entoure. Mon frère envisage même nous emmener dans d'autres dimensions grâce aux portails. Je suis sûr que tu auras encore tout plein d'aventures à vivre avec nous.

Luna esquissa un sourire et opina du chef.

— Je sais, il m'en a déjà parlé, dit-elle. C'est pour ça que je travaille sur un nouveau projet depuis six mois.

— Ah bon ? Qu'est-ce que c'est ?

— Tu te souviens de mon programme X12 dans la simulation où on a coincé Troyd ? Je l'ai récemment converti pour en créer une version condensée. Il fera désormais partie du vaisseau et de nos bagues en tant que membre de la Septième Brigade. Pas vrai, Minerva ?

Luna baissa son regard vers son ordinateur portable, où il y avait un microphone près de la webcam. Une fenêtre s'ouvrit afin de leur montrer l'image d'une sphère bleutée avec des rayures étranges qui l'entouraient. Lucas n'arrivait pas à décrire ce que c'était, mais il avait compris qu'il s'agissait d'une intelligence artificielle.

Je ferais de mon mieux pour vous servir, maîtresse, dit une voix robotique.

— Non, non, non ! gronda Luna. Pas de maîtresse avec moi ! Mon prénom me convient parfaitement. Pourquoi t'acharnes-tu à m'appeler ainsi ? Grr...

La sphère bleutée clignota ce qui semblait être ses yeux et gloussa.

C'était une blague, Madame Kelly, répliqua-t-elle.

— Madame Kelly ? Oulalah, Minerva... va falloir que je vérifie ta base de données.

— Je vois qu'elle est en train de développer un sens de l'humour, remarqua Lucas. Je ne sais pas si c'est une bonne chose ou si on devrait craindre le pire.

— Je commence à le penser aussi, soupira la magicienne. Mais bon, grâce à elle, nous pourrons détecter la présence de démons plus facilement et de nouveaux mondes. Elle aura accès à certaines commandes afin de nous protéger durant notre sommeil, et plus encore. Sa présence devrait faciliter nos voyages.

J'espère me rendre utile, avoua Minerva. Je compte mettre en pratique tout ce que j'ai appris lors de notre dernière simulation.

— Enfin, pas trop, quand même ! continua Luna. Souviens-toi que quelqu'un est mort pour nous avoir emprisonnés. Je ne veux pas que ça se reproduise.

Évidemment, Mademoiselle Kelly. Je ferais tout en mon pouvoir pour que ça ne se reproduise plus. Vos sessions de simulations seront désormais protégées par ma présence et aussi le nouveau système que vous avez mis en place.

— Très bien. Dans ce cas, nous commencerons à faire quelques tests, dès ce soir.

Lucas jugea qu'il valait mieux ne pas les déranger, alors il s'éloigna pour se diriger vers la cour de l'église. Il vit que Sarah avait commencé à ranger certains pots de fleurs ; ce qu'il trouvait étrange, car elle était reconnue pour ses talents de jardinière.

— Prête pour l'automne ? demanda le jeune homme à sa sœur.

— Et comment ! Cette chaleur est beaucoup trop assommante pour moi.

Lucas remarqua qu'elle ne portait pas sa robe de religieuse habituelle. Elle avait des vêtements simples qui lui rappelaient l'époque où elle n'avait pas encore prêté le serment de servir la déesse... ou plus tôt, leur mère.

— Tiens donc, pourquoi es-tu habillée en civile ?

— J'ai décidé de quitter l'église, dit-elle. Aujourd'hui était ma dernière journée ici.

Le jeune homme cligna des yeux.

— Ah bon ? demanda-t-il, surpris. Je croyais que cette vie te plaisait.

— J'ai accompli mon devoir envers notre mère jusqu'à ma mort, Lucas. Maintenant, je suis libre de mes vœux. Cependant, j'ai décidé de devenir son apprentie. Un jour, je compte lui succéder, comme Kyran succédera à notre père.

— Est-ce vraiment ce que tu désires ?

Elle hocha la tête, puis posa ses mains sur la terre de son église. Ses vêtements étaient un peu crassés, mais cela ne lui dérangeait pas.

— La guerre m'a fait réaliser que j'étais beaucoup plus utile sur le terrain que cloîtrée entre ces murs. Je veux aider la population de ce monde autrement et je crois que maman saura me guider à travers cette nouvelle voie.

Elle se releva avec l'aide de son frère et lui demanda :

— Et toi, que comptes-tu faire, prochainement ?

— Je l'ignore... j'ai envie de passer un peu de temps avec Kyran et toi... mais je vais bientôt repartir avec Flint pour explorer l'univers. Et puis... il y a nos neveux et nos nièces qui ajoutent tellement de plaisir dans ma vie... À mon retour, je crois que j'irai m'installer à Lanartis, à nouveau. Le roi et la reine me manquent.

— Ce sont de très beaux projets, j'espère qu'ils se réaliseront.

Les deux quadruplés continuèrent à discuter de tout et de rien, de bonne humeur.

Shayne passa devant la clôture de l'église avec ses enfants, alors qu'il poursuivait Derek et Soren dans leur petit jeu. Les triplés étaient désormais des préadolescents, mais demeuraient tout aussi reconnaissables. Derrière le grand elfe basané, Maeve avait de la difficulté à les rattraper. Elle était moins en forme que ses frères.

— Attendez-moi, les gars ! cria-t-elle. Vous êtes trop rapides !

— T'as qu'à t'entraîner plus souvent, paresseuse ! répliqua Derek.

— Ah, ça par exemple, c'était gratuit !

Ils s'amusaient sous les regards des passants qui profitaient de cette journée ensoleillée. Shayne s'arrêta au milieu de la route pour prendre sa fille sur ses épaules, puis repartit à la poursuite de ses garçons. Il ne voulait pas lui faire de la peine, car il savait qu'elle n'aimait pas perdre aux courses.

— Merci papa, dit Maeve qui embrassa la tête de son père.

— Pas de quoi, ma puce.

Ce fut à cet instant que Cassandra sortit de l'église, en compagnie du Père Shalom. L'ancien mercenaire se figea et les salua d'un hochement de tête, puis continua sa route. Son épouse lui sourit en retour, heureuse de le voir si impliqué dans la vie de leurs enfants. Elle en oubliait presque la raison pour laquelle elle était venue voir le prêtre. Celui-ci se racla la gorge, ce qui la sortit de ses pensées.

— Oh, pardonnez-moi, Shalom. Partons, voulez-vous ?

— Je vous suis, Cassandra. J'ai bien hâte de voir sa réaction, lorsque je vais lui faire part de mon projet... J'espère que je ne le dérangerai pas.

— Croyez-moi, je sens que ça va beaucoup nous aider. Il a vraiment besoin de votre aide. Son isolement n'a que trop duré et je commence à m'inquiéter. Votre présence lui fera le plus grand bien, j'en suis certaine. Maintenant, suivez-moi. C'est par là.

Aussitôt, la docteure et le prêtre prirent la direction du Célestia II. Quelqu'un de très important avait besoin de Shalom, plus que jamais. Sa santé mentale en dépendait...

¤*¤*¤

Nash était assis au bar du réfectoire du vaisseau depuis plus d'une heure. Après la mort de Troyd, il avait décidé de rester à l'écart des autres afin de réfléchir. Pour la plupart d'entre eux, ce qu'ils avaient vécu étaient des hallucinations corrompues de leurs passés, qu'ils avaient déjà oubliés. Pour lui, c'était un souvenir bien enfoui de sa vie privée qui était revenu au grand jour. Son frère l'avait forcé à revivre ce cauchemar : celui de son alcoolisme. Un détail que plusieurs de ses amis les plus proches n'avaient jamais connu avant cet incident et dont il était peu fier.

Il fixait une bouteille remplie de vin avec la ferme intention de résister. Plusieurs années s'étaient écoulées depuis son dernier verre. Tout ceci n'était plus qu'un vague fragment de son passé pour lui, mais il se souvint des nombreuses nuits passées dans sa chambre, à pleurer, où il n'avait fait que boire en silence. C'était bien avant la formation de la Septième Brigade. Il n'y avait qu'Artael et le Père Shalom qui avaient été mis au courant, dans cette période de sa vie, ainsi que quelques membres des Alcooliques Anonymes de Baldt.

Troyd avait réussi à lui faire revivre tout ça, six mois plus tôt. Et depuis ce jour, il travaillait dans son coin et se fermait de plus en plus à ses proches. C'était comme s'il avait rechuté dans la dépression... Non, il avait carrément fait une rechute, seulement, il était dans le déni. Il ne savait pas comment gérer toutes ces pensées et toute cette honte. Pour lui, l'alcool avait été une échappatoire à son anxiété maladive. Il avait refusé de se faire traiter, jusqu'à ce que tout éclate durant la rébellion, en octobre et en novembre 3913 AD. Pour lui, ça faisait maintenant sept ans qu'il était sobre...

Il se souvint que Shayne l'avait une fois écouté alors qu'il conduisait la calèche, lors de sa plus grosse crise. Repenser à tout cela lui donnait envie de boire un verre. Il voulait oublier. Ses antidépresseurs ne l'aidaient plus tellement. Sa dose n'était plus assez suffisante pour lui. Il n'arrivait même plus à se confier à qui que ce soit, comme s'il se sentait pris au piège, dans ses propres pensées. Il refusait même de se confier à Monsieur Plante, son ancien thérapeute. Il n'avait pas envie qu'on fouille encore une fois dans son cerveau, mais il n'avait plus le choix... Il avait besoin d'aide.

— Troyd se faisait abuser et je n'ai rien fait... marmonnait celui-ci pour lui-même, qui prit les bordures du comptoir. Comment ai-je pu ne pas m'en apercevoir... ?

Nash prenait très mal d'avoir participé à l'exécution de Troyd, six mois plus tôt.

Il avait beau s'en vouloir ; ce n'était vraiment sa faute. Les problèmes de son frère aîné avaient commencé bien avant que Nash soit assez âgé pour pouvoir travailler. Une chose qui l'étonnerait toujours, c'était que Troyd avait même protégé leurs neveux de potentielles agressions. Son frère n'avait rien d'un saint et il ne le serait jamais... Cependant, Nash le voyait sous un nouvel angle. Tout ça lui brisait le cœur. Il savait qu'il ne le reverrait plus jamais, mais il savait aussi qu'il avait failli à son devoir de veiller sur sa famille. Combien de fois Troyd avait-il voulu s'enlever la vie ? Il avait enfin compris qu'ils avaient tous deux vécu des moments suicidaires.

Ils auraient pu échanger, s'entraider... Mais non... Troyd avait opté pour le silence et la colère.

— Ce n'était pas votre faute, Nash, dit la voix de Cerbère, près de sa hanche. Votre frère n'a fait que ce qu'il croyait juste. Oui, il a fait d'horribles choses par la suite, mais je crois que nous devrions respecter ses dernières volontés. Depuis cet incident, le Conseil a été beaucoup plus prudent avec les prédateurs sexuels.

Le porteur hocha la tête et posa sa main sur la poigne de son épée. Bien sûr, il n'était pas vraiment seul puisque l'esprit élémentaire ne le quittait jamais. Le Dobermann Pinscher de la lumière et des ténèbres avait détecté la détresse de son maître tout de suite après qu'il fut sorti de l'incubateur. Il l'avait suivi dans une salle vide où ils avaient eu une conversation après qu'on l'eut examiné. Nash avait été en état de choc ce jour-là et n'avait souhaité voir personne. Cerbère avait réussi malgré tout à s'approcher de lui et de garder silence, alors que ce dernier lui avait caressé la tête.

— J'aurais pu l'aider, si j'avais su... marmonna Nash. Il souffrait comme moi...

— Peut-être... mais il ne voulait pas se soigner. On ne peut pas soigner quelqu'un qui refuse ce genre de traitement professionnel... Ni de se confesser...

— Je suis en partie responsable de l'avoir transformé en monstre. Il aurait pu être l'un des nôtres, mais j'étais trop aveuglé par le fait de prendre soin de Flint et des autres. Je n'ai pas vu sa propre détresse...

— Vous n'étiez que des enfants... Allons Nash... Vous ne pouvez pas tout prendre sur vos épaules. Je suis certain qu'il comprenait votre douleur. C'est sûrement pour ça qu'il a choisi de garder cet horrible secret, pour lui. Vous morfondre sur ce que vous n'avez pas fait n'est vraiment pas sain. Je crois que vous le savez mieux que quiconque...

— Oui, mais quand j'étais adolescent, j'aurais pu prendre soin de lui...

— Non. Ce n'était pas votre rôle. C'était à lui de prendre soin de vous, ainsi que votre père adoptif. Mais là, je commence à saisir la gravité de la situation...

— Il fallait bien que quelqu'un élève les quadruplés ! Artael était constamment occupé à nous dénicher de l'argent et s'assurer que nous ne manquions de rien... La seule figure paternelle que j'ai eue dans ma vie était le Père Shalom. Mais tellement de choses se sont déroulées depuis ces années... Pourquoi tout est si compliqué ?!

Nash donna un coup de poing sur le comptoir et soupira. Il s'allongea vers l'avant et se plia les bras devant lui. Ce fut à cet instant que la porte du réfectoire s'ouvrit. Un vieil homme s'avança, alors que Cassandra l'examinait d'un doux regard, derrière lui. Cet homme portait une soutane religieuse. Il s'était rasé la tête, mais avait toujours ce sourire bienveillant. Il faussa une toux. Nash se tourna et sursauta.

— Père Shalom ?! dit-il. Mais je... Vous n'aviez pas à vous déplacer pour moi...

— Je me disais bien que sa présence te ferait du bien, expliqua Cassandra, près de l'entrée. Je lui ai demandé de venir te rendre visite.

Cerbère était soulagé. L'initiative de la docteure permettrait peut-être à son porteur de soigner la plupart de ses maux. Elle sortit alors de la pièce, voulant accorder un peu d'intimité pour Nash et sa figure paternelle. Le Dobermann reprit sa forme animale et décida de suivre la guérisseuse. Lui aussi désirait la même chose qu'elle.

Nash déglutit tandis que le prêtre vint s'asseoir à côté de lui, sur un tabouret. Il reconnut alors son sourire et sa joie de vivre naturelle qui le rassurait tout le temps. Shalom n'avait pas tellement changé, même après toutes ces années.

— Combien d'années se sont écoulées depuis ma mort ? dit Nash, qui connaissait déjà la réponse. On dirait que ça fait une éternité depuis qu'on s'est vu, vous et moi...

— Je l'ignore. J'ai arrêté de compter, pour être honnête avec vous. Je savais pourtant que nous nous reverrions, un jour.

Le prêtre mit une main compatissante sur l'épaule de son fils spirituel, pour lui montrer son soutien. Le pauvre guerrier ne trouvait pas les mots afin de le remercier pour sa présence, mais le vieil homme décida quand même de le réconforter comme lui seul savait le faire. Il se mit à lui parler des conversations chaleureuses qu'il avait eues avec les gens de leur paroisse avant sa mort, jusqu'à ce qu'il décide de lui dire :

— ... mais quelle ne fut ma surprise lorsque Athéna en personne est venue me demander de servir son église ! Bénie soit cette femme. Je n'ai jamais été si heureux de toute mon existence ! Cette ville est tout ce dont j'ai rêvé. Et c'est aussi grâce à vous si je suis ici. Sans vous, le Saint Royaume n'existerait peut-être plus, tel qu'on le connaît... Votre présence ici est un miracle, mon enfant...

Nash éclata en sanglots, et plongea dans les bras de son vieil ami. Shalom lui fit une accolade et lui chanta une berceuse de son enfance. Pendant un instant, Nash retourna à l'époque de ses cinq ans, où le prêtre prenait soin de lui, alors que Mère Agathielle allait bientôt partir pour Lanartis.

— J'aurais voulu que vous m'adoptiez, Père Shalom, dit Nash.

— Je sais... je l'ai déjà deviné au fil des années, mais vous étiez déjà adulte quand je me suis rendu compte de votre détresse. Cependant... voyez-vous... L'orphelinat avait beaucoup trop d'enfants. D'autant plus que mon statut ne me permettait pas d'adopter légalement. Si j'avais su que le Président Knox était un tel monstre, je vous aurais trouvé de meilleurs parents !

Nash soupira. La tristesse qu'il ressentait semblait disparaître peu à peu. Entendre la voix du prêtre le rassurait. Il oubliait déjà la présence de la bouteille de vin. Il essuya ses larmes, puis se redressa sur son banc.

— Écoutez, mon enfant. Je ne peux pas réécrire votre histoire, mais sachez que vous serez toujours le bienvenu sous mon toit. Et qui sait... un jour, on pourrait aller camper et faire quelques parties de pêches ?

Nash cligna des yeux et gloussa.

— Des parties de pêches ? Je pensais que vous aviez peur de retomber dans le lac baldtien, après votre dernière chute !

— Oh, c'était il y a fort longtemps, mon ami... Mais j'ai toujours aimé le poisson... et il n'y a rien de mieux que de ramer un bon radeau au milieu de nulle part. C'est si relaxant que je me sens en communion avec la nature et l'œuvre de notre déesse.

— Je me souviens de la dernière fois que vous m'en avez parlée. Un énorme poisson avait bousculé votre bateau et vous avez fait la plonge... Vous avez failli vous noyer, en plus. Qu'est-ce qui vous a fait changer d'avis ?

— Mmm... Disons que je vous aie jadis fait la promesse que nous irions pêcher ensemble. C'est maintenant, ou jamais, de tenir à celle-ci !

— Cette promesse ? Mais j'étais encore tout jeune...

— Et alors ? Que font les pères et leurs fils à cet âge ? Ils vont camper et pêcher !

— Enfin, la plupart, si...

Nash pouffa de rire. Le Père Shalom prit ensuite l'une des mains de son ancien protégé et lui fit son plus beau sourire.

— Mon enfant, ce serait pour moi un immense honneur si vous acceptiez de venir avec moi pour cette activité entre amis. Je suis sûr que ça vous ferait le plus grand bien. Vos camarades m'ont beaucoup parlé de vous, ces derniers jours. Nous pensons que vous avez mérité ce congé.

L'épéiste esquissa un sourire, puis hocha faiblement la tête. Pour lui, c'était l'occasion en or de renouer ses liens avec le prêtre, mais aussi de penser à autre chose que l'alcool. Il jeta un dernier regard vers la bouteille de vin et se leva de son tabouret. Alors, il escorta le prêtre en dehors du réfectoire et tous deux se dirigèrent à l'extérieur du vaisseau afin d'aller à l'église. Shalom avait déjà tout un équipement de camping et pêche qui les attendaient, ainsi qu'un radeau dont il comptait se servir.

Nash remarqua que Gabriel leur avait préparé plusieurs provisions. Il avait reconnu l'écriture du colosse sur des contenants en plastique. Il sourit. Il n'en revenait toujours pas que ses amis avaient tout fait ça pour lui. Il se promit qu'en revenant de ses vacances, qu'il les remercierait tous d'avoir veillé sur lui. Après tout, ils n'étaient plus en guerre ; ils ne craignaient plus aucun danger. Le Saint Royaume n'avait connu aucun incident tragique depuis près d'un an, ce qui voulait dire qu'ils pouvaient se permettre de profiter de la vie, désormais.

Bref, Nash retrouvait cette sensation de bonheur qu'il avait oublié au fil des dernières années. Fini les obligations de gérer une armée, fini cette période où il avait été le Roi de l'Olympe. Il pouvait enfin être lui-même : Nash Markios, l'oncle de Flint, le brigadier et l'homme qui aimait sa famille plus que tout.

Ce soir-là, après un excellent repas, il fermerait les yeux et dormirait comme un bébé, en compagnie de sa figure paternelle.

¤*¤*¤

Derek Doyle prit son courage à deux mains et s'approcha de la porte du laboratoire du palais présidentiel au rez-de-chaussée, le même où il était passé plusieurs fois depuis... onze ans ? Douze ans ? Il avait arrêté de compter. Luna était revenue pour un congé professionnel. Il la voyait à chaque jour. Elle travaillait sur l'intelligence artificielle qui intégrerait bientôt le Célestia II et les bagues de la Septième Brigade. Pourquoi avait-il attendu tant de temps avant de passer à l'acte ? Au diable ses sentiments ! Le jeune homme avait quand même passé une éternité à se languir près du bureau de sa douce.

Elle lui souriait à toutes les fois qu'il lui disait bonjour timidement. Il était de son devoir de lui dire comment il se sentait réellement.

La porte était fermée, mais il savait qu'elle était là... celle qui le rendait fou, celle qui n'avait jamais quitté ses pensées même après sa mort.

— Non, mais qu'est-ce que tu fous, Didi ? dit-il dans le vide. Ça fait des années que ça traîne... et pourtant tu te sens si perdu quand elle n'est pas là...

Il se parlait tout seul, à défaut de ne pas réfléchir tout bas. Il était seul, du moins, c'était ce qu'il croyait. Il n'avait pas entendu des bruits de pas derrière lui, qui venaient de la pièce d'en face. Il se passa une main dans sa chevelure et soupira.

— Oh Luna... comment une femme comme toi pourrait aimer un type comme moi ? formula-t-il avant de secouer la tête. Tu es si brillante, si belle, si marrante... Tu es tout ce que j'aime chez une demoiselle et pourtant... tu es si... si...

— Absorbée par mon travail ? Je sais. Ne t'en fais pas. On me le dit tout le temps !

Derek sursauta et poussa un cri si aigu que la magicienne pouffa de rire. Il se tourna et vit qu'elle tenait une thermos dans sa main droite et lui adressait un regard amusé.

— T... Tu... Tu étais là depuis q... quand... ? couina-t-il.

— Assez pour entendre ta grande révélation, Derek.

— J... Je... Oh Athéna ! Ce n'est pas du tout comme ça que j'envisageai tout ça ! Oh non, oh non, oh non...

Luna roula des yeux et s'approcha du brun avant de lui mettre un doigt sur les lèvres. Le soldat se tut aussitôt. Il rougit. Elle le contourna ensuite et ouvrit la porte de son laboratoire. Mortifié, il déglutit. Était-ce une bonne réaction ? Non, décidément non. Elle lui avait ri au nez après tout. Il baissa la tête, défait par ce rejet.

Il était sur le point de partir quand il ressentit la main de Luna le tirer par le bras. Il se tourna aussitôt et ses lèvres rencontrèrent celles de la magicienne. Choqué, il ne savait pas comment exprimer le bonheur intense qui naissait dans sa poitrine. Un instant plus tard, il réalisa qu'elle avait disparu. Il regarda à gauche, puis à droite.

— Ne reste pas planté là ! lança la voix de la jeune femme depuis l'entrée de la pièce. On a plein de choses à rattraper, pas vrai ? Viens ! J'ai quelqu'un à te présenter !

Derek n'était pas certain de comprendre ce qui lui était arrivé, mais ce sentiment, il n'était pas prêt à le laisser partir. L'euphorie s'emparait de tout son être. Il se ressentait vivre après toutes ces années à lutter contre la solitude, avec cette peur qu'elle ne lui rende pas ses sentiments... Mais qu'en était-il des rumeurs qui entouraient la jeune femme ? Celles qui disaient qu'elle n'aimerait jamais personne ?

Peu importe, se disait-il. Il haussa les épaules et réalisa que tout cela n'avait plus d'importance. Enfin, il inspira, expira et marcha en direction de la pièce, là où l'attendait sa destinée... et possiblement la femme de ses rêves.

¤*¤*¤

Scottie Sanders et Wyatt Silverwind étaient tous deux dans une salle de laboratoire du Célestia dans laquelle ils travaillaient depuis maintenant quelques jours. Personne d'autre qu'eux n'avait l'autorisation de rentrer dans cette pièce, alors qu'ils étaient occupés à réaliser leur projet. Lors du dernier anniversaire de Randy, le garçon avait exprimé qu'il n'avait pas beaucoup d'amis de son âge, à part les triplés Appleseed-Wolfe.

Puisque Scottie et Wyatt passaient désormais une bonne partie de leur temps en compagnie de Flint et Gabriel, ainsi que tous les bébés de leurs familles respectives ; ils étaient conscients que Randy pouvait se sentir délaissé. Alors, le mage et l'éclaireur avaient demandé à Athéna et Kyran de leur apprendre à créer la vie, à partir d'échantillons de leur propre sang, la magie et un noyau de création.

En ce moment même, Scottie observait le corps d'un jeune garçon qui flottait dans un incubateur de cette salle. Il avait plus ou moins le même âge que Randell Markios. Ce qui voulait dire que bientôt, le garçon aurait un nouvel ami avec qui jouer et apprendre de nouvelles choses. Évidemment, cet enfant serait celui de Scottie et Wyatt. Légalement, il serait leur fils. Ils avaient déjà demandé au Conseil de leur accorder cette naissance. Ils avaient accepté. L'âme de Nathan, tel qu'ils comptaient l'appeler, avait déjà été construite.

Nathan hériterait de la joie de vivre de Scottie, mais de l'intelligence de Wyatt. Il avait les cheveux blonds du père biologique de l'éclaireur, ce qui avait surpris ce dernier. Toutefois, il leur était impossible de déterminer quelle serait la couleur de ses yeux. Ils étaient fermés. L'avancement technologique et magique du Célestia II leur avait permis d'accélérer le processus de la fabrication de son corps, mais son âme avait été plus difficile à construire. Heureusement pour eux, Athéna leur avait offert quelques astuces pour modeler son esprit. En tant que créateurs, Scottie et Nathan trouvaient cette expérience fascinante. Ils pouvaient se permettre cette création, après tout. Ils étaient des dieux respectés du Saint Royaume et étaient chargés de reconstruire cet univers qui avait grandement été affecté par la guerre spirituelle. Un enfant de plus à élever, ne leur ferait pas de tort.

— J'ai trop hâte qu'il sorte de cet incubateur, dit Scottie, assis à un pupitre, tout près de son époux. Je me demande quel sera son premier mot.

— S'il dit ton prénom, je demande le divorce, plaisanta Wyatt.

— Pffft, arrête. Le pire, c'est ce qui risque d'arriver parce que je n'arrête pas de lui parler quand tu n'es pas là. Ça me permet de passer le temps.

Tous deux devaient se relayer pour surveiller l'incubateur et aussi pour élever les jumeaux, Alexia et Zéphyr, en compagnie d'Estelle et de Kylie. Ces deux dernières ignoraient qu'ils travaillaient sur ce projet secret depuis plus d'une semaine. Ils avaient indiqué au reste de la brigade qu'ils ne connaîtraient pas le résultat de leur expérience avant quelques jours. Même Cassandra n'avait pas été mise au courant pour Nathan.

Flint et Gabriel avaient, pour ainsi dire, inspiré à leurs amants de créer cet enfant, car l'idée d'agrandir leur famille leur plaisait beaucoup. L'idée de créer une toute nouvelle génération de potentiels brigadiers semblait exciter la plupart des membres de leur groupe. D'autant plus qu'ils ne connaîtraient pas la guerre spirituelle, en grandissant. Ils seraient libres d'explorer l'univers et de rencontrer d'autres créatures ; vivre leurs propres aventures...

— Eh, Wyatt, formula Scottie. Est-ce moi ou ses paupières ont bougé ?

Wyatt, qui était préoccupé par les signes vitaux de Nathan à travers un écran holographique de sa bague, n'avait pas remarqué que l'enfant magique avait commencé à se réveiller dans l'incubateur. Scottie se leva d'un bond et s'approcha de la grande cloche de verre. Le garçon paraissait déjà reconnaître son père, à travers l'image déformée qu'il voyait devant lui. Après tout, son âme avait reçu ces informations, bien avant que son corps ne soit complété.

Nathan approcha une petite main près de la vitre qui le séparait à ses parents. Scottie plaça la sienne du côté opposé de son fils ; comme s'il essayait de communiquer avec lui. Le masque qui permettait à l'enfant de respirer, fit quelques bulles. Nathan était en train de rire, ce qui déplaçait le caoutchouc autour de sa mâchoire.

Scottie lui fit signe d'arrêter, sinon il se noierait. L'enfant semblait avoir compris le message, car il resserra le masque autour de sa tête. Il avait déjà développé une intelligence avancée pour un nouveau-né. Ou du moins, pour un garçon synthétique d'une douzaine d'années. Wyatt se dit qu'il était temps pour lui de retirer leur fils de cet incubateur. Alors, il déactiva la machine et fit couler le liquide qui préservait le corps de Nathan, depuis des jours. Peu à peu, l'enfant se rapprocha du sol. Les cordages qui étaient attachés à son petit corps semblaient un peu plus lourds, alors que les fluides étaient à présent en dessous de ses aisselles. Un simple enfant aurait eu peur de se réveiller là-dedans, mais pas lui.

Une fois que la cloche de verre fut soulevée au-dessus du garçon magique, Nathan débrancha quelques fils qui étaient liés à son torse, avec l'aide de Wyatt. L'enfant observait ses deux parents, fasciné de mieux les voir, maintenant que leurs images n'étaient plus floues. Scottie était ému de faire sa rencontre pour la toute première fois.

— Il a mes yeux, couina l'éclaireur, qui sentait quelques larmes couler sur ses joues.

— C'est vrai, mais il a mon nez et mes oreilles, gloussa Wyatt.

— Bonjour toi, est-ce que tu sais qui nous sommes ?

Nathan hocha la tête à la question de Scottie et posa un orteil en dehors de l'incubateur. Le sol était glacé. Il grelotta de froid et retourna son pied à l'intérieur de la machine.

— Il lui faut des vêtements, expliqua Wyatt, qui opta pour s'éloigner un peu vers son pupitre. Tiens, Scottie ! Attrape !

Scottie se tourna vers son époux qui lui lançait une grande serviette. L'éclaireur enroula ensuite le petit Nathan dans cette dernière et cela le réchauffa.

— Ça devrait suffire pour le moment, dit Scottie.

Il s'assura que Nathan n'était pas recouvert de cordages, enleva son petit masque qu'il laissa tomber dans la machine et souleva l'enfant dans ses bras.

— Enchanté de faire ta connaissance, Nathan. Je suis ton papa, Scottie.

Le petit garçon rougit timidement. Il n'avait pas encore prononcé le moindre mot. Pourtant, Scottie et Wyatt s'étaient assurés qu'il puisse parler... Il en avait l'usage.

— Est-ce que tu peux parler ? lui demanda-t-il, inquiet.

Nathan hocha la tête.

— Mais tu ne le veux pas, continua Scottie.

Encore une fois, Nathan hocha la tête, mais esquissa un sourire.

— Génial, on a un fils qui souffre de mutisme sélectif, soupira son père.

Nathan gloussa. Pour la toute première fois, Scottie entendait la voix de son enfant. Elle n'était pas comme il l'avait imaginée, mais c'était sa voix. Il fit une bise sur la tête de Nathan et s'empressa d'aller lui faire la présentation de son autre père. Il avait hâte que Flint, Gabriel et Randell puissent faire sa rencontre, plus tard, dans la journée.

¤*¤*¤

Le soir-même où Nash était parti camper, Flint entra seul dans la chambre de Randell. Un peu plus tôt, Artael lui avait raconté dans les moindres détails ce que Troyd lui avait confié avant de mourir, six mois plus tôt.

Le capitaine du vaisseau avait d'abord été irrité d'apprendre que son père lui avait caché cette information si longtemps ; mais avait tout de même compris pourquoi celui-ci n'avait pas voulu divulguer celle-ci à personne d'autre que Nash. C'était pour éviter un scandale. La presse avait été violente durant le procès du tyran, après tout. La moindre maladresse aurait causé davantage de dégâts aux Markios. Toutefois, Artael n'avait pas fait attention à toute la souffrance qu'il avait causé envers Nash, en lui disant ce fameux secret...

Encore une fois, Flint n'avait pas pu s'empêcher de gronder son père d'avoir si peu de respect pour la santé mentale de son propre frère. Le président avait baissé la tête honteusement et avait promis à Flint qu'il présenterait ses excuses à Nash, dès son retour. Au moins, là, il pourrait se racheter.

La première chose qui était venue à l'esprit de Flint lorsqu'il avait terminé cette conversation avec Artael fut d'en avoir le cœur net. Puisque son fils avait un jour été le grand ami de Virgile, celui-ci devait sûrement être au courant des crimes de l'ancien président. Il ignorait s'il devait se taire à jamais ou bien risquer de tourmenter Randell avec ces vieux souvenirs. Il avait quand même toutes ces questions qui lui brûlaient les lèvres. Comme quoi, il n'était mieux placé que son père s'il devait heurter la sensibilité de son fils au passage. Il allait tout de même essayer de ne pas être trop brusque avec ce dernier...

Flint retrouva le petit Randy à son bureau. Il faisait quelques devoirs qu'il devrait remettre à ses professeurs, avant le début des vacances. Il y avait une petite école à bord du vaisseau et les enfants de tout le monde y allaient. Les membres de l'équipage avaient pris soin d'engager des enseignants avant de partir en voyage, puisqu'ils ne voulaient pas que leurs progénitures prennent du retard dans leurs matières.

Dernièrement, Shayne et Cassandra parlaient d'inscrire les triplés à l'académie de Baldt. Flint hésitait à faire la même chose avec Randy, mais en ce moment, il s'égarait dans ses priorités. Il vit que son fils faisait des problèmes de mathématiques, ce que lui-même n'aimait pas. Jamais il ne comprendrait ce que les gens appréciaient de cette matière.

— Randy ? dit-il. J'ai à te parler... si tu le veux bien.

Le garçon haussa son regard vers son père. Sa chevelure était aussi brune que celle de Gabriel, mais son visage ressemblait beaucoup au sien.

— Oui, papa ? Qu'y a-il ?

— Tu es au courant que l'Oncle Troyd a été exécuté pour ses crimes, pas vrai ?

Randell hocha la tête. Il portait les habits sportifs, rouge et noir, que son oncle Shayne lui avait offert pour son douzième anniversaire – du moins, ce fut le jour qu'il avait décidé de se donner une nouvelle date de naissance. Le garçon n'avait rien d'un sportif, mais il s'entraînait parfois avec le grand elfe basané qui lui montrait comment se servir des armes. En retour, ce dernier enseignait ce qu'il connaissait en mathématiques, sciences et magies aux triplés Appleseed-Wolfe.

— Avant de mourir, reprit Flint, Troyd a avoué que Virgile était un péd... Euh. Peut-être que je devrais arrêter d'en parler maintenant, tout compte fait...

Aucune réaction. Le capitaine remarqua que le gamin était perdu dans ses pensées. Randell soupira et reprit l'apparence du vieil homme qu'il avait été autrefois, avec ses anciens vêtements. Celui-ci devait se dire qu'il serait plus approprié de lui parler sous les traits de la personne qu'il avait été bien avant de devenir son fils.

— C'est vrai, répondit enfin le vieux mage. Virgile Knox était un pédophile. Mais souviens-toi que je n'avais aucun contrôle de mes faits et gestes avec Thanatos aux commandes. Après sa mort, j'ai pensé qu'il valait mieux taire cette affaire, car je ne voulais pas créer une ambiance anxiogène parmi nous. Même si j'avais voulu l'empêcher de faire du mal à ton oncle, je n'aurais pas pu le faire.

— Alors c'est ce qui t'a poussé à collaborer avec Troyd, lors de la guerre ? Par culpabilité ? Avec toutes les horreurs qu'il a commises... je ne comprends pas.

— S'il est devenu comme ça, c'est en partie ma faute. J'ai été trop faible pour repousser l'influence de mon ancien maître, de mon esprit. Même en tant que vassal de Thanatos, je n'approuvais pas tous les faits et geste de ton oncle. La destruction d'Aeglys m'a sauvé d'un lourd fardeau. J'ai eu de la chance qu'Hypnos soit près de moi, quand c'est arrivé. C'est grâce à lui si je suis toujours là.

Flint hocha la tête, alors que son mari rentrait dans leur chambre.

Gabriel avait retrouvé sa forme habituelle, bien avant de transformer son corps afin de porter des enfants en lui. Il avait voulu connaître la joie de donner naissance à ses bambins, et avait aimé son expérience, mais il se souvenait encore de la fameuse journée où il avait accouché... Il y repensait souvent, même.

— TUEEEEEEZ MOIIIIIIIIII ! avait-il hurlé, de sa grosse voix virile, alors qu'il était allongé sur le lit de l'infirmerie du vaisseau. JE VEUX MOURRIRRRRRRRRRR !

L'anesthésie n'avait pas fonctionné, apparemment. La dose n'avait pas été assez puissante pour l'endormir lors de sa césarienne. Cassandra avait grondé l'anesthésiste qui commençait à peine le métier. Cette scène avait provoqué la panique générale et l'excitation chez Flint qui avait admiré son mari, en plus de filmer tout l'accouchement pour ses parents et le reste de sa famille.

Scottie s'était porté volontaire pour garder les bébés quadruplés, alors que Wyatt avait opté pour attendre en dehors de l'infirmerie, ce jour-là. Ce dernier ne s'était toujours pas remis de l'accouchement de Kylie, auquel il avait assisté et perdu connaissance avant même que le premier jumeau ne sorte de son utérus. Elle n'avait pas eu besoin d'une césarienne, contrairement à Gabriel.

Au bout d'une heure et demie, tous les bébés avaient été délivrés, en parfaite santé. Les quatre nouveaux poupons faisaient désormais la fierté de leurs parents et étaient chouchoutés par presque tous les membres de la Septième Brigade. Gabriel n'avait conservé aucune cicatrice, grâce aux talents de Cassandra.

En ce moment, Gabriel portait un biberon vide qu'il avait fait boire au petit Matteo, juste avant sa sieste. La chambre des bébés était à côté de celle de leurs parents. Le colosse passait la majorité de son temps avec eux, dorénavant, quand il ne travaillait pas au réfectoire. Il n'avait jamais été aussi épanoui de toute sa vie. Cependant, il ne pensait pas recommencer cette expérience de si tôt.

Accoucher de quatre bébés d'un coup l'avait assommé.

Gabriel sursauta lorsqu'il vit les anciens traits de son créateur, assis là où devait se trouver son fils. Il avait déjà compris de quoi Flint et lui discutaient, puisqu'Artael lui en avait parlé, ce matin-même, en même temps que son mari. Il avança donc vers eux, une main dans sa poche de jean et le visage assombri. Il posa le biberon sur le pupitre de Randell et fixa son partenaire de vie, peu impressionné.

— Nous ne sommes vraiment pas obligés de faire ça, tu sais ? fit Gabriel qui s'adressa à Flint. Randy a déjà vécu son lot de tragédies.

— Ne t'en fais pas pour moi, papa, répondit le vieux mage. Il a raison de s'inquiéter. Après tout, Virgile a bien essayé de s'en prendre sa fratrie. Ce que Troyd a dit est vrai. Il les a protégés quand tu dormais ou que tu étais occupé. Il a gardé ce secret trop longtemps, je dois dire.

— Mais... pourquoi n'a-t-il jamais rien exprimé à ce sujet ?

— Je l'ignore... c'est une chose que Troyd a emportée avec lui dans sa tombe... ou plutôt, sa nouvelle vie. Tout ce que je sais, c'est que je suis coupable de sa démence par l'intermédiaire de Thanatos. J'aurais pu l'aider, si on ne m'avait pas possédé...

— Non. Ce n'est pas ta faute, répliqua Flint. Le dieu qui se servait de ton corps agissait pour ses propres intérêts, alors que toi, tu ne voulais que retrouver ta famille. Tu n'es pas responsable des actes de mon oncle. Par contre... j'ai l'impression que nous l'avons tous abandonné tandis qu'il avait besoin de nous.

— Il a quand même tué Nash, grogna Gabriel.

— Je sais ! Mais cela ne m'empêche pas de culpabiliser. Il souffrait en silence.

Randell haussa les épaules et prit une grande respiration.

— Malheureusement, mes chers parents, ce sont des choses qui arrivent. Nous ne pouvons rien y faire, autre que ne jamais répéter cette erreur avec nos proches.

— Troyd a quand même essayé d'agresser Lucas quand nous étions adolescents, remarqua Flint. C'est à cause de lui que nous avons perdu mon frère.

Le mage secoua la tête.

— Non. Il s'agissait de Virgile sous l'apparence de ton oncle. Ton grand-père s'y connaissait en potions. Il n'a eu besoin que d'un seul cheveu de Troyd et cela lui a permis de se transformer.

— Et comment se fait-il que tu saches tout ça ?! formula le capitaine, choqué. Tu étais son complice pendant de nombreuses années...

— Tu as déjà toutes tes réponses, papa...

Dégoûté, Flint fit les cents pas dans la chambre de Randell. Son fils et son époux l'observèrent durant un moment. Quand il réfléchissait, il valait mieux ne pas l'interrompre. Au bout de quelques minutes, Gabriel s'adressa au vieil homme.

— Ç'a dû être une expérience horrible de ne pas être en contrôle de ton corps, dit-il. J'imagine que tu voulais tout nous dire, n'est-ce pas ?

— Bien sûr... je mourrai à petits feux de l'intérieur, chaque fois que j'étais témoin des agissements abominables de ces hommes. Mais Thanatos s'en fichait. Il ne voulait qu'agrandir notre armée de clones... Et évidemment, Troyd était notre cobaye idéal, puisque son physique avantageux était parfait pour cette expérience...

— Oulalah, Randy...

Gabriel frôla la joue du vieux mage, pour lui démontrer son affection. Ce dernier avait les yeux larmoyants et prenait la main de son père. Il rajeunissait tout doucement, pour devenir un jeune adulte, puis un adolescent. Une fois redevenu un préadolescent, il sauta dans les bras du colosse et éclata en sanglots.

Flint commençait à s'en vouloir d'avoir éveillé ces mauvais souvenirs chez Randell. Il s'approcha de son époux et prit son fils dans ses bras.

— Je ne veux plus revivre tout ça ! hoqueta le garçon. Je ne suis plus cet homme...

— Je sais... répondit Flint. Tu es notre fils. Je suis désolé.

— Peut-être qu'on devrait changer ton prénom ? suggéra Gabriel. À force de t'appeler Randy ou Randell, tu dois te sentir mal à l'aise...

Le garçon hocha la tête et prit la main de son gros père qui le regardait avec tendresse. Il était temps pour le couple de décider comment ils appelleraient leur fils. Il lui fallait un nom propre qui ne soit rien qu'à lui, qui soit l'objet de toute leur affection.

Ce fut à cet instant qu'un éclair traversa l'esprit de Flint.

— Mmm... Je crois que j'ai le parfait prénom pour toi ! Que penses-tu de Chris ? C'était celui de ton véritable père, dans le monde des ténèbres.

— Tu... Tu connais son prénom ?! s'exclama le petit garçon, émerveillé.

Il se mit à pleurer de plus belle. Flint hocha la tête.

— Oui... Nous avons lu son journal et vu une vidéo de son partenaire Thomas, avec lui, reprit le capitaine. Il a tenté de refaire sa vie après que ta maman et toi êtes partis... mais bon... je comprendrais si tu voulais quelque chose de différent.

— N... Non ! couina son fils. Je veux garder ce prénom... Il est parfait pour moi !

— Le nom de mon grand-père ? remarqua Gabriel, ébahi. Eh bah... pourquoi pas ? Je crois qu'on n'aurait pas pu trouver mieux. Christopher Ryan Markios ou un truc dans le genre ? Ç'aurait du style, avouez-le.

— Nan, nan, nan ! rouspéta Flint. Chris tout court. C'est plus mignon comme ça.

— J'ai un nouveau prénom ! brailla l'enfant, ému par la décision de ses parents.

Le couple avait compris que pour le jeune mage, c'était comme s'il revenait à la vie, encore une fois. Ainsi donc, Randell était devenu de l'histoire ancienne. Ils venaient d'enterrer cet homme pour de bon. Plus jamais il ne reviendrait hanter l'esprit de ce pauvre enfant qui ne souhaitait qu'une chose : vivre une expérience paisible aux côtés de ses nouveaux parents. À partir de ce jour, il porterait le nom complet de Chris Markios ; une nouvelle identité qu'il avait tant recherchée.

Le garçon essuya ses yeux et enfouit son visage contre le torse de son père. Il se sentirait toujours en sécurité, dans les bras de ses parents.

— Maintenant, va falloir qu'on avertisse tout le monde et qu'on change quelques trucs dans la base des données, mais je crois que ça fera l'affaire, expliqua Flint à son époux. J'ai hâte de voir la tête des autres lorsqu'on va leur faire la nouvelle !

— Et comment ! s'exclama le colosse. C'est comme si on donnait naissance à notre sixième enfant ! Enfin... on se comprend.

Flint lança un regard incrédule à son mari et finit par rigoler. Ce fut à cet instant qu'ils entendirent des pleurs, depuis leur chambre. L'un des bébés s'était encore réveillé.

— Mince, Darius a sûrement besoin que je lui change sa couche ! soupira Gabriel.

Le colosse haussa son regard au plafond. Il était si fatigué, tellement il dormait mal depuis quelque temps. Autant il aimait ses petits bouts de choux, autant il savait que sa vie ne serait plus de tout repos pour plusieurs années. Après tout, il ne s'était pas attendu à donner naissance à quatre enfants en même temps ! Tout ça le ramenait, plusieurs années en arrière, quand il s'occupait de la fratrie de Flint.

— Laisse, dit le capitaine à son mari. Je m'en occupe et je reviens.

Gabriel était soulagé. Il observa Flint poser Chris parterre, pour s'éloigner vers la chambre des bébés, puis tourna son attention vers leur préadolescent.

— Oh mon enfant... Si tu savais comme je suis heureux de t'avoir dans ma vie... !

Il se pencha et souleva ce dernier encore une fois, rien que pour frôler son nez sur sa tête. Chris ricana aussitôt.

— Comment avancent tes exercices de mathématiques ?

— Bof... Plutôt faciles. J'ai hâte qu'ils me donnent des trucs plus avancés...

Gabriel grimaça de dédain, puisqu'il n'avait jamais aimé les maths.

— Ma pauvre tête n'arrive jamais à retenir toutes ces formules qu'on te donne à tes cours d'algèbres, remarqua-t-il. Tu as déjà dépassé toute ta classe de quelques grades... C'est fantastique, quand même ! Je suis fier de toi, mon chou.

Chris se gratta la tête et sourit, embarrassé. Il n'avait plus envie de pleurer.

Un moment plus tard, Flint revenait de sa chambre. Les pleurs avaient cessé. Il avait changé de chemise avant de rebrousser chemin. Gabriel remarqua ce détail et dit :

— Euh... mais que s'est-il passé ?

— Darius m'a fait pipi dessus alors que j'ai changé sa couche, soupira Flint.

Gabriel s'esclaffa et plaça Chris dans ses bras.

Flint baissa son visage vers le petit garçon qui le serrait très fort. Il se rendit compte qu'il était de meilleure humeur que tantôt, car il souriait et essayait de l'agripper autour de la taille, avec ses pieds.

— C'est dingue quand même, à quel point tu nous ressembles, continua le capitaine. T'as déjà une idée de ce que tu veux devenir plus tard, mon bonhomme ?

Chris opina du chef et se tourna vers son gros père avant de le pointer du doigt.

— Je veux être comme lui, grand et fort ! s'exclama-t-il en souriant.

Gabriel rougit timidement. Sûrement, son fils ne voulait pas développer un physique comme le sien... ? Ce serait absurde ! Mais il voulait prendre son exemple, au moins cela lui faisait plaisir à entendre.

— Mais non, je voulais dire... quel genre de métier, tu veux faire ? questionna Flint.

— Je veux être comme Papa Gabriel, répondit l'enfant.

Flint roula des yeux et serra le gamin contre lui. Gabriel sautillait presque de joie, car leur fils le portait grandement dans son estime.

— Dans ce cas, Chris, je vais faire de toi un homme ! déclara le colosse, qui prit son enfant dans ses bras, encore une fois. Tu vas voir ! Je vais tout t'apprendre ce qu'il y a à savoir de mes recettes et plus encore ! Oh ho ! Juste d'y penser, j'imagine déjà les réactions de tes frères et ta sœur. Je suis certain que nous réaliserons de très belles choses, ensemble !

Dans sa joie, Gabriel tournoya avec son fils dans les airs, qui riait aux éclats.

Le capitaine du Célestia II n'eut pas d'autre choix que d'accepter la défaite. Après tout, Gabriel n'était pas un si mauvais exemple que ça, puisqu'il était un excellent cuisinier – sans oublier qu'il pouvait défoncer des murs de béton avec aisance !

Scottie et Wyatt pourraient le confirmer aussi, il était un être exceptionnel. D'ailleurs, Flint se demandait où étaient passés leurs amants en ce moment même. Ils s'étaient faits beaucoup discrets depuis quelques jours, à cause de leur petit projet secret. Il se frotta le menton et réfléchit. Où pouvaient-ils bien se cacher ?

La porte automatique de la chambre s'ouvrit un instant plus tard. Dia entra pour sauter sur le lit de Chris avec des pattes sales. Flint fronça des sourcils et la gronda :

— Ah c'est malin ! Tu as mis de la boue partout !

Elle choisit de l'ignorer. Il soupira et lui caressa la tête, tandis que Gabriel et Chris les observaient. Elle tenait dans sa gueule un os que lui avait offert un passant afin de le ronger.

Elle leva son regard vers son porteur, lâcha son trésor, et dit :

— On va où maintenant ? Est-ce que t'as une idée de notre prochaine mission ?

Le capitaine haussa les épaules.

— Pourquoi pas la Terre à laquelle vivent les enfants de Misaki ? proposa le colosse. Ça fait des mois qu'on n'arrête pas de remettre ça à plus tard, depuis l'exécution de Troyd.

— Ah ouais... ce serait un bel endroit à visiter, formula Flint.

Après tout, ils avaient l'éternité devant eux afin d'explorer l'univers... Ils étaient en vacances et le Conseil n'aurait pas besoin de leurs services pour quelques semaines encore. Cela leur donnerait amplement de temps pour s'occuper de leurs familles et de leurs proches. Et tout le monde savait à quel point Flint et Gabriel avaient besoin d'un congé ! Leurs bébés prenaient beaucoup de temps libre dans leurs horaires respectifs. Un petit tour sur la Terre leur ferait beaucoup de bien.

Tout à coup, les pleurs recommencèrent de plus belle dans la chambre d'à côté.

Flint et Gabriel s'observèrent, misérables et comprirent que cette fois, les quatre bébés s'étaient réveillés et qu'ils réclamaient leurs parents.

— Et c'est reparti, dit le capitaine qui mit une main devant sa bouche avant de bâiller.

— Héhé... tu te plains, mais je le sais que tu n'échangerai pas nos gamins pour tout l'or du monde, formula Gabriel.

— Eh, je peux vous aider, dites ? demanda la louve.

— Mmm, sans façon Dia, répondit le colosse. Nos bébés sont encore trop jeunes et imprévisibles pour toi. Attendons qu'ils soient un peu plus âgés, avant que tu deviennes leur gardienne. D'accord ?

— Bouuh... pas juste, bouda l'animal avant de retourner son attention à son os.

Gabriel posa Chris par terre, alors que Flint s'éloignait déjà en direction de la chambre des bébés. Il était temps pour eux d'aller prendre soin des bébés.

— Dis, papa ! demanda le garçon à Gabriel. Est-ce que je peux vous aider, moi ?

— Ah, mais bien sûr ! Suis-nous, Chris. Je vais t'apprendre comment changer une couche ! Tu vas voir, c'est très facile. Je parie que cette fois, il s'agit de Billie ou Sirius... Ils sont plus sages que tes autres frères, ne t'en fait pas !

— Dans ce cas, le dernier dans ta chambre paie une glace à l'autre ! formula soudainement le garçon qui s'élança en flèche dans la pièce d'à côté.

Gabriel esquissa un sourire et décida de laisser son fils gagner. De toute façon, il ne gagnait jamais aux courses. Toutefois, il aimait bien jouer avec Chris.

Dia, de son côté, préféra rester sur le lit du garçon, alors qu'elle rongeait son os. Elle remua la queue à quelques reprises, heureuse de passer du bon temps avec ses amis.

Ainsi se terminait cet après-midi bien chargé, dans l'appartement des Markios.

Puisque Troyd avait été exécuté et que le Saint Royaume ne courrait plus aucun danger, ils pouvaient enfin partir sans interruption... à moins bien sûr qu'ils doivent prendre soin de leurs bébés ! Quelque temps s'écoulerait jusqu'à ce que le vaisseau spatial revienne au bercail, de son prochain voyage.

Les aventures de Flint et ses amis étaient loin d'être terminées, mais cela, ils ne le savaient pas encore. Tout ceci n'était, après tout, que le commencement d'une nouvelle ère, une épopée remplie de mystères et de rebondissements.

Où irait leur équipage par la suite ? Seul le Créateur le savait... car après tout, la vie était semée d'embûches qu'il fallait affronter, jour après jour.

Fin du Volume 3 - Les Enfants d'Athéna.
Fin de l'Héritage des Markios.

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