14. Le subterfuge de l'albinos

De l'autre côté de la cour du palais, près d'une section ténébreuse, Luna suivait discrètement Misaki comme son mentor le lui avait demandé.

L'albinos s'était conduite bizarrement, toute la soirée. Elle avait contourné l'énorme bâtiment et touché quelques briques, ici et là. Elle avait essayé aussi de rentrer par les portes verrouillées. Luna l'avait surprise en train d'essayer de crocheter l'une d'entre elles, mais sa seule épingle s'était brisée, suivi d'un juron qui avait fait sourire l'adolescente.

Misaki n'avait même pas remarqué Luna. Cette dernière avait décidé de se recouvrir d'une cape noire, ajustée à sa taille. Ce qui lui donnait un certain avantage en furtivité.

Déterminée, la guerrière continua ses fouilles, jusqu'au moment où elle tomba nez à nez avec un autre brigadier qui faisait sa ronde. Il transportait une lampe à huile et avait remarqué les déplacements suspects de la jeune femme, un peu plus tôt. Il avait décidé de la suivre. Luna s'était cachée derrière un buisson et observait la scène.

— Mademoiselle Megumi, que faites-vous ici ?! demanda-t-il, choqué. Vous n'êtes même pas supposée travailler ce soir. Vous devriez fêter, comme tout le monde ! Vous le savez pourtant qu'il est interdit de se promener derrière le palais en pleine nuit ! Vous n'avez quand même pas oublié les précipices... non ?!

Elle hocha la tête bêtement. Le brigadier faisait mention du gouffre dans lequel on jetait à l'époque des prisonniers de guerres. On avait fait construire des parapets le long de la colline qui entourait le palais, mais les villageois n'avaient tout de même pas le droit de se promener à cet endroit, lorsqu'il faisait noir à l'extérieur.

— Je suis sincèrement désolée de vous avoir contrarié, monsieur ! lui répondit Misaki. J'ai vu un chat se promener par ici et j'ai décidé de le suivre... J'ai perdu sa trace... Et s'il était justement tombé ?

— Laissez tomber ce stupide chat et faites demi-tour ! Vous pourriez tomber par-dessus les balustrades, si vous ne faites pas attention !

— Très bien, monsieur... Je tâcherai de m'en souvenir la prochaine fois que je ferai une promenade nocturne.

— Je devrais probablement vous enfermer afin de vous poser des questions. Vous êtes plutôt louche... Même les nouvelles recrues savent qu'il est dangereux de s'aventurer par ici, sans surveillance.

— Je vous jure que ça ne sera pas nécessaire, je voulais simplement retrouver ce chat débile... Je vous promets que je ne recommencerai pas.

Au moment où il allait empoigner le bras de Misaki, pour l'emmener avec lui, Luna jugea qu'il valait mieux jouer le jeu et de sortir sa collègue de cette fâcheuse situation. Nash voulait absolument en savoir plus sur les activités secrètes de la demoiselle. Si elle se faisait mettre en taule, ce soir-là, cela risquerait de gâcher les plans du capitaine. Luna n'avait pas envie de tout recommencer une autre fois.

— Miaaaaou ! couina Luna, depuis son buisson.

Le brigadier relâcha Misaki, puis décida de la croire. Il la regarda toutefois d'un air strict. Il décida de continuer sa ronde. La guerrière, prise au dépourvu, décida de partir dans une direction opposée. Luna la perdit de vue et dut retracer ses pas afin de ne pas être vue par l'homme qui patrouillait derrière le palais.

Cependant, elle n'arriva pas à retrouver Misaki et s'en voulut. Heureusement, ce faux miaulement avait laissé la chance à sa collègue de s'enfuir. Luna devait donc redoubler de prudence, si elle souhaitait s'en approcher. Elle regrettait de ne pas avoir préparé de filtre d'invisibilité ; cela lui aurait été d'une grande utilité. Hélas, elle n'était pas si douée que ça, en ce qui concernait la fabrication de potions. C'était plutôt le domaine de Cassandra...

Alors qu'elle sortait du côté est de la cour intérieure, Luna aperçut Shayne qui entraînait Gabriel. Tous deux échangeaient des coups de hache et d'épée. Le vampire semblait s'amuser, tandis que Gabriel était terrifié. L'adolescente préféra ne pas rester sur place et se déplaça rapidement pour ensuite se mêler dans la foule près de la fontaine. Il y avait un peu plus de fêtards qu'un peu plus tôt.

Luna tenta de repérer Misaki, mais en vain. Après plusieurs minutes passées avec les citoyens et les visiteurs de la ville, elle finit par voir la guerrière qui entrait discrètement à l'intérieur du palais. Elle venait de traverser la porte principale. La magicienne trouvait étrange de ne voir aucun garde présent, près de l'entrée.

Où sont-ils tous passés ? pensa-t-elle. Quelle bande d'irresponsables !

Après s'être assuré que sa cape la recouvrait entièrement, Luna entra à l'intérieur du palais, dont les portes étaient encore ouvertes. Elle se cacha dans l'ombre, suivant Misaki de plus près. Elle la suivit jusqu'aux escaliers qui menaient aux sous-sols. Personne n'avait le droit de descendre par là. L'adolescente plissa des yeux. Elle se ferait sûrement gronder par quelqu'un si on la voyait, mais elle-même était curieuse de découvrir ce qui se cachait en bas du palais.

Encore une fois, Luna avait remarqué l'absence des gardes. Tout cela la perturbait. La porte d'entrée du palais était toujours déverrouillée et n'importe quel civil aurait pu entrer et voler les biens personnels de ses habitants.

Ma collection de livres ! pensa-t-elle, figée sur place.

Elle secoua la tête et essaya de chasser ces idées irrationnelles. Il valait mieux pour elle de poursuivre ce que Nash lui avait demandé.

Luna suivit donc Misaki aux sous-sols. La jeune femme tenta d'ouvrir une première porte, mais cette dernière était verrouillée. La seconde menait à un vieil entrepôt où étaient entreposés de vieux documents et des articles réquisitionnés aux criminels – que l'adolescente trouvait déjà intéressante. Une autre porte menait vers les cellules des donjons. On disait que ces derniers étaient solidement gardés en temps normaux. Luna avait entendu dire que personne n'avait réussi à s'en échapper jusque-là. Elle espérait ne jamais y finir ses jours.

Quelques minutes plus tard, Misaki semblait avoir trouvé ce qu'elle cherchait : un couloir qui menait à un autre étage du sous-sol, relié aux tuyaux et aux machines du palais. Luna était tout aussi curieuse de ce que la guerrière venait de découvrir.

Quelle invention étrange... se dit-elle, alors qu'elle se grattait la tête.

Dans cette pièce se trouvait un étrange système hydromécanique, qui faisait tourner de grandes roues sous le palais avec de puissants flots d'eau. Cette dernière venait du lac situé près de la capitale. L'eau traversait la salle, contournait les sous-sols, sortait de l'autre côté du lac et permettait ainsi au système de fonctionner sans interruption. Il y avait probablement des risques d'inondations, mais Misaki remarqua que l'on pouvait vider beaucoup d'eau à travers les bouches d'égout.

— Bingo ! s'exclama-t-elle, un sourire malicieux aux lèvres.

Personne ne pouvait entrer par les petites fentes, d'où s'écoulait l'eau du lac, mais si on ouvrait les bouches d'égouts, il serait facile pour quiconque de pénétrer à l'intérieur du palais. Le seul problème, désormais, c'était qu'il lui fallait traverser les canalisations de déchets et de selles. Elle avait l'espoir de trouver un chemin efficace à suivre pour son groupe. Maintenant, il lui faudrait plonger dans l'eau et nager jusqu'à l'une de ces bouches d'égout, ôter cette dernière et entrer dans les tunnels. Elle ne pouvait pas désactiver ce mécanisme tout de suite, sinon cela risquait d'attirer l'attention des soldats dans cette direction.

Serait-ce possible que ce soit ce fameux système d'électricité hydraulique dont m'ont parlé certains brigadiers ? songea la guerrière. Ça expliquerait pourquoi les sous-sols sont équipés comme ça... Tout ceci doit sûrement couvrir l'énergie du palais et de la ville. C'est plutôt intéressant comme invention...

Elle calcula les risques de se faire frapper par les roues tournantes de l'engrenage, puis se dit que les chances étaient faibles pour qu'elle puisse se blesser. Cependant, elle ne souhaitait pas briser ce système. Elle pouvait toujours fermer les fentes afin que l'eau cesse de couler temporairement, grâces aux manivelles qui se trouvaient un peu partout dans la pièce. Si elle voulait passer à l'action, elle n'aurait pas le choix d'attendre que tout le monde dorme, plus tard dans la soirée. Elle s'arrangerait pour trouver un chemin dans les égouts, reviendrait sur ses pas et réactiverait le mécanisme une fois terminé. Elle y réfléchissait, faisant les cent pas dans la pièce.

Mais est-ce réellement sécuritaire pour moi ? songea Misaki. Ce risque en vaux la peine... mais peut-être serait-il plus facile à Yosuke et les autres d'infiltrer le palais durant la nuit... ? Je n'ai vraiment pas besoin de me casser la tête à nous trouver des sorties secrètes... Ils auraient pu profiter de cette soirée afin de passer à l'action !

Après avoir jugé que ses recherches étaient sans issue pour ce soir, l'espionne décida de retourner à l'extérieur. Luna partit se cacher dans une salle vide, pendant qu'elle laissa la guerrière prendre la fuite. Ensuite, elle sortit et suivit celle-ci en silence. Elle avait récolté une information intéressante.

Si Luna avait appris quelque chose, ce soir-là, à part le comportement inquiétant de sa collègue de travail, c'était qu'elle s'était plutôt amusée à se faufiler dans les ténèbres. Maintenant, plus rien ne l'empêcherait de se déplacer un peu partout durant la nuit. Elle pourrait se rendre à la bibliothèque, afin d'aller y lire un bon livre à la lueur des chandelles. Il ne lui manquait plus qu'une bonne machine à café et un petit coin douillet improvisé près des rangées de livres...

Oh, arrête de ne penser qu'à tes livres, ma vieille ! pensa-t-elle en se tapant le front.

Il se faisait tard et les gens commençaient à revenir des festivités. Luna décida de se rendre dans sa chambre. Lorsqu'elle remonta au rez-de-chaussée, elle pénétra l'ascenseur et arriva au premier étage avant de se rendre chez elle. Il y avait un couple au fond du couloir, un homme et une femme qui s'embrassaient. Une fois dans son dortoir, Luna ôta sa cape, jeta cette dernière sur une table près de l'entrée, referma la porte derrière elle, la verrouilla, puis partit s'écraser sur son lit sur lequel elle s'endormit aussitôt. Elle était exténuée.

¤*¤*¤

À l'extérieur du palais, les activités continuaient dans la joie et les chahuts du peuple. Les musiciens avaient commencé à jouer de leurs instruments et la foule commençait à se faire un peu plus grande près des kiosques de fruits et légumes. Gretta avait vendu pratiquement tous ses paniers en surplus et avait dû retourner à sa ferme, pour chercher d'autres aliments. Cette fois, elle avait emporté avec elle un important stock de pommes rouges, fraîchement cueillis du verger, au matin. Ces fruits étaient la fierté de son mari, il adorait les pommes depuis sa tendre enfance.

Derek aidait sa mère à placer les paniers aux tables.

— Eh, Didi ? s'exclama alors sa sœur. Il me manque quelques fiasques de parfums... Ça te dirait d'aller en chercher d'autres ?

Le jeune homme efflanqué soupira, puis retourna chez lui avec une mine triste. Il croisa en chemin la brunette au bandeau qui discutait avec un homme étrange. Il le voyait souvent à la capitale, durant les fins de soirées. Surtout, près des bars. C'était le Markios que tout le monde détestait à part le président. Il portait une longue cape rouge et empestait l'alcool. Derek prit peur et se figea sur place.

— Cessez de me toucher ainsi ! lança la demoiselle qui se débattait entre ses mains puissantes et rugueuses. Vous ressemblez peut-être à votre frère, mais vous êtes loin de partager ses bonnes manières !

— Tais-toi catin... Viens faire joujou avec moi...

— Foutez-lui la paix ! hurla Derek, terrifié.

Le garçon fonça tout droit dans le général et le renversa.

— Heeeeein ?! grogna le grand blond hirsute, confus.

Derek ne pouvait pas supporter cet homme. Toutes les fois qu'il le voyait, il repensait aux nombreuses occasions où il avait flirté avec sa sœur, ce qui rendait leur mère furieuse. L'homme aux mauvaises manières était tellement ivre, qu'il ne comprenait pas ce qui se passait autour de lui. Derek profita de cette occasion pour lui donner plusieurs coups de poings au visage.

— Ça suffit ! lança une voix derrière eux. Tu as assez joué.

Derek lâcha l'individu, puis retourna auprès de la demoiselle, légèrement sous le choc. Près d'eux s'étaient assemblés quelques personnes de la foule, ainsi que le Conseiller Artael Markios. Ce dernier s'en venait des quartiers résidentiels, après une promenade.

— Il est triste de constater que tu n'apprendras jamais à te conduire comme un gentilhomme, Troyd, dit le conseiller. Tu ne me laisses pas le choix.

Il s'approcha de la brute qui commençait à se relever.

— La ferme, couillon ! grogna Troyd. Je fais ce qu'il me plaît !

Une fois debout, le jumeau mal élevé essuyait sa tunique en cuir poussiéreuse, toisa son frère et cracha à ses pieds.

— Je ne comprendrai jamais l'acharnement de Père à te garder en dehors des cellules, soupira Artael. Si ça ne tenait qu'à moi, on t'aurait exilé depuis longtemps de nos terres ou bien enfermé au vieux centre pénitencier du nord. Je persiste à croire que ce serait de meilleures solutions.

Cassandra et Derek, ainsi que des gens qui s'étaient approchés, écoutaient la conversation. Ils étaient fascinés par les comportements différents des jumeaux. Il y avait néanmoins quelques traits qui facilitaient la tâche de reconnaître qui était Artael et qui était Troyd.

Artael était toujours vêtu de vêtements simples et légers, il était modeste et poli envers tout le monde. De plus, il se rasait plus souvent et avait une longue chevelure qui lui descendait jusqu'aux hanches, souvent attachée avec un ruban ou un élastique. Ses prétendantes en ville le comparait parfois à un ange. Troyd avait une chevelure plus courte, moins soignée. Il se rasait rarement et était beaucoup plus musclé que son frère. Il avait quelques cicatrices visibles près des bras et des jambes, sur son dos et son torse. Son apparence était beaucoup plus bordélique et endurcie que celle du conseiller, mais ce n'était rien comparé à son comportement misogyne et barbare. Leur visage était probablement la seule chose qui les liait.

Il a encore bu, constata Artael, mentalement.

Troyd avait passé la plupart de la soirée à mettre ses mains là où il ne fallait pas. Évidemment, Artael avait reçu plusieurs plaintes de la part de la gent féminine qui circulait dans les rues. Qui devrait l'arrêter encore une fois ? Lui-même, son jumeau.

Pour l'occasion, le général – et capitaine de la Première Brigade – avait opté pour porter une armure légère en cuir et une longue cape rouge. Il dévoilait fièrement sa crinière monstrueuse, sans se préoccuper de l'avis des gens. Il faisait pitié à voir.

— Dégage de ma vue, Artie... ordonna l'ivrogne.

— Il faudra me passer sur le corps, répliqua sèchement Artael.

Le conseiller se préparait déjà à un assaut frontal de la part de son aîné.

— Tu vas te taire oui ?! Dégage !

Comme prévu, Troyd fonça en direction de son frère tel un taureau. Le conseiller se tassa et fit trébucher son jumeau avant de faire apparaître des chaînes magiques dorées. Il utilisa celles-ci pour encercler et attacher tous les membres du corps de son frère. Le reste des chaînes étaient assez longues pour tirer ce monstre derrière lui. Ce sortilège, d'une lueur étincelante, rappelait à Cassandra que le frère de Nash était un puissant magicien aux services pour la république. Elle comprenait enfin pourquoi Luna l'admirait tant. Sans doute qu'elle-même pourrait apprendre beaucoup de choses à ses côtés.

— Détache-moi ! beugla Troyd. Détache-moi tout de suite ou je jure par la déesse que je te tuerai et que j'attacherai ta tête à ma ceinture !

Artael se contenta de lui donner un coup de pied dans la tronche. Troyd perdit connaissance, puis son corps inconscient fut traîné jusqu'au palais avec les chaînes. La foule observa la scène en riant, en se moquant de l'ivrogne inconscient.

Nash, toujours installé près de la fontaine, se sentit recouvert de honte.

Pourquoi faut-il toujours que ces deux-là fassent une scène ? se dit-il.

Il soupira et se souvint que les quadruplés aussi avaient démontré ce genre de comportement bizarre, lorsqu'ils étaient plus jeunes. Flint et Gwen s'étaient souvent disputés pour savoir qui des deux était le plus rapide ou le plus fort en tout. Parfois, ils en étaient venus aux poings et aux morsures, mais cela n'avait jamais duré trop longtemps.

Kyran, aux côtés de Nash, n'en croyait pas ses yeux. Autant était-il surpris que son père se pavane ainsi, autant semblait-il bouleversé que son oncle Troyd ait encore agi comme un imbécile. La fameuse rivalité des frères Markios allait encore causer une controverse pour des jours à venir et cela serait à lui d'encaisser toutes les remarques des conseillers et des habitants de la ville. Il n'avait pas du tout hâte à la prochaine réunion du Conseil. Il secoua la tête, découragé.

Artael monta ensuite les marches du palais, alors qu'il traînait toujours son frère avec son sortilège actif. Quelques soldats étaient revenus des fêtes et s'étaient postés près des portes d'entrée du bâtiment. Le conseiller s'arrêta devant l'entrée et s'adressa à l'un d'entre eux, avec un sourire narquois.

— Mettez mon frère en cellule pour la nuit et veillez à ce qu'il n'en ressorte pas avant d'être complètement sobre, dit-il.

Il leur remit les chaînes magiques. L'un d'eux, éberlué, répondit :

— À v... vos ordres, Monsieur Markios !

— Et si j'étais vous, je lui confisquerais ses armes... On n'est jamais trop prudent.

Kyran de son côté regardait Nash, accablé.

— C'est triste de voir que notre famille n'est connue que pour des controverses de ce genre, tu ne trouves pas ? dit-il déçu. Si ce n'est pas Troyd qui fait des bêtises, c'est Flint ou bien Gwen qui font parler d'eux, ensuite, il y a notre grand-père qui se comporte parfois bizarrement lors des séances du Conseil...

Le capitaine hocha la tête, du même avis que son neveu.

— Il est vrai que toutes les familles du monde ont leur lot de fardeaux à porter, mais la nôtre semble unique en son genre, déclara Nash, une main derrière la tête. Même si nous avons le devoir de protéger notre nation, nous devons aussi nous occuper des épines qui se trouvent dans nos rosiers...

— Cette métaphore colle bien à Troyd, en effet. Je vais te paraître cruel de dire ça, mais parfois je souhaiterais qu'il crève.

— Un jour, peut-être...

Derek avait observé Artael traîner son frère jusqu'au palais, comme tous les autres. Il sortit de ses pensées lorsque la brunette qu'il avait sauvée, attira son attention.

— Je tenais à vous remercier de m'avoir aidé un peu plus tôt, dit-elle.

— Oh... mais ce n'est rien, Miss, répondit le fermier qui rougit. Il s'en est déjà pris à ma sœur plusieurs fois, ce vieux porc ! Il fallait bien que quelqu'un le punisse !

Elle lui sourit et gloussa. Les reflets de la lune faisaient scintiller les oreilles de l'elfe que le jeune fermier remarqua pour la toute première fois depuis qu'il l'avait rencontrée. Sans savoir expliquer pourquoi, Derek ressentit sa poitrine se serrer et une chaleur étrange lui monter jusqu'au visage. Il sourit bêtement.

— Ne soyez pas si timide, mon ami, dit l'elfe. Vous m'avez sauvé la vie. Je vous remercie du plus profond de mon cœur !

— C'est que... marmonna-t-il.

Avant même qu'il ne puisse terminer sa phrase, elle posa un baiser sur sa joue, puis s'éloigna quelques secondes plus tard. Elle se mêla à la foule, tout en le saluant d'une main. Derek resta là pendant un instant, touchant sa joue et cligna des yeux.

Didi, t'as un béguin... se dit-il en imitant la voix de sa sœur dans sa tête.

Puis, le vaillant jeune homme reprit son chemin vers la ferme, alors que Gretta et Misha continuaient à servir leurs clients à leur table. Misaki passa tout près d'elles, épuisée et affamée. La guerrière acheta quelques pommes avant d'aller s'asseoir au bord de la fontaine. Elle avait vu la scène avec Artael et son frère. Elle avait bien ri. Cependant, elle s'en voulait de ne pas avoir trouvé d'autres salles dont elle aurait pu se servir pour les plans de la rébellion. Misaki se dit qu'elle n'avait pas assez cherché, mais elle était trop fatiguée pour ce soir. Les sous-sols étaient remplis de portes, qui menaient à d'autres salles. Si elle n'avait pas eu peur de se faire coincer par les gardes, elle aurait continué ses recherches. Elle comptait reprendre tout ça, le jour suivant, mais plus tard dans la soirée.

Misaki avait aussi croisé Shayne qui entraînait Gabriel à se battre, un peu plus tôt. Elle avait vu Flint qui les observait. Elle avait discuté un peu avec eux, afin de leur faire croire qu'elle s'amusait bien aux festivités. Mais elle avait pu lire le doute sur le visage de Flint qui n'était pas facile à convaincre.

Elle se devait d'améliorer ses mensonges, car plus le temps avançait, plus elle se sentait en danger avec les membres de sa brigade. Elle était consciente qu'elle ne faisait pas assez d'efforts pour discuter avec eux et cela lui nuirait tôt ou tard. Toutefois, elle aimait bien la présence de Shayne, car il lui rappelait beaucoup son grand-père d'adoption : l'homme qui lui avait tout appris en ce qui concerne les arts martiaux. Elle commençait à s'ennuyer de sa vie d'avant.

Comme le vieil homme qui était resté sur son île, Shayne était strict, autoritaire et sage. Aussi, il en savait beaucoup sur les armes et l'art de combattre ses adversaires. Si Shayne ne travaillait pas pour le Conseil en ce moment, elle se dit qu'il aurait très bien pu rejoindre l'alliance des rebelles pour une jolie somme d'argents. Daichi possédait des fonds assez élevés pour recruter des mercenaires dans leurs rangs. Elle se dit qu'il serait probablement une bonne idée de ne pas se mettre cet homme à dos. Il faudrait donc qu'elle redouble de prudence, si elle souhaitait préserver sa place dans la brigade et s'assurer que les plans de son organisation puissent avancer.

Elle n'avait pas remarqué la présence de Luna, lorsque cette dernière l'avait suivie un peu plus tôt. Pourtant, elle avait entendu un miaulement de chat depuis les buissons, dont la voix lui avait semblé familière. Soit il s'agissait d'un véritable chat, soit quelqu'un l'avait suivie durant ses recherches. Elle n'avait pas été assez prudente.

Lorsqu'elle eut terminé de manger sa deuxième pomme, elle choisit de garder les autres pour une autre fois. Elle prit donc son panier, alla jeter ce qui lui restait des trognons et se dirigea vers l'auberge, où elle s'était payée une chambre pour quelque temps. Misaki avait eu la chance de faire quelques arrangements avec l'aubergiste, afin de lui laisser quelques versements pour les semaines à venir. Elle pourrait garder cette chambre aussi longtemps qu'elle remplirait sa part du marché.

Quand elle entra dans l'auberge, elle croisa l'une des servantes qui travaillaient au palais, tous les jours. La petite demoiselle aux allures d'une poupée en porcelaine lui sourit, puis descendit les marches de l'escalier avant d'aller rejoindre la foule de gens qui fêtaient toujours harmonieusement. Elle avait de courts cheveux noirs relevés en arrière, avec une épingle et une coiffe coquette en dentelles qui lui servait de couvre-chef. Sa robe de travail noire et blanche était faite de soie. La petite dame ne fêtait pas, contrairement aux autres. Elle avait d'autres tâches à accomplir avant d'aller se coucher. Elle croisa le regard de Kyran Markios. Elle lui sourit, puis se dirigea au palais tout en chantonnant un petit air.

— Narcissa, ne devriez-vous pas vous reposer un peu ? lança Kyran. Ça fait maintenant depuis sept heures, ce matin, que vous travaillez sans relâche. Je vous en prie, allez dormir un peu. Demain nous vous donnerons congé.

Il s'approcha de la servante, inquiet.

— Oh, ne vous en faites pas pour moi, Monsieur Markios ! s'exclama-t-elle, avant de se retourner. Je n'ai pas sommeil et j'adore rendre service aux gens du palais.

— J'insiste. Je ne voudrais pas que vous vous surmeniez.

— Merci beaucoup de votre délicate attention. J'essaierai de prendre quelques pauses avant d'aller me coucher. J'ai encore des vêtements à laver pour les servantes et le plancher du rez-de-chaussée à laver.

— Laissez ces tâches à d'autres domestiques ! Vous avez terminé votre chiffre de travail depuis l'heure du souper...

— Oh, mais je fais tout ça bénévolement, vous savez ?

— Je sais, mais... Bon, ça va, vous avez gagné. Faites quand même attention à votre santé, je vous prie. Vous êtes l'une de nos meilleures femmes de ménage après tout. Nous ne voudrions pas vous perdre.

— Vous êtes trop bon pour moi, Monsieur Markios.

Elle lui sourit, cligna de ses yeux dorés, puis repris la route vers le palais sans arrêter de chanter son petit air. Kyran retourna auprès de son oncle, inquiet pour la servante. Narcissa ne détourna même pas son attention à l'entraînement robuste de Shayne et Gabriel – le gros homme barbu criait, horrifié alors que le vampire critiquait chaque mouvement de son adversaire poltron. Cette servante semblait vivre dans son petit monde, pendant qu'elle montait les marches du palais, une par une.

Une fois à l'intérieur du bâtiment, Narcissa se rendit à la salle des domestiques et prépara un seau d'eau et une serpillière. Il lui manquait du savon, alors elle décida d'aller en chercher dans le placard à balai.

Mais lorsqu'elle ouvrit la portière, un cadavre dégoulinant de sang s'écroula à ses pieds. Cela lui prit un instant avant de reconnaître le corps inanimé de Marcus Doyle. Il avait un couteau planté dans le dos.

— OH ATHÉNA !!! À L'AIIIIIIIIIIIIIIDE !!!

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