136. La boîte de Pandore

Quelques minutes après avoir cherché son fils, Artael retrouva Flint dans la salle des archives de la bibliothèque. Le jeune homme recherchait des informations. Curieux, le mage s'approcha de ce dernier.

— Tu es parti très vite des cachots, dit ce dernier. Que cherches-tu ?

— L'objet dont Satan nous a parlé, la boîte de Pandore. Je crois qu'elle est quelque part dans ce château. J'ai entendu parler de cette légende à bord du Célestia. Maman en discutait avec Thanatos et Hypnos. Je m'en souviens très bien parce qu'ils parlaient de ce truc, le jour où Perséphone lui a avoué que nos pertes de mémoires dans la simulation étaient entièrement sa faute.

— Et c'est quoi le lien entre la simulation et la boîte de Pandore ?

— Ils ont fait un parallèle au moment où les démons et le chaos a attaqué la ville virtuelle et Thanatos a mentionné la fameuse boîte, parce qu'elle contenait autrefois les maux de l'humanité. Moi, j'étais assis dans un coin du réfectoire et je mangeais un morceau de tarte. Je n'ai pas voulu intervenir dans leur conversation.

— Ce n'est qu'un mythe, tu sais ? Il y a de fortes chances que c'était une métaphore, ce qu'a dit Satan. Mais j'imagine que...

Flint plaça un lourd manuscrit devant son père et pointa son doigt sur l'image d'une jarre. À côté de celle-ci, on pouvait lire les mots : boîte de Pandore. Artael, incrédule, vérifia la couverture du livre. Il était inscrit : Reliques Olympiennes, Volume IV – Encyclopédie.

— Tu disais ? répliqua son fils avec un sourire en coin.

— Eh bah... Nous allons devoir attendre que le diable se réveille pour en avoir le cœur net, parce que je m'attendais à tout sauf ça.

Flint traîna le livre vers lui et lut à voix haute :

D'après le poète Hésiode, la boîte de Pandore était un présent du tout premier Zeus qui voulut se venger quand le titan Prométhée vola les flammes sacrées du Saint Royaume, afin de les offrir aux mortels. Le Roi de l'Olympe envoya une jeune demoiselle, Pandore, créé par Héphaïstos – 1ᵉʳ du nom – chez Épiméthée, le frère de Prométhée. Pandore ouvrit la jarre qu'on lui avait reléguée et de celle-ci sortit la mort, la maladie et de nombreuses calamités qui se sont répandues dans le monde des Hommes. Bien qu'elle ait refermé cette dernière rapidement, un élément important resta coincée à l'intérieur : l'espérance, aussi connu sous le nom d'espoir. On raconte que la jarre a été enterrée avec Pandore, à sa mort, dans les Champs Élysées. L'objet que vous voyez sur cette photo est une jarre ressemblant étrangement à une boîte, ce qui lui a valu son nom.

— Les Champs Élysées, c'est le vieux nom que l'on donnait à Élysia, déclara Nash, qui venait d'entrer dans la pièce. C'était, il y a de cela, de nombreux millénaires.

Le capitaine lâcha le manuscrit et se tourna vers son oncle.

— Je sais que c'est tiré par les cheveux, comme requête, mais j'aimerais pouvoir déterrer cette fameuse boîte de Pandore.

— D'abord, il faudrait trouver la tombe de cette femme. Je ne sais pas si ses ossements ont été déplacés au Jardin d'Éden... Il faudra vérifier avec celles et ceux qui s'occupent de veiller sur les défunts.

Artael claqua des doigts devant son fils afin d'attirer l'attention vers lui.

— Flint, j'ai conscience que tu essaies de nous rendre service, mais explique-moi en quoi cette boîte pourrait nous aider. Qu'espères-tu y trouver ?

— L'espérance, bien sûr ! Je ne saurais vous dire pourquoi, mais je crois que cette jarre serait aussi un noyau de création. Sinon, comment expliquez-vous ce qu'elle a été capable d'infliger, contre les ennemis des premiers dieux ?

Nash était tout aussi surprise que son frère. Lui-même n'aurait pas réfléchi à une idée aussi stupide... ou était-elle brillante ? Si le noyau qu'il avait trouvé au centre du monde était sur le point de se briser, il leur restait peut-être une dernière chance de sauver le Saint Royaume. Celui-ci s'approcha un peu plus de Flint.

— Donc... si ta théorie tient la route, nous aurions un deuxième noyau inactif, toujours en état de fonctionner, sous nos yeux. C'est ce que tu es en train de nous dire, n'est-ce pas ?

— Bingo ! Fouille dans les souvenirs de Zeus, dans ta tête. Il saura sûrement te guider jusqu'à cette fameuse boîte.

— Tu parles d'un Deus Ex Machina... soupira le châtain. Si tout cela est vrai, ça changerait tout. Satan aura perdu cette guerre...

Flint fit quelques pas vers son oncle, prit ses mains et le fixa avec détermination. Ensuite, il prit une grande respiration et supplia :

— Grand-Papa Zeus, si tu es là-dedans, viens nous aider !

Nash cligna des yeux, éberlué. Il pencha la tête d'un côté.

— Je suis désolé Flint, mais ça ne fonctionne pas comme ça, formula-t-il.

— Ça valait la peine d'essayer, soupira Flint, avant de hausser les épaules.

Artael, découragé, se recouvrit le visage. Ils avaient besoin de repos, après cette longue matinée. Cependant, le capitaine ne comptait pas abandonner ses amis, ni sa famille, à une mort absolue. Il sortit rapidement de la salle des archives de la bibliothèque et fila en dehors du palais, avec une impatience hallucinante. Il faillit percuter un garde qui se tenait à l'entrée principale et se dirigea vers une grange à laquelle il ramassa une pelle.

Pendant ce temps, Nash continuait de discuter avec son frère.

— Pour en revenir à notre conversation du mois dernier, je commence de plus en plus à reconnaître Athéna, quand il nous parle, formula-t-il.

— C'est vrai, répondit le mage. Quand elle avait une idée derrière la tête, rien ne l'arrêtait. Il est pareil. J'ai l'impression qu'elle se manifeste à travers lui.

— Possible. Mais je me dis aussi qu'il était plus attaché à elle qu'il n'ose nous le dire.

— Il va parfois lui rendre visite à sa tombe, mais il passe beaucoup plus de temps à réciter des prières ou bien bavarder avec celle de Lucas.

Artael eut une pensée pour son défunt fils, il ressentit son cœur se serrer et se dit qu'il valait mieux changer de sujet. Il n'avait pas envie de pleurer. Il pleurait rarement en public et encore moins devant son frère, ni ses enfants.

— J'ai... J'ai besoin d'être seul, un moment, dit-il à Nash. J'espère que tu comprends.

Il le contourna, tête basse. Nash lui accorda cette requête. Lui-même était curieux d'en apprendre plus sur la fameuse boîte de Pandore, alors il décida de relire l'article que Flint avait déniché dans le manuscrit.

Mais où va-t-il chercher toutes ses idées, lui ? songea-t-il. Il me surprendra toujours. Mmm... tiens donc... Voilà qui est intéressant...

En bas de la description, il vit un texte en petits caractères. Cette écriture à pattes de mouches, il l'avait souvent vu par le passé, car elle appartenait à Athéna.

Mm ? Je ne me souviens pas avoir vu ça, quelques minutes plus tôt, pensa-t-il. Qu'est-ce que ça dit ? Ça me prendrait une loupe. Oh ! Je sais. Je vais demander de l'aide à Cassandra, puisque sa vision est excellente.

Il ramassa donc le tome ancien et l'emporta avec lui, à l'extérieur de la bibliothèque. Rares étaient les personnes qui y venaient, depuis la fin de la guerre, mais Luna s'en occupait pour passer le temps. La magicienne ne s'y trouvait pas en cet instant, mais si ce fut le cas, il aurait pu lui demander de déchiffrer ces lettres.

Une fois sorti au couloir, Nash croisa Gabriel qui remontait des donjons. Celui-ci avait passé les dernières minutes à veiller sur la cellule du diable, pendant qu'on était venu ramasser le corps de Jack. De nouveaux gardes remplaçaient ceux d'avant, afin de s'assurer que leur ennemi ne sorte pas des cachots. Le colosse vit Nash et le salua d'un signe de tête. L'ancien brigadier le rejoignit à mi-chemin entre la porte d'entrée et un autre couloir qui menait aux cuisines du château.

— Où vas-tu avec ça ? demanda Gabriel qui pointa le manuscrit.

— C'est pour Cassandra. Saurais-tu où elle se trouve ?

— Elle est retournée à l'infirmerie après les récentes nouvelles. Elle ne se sentait pas bien. Pourquoi ? De quoi avez-vous parlé... ?

Nash ne savait pas si c'était le bon moment pour lui révéler l'hypothèse de Flint, mais lui dit simplement :

— Je crois que tu devrais aller voir Flint au cimetière d'Élysia. Il te dira tout.

— Mais que fait-il là ?

Nash n'avait pas vraiment le temps de lui répondre. Pour lui, il était primordial de comprendre l'écriture d'Athéna. Il salua donc Gabriel, sans plus attendre, et partit en coup de vent. Éberlué, ce dernier se gratta la tête.

— Tout le monde est à cran depuis tantôt... marmonna-t-il pour lui-même.

En même temps, Gabriel ne pouvait blâmer personne, puisque dans sept jours, ils allaient tous disparaître. Il essayait néanmoins de garder son sang-froid. Il était sûr que tous ensemble, ils réussiraient à trouver une solution, à cet obstacle. Il avait foi en son équipe et en son mari. Au plus profond de lui, il n'y avait rien à leur épreuve.

Seulement, il y eut une pensée pour ses projets personnels. Il aurait cru, à la fin de cette guerre, qu'il aurait pu commencer à se préparer pour une éventuelle grossesse. Il s'était imaginé plusieurs fois aux côtés de Flint, et peut-être même Scottie et Wyatt, en train de décorer la chambre du bébé à naître. Il passa une main en ce moment même, sur son bedon, alors qu'il imaginait un fils, ou bien une fille, qui aurait commencé à grandir en lui. Une larme coula le long de sa joue, qu'il essuya aussitôt.

Ça ne sert à rien de penser à tout ça maintenant... songea-t-il. Rien ne nous dit que nos nouveaux amants resteront dans le portrait, si on décide d'agrandir notre famille... Mais bon, ils n'ont pas l'air d'être contre cette idée, pour les quelques fois qu'on en a discuté. De toute manière, je suis certain qu'ils vont sûrement devenir très occupés si jamais Kylie devait porter l'enfant de Wyatt en elle. Cela voudrait dire que nous allons nous ramasser avec au moins deux nouveaux bébés dans la famille Markios, en plus du petit Randy...

Bien qu'il ait commencé à perdre un peu de poids, comme le lui avait demandé Cassandra ; il n'avait toujours pas eu le courage d'avouer à tous ses amis qu'il souhaitait renouer avec son incarnation du passé et de se faire féconder par Flint. La mort de Lucas ne l'avait pas aidé. Tout cela n'avait fait que l'enfoncer dans son mutisme. La petite voix dans sa tête ne s'arrêtait jamais. Elle lui disait à quel point il serait plus heureux, une fois qu'il aurait accompli son rêve d'enfanter, pour la toute première fois.

— De toute façon, je peux très bien adopter des orphelins de guerre qui ont perdu leurs parents au néant... se dit-il tout bas.

Il n'aurait pas besoin de modifier le bas de son corps. Mais cela n'effaçait pas le désir profond qu'il avait de comprendre ce système en bas du corps, normalement associé au sexe féminin et à l'ancien Gabriel. Peut-être était-ce mieux ainsi ? Non. Il secoua la tête. Il était déterminé, plus que jamais, à ce que Flint et lui donnent naissance à un bébé.

Il prit donc son courage à deux mains et sortit du château, pour ensuite se diriger vers le cimetière, où il espérait y trouver Flint. Il vit ce dernier, en train de creuser près d'une vieille pierre tombale, alors que quelques villageois criaient scandale et hurlaient pour qu'il laisse celle-ci tranquille. Shayne avait dû intervenir et empêcher ces derniers de s'en approcher. Gabriel remarqua aussi que Misaki était sur place et qu'elle assistait Flint avec sa magie de la terre.

Finalement, ils découvrirent un vieux cercueil en bois, décomposé avec les années. Ils soulevèrent ce qui restait du couvercle et virent de vieux ossements, ceux d'une femme qui tenait entre ses mains, une jarre noire avec des symboles que ni Flint, ni Misaki ne reconnaissaient. Un citoyen se montra violent ; Shayne dut l'arrêter avec un coup sec dans le ventre, afin de lui couper son souffle.

— Circulez ! ordonna le général. Ces ossements sont déterrés pour une question de vie ou de mort. Vous connaîtrez les raisons plus tard !

— Nous sommes des citoyens de cette ville, nous avons droit de savoir tout ça maintenant ! hurla une vieille dame grincheuse, qui leva sa canne en l'air.

— Ce n'est ni le moment de créer une émeute ou de vous en remettre à la violence, insista Shayne. Nous venons d'apprendre une terrible nouvelle de la bouche de notre prisonnier. Votre président et son équipe sont en train de gérer la crise de leur mieux.

— Ouais, mais pourquoi déterrez-vous la tombe de Pandore ? Que voulez-vous faire avec sa boîte ? Dans mon jeune temps, il nous était formellement interdit de s'approcher de cette partie du cimetière, jeune homme !

— Hélas, tous les dieux qui s'occupaient jadis de ce monde sont morts durant la guerre et les autres ont élu un nouveau chef jusqu'à ce que des élections aient lieu. Pour le moment, tout ce que je vous demande, c'est de nous faire confiance !

— Pfft ! Vous me dégoûtez...

La vieille dame fit demi-tour et retourna chez elle, comme la plupart des citoyens, venus manifester leur mécontentement. Shayne réalisait que ce que Flint et Misaki avaient fait, était un acte immoral, mais si cela pouvait servir à leur cause, qui était-il pour les en empêcher ? La guerrière albinos et lui avaient croisé le capitaine de la Septième Brigade, alors qu'il sortait de la grange avec sa pelle. Il leur avait expliqué par la suite ce qu'il avait découvert, ou plutôt ce qu'il pensait être un noyau de création dormant.

— C'est une jarre... ? questionna Misaki, confuse.

— Oui, mais c'est aussi une boîte, déclara Flint.

Il baissa son regard vers les ossements de Pandore et retira délicatement le bras gauche du squelette, ainsi que le bras droit. Autour de la défunte, il y avait des pierres précieuses, ainsi que des restes de vêtements qui avaient été rongés par les termites, comme le reste de la tombe. Ce cercueil empestait la poussière, ainsi que la moisissure.

— Je suis désolé, Pandore, mais votre boîte pourrait nous sauver la vie... dit Flint en s'adressant aux ossements. Je vous la ramènerai lorsque nous n'en aurons plus besoin.

— Je ne crois pas qu'elle puisse t'entendre, remarqua Misaki.

— Possible. Après tout, les gens qu'on enterre ici, ne sont pas réincarnés.

— Était-elle une criminelle ?

— Je ne crois pas... mais le premier Zeus s'en est servi comme une arme de guerre, afin de punir les premiers humains, qui sont par la suite devenus des démons... si on en croit les dires de Satan.

Shayne, curieux, observa le jeune homme alors qu'il sortait du trou où il avait ramassé la jarre poussiéreuse. Il l'aida à se relever.

— D'où t'es venu une idée pareille ? demanda-t-il avant de pointer l'objet.

— J'ai lu ça dans un livre que j'ai trouvé, quelques semaines plus tôt.

— Eh bah. Je ne savais pas que tu aimais lire.

Pendant ce temps, Gabriel arriva au cimetière. Il n'avait pas de bonnes oreilles, mais avait quand même entendu quelques mots de ses camarades et de son mari. Il afficha un air inquiet à Flint qui lui sourit bêtement.

— Mais dans quel pétrin tu t'es encore fourré, mon lapinou ? formula le colosse.

— Tu me remercieras peut-être lorsqu'on aura ouvert cette jarre. Il s'agit de notre issue de sortie, d'après moi. Mais il n'y a qu'un problème...

Flint tenta d'enlever le couvercle de la jarre, hélas celui-ci demeurait coincé.

— Je crois que seul Pandore pouvait l'ouvrir et malheureusement, elle n'est plus avec nous. Il faudra qu'on consulte nos mages.

Embêté, Gabriel grogna :

— Mais allez-vous me dire ce qui se passe à la fin ?

— On croit qu'il s'agit d'un noyau, expliqua Flint.

Son mari cliqua des yeux rapidement. Son expression passa rapidement de la frustration, à l'émerveillement.

Voilà pourquoi Nash avait l'air inquiet, un peu plus tôt, pensa-t-il.

Il se passa ensuite une main dans la barbe avant de ronchonner :

— Vous m'avez fait peur, bon sang ! Par contre, comment se fait-il que les démons ne l'aient pas détecté, si c'est bien le cas ?

— Parce que c'est un noyau endormi, voilà tout, expliqua Flint. Si c'est bel et bien le cas, en tout cas. S'il existe vraiment, nous allons pouvoir nous en servir et sauver ce monde. Nous n'aurons plus à fuir.

Gabriel leva son regard au ciel et mit ses mains derrière la tête. Ensuite, il soupira de soulagement. La dernière chose qu'il voulait était de mourir une deuxième fois. Finalement, il avait eu raison de croire en Flint et ses amis.

¤*¤*¤

Vers la fin de l'après-midi, Flint, Cassandra et Luna étaient rassemblés à la bibliothèque. Le capitaine essayait d'ouvrir la boîte avec le bout non tranchant de son épée, mais n'y arrivait pas. Pendant ce temps, la guérisseuse et la magicienne essayaient de comprendre les symboles écrits dans l'encyclopédie que leur avait montré Nash, un peu plus tôt. Cassandra lisait dans le manuscrit en question, alors que Luna consultait un vieux dictionnaire sur la langue grecque classique.

— Je ne sais pas, marmonna cette dernière. Je n'arrive pas à déterminer les sons... kata... stré... psei ? Apo... kaly... psei ? Je détecte aussi deux fois le mot 'na' et une fois 'gia'.

— Ça ressemble à apocalypse et catastrophe, tout ça, répondit Flint, qui fit une grimace.

— Comme toutes les langues, je suis certaine qu'il doit y avoir un double sens à tout ça. Accorde-moi le temps de faire un peu plus de recherches et peut-être que je comprendrais ce que ça signifie. Ça te va ?

Flint haussa les épaules. Il n'avait rien d'autre à faire, ce jour-là. Son père lui avait donné congé pour qu'il puisse aider Cassandra et Luna à résoudre cette énigme. Finalement, il choisit de rester dans la bibliothèque et aider la magicienne avec un autre dictionnaire. À trois, ils finiraient bien par trouver un sens à cette phrase.

¤*¤*¤

Une heure plus tard, le président raconta tout ce qu'il avait appris, ce jour-là, aux membres du Conseil. Rapidement, la panique surgit dans la salle où avait eu lieu cette réunion, mais leur supérieur direct réussit à les calmer. Il leur rappela que son fils faisait de son mieux pour comprendre le message codé qu'Athéna leur avait laissé. Plusieurs d'entre eux n'avaient jamais vu ces symboles de leur vie, et s'étaient habitués aux lettres modernes. D'autres n'avaient que des connaissances basiques de la langue grecque.

— Quelle bande d'imbéciles, nous sommes ! tonna Hercule avant de se taper le front. Nos ancêtres auraient honte de ce que nous sommes devenus !

— Allons, ne dis pas ça Herc', répliqua Artémis. C'est le Conclave qui en avait décidé ainsi, afin que l'on s'adapte aux nouvelles sociétés.

— Non, mais te rends-tu compte ? Du grec classique et nous ne sommes même pas capables de comprendre ce que ça signifie ! Zeus doit se retourner dans sa tombe...

Nash, qui assistait à cette réunion, en tant qu'invité d'honneur, leva sa main.

— En fait... Zeus et ses précédentes incarnations sont toutes en moi... avoua-t-il. Mais bon ! Ils comprennent aussi pourquoi ces décisions ont été prises. La plupart de vos prédécesseurs trouvaient certaines prononciations difficiles, alors ils ont appris d'autres formes d'écritures. Même moi, je n'ai pas été capable de déchiffrer ces mots.

— Dans ce cas, qui le pourra, si les anciens Zeus ne peuvent même pas t'aider ?

— Il ne faut pas sous-estimer Luna. C'est la jeune femme la plus brillante que je connaisse. Sans elle, nos amis n'auraient pas survécu aux nombreuses années passées à Célestia. Athéna l'a formée, pour ainsi dire, à devenir une bonne remplaçante.

Apollon, assis à côté de sa sœur, se pencha vers Nash.

— Alors, pourquoi ne pas lui transmettre son titre, puisque Athéna n'est plus des nôtres ?

— Parce que Luna l'a déjà refusé, répliqua le général. Elle n'est pas intéressée aux politiques du Saint Royaume, mais à l'intelligence et à la sorcellerie.

— Sarah serait plutôt celle qui devrait la remplacer, proposa Artael. Mais je ne pense pas que ce soit une bonne idée. Elle a encore de la difficulté à accepter qu'elle soit sa fille.

— Pfft... ça fait pourtant un mois, non ? commenta Artémis.

Le président allait lui répondre, quand la porte de la salle du Conseil s'ouvrit rapidement avec un Flint Markios complètement essoufflé. Ce dernier tenait toujours la jarre entre l'un de ses bras et s'approcha rapidement de la table ronde, où la vingtaine de dieux étaient rassemblés. Ils se tournèrent tous vers lui.

— Flint ? demanda son père. Que se passe-t-il ?

— Luna a trouvé la réponse, dit celui-ci, après avoir repris son souffle. L'expression employée par Athéna était en fait un jeu de mots. Notre amie a conclu que ça voulait dire : briser pour révéler.

Plusieurs divinités présentes dans la pièce s'observèrent, confuses par cette phrase.

— Briser quoi ? interrogea Hercule, interloqué.

— Ceci, quoi d'autre ? expliqua Flint qui souleva la jarre. Maman voulait que l'on brise la boîte de Pandore afin de révéler quelque chose d'important !

Il y eut des halètements, des cris de surprise ou de peur ici et là, mais Artael et Nash furent les seuls à prendre le capitaine avec sérieux. Si Athéna avait écrit cette instruction, c'était parce que cette jarre l'intriguait.

— Ce serait un sacrilège que de détruire une relique aussi importante de notre passé ! déclara Apollon qui se leva de son banc. Cette pièce mériterait de finir dans un musée et non en pièces ! Je suis contre cette idée.

— Je pense la même chose, dit sa sœur, à ses côtés.

— Merci Artémis. Si nos ancêtres l'ont placé entre les mains de Pandore, c'était pour respecter ce qu'elle avait fait pour nous, pas pour s'en moquer. Cette jarre ne doit surtout pas être détruite ! Vous devez trouver un autre moyen de récolter ce que vous cherchez !

Flint roula des yeux et posa l'objet magique sur la table.

— Alors quoi ? fit ce dernier en gesticulant une main en l'air. On essaie de faire venir un sorcier puissant, autre qu'Apollon qui ne souhaite pas détruire cette œuvre d'art, pour extraire le noyau ? Je vous rappelle que nous ne sommes plus que quelques centaines de personnes à habiter cette planète et très peu d'entre nous sont formés pour être de bons sorciers. Nos ressources sont de plus en plus limitées et nous allons tous crever d'ici à une semaine, si nous ne trouvons pas un moyen de réparer les portails plus vite. Nous devons prendre ce risque ou bien, on peut laisser le néant nous bouffer. À vous de voir.

Apollon était sur le point de crier scandale, mais un autre dieu se leva à son tour, à la gauche de cette table. Il s'agissait d'un homme avec une peau de loup qui lui couvrait la tête, ainsi que le dos. Ce dernier représentait une faction mineure. Il avait bravement combattu aux côtés des olympiens, lors de cette guerre.

— Si briser jarre, il faut, moi d'accord, dit-il. Moi, vouloir paix.

Flint était surpris d'entendre cet homme parler avec ce genre de dialecte. Il ne semblait pas maîtriser leur langue, mais au moins, il se rangeait de leur côté.

— Très bien Fenrir, déclara Artael. Ton vote est pris en considération.

— Fenrir ? formula alors le capitaine. N'était-ce pas un membre des dieux scandinaves ? Je croyais que Scottie et Kylie étaient les derniers.

Apollon poussa un long soupir, suite aux paroles de Flint. Sa relation avec son neveu et sa nièce ne semblait pas s'améliorer. Il refusait absolument de s'en approcher depuis qu'ils étaient revenus au Saint Royaume.

D'ailleurs, le capitaine de la Septième Brigade avait appris qu'il était le jeune frère du jumeau d'Artémis, l'Appolon précédent qui avait été un modèle pour lui. Alors que Flint repensait à tout cela, la déesse chasseuse reprocha à son frère d'être impoli envers le Conseil et lui donna d'un coup de poing sur le bras. Il gémit de douleur.

Fenrir se tourna vers Flint et répondit :

— Effectivement. Moi, avoir nom de dieu scandinave. Mais moi, pas dieu scandinave.

Flint cligna des yeux. Il était curieux d'en apprendre plus sur cet homme mystérieux, mais il vit bientôt d'autres dieux et déesses, qui se levèrent afin de manifester leur décision. Finalement, de tous les vingt conseillers présents dans cette pièce, seulement quatre votèrent contre la destruction de la jarre. Les autres avaient tous décidé de la briser.

— C'est un très grand manque de respect envers nos ancêtres ! s'exclama Apollon, indigné. Mais bon... puisque la majorité a voté pour ce crime contre l'art, je vais m'en remettre à votre décision...

Il se rassit et frotta le bras que sa sœur venait de frapper, un instant plus tôt. Il boudait.

Artémis ne semblait pas plus offensée que ça. Elle haussa les épaules et dit :

— De mon côté, bien que ça ne me mette pas à l'aise, je vais me fier à votre instinct, Artael. J'espère au moins que vous savez ce que vous faites.

— Ce n'est pas à moi qu'il faut dire ça, mais à mon fils, rétorqua le président.

Il se tourna vers Flint et le montra d'un geste de la main.

— N'est-ce pas, Capitaine Markios ? indiqua-t-il.

Flint opina du chef et posa son regard sur la jarre.

— Voilà ce que je propose, conseillers, formula ce dernier. Je vais ouvrir cette jarre loin du château, près d'une surface plate. Nul ne sait ce qu'il en sortira, s'il y a effectivement un noyau de création ou non. Tout ce que je sais, c'est qu'il y a une petite voix dans ma tête, qu'on appelle l'instinct. Elle me dit qu'il faut absolument découvrir ce qu'elle contient.

Il se racla la gorge avant de poursuivre :

— Je compte emmener avec moi, tous les membres de la Septième Brigade, mon oncle Nash ainsi que mon père. Mon frère et ma sœur seront aussi de la partie. Est-ce que ça vous va, Mesdames ? Messieurs ?

Les divinités s'échangèrent tous des regards afin de hocher leurs têtes, respectivement.

— Très bien, déclara Artael avant de taper sur la table avec son maillet de juge. Puisque la décision sur la boîte de Pandore a été prise, je demanderais au Capitaine Markios de quitter l'audience, afin que nous puissions poursuivre à la sentence accélérée de Satan. Soldats ? Allez chercher l'accusé... mais n'oubliez pas de le restreindre. Il est imprévisible...

Kyran, installé à côté de son père, soupira de soulagement. Il n'avait rien dit de toute la réunion, car il était préoccupé par le sort de ce monde, ainsi que de tous ses habitants. Pour l'une des rares fois depuis des jours, il n'arrivait pas à débattre avec qui que ce soit dans cette pièce, parce qu'il était épuisé de toujours avoir peur de disparaître dans le néant. Seulement, Flint était en train de lui redonner un peu d'espoir.

Flint s'inclina devant tout le monde et sortit de la pièce, avec la jarre. Il croisa le regard de deux gardes, complètement terrifiés. Il n'aurait pas aimé être à leur place. La simple idée de se retrouver dans la même pièce que Satan, lui donnait une nausée.

¤*¤*¤

Une heure après le souper, le capitaine de la Septième Brigade et ses compagnons prirent des calèches pour se rendre à l'est du château. Finalement, ils arrivèrent près d'un vaste jardin de fleurs où Athéna avait l'habitude de se promener. Cette surface lui avait été recommandée par Nash, qui s'y était parfois rendu avec elle en tant que protecteur.

— Enfin venu l'heure de vérité... se dit Flint qui posa la jarre sur la plus grosse pierre qu'il trouva, dont la surface était aplatie. On procède comment, d'après vous ?

— As-tu besoin de ma hache ? proposa Gabriel.

— On doit briser la jarre, pas ce qu'elle contient... Avec ta puissance étonnante, on risque de briser le noyau.

Le colosse rougit et rigola timidement. Il recula et voulut se cacher derrière les autres. Malgré cela, le capitaine était content de sa présence.

— Essayons avec de la magie, peut-être ? proposa Kyran. Quelques sorts mineurs devraient suffire. Un éclair par-ci, une onde de choc par là...

— On peut toujours essayer, ajouta Luna. Wyatt ? À toi l'honneur.

Le mage ne s'était pas du tout attendu à ce que sa collègue le nomme pour la tâche.

— Mais euh... Ce n'est même pas moi qui ai eu cette idée !

— J'aime mieux que tu nous serves de cobaye, mon pote.

Elle lui fit une petite tape amicale sur l'épaule, avant de le pousser en direction de la jarre. Scottie ne trouvait pas cela marrant, même si sa sœur riait aux éclats.

— Allons, Wyatt, râla Luna. Finissons-en qu'on puisse enfin passer à autre chose.

Pendant que son meilleur ami se débattait avec les autres pour ne pas passer en premier, Nash discutait avec Artael, un peu plus loin.

— Finalement, Satan ne nous a pas causé autant de problèmes que je l'aurais imaginé pour sa sentence, dit Nash. Il a suivi les gardes sans leur faire de mal.

— Tu as bien fait de les suivre, répliqua le président. Encore une fois, merci de l'avoir exécuté. J'étais trop épuisé pour lancer un sort aussi puissant.

— Pas de quoi, grand frère. Bizarrement, il a accepté son châtiment. J'aurais cru qu'il aurait tenté de nous massacrer, à la dernière minute... Mais rien.

— Bah, en même temps, il était convaincu que ce monde est destiné à mourir... Peut-être était-ce une bonne chose ? Nous n'aurons plus à l'endurer pour les jours à venir.

Nash haussa les épaules, et se frotta le menton. Il détourna cependant son attention vers Wyatt. Ce dernier venait de lancer un pic de glace dans la jarre. Il se recroquevilla en vitesse, car il avait peur d'avoir déclenché une bombe. À la grande surprise de tous, la boîte de Pandore était toujours intacte.

— Mais elle est construite avec quoi, cette jarre ? s'exprima Kylie qui s'en approcha.

Elle fit apparaître une épée dans sa main droite et prit une grande respiration avant de donner un coup sec avec le bout non tranchant de sa lame. Son épée lui échappa des mains, alors que l'objet magique roula sous ses pieds. Scottie Sanders tenta de le soulever dans les airs avec des ronces qu'il fit apparaître du sol, pour ensuite l'écraser dans la terre. Encore une fois, même résultat. Misaki fut la suivante avec une série de pics rocheux. Toujours, aucun résultat. Flint secoua la tête, déçu.

— Rien à faire, soupira la guerrière albinos. Cette boîte est indestructible.

— Tu crois ça, hein ? grommela le colosse. Laisse-moi voir ça...

Gabriel retroussa ses manches de manteau et prit la place de son amie. Au lieu de faire apparaître sa hache, il prit l'objet et la lança de toutes ses forces, au sol. À la grande surprise de ses collègues de travail, il n'y avait pas la moindre égratignure sur celle-ci. Insulté, il sortit de sa bague magique, tout son arsenal. Étoile du matin, haches, espadons, bombes. Il essaya tout ce qu'il avait sous la main ; rien ne fonctionna.

À bout de souffles, le gros guerrier s'avoua vaincu et se laissa tomber sur les fesses.

— Bon bah, les gars, j'abandonne, grogna celui-ci. Si même ma puissance ne peut rien y faire, nous sommes fichus.

— Et si on demandait à Héphaïstos de nous aider ? suggéra Luna. Est-il lié au premier dieu de ce nom ? Il pourrait nous aider...

Ils se tournèrent tous vers Nash, qui avaient beaucoup plus de connaissances qu'eux, en ce qui concerne les olympiens. Il secoua sa tête.

— La jarre a été fabriquée par le premier Zeus, souvenez-vous. Donc, il serait naturel que sa descendance soit capable de l'ouvrir.

— Ça n'a aucun sens, puisque Pandore a été créée par notre ami forgeron, répliqua Luna. Comment est-ce possible ?

— D'après les mythes qui entourent cette femme, il semblerait qu'elle ait été construite dans de l'argile magique, offerte par le tout premier Roi de l'Olympe... Du coup, tout porte à croire que seule sa magie pourrait nous aider.

Kyran sursauta, quand il réalisa quelque chose d'important.

— Et nous ? fit celui-ci. Flint, ma sœur et moi, nous sommes des descendants directs des olympiens. Athéna, même si elle n'était pas la fille biologique du Zeus qui t'a précédé... elle était quand même une olympienne de sang pur. Se pourrait-il qu'on ait ce sang en nous ? Si c'était le cas, ça voudrait dire que l'un de nous trois pourrait...

Alors qu'ils écoutaient les paroles du diplomate, ils ne virent pas Flint qui s'était approché de la boîte de Pandore, pour y jeter un faisceau lumineux. Elle s'ouvrit, ce qui dévoila une sphère aux reflets arc-en-ciel. Kyran était bouche bée.

— C'est bel et bien un noyau, répliqua le capitaine, mais il est inactif. Au moins, il n'est pas brisé. Je ressens beaucoup de magie en lui. Il doit être presque plein.

Flint se tourna vers ses camarades, tous ébahis.

— Bah quoi ? remarqua le capitaine. Kyran a dit que seul quelqu'un avec le sang de Zeus aurait pu détruire cette jarre, alors j'ai agi.

— Oui, mais ç'aurait pu nous tuer ! gronda son aîné.

— Nous étions tous préparés à subir les conséquences de nos actes !

— Ce que tu peux être impulsif !

Les deux frères commencèrent à se quereller sous les regards de leurs pairs. Gabriel allait se lever pour intervenir, lorsque Nash se plaça entre les deux hommes. Il baissa alors leurs têtes vers les mains de Flint. Le noyau avait commencé à briller. Kyran cessa de se plaindre aussitôt.

— Je retire ce que j'ai dit, commenta le conseiller. Tu viens de nous sauver la peau !

Surpris, Flint avait en sa possession, un noyau de la création actif et prêt les protéger du fléau des anges, ainsi que la destruction de ce monde. Son cœur battait à la chamade. Était-ce vraiment la fin qu'il avait espérée ? Il tourna son regard vers ses amis et pour la première fois depuis des semaines, il était fier de lui-même.

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