131. Le champion du diable

Misaki n'avait rien dit depuis plus de deux heures. Lors de la cérémonie mortuaire de Lucas, elle s'était tenue à l'écart des autres. Elle ressentait un profond vide en elle, comme si une partie de son âme lui avait été arraché. Elle ne pleurait pas. La jeune femme avait passé ce stade auquel s'effondrer était habituel lorsqu'une personne mourrait. Une profonde colère remplaçait tout sentiment positif dans son cœur.

Après avoir confié Randell à une gardienne, Flint et Gabriel avaient remarqué que leur amie n'était pas dans son état normal. Tous deux crurent que Misaki serait la première à réagir à la mort de Lucas, mais elle ne l'avait pas fait. Le colosse observait leur collègue, depuis son siège de conducteur. Encore une fois, elle préférait l'isolement ; sa monture trottait à l'écart des autres.

Cassandra, qui passa tout près du véhicule, fut interpelée par Gabriel.

— Dis... est-ce que tu lui as parlé depuis tantôt ? demanda-t-il.

— Il vaudrait mieux ne pas la déranger, répondit-elle. Quand elle est comme ça, elle a besoin d'être seule.

— Je m'inquiète pour elle...

Il lui fit un regard de chien battu. Cassandra finit par céder et soupira. Elle ordonna à sa jument de s'approcher de Misaki. Une fois à son niveau, la guérisseuse remarqua que sa confidente avait pleuré en silence. La lune était assez claire pour qu'on puisse voir les traits de son visage. Ses yeux étaient bouffis.

— Je ne veux pas en parler, prononça la guerrière albinos.

— Je sais, mais notre gros toutou en sucre se fait du sang d'encre pour toi.

— C'est tout lui. Flint l'a bien dressé...

Toutes deux pouffèrent de rire. Le jeu de rôle canin du colosse n'était plus un secret pour personne, à un tel point que la plupart de ses amis le comparaient réellement à un gros chien. Cela ne le dérangeait pas du tout, même que c'était le plus beau compliment qu'on puisse lui faire.

— Bref, formula Cassandra, si tu as besoin de quoi que ce soit, fais-moi signe, ma sœur.

— Merci, mais je n'aurais aucun repos, tant et aussi longtemps que Satan sera en vie.

— Je pense que nous voulons tous la même chose...

Misaki tourna son regard vers sa meilleure amie, et remarqua un brin de détermination dans son visage. Misaki savait, dans le fond, qu'elle n'était pas la seule personne en colère contre le diable. Il leur avait enlevé leur ami, mais aucun d'entre eux n'oubliait tout ce que les gens du Saint Royaume avaient perdu.

— Je ne crois pas que nous pourrons le vaincre avec notre petit nombre, continua Cassandra, mais au moins, cela permettra à notre armée de gagner du temps.

— Je n'ai pas l'intention de mourir une autre fois, fit Misaki.

— Je sais, mais soyons réalistes : ils sont beaucoup trop nombreux pour nous. Au moins, ça me rassure que nous ayons quelques soldats à nos côtés.

En tout, ils étaient une trentaine de dieux et d'anges qui étaient partis en mission. Kyran avait déjà développé un plan, dont il avait fait part à son frère. Flint s'occuperait de leur formation, mais le mage leur avait informé, avant de partir, d'un passage qu'ils emprunteraient à un kilomètre du château. Il s'agissait d'une grotte souterraine reliée aux donjons, que les démons négligeaient depuis le début de la guerre. Ils pourraient facilement infiltrer le vaste bâtiment et tuer discrètement plusieurs de leurs ennemis.

— Au moins, on a d'excellents traqueurs pour nous prévenir du moindre signe de danger, reprit Cassandra. Normalement, je devrais être aux côtés de Shayne et de Scottie, mais il semblerait que notre capitaine voudrait que je reste près de sa sœur.

Elle observa Flint, du coin de l'œil, alors qu'il menait la calèche depuis leur départ. Ils s'arrêteraient bientôt pour se reposer, mais repartiraient aussitôt. Leur prochain arrêt serait lors du souper. Flint se passa une main dans les cheveux, nerveusement, pendant que son étalon trottait tranquillement.

— Il a peur de perdre sa sœur, fit Misaki.

— Pas étonnant, après ce qui est arrivé à Lucas...

— Vous êtes toutes les deux d'excellentes guérisseuses. Nous ne risquons pas de mourir de sitôt. Il ne faut pas oublier que Kyran et son frère étaient seuls, quand c'est arrivé.

— Je sais. C'est ce qui m'embête. J'aurais aimé être là pour sauver notre ami.

— Es-tu sûr qu'il n'est qu'un ami pour toi... ?

Prise au dépourvu, Misaki rougit. Cassandra avait deviné que sa meilleure amie avait toujours des sentiments pour Lucas, même après leur rupture.

— Est-ce si évident que ça ? fit la guerrière.

— Franchement, je trouve que vous formiez un très joli couple.

— Il est trop tard maintenant... il est mort et je ne sais pas si nous pourrons le ramener. J'aimerais pouvoir revenir en arrière et lui dire que je l'aimerai toujours mais... tout le monde sait que les voyages temporels sont dangereux.

— Bah, tu sais ce que ça veut dire... Allons botter les fesses du diable, ensuite, on fera tout en notre pouvoir pour retrouver un noyau de création. À partir de là, nous pourrons ressusciter quelques personnes.

Misaki hocha la tête. Elle souhaitait plus que tout que cette mission se terminerait sur une note positive. Ensuite, ils commémoreraient leur victoire, tous ensemble.

Au-dessus de leurs têtes, Windy et Kelvin, scrutaient les horizons. Tout comme le général et le jumeau Sanders, ils avaient été chargés de repérer leurs ennemis. Jusque-là, le groupe n'avait traqué que quelques créatures errantes et tué une dizaine de monstres. L'armée des démons était surtout en déplacement à l'ouest du continent et un peu plus au nord. Nash et son groupe avaient réussi à repousser une bonne partie de leurs ennemis, alors qu'on avait abandonné le Célestia à son sort.

— Je donnerais n'importe quoi pour que Lucas nous revienne, fit Misaki.

— Et moi, j'aimerais ne plus avoir peur pour mes patients.

— Dans ce cas, nous sommes deux à avoir peur. Je n'ai plus eu une seule journée de repos, dernièrement. Ce monde me rappelle la dimension maudite.

— Cette chose, que Kyran appelle le fléau des anges, nous a déjà enlevé plein de nos confrères, répliqua la docteure. Heureusement, Athéna, Perséphone et Hypnos ont trouvé un moyen de renforcer le vaccin en récoltant des échantillons de déchu. Je n'ose même pas imaginer où ils ont pris ces prélèvements, mais le nouveau vaccin semble être efficace...

— Nous ne nous sommes pas encore transformées. C'est bon signe, non ?

Cassandra opina du chef, avant de reprendre :

— Pour en revenir à la dimension maudite ; il paraît que le Saint Royaume ressemblait beaucoup à notre belle Célestia, avant qu'elle se fasse détruire par l'armée de Satan. Il y avait des fées, des esprits magiques partout et des plantes de différentes couleurs. Tout poussait en abondance. Nous, on a droit à des landes brûlées, des eaux polluées et surtout, beaucoup de champignons.

— La pauvre Kylie va faire une crise. Ça fait trois fois, depuis hier, qu'on en met dans son assiette, rigola Misaki. Je ne comprendrai jamais pourquoi elle déteste ça. C'est tellement bon quand c'est rôti à la poêle !

La guérisseuse haussa des épaules, mais sourit. Sa meilleure amie recommençait à redevenir elle-même. Sa colère semblait s'estomper graduellement, même si elle n'oublierait jamais ce que le diable leur avait enlevé.

— Sinon, Misaki-chan... commenta Cassandra. Athéna nous a tous proposé de nous offrir des présents, une fois la fin de cette guerre. Tu vas lui demander quoi ?

— Je veux revoir mes enfants, bien sûr. Et toi ? J'imagine que tu veux revoir les tiens ?

— Évidemment. Mes triplés me manquent beaucoup. Ils s'entendraient bien avec Sakura et Yuki, je crois. Surtout ma petite Maeve. Elle rêve de devenir enseignante.

La guerrière albinos plissa des yeux. La guérisseuse ne leur parlait pas beaucoup de ses enfants, très occupée à travailler comme docteure et soigneuse professionnelle. Même en présence de Flint et Gabriel, elle ne leur disait jamais rien. Misaki se dit qu'elle n'avait pas voulu les importuner avec ses histoires personnelles. Cassandra était, après tout, très discrète et professionnelle.

— Et Shayne... qu'en pense-t-il de tout ça ? interrogea la guerrière.

— De Maeve ? Il trouve que c'est une bonne idée.

— Non... je veux dire... Il n'a pas vraiment eu la chance de les connaître, comme beaucoup parmi nous. Est-ce qu'il t'en parle de temps à autre ?

Cassandra secoua la tête.

— Il regrette de ne pas avoir assisté à leur naissance et une bonne partie de leur enfance. Mais ne t'inquiète pas pour lui. J'ai tout dit à mes enfants, de leur père. Ils ont grandi avec la certitude que c'était un grand héros, même s'il a vécu comme un vampire. Cela a inspiré mon petit Derek à devenir un brigadier, plus tard. Soren, quant à lui, commençait des cours en magie, sous la supervision de Wyatt.

Cassandra parlait d'eux comme s'ils étaient toujours vivants. Malheureusement, ce n'était pas le cas. La majorité des habitants de Célestia avait été décimée, lors de sa destruction. Malgré cela, la jeune femme avait la conviction qu'elle les reverrait, un jour. Elle gardait espoir qu'ils réussiraient à traquer leurs âmes à travers le Jardin d'Éden et qu'ils les ramèneraient à travers les noyaux de création. Même sans ces gemmes magiques, elle était convaincue qu'on pourrait lui apprendre comment réincarner les morts, avec le temps.

— Ça risque de nous prendre un bail, mais nous finirons par les sauver, finit-elle par ajouter. Tu te souviens des laboratoires du Sanctuaire, n'est-ce pas ?

— Oui. Ceux dans lesquels Athéna nous a reconstruits ?

— Les mêmes. Je compte m'en servir pour reconstruire les âmes détruites par le néant. Elle est d'accord avec moi et m'aidera à le faire, en compagnie de Luna. Nous sommes familières à cette technologie, après tout. Ça ne nous prendra pas longtemps.

— Ah bon ? Comment ça ?

— Bah, disons que nous avons eu dix ans pour nous pratiquer avec les habitants de Célestia. T'as déjà oublié, ou quoi ?

Misaki secoua la tête. Encore une fois, le passage du temps l'avait trompée.

— Pardon, répondit-elle. Dans ma tête, tu as toujours vingt ans.

— J'en ai trente, mais je te remercie pour ce beau compliment.

Cassandra lui fit un clin d'œil et elles s'esclaffèrent.

— Bref, avec les noyaux de création, nous pourrons accomplir tout ça, acheva Cassandra. Prenons notre mal en patience. Je n'ai pas l'intention de baisser les bras.

Elles changèrent alors le ton de leur conversation avec des sujets moins sérieux.

Quelques minutes plus tard, Cassandra réalisa qu'elle avait oublié de mentionner quelque chose de spécial à sa grande amie. Un secret que Shayne et elle gardait pour eux, dans l'espoir qu'ils puissent un jour réaliser ce rêve après la guerre. Elle lui fit signe de tendre une oreille et marmonna quelque chose que Gabriel ne put entendre de sa position. Misaki sursauta presque sur le dos de sa monture et s'exclama :

— Vraiment ! Tu ne plaisante pas !?

— Si, si ! Je te jure que c'est la vérité.

— Oh, par tous les esprits, Cassandra ! Je suis si heureuse pour vous !

— Eh, c'est moi qui dis par tous les esprits... Copieuse.

Toutes deux rirent encore plus fort, ce qui soulagea Gabriel.

Le colosse était soulagé de voir que la guérisseuse avait réussi à remonter le moral de sa meilleure amie. Même s'il était intéressé de savoir ce qu'était ce mystérieux secret ; il retourna son attention vers Flint, qui semblait lui aussi vouloir savoir de quoi elles parlaient. Gabriel commençait à avoir mal aux fesses. Il avait besoin d'une pause. Il se demandait s'il ne devrait pas parler de ses récents rêves à ses amies...

¤*¤*¤

Satan tournait en rond dans la salle du trône. Voilà des jours qu'il était coincé dans cette grande pièce, qu'il ne pouvait plus quitter. Il avait tout essayé : changer d'apparence, sacrifier de nombreux soldats, des contre maléfices, mais rien ne lui avait permis de briser le sceau. Il avait épuisé tellement d'énergie, qu'il avait perdue en taille et en volume. Il faisait désormais à peu près deux mètres de haut ; il paraissait moins imposant de cette manière.

En vérité, il avait puisé une grande partie des noyaux de création du château, et c'était ce qui lui avait permis de prendre une apparence gigantesque. Ces sphères magiques étaient vides depuis plusieurs semaines. Ils ne pouvaient plus s'en servir pour renforcer leurs rangs, autre que pour des tâches minuscules. Cependant, Satan pouvait toujours créer des démons à partir de son sang et de sa volonté.

Ce jour-là, il avait décidé de faire transporter l'un des derniers noyaux dans la grande salle. S'il ne pouvait pas se déplacer à lui, il s'en servirait là. Il ne remercia même pas les soldats qui l'avaient transporté jusqu'à cette pièce et s'en servit aussitôt sans même demander l'avis de ses stratèges ou bien de ses généraux.

Il lui fallait un champion, quelqu'un qui serait pour lui ses yeux et ses bras à l'extérieur de ce château. Puisqu'il ne pouvait plus compter sur Kyran Markios, ni sa sœur, ses pensées se tournèrent sur un homme que la famille de ces quadruplés, méprisait depuis toujours. Satan avait choisi de faire revenir celui qui avait eu assez de cran autrefois pour tuer son propre frère, quelques années plus tôt. Il lui fallait un criminel, tel que lui.

— Viens à moi, Troyd Markios... susurra le diable qui caressa le noyau d'une main. Entends ma voix et viens te battre pour ma cause...

L'objet magique se brisa en plusieurs morceaux, puisque ses forces avaient été épuisées. Toutefois, une lumière aveuglante en sortit, ainsi qu'un homme près de la cinquantaine. L'individu en question regarda dans tous les sens. Il était nu comme un ver, mais des vêtements commençaient à apparaître autour de sa peau. Il baissa rapidement son regard vers ses parties intimes et constata qu'on lui avait rendu son appareil génital. Il poussa un soupir de soulagement, et retourna son attention vers celui qui l'avait invoqué.

— T'es qui, toi ? demanda-t-il en fronçant des sourcils.

— Ton roi et aussi celui qui te permettra enfin de tuer toute ta famille. J'ai besoin d'un homme fort et courageux, tel que toi, afin de répandre la terreur sur ces terres. Tant et aussi longtemps que je serais prisonnier de ce château, je vais avoir besoin d'un homme de confiance pour accomplir certaines tâches. En échange, tu seras l'un de mes commandants et je t'offrirais un continent de ton choix.

— Voilà qui est flatteur, mais je n'ai pas de roi. Je sers une reine.

— Dans ce cas, vois ceci comme une collaboration qui te donnera encore plus de pouvoir... Je suis prêt à t'offrir une partie de ma magie, rien que pour prouver ma valeur.

— Il faudra d'abord en parler à Perséphone, car j'ai déjà un contrat avec elle. Seule cette femme est digne de ma confiance. Si elle accepte ton offre, j'accepterai de te servir.

Satan s'esclaffa et secoua la tête.

— Je vais devoir t'éclairer un peu, mon garçon.

Le diable recula et s'installa sur son trône, avant de se croiser les bras.

— Je ne suis pas un garçon, je suis un homme, grogna Troyd.

— J'ai plus de soixante mille ans, je m'en fous de ton âge. Pour moi, tu n'es qu'un misérable bambin avec des superpouvoirs. Je pourrais te tuer d'un claquement de doigts, cependant, j'ai besoin de quelqu'un comme toi pour tuer les Markios, ainsi que les autres dieux. Et malheureusement pour toi, ta Perséphone t'a laissé tomber. Elle sert désormais la cause d'Athéna, celle qu'elle méprisait autrefois. Je ne crois pas qu'il serait sage pour toi d'y retourner.

Troyd serra un poing et le leva devant lui.

— Tu mens ! Ma reine ne trahirait jamais ses disciples ! Elle a promis de faire de moi un roi par alliance ! Ensemble, nous aurions dû gouverner Aeglys !

— J'en ai que faire de tes termes. Ici, ce n'est pas ta planète, mais le Saint Royaume.

Le tyran fronça des sourcils. Il ne comprenait pas où il voulait en venir.

— Tu es mort, précisa le diable. Et moi, je suis Satan. Nous sommes au beau milieu d'une guerre et selon moi, tu serais le candidat parfait pour remplacer l'un de mes transfuges. Ma proposition tient toujours au fait. Une partie de mes pouvoirs te permettrait de causer bien des tourments à nos ennemis communs.

— C'est bien beau de me vendre du rêve, mais tant et aussi longtemps que je n'aurais pas de preuves que ma déesse m'a abandonné comme une lâche ; je ne pense pas que je serai capable de travailler pour quelqu'un d'autre.

Le démon à la peau rouge roula des yeux et se frotta le menton. Il réfléchissait à ce qu'il pourrait faire pour convaincre l'homme de se plier à ses quatre volontés. Il pouvait toujours s'infiltrer dans son esprit et faire de lui son esclave ; cependant il avait déjà tenté cette méthode pour sortir du château et cela s'était retourné contre lui, car la dernière personne choisie s'était fait tuer au combat. Non... il avait besoin de quelqu'un de plus fort et résistant. Troyd lui conviendrait et pour cela, le transfert partiel de son pouvoir était la seule solution pour assurer la victoire totale de son armée. Au pire, il pourrait toujours utiliser un enchantement mineur afin de voir à travers ses yeux, ne serait-ce que pour quelques minutes.

— Garde ! Emmenez-moi la boule de cristal, ordonna Satan à l'un de ses soldats, près de la porte d'entrée. Elle se trouve dans la salle d'à côté !

— Tout de suite, monsieur !

— Une boule de cristal ? se moqua le tyran. Je ne crois pas à cette merde.

— Pourtant, c'est l'un des outils les plus utilisés de tous les dieux qui vivent en ce monde. Les nôtres dévoilent la vérité du présent... Pour le passé et l'avenir, toutefois, seuls de vrais divins arrivent à le prédire et rares sont les gens qui possèdent ce talent de nos jours.

Troyd se contenta de hausser les épaules. Il se croisa les bras, tandis que le soldat prenait un peu de temps à revenir. Au bout de trois minutes, l'individu couvert d'une armure métallique entra dans la salle du trône avec une petite table en bois. Il fut suivi d'un autre soldat qui tenait la boule de cristal, dans un petit coussin. Ils placèrent les trois objets entre le diable et son potentiel champion. Satan leur ordonna de partir et se leva du trône.

— Je vais te montrer ce que tu recherches, formula le Roi Démon. Si tu ne me crois pas par la suite, tu ne me seras plus d'aucune utilité.

Troyd regarda à gauche, puis à droite. Il hésita et avança d'un pas pour concentrer toute son attention vers l'objet magique. Satan frotta la sphère, une fumée noire jaillit en son centre, mais se dissipa rapidement, ce qui dévoila l'image de Perséphone qui discutait avec Thanatos et Hypnos. Tous quatre plaisantaient et riaient, accompagnés d'Artael. Le tyran grinça des dents et eut pour réflexe de prendre la boule, afin de la fracasser au sol. Fulminant, il fit les cents pas devant l'imposant démon.

Quel imbécile... pensa Satan. Il est tombé dans le panneau, car ceci n'est qu'une illusion. Il est trop violent et impulsif. Ça me convient. Il est facilement influençable. Ce qui veut dire qu'il est le parfait candidat...

Quelques secondes plus tard, il demanda :

— Tu me crois maintenant ?

— Que Perséphone agisse ainsi, non... mais que les deux têtes à claques qui lui servent comme des moutons l'aient suivi ? Oui ! Je n'arrive pas à y croire... Ces enculés m'ont trahi et m'ont abandonné alors que j'aurais tout fait pour eux ! Et ils ont le culot de me remplacer par mon frère jumeau !? Je n'en reviens absolument pas !

— Et pourtant, c'est Athéna qui a convaincu sa sœur de revenir de son côté.

L'ancien chevalier de Perséphone fronça des sourcils.

— Ah ! Parce qu'en plus, elles sont sœurs ? Reine des Enfers, mon cul ! Elle s'est jouée de moi. Donne-moi tes pouvoirs tout de suite, qu'on en finisse.

— Pas si vite, mon garçon. J'accepte de te donner de nouveaux joujoux, mais tu dois d'abord me jurer fidélité et ne jamais me trahir. Au moindre signe de trahison, je le saurai et tu seras envoyé au néant, où tu mérites de disparaître.

— Très bien. Je dois signer quoi ?

— Ta parole suffit déjà. Par contre, nous allons avoir besoin d'un témoin oculaire, pour ce que je m'apprête à te faire. Ce transfert de pouvoir, c'est du sérieux.

Satan fit un signal à l'un des gardes qui s'approcha alors de la table et indiqua à Troyd de s'approcher de celle-ci. Le tyran s'exécuta en silence. Le diable fit ensuite apparaître un étrange chakram fait de magie pure qu'il passa entre les mains du tout nouveau champion, sans même le lâcher. Après, il pointa l'arme d'un signe de tête.

— Passe ta main à l'intérieur, fit celui-ci.

— Tu comptes faire ça comment ? demanda Troyd.

— Il s'agit de l'Étoile de Lucifer. C'est une relique ancestrale qui appartenait à mes ancêtres démoniaques. On raconte qu'elle a appartenu à un ange déchu légendaire, qui avait servi le tout premier diable – mais d'autres rumeurs racontent tout le contraire, qu'il était lui-même le premier Satan. Autrefois, c'était une arme. Désormais, on s'en sert uniquement pour transférer un peu de nos pouvoirs, à nos vassaux. Et toi, tu seras le tout premier démon suzerain de ma création, car les autres sont tous des anciens combattants de cette guerre.

Le tyran haussa un sourcil.

— Un démon ? Bof, du moment que je ne perds pas ma belle gueule...

Satan secoua la tête, puis fixa sévèrement Troyd qui se tut. Le roi démon prit alors une profonde inspiration et commença la cérémonie du transfert des pouvoirs. Il avait vu son prédécesseur le faire à de nombreuses reprises, mais le faire de lui-même était une toute nouvelle expérience.

— Cela risque de chauffer un peu, déclara-t-il.

Il commença ensuite à passer l'Étoile de Lucifer autour du bras gauche de son tout nouveau serviteur. La magie qui émanait du chakram lui brûlait la peau, mais la réparait en même temps.

Troyd lâcha une série de jurons, avant de lui dire de continuer. Il était un homme coriace. Il ne fuirait pas à la souffrance, ni de peur. Sa soif de puissance le ferait endurer n'importe quelle situation. Il ressentait déjà une nouvelle énergie en lui, mais le degré de douleur était si intense qu'il faillit perdre connaissance. Lorsque le diable eut terminé de transférer une partie de son mana maléfique, des symboles runiques apparurent sur le bras du guerrier. Le champion, toutefois, s'évanouit. Satisfait, l'exigeant dieu maléfique ordonna à ses hommes de partir.

¤*¤*¤

Flint se lavait le visage près d'une rivière que Wyatt et Bella avaient purifié avec leurs sorts. Le groupe avait besoin de se reposer après trois heures passées sur la route. Les chevaux buvaient ou broutaient de l'herbe, alors que tout le monde était réuni autour d'un feu de camp que Luna avait décidé d'allumer. Scottie et Kylie pêchaient du poisson, car il allait bientôt être l'heure de souper. Contrairement à ce qu'ils avaient connu, dans le monde des ténèbres, ils mangeaient plutôt à leurs faims, à leur grand étonnement.

Le capitaine ressentit un étrange frisson dans le dos, comme si quelqu'un tentait de communiquer avec lui. Tout près de ce dernier, Kyran frémit lui aussi.

— C'était quoi ça ? interrogea Flint, qui se tourna vers son frère.

— Quelque chose de malsain se prépare.

— Comment ça ?

— Je le sais. C'est tout. Je vois qu'Athéna ne t'a pas appris à bien te servir de ton troisième œil. Du temps où nous étions des déchus, Sarah et moi devions constamment nous fier à notre sixième sens afin de repérer l'ennemi... c'est-à-dire, vous. C'est un talent de détection que tout dieu devrait apprendre à maîtriser.

Le capitaine haussa un sourcil et se croisa les bras.

— Et comment ça fonctionne, ce truc ?

— Il ne faut pas voir avec tes yeux, mais avec ton esprit. Laisse ton corps ressentir les ondes magiques, ta tête s'occupera du reste. C'est le même principe que la télépathie avec vos esprits élémentaires. Ça prend beaucoup de patience et d'entraînement. Ferme tes yeux.

— Comment ça ? Tout de suite ?

— Fais ce que je te dis.

Flint n'osait pas protester et obéit à son frère.

— Maintenant, concentre-toi sur l'étrange sensation que nous venons de ressentir. Elle est encore présente, je la perçois à l'ouest. Ça vient du château.

— Je suis censé voir quoi, au juste ?

— Une onde d'énergie. C'est une technique que l'on enseigne normalement aux mages tels que Luna et Wyatt, mais les dieux ont des sens plus aiguisés que le commun des mortels. Les anges, aussi, par la même occasion.

Au bout d'une minute, le capitaine perdit patience. Il rouvrit les yeux et soupira.

— Ça ne sert à rien. La magie et moi, ça fait deux.

— Au moins, ton corps t'a déjà envoyé le signal qu'il y a quelque chose d'anormal dans l'air. C'est un bon départ.

Flint se mit une main dans la poche de son jean et opina du chef.

— D'après toi, il se passe quoi, là-bas ?

— Je pense que Satan a lancé un sortilège très important, mais je ne saurais te dire ce que c'est. Une forte dose de mana a été consumé dans l'atmosphère. Ça vient du Sanctuaire des dieux, dans tous les cas. Nous devrons faire attention pour les jours à venir, car il se pourrait bien que ça nous retombe dessus.

L'épéiste hocha la tête, puis se tourna vers sa partenaire, la louve élémentaire. Elle aussi regardait en direction de l'ouest. La plupart de sa fratrie l'imitaient.

— Tout va bien, Dia ? demanda Flint.

— Je n'aime pas ça... Je n'aime pas ça du tout, couina-t-elle.

— Tes frères et sœurs non plus... Plus nous approcherons du château, pire ce sera. Nous allons devoir nous habituer à cette influence maléfique, je le crains.

— Dans cas, vous avez intérêt à ne pas laisser le diable vous transformer en déchus, parce que sinon, on risque de finir comme vous.

— Ça n'arrivera pas. Kyran est avec nous, il pourra nous ramener en un claquement de doigts. Il faut que tu lui fasses confiance.

Dia se tourna vers son porteur et battit la queue à terre. Les mots de Flint ne suffiraient pas pour la convaincre, elle avait besoin de preuves. Même si elle appréciait la compagnie du mage blond, elle avait rarement combattu à ses côtés. Elle ne connaissait pas l'étendue de ses pouvoirs, contrairement à Éclipse qui s'entendait déjà assez bien avec lui.

— Et qu'arriverait-il si nous étions tous tués ? commenta Flint. Prendrez-vous la fuite ou bien essaierez-vous de vaincre Satan, tous seuls ?

La louve fut prise au dépourvu. Dans sa tête, elle se voyait combattre à ses côtés, jusqu'à son dernier souffle. Elle voulait aussi vivre une longue et heureuse vie qu'elle partagerait avec tous les membres de la Septième Brigade. Elle ne pouvait pas imaginer son existence autrement. Hélas, il y avait quelque chose qu'elle n'avait pas encore eu le courage de dévoiler à Flint. Quelque chose lui causerait beaucoup de chagrin.

Kyran, qui avait remarqué le malaise de Dia, s'approcha pour s'agenouiller devant elle. Il lui fit renifler son odeur et elle lui lécha la main, instinctivement. Il lui caressa ensuite la tête, suivi de la nuque. La louve aimait déjà qu'il vienne la rassurer.

— Je ne veux pas qu'il nous arrive malheur, fit le conseiller. Et je ne souhaite pas non plus qu'il vous arrive quoi que ce soit. Quand Lucas est mort, je lui ai fait la promesse que je veillerais sur la Septième Brigade et notre famille. Qui serais-je, pour ne pas respecter la dernière volonté de mon frère ?

Dia se sentait soulagée, maintenant qu'il lui avait avoué cela. Elle s'étira les pattes et le dos, avant de se rapprocher de Flint. Elle prit ensuite la forme d'une épée, à la ceinture de son porteur. Elle avait besoin de se reposer un peu.

Kyran décida d'aller discuter avec Sarah, car il s'inquiétait pour la religieuse et son état psychologique. Il avait peur qu'elle fasse une dépression, à cause de ce qu'elle avait vécu dernièrement. À sa grande surprise, elle encaissait très bien la nouvelle et discutait, à cœur joie, avec la plupart de leurs amis.

Le capitaine de la Septième Brigade s'approcha alors de Shayne, qui discutait de quelques tactiques de combat avec quelques soldats qui avaient décidé de les suivre dans cette mission. Misaki bavardait avec eux. À leurs pieds, Nox se léchait les pattes avant, tandis que Lusso cherchait pour des insectes à manger, dans l'herbe.

— Quoi de neuf, par ici ? demanda Flint.

Shayne jeta un coup d'œil rapide à son subordonné, avant de prononcer :

— Nous discutions du passage dont nous parlait ton frère, il y a quelques heures. Nous pensons qu'il n'est pas prudent d'y envoyer tout le monde. Pour cette raison, je crois qu'il serait plus sage d'envoyer nos meilleurs agents afin qu'ils puissent nous trouver d'autres ouvertures. Scottie et moi sommes rapides sur nos pieds et Kyran connaît tout l'étage ; tous les trois, nous pourrions entrer sans faire trop de bruits. Je propose donc cette alternative plus sécuritaire. C'est celle que tu nous avais proposée, plus tôt, et nous comptons continuer de cette façon.

— Dans ce cas, on devrait envoyer un esprit élémentaire de petite taille avec Scottie, car il est le seul d'entre vous qui n'en aura pas.

— On peut toujours lui passer Lusso, proposa Misaki. Mais pour être honnête avec vous, les gars, je ne comprends pas pourquoi vous ne voulez pas que j'y aille. Après tout, je suis aussi rapide que vous et je suis capable d'assommer n'importe qui avec un bon coup de bâton.

— Tu es notre seconde experte en protections magiques, reprit Shayne. N'oublie pas que tu peux nous créer des murs de pierres facilement. Si Estelle devait manquer de mana, nous aurions besoin de toi, ainsi que Luna et Wyatt afin de l'aider.

Misaki soupira et se mit les mains sur les hanches, avant de continuer :

— Nous sommes chanceux que Randell nous ait donné plusieurs potions avant de partir, parce que ces dernières vont vraiment nous servir.

Flint gloussa.

L'autre jour, son fils adoptif avait sorti son ensemble de fabrication de potions afin de créer des filtres de mana, d'autres de récupérations d'énergie vitale et certaines même pour refermer des blessures. Au grand étonnement de tous, leurs efficacités étaient bien plus grandes que celles que Cassandra préparait normalement dans ses laboratoires. La guérisseuse avait même avoué qu'elle était un peu jalouse de son expertise. En prime, il leur avait offert quelques potions d'invisibilité.

— C'est un petit génie, mon fiston, formula Flint, tout fier de Randell.

Shayne roula des yeux. Il le trouvait un peu niais. Chaque fois qu'on parlait d'Estelle ou bien du petit garçon, Gabriel et lui devenaient complètement gagas.

D'ailleurs, Estelle était, en ce moment, occupée à protéger le groupe avec l'une de ses barrières magiques, en compagnie de Luna. Puisqu'ils ne repartiraient pas avant deux ou trois heures, ils voulaient tous éviter d'être repérés ou bien de combattre des démons. La magicienne avait même lancé quelques enchantements d'anti-détections et de repousse bêtes.

Flint reprit son sérieux avant de continuer la conversation :

— J'ai une autre idée. Occupons-nous aussi d'abattre tous leurs chefs, un à un. Comme ça les démons seront très désorganisés et cela donnera un avantage à notre armée.

— Oui, mais comment va-t-on faire pour les reconnaître ? demanda Misaki.

— Facile. Nos mages peuvent reconnaître la puissance de tout être vivant, rien qu'en fermant les yeux... Servons-nous de cette capacité pour les reconnaître. Ils sont probablement les plus puissants, et si je ne me trompe pas, plus une personne est forte, plus ça se ressent à travers le mana qui circule dans ses veines.

— Il n'a pas tort, soupira Luna, tout près. Mais il ne faudra sous-estimer qui que soit sous aucun prétexte. Certaines créatures des ténèbres dissimulent bien leur énergie magique, comme les esprits élémentaires... ou même Gabriel, quand on y pense...

Alors que Luna réfléchissait, Flint fit un clin d'œil à Misaki. Cela ne rassura pas la guerrière pour autant. Cependant, Shayne trouvait cette idée ingénieuse. Il trouvait que plus le temps passait, plus Flint devenait un excellent capitaine pour son groupe.

Pendant ce temps, à l'écart du groupe, Gabriel discutait avec Cassandra. Tous deux avaient décidé de cuir des légumes sur des bâtons de bois, tout près du feu de camp et en mangeaient alors qu'ils discutaient de leurs petits tracas. Surtout Gabriel. Il avait besoin de se confier à une amie. Elle était tout ouïe.

— Donc, tu vois, Cassie... Flint et moi, on voudrait un nouveau bébé, une fois la guerre terminée... Et je me demandais si tu accepterais de... Euh...

— Porter le bébé pour vous ? Je ne sais pas si Shayne serait d'accord...

— Non, non ! Pas du tout... Je veux dire...

Gabriel rougit timidement avant de baisser sa brochette de légumes.

— Depuis quelque temps, je fais souvent ce rêve récurent où je suis enceint de Flint. Et mon corps a commencé à le manifester au beau milieu de la nuit... Des fois, je me réveille avec un vagin et... euh...

Cette fois, c'était Cassandra qui vira au rouge. Elle faillit s'étouffer avec un morceau de carotte. Le colosse lui donna une tape dans le dos et elle recracha le légume.

— Pard... Pardon !? couina-t-elle. Tu ne plaisantes pas, j'espère ?

— Pas du tout. Je suis polymorphe et il m'arrive parfois de me transformer en un homme trans qui ne serait jamais passé sous le bistouri, en bas de la ceinture.

— Minute... est-ce que ça veut dire que tu penses transitionner pour devenir une femme... ?

— Pas du tout ! Je me vois toujours comme un homme dans ma tête... Mais j'ai appris, il y a quelques mois, que l'autre Gabriel était un homme trans, avant de se réincarner en moi. Et puisque nous partageons plusieurs souvenirs... ç'a éveillé tout plein de fantasmes étranges, en moi... Et c'est pour ça que j'aimerais connaître la joie de porter un bébé en mon ventre... Donner naissance serait pour moi... cathartique.

Il leva les yeux vers les étoiles, le regard plein d'espoir.

— Je ne suis pas stupide, Cassandra. Je sais que c'est anormal qu'un homme tel que moi veuille à ce point avoir des bébés dans son propre ventre. Toutefois... j'en ai besoin. Scottie et Wyatt seraient même d'accords pour nous aider à élever cet enfant, eux qui sont tous récents dans notre vie familiale...

Cassandra était bouche bée. Elle devait reconnaître que Flint et Gabriel la surprendraient toujours avec leurs pensées les plus farfelues. Elle était quand même leur docteure attitrée. Si le colosse était sérieux et qu'il envisageait vraiment à se faire engrosser par son mari, il y aurait quelques décisions importantes à prendre dans leur groupe. Évidemment, elle développait déjà une certaine fascination à l'étudier, afin d'en comprendre un peu plus sur ce phénomène de réincarnation et de tout ce qui changeait dans une nouvelle existence, pour une âme. Elle se mordilla un pouce alors qu'elle jeta le reste de sa brochette dans le feu du camp. Elle devait y réfléchir plus sérieusement.

— Je suis désolé, Cass... marmonna le gros guerrier. Je ne voulais pas t'imposer ça.

— Non... tu n'as pas à t'excuser, déclara-t-elle avant de se tourner vers lui. Toutefois, j'exige que tu perdes un peu de poids, si tu décides de porter un enfant en toi. Tu devras venir me voir régulièrement et je m'assurerais que cette grossesse se passe bien. Seulement, tu devras m'écouter...

Le regard de Gabriel s'illumina, comme s'il avait reçu la plus belle nouvelle de toute sa vie. Il jeta son reste de brochette dans le feu, lui aussi, et serra son amie dans ses bras.

— Oh Cassandra ! couina-t-il. Merci, merci, merci !

— Eh ! Pose-moi parterre, Gab !

Cassandra soupira et soupira, alors qu'il la secouait dans tous les sens, dans un élan de joie plutôt excessif. Ce qu'il pouvait être émotif, celui-là ! Elle envisageait déjà à le référer à Docteur Plante, ne serait-ce que pour suivre son parcours émotionnel lors de sa future grossesse. Elle voulait à tout prix que tout se passe bien pour son ami.

Quand il posa enfin la docteure au sol, le colosse s'excusa et baissa son regard. Il avait compris qu'il en avait encore trop fait. La pauvre guérisseuse devrait se passer un coup de peigne rapide pour refaire sa coiffure.

— Et il y a ça, Gabriel, formula Cassandra. Une fois avec un bébé en toi, tu devras apprendre à te calmer. Tu ne pourras pas toujours t'exciter comme ça. Ça pourrait nuire à la croissance du fœtus de te comporter comme tu viens de le faire. Et n'oublie pas ta puissance... Des fois, tu ne la maîtrises pas du tout.

Le gros barbu sentit une perle de sueur couler le long de la nuque.

— Ah ouais, ça je n'y avais pas pensé...

— Donc voilà... Je ne suis pas contre l'idée de t'aider, mais tu devras redoubler d'efforts. Un bébé n'est pas un jouet. Flint et toi, vous avez déjà eu la chance d'élever Estelle sans trop de problème, mais vous avez déjà Randy qui vient d'entrer dans vos vies. Nous pouvons nous estimer heureux qu'il soit si intelligent et autonome pour son jeune âge... Mais encore une fois, ce n'est pas un bébé.

Gabriel encaissa les remarques de Cassandra. Il savait qu'elle avait raison. En même temps, il commençait à douter de ses propres capacités parentales. Peut-être n'était-il pas prêt pour cette étape de la vie ? Devrait-il plutôt se concentrer à élever Randy, avant toute chose ? Il se prit le menton et réfléchit un moment. La guérisseuse posa toutefois une main sur son bras, afin de le réconforter.

— Ne t'en fais pas, Gab, dit-elle. On trouvera bien une solution à tout ça. Je t'ai déjà dit que je serais partante à t'aider dans cette aventure. Mais tu devras vraiment faire attention à ta ligne et faire tout ce que je te dis.

Il ôta la main de son visage et esquissa un sourire. Au moins, il avait gagné son support. Il avait remarqué que leur discussion avait attiré quelques regards curieux.

Il était sur le point de se retourner de honte, quand tout à coup, ils entendirent tous un cri horrifié dans la foule. Que s'était-il passé ?

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