13. La fête des récoltes

Le comité d'organisation de la fête des récoltes avait fait placer des tables remplies de fruits et légumes, un peu partout, dans la section marchande. La responsable, Gretta Doyle – soit l'épouse de Marcus – avait fait en sorte de faire sculpter des citrouilles et des pastèques décongelées, afin de divertir les jeunes enfants.

L'événement se passait généralement vers la fin du mois d'octobre, durant les derniers jours. À la capitale, on fixait toujours une date précise et tout le monde prenait congé. Tous, avaient le privilège de venir participer aux festivités. Ailleurs dans la république, les gens fêtaient la fête près du 30.

Cette année, exceptionnellement, le comité d'organisation avait décidé de célébrer durant le 29 octobre, 3913 AD (an de la déesse) ; soit un mardi soir où les gens revenaient du travail. La prochaine grande célébration serait le premier janvier suivant, soit celle du Nouvel An. Durant cette journée, les citoyens se rassemblaient à l'église, à l'intérieur, comme à l'extérieur afin de célébrer le début d'une nouvelle année. Ils faisaient aussi leurs remerciements à la déesse qui avait créé ce monde pour eux.

Gretta était une grande femme, forte de caractère et aussi puissante qu'un bœuf. Elle avait passé sa vie à labourer les champs avec sa famille et avait été élevée avec plusieurs garçons. Elle n'était pas très féminine, mais Marcus l'avait toujours trouvée charmante et adorable, même si elle détestait s'habiller comme les autres femmes. Elle préférait travailler avec une perche, plutôt que derrière un bureau.

Le rôle des hommes et des femmes était équitable pour les deux groupes. Tout le monde avait le même salaire par fonction. Contrairement à certains pays, la république reconnaissait les droits de la femme autant que ceux des hommes.

Les femmes étaient aussi privilégiées à devenir présidentes et faire partie du Conseil, selon les votes de la population. Le sexisme était criminalisé dans leurs lois, au bout de plusieurs offenses. Baldt était donc l'endroit idéal pour ses habitants.

La république cachait son lot de sombres secrets et de magouilles derrière le dos des honnêtes gens. Au moins, tout le monde partait d'un même pied d'égalité. Voilà pourquoi ici, le racisme était interdit, ainsi que la xénophobie, que l'homophobie et la transphobie. Certaines personnes brisaient quand même ces lois quotidiennement.

Tout le monde devait apprendre à s'entraider, même si les gens ne devaient pas forcément s'aimer. Il existait encore quelques personnes étroites d'esprit qui allaient et venaient dans la capitale, et qui s'amusaient à insulter les nombreuses races et ethnies qui rôdaient près de la ville. Ceux-là étaient rapidement expédiés en prison où les geôliers leur expliquaient par la suite les lois de la république. Après, on envoyait ces gens se faire juger par le Conseil. S'ils étaient chanceux ou même riches, ils pouvaient se procurer un avocat.

La tolérance était très importante – même que le prêtre de l'église avait eu son mot à dire lorsqu'il avait signé ces nouvelles lois, il y avait de cela plus de quarante ans.

Que la Sainte Mère Athéna soit avec vous, mes enfants ! avait-il dit au président et aux conseillers. Elle est fière de ce que vous venez d'accomplir, j'en suis certain !

Ce prêtre était décédé quelques années plus tard et fut remplacé par la Mère Agathielle. Cette dernière fut ensuite transférée à Lanartis, à un couvent de nonnes, car on avait besoin de ses services là-bas. Elle nomma en son absence le frère Shalom à devenir le prochain Père Supérieur. Elle n'était jamais revenue et il avait gardé son titre pour les années qui suivirent.

Gretta connaissait l'histoire de ces lois par cœur, car elle était l'une des cousines éloignées d'Agathielle, la première femme à être nommée prêtresse à la capitale. Pendant longtemps, seuls les hommes avaient eu le droit de prêcher les paroles de leur divinité. Face à cette injustice, les femmes et les jeunes filles à travers toute la république avaient manifesté durant des années, afin de faire entendre leur voix. Ce mouvement fut acclamé mondialement et les quartiers généraux de leur église reconnurent leur erreur en ne laissant pas les femmes représenter leur déesse.

Ainsi donc, le mouvement avait réussi à diminuer beaucoup de sexisme à travers le globe. Mais comme toujours, les machistes ne se faisaient pas prier pour insulter les femmes. Cette rivalité des genres et des sexes n'avait qu'assez duré et ce soir-là, Gretta n'avait pas l'intention de laisser quelqu'un gâcher les festivités... pas même ce vieux trou de cul de Troyd Markios !

Le général semblait se sentir au-dessus de tout cela. Il traitait toutes les demoiselles comme de la viande fraîche, sans exception. Ce dernier jurait qu'il n'était pas sexiste, qu'il aimait simplement les femmes pour leurs formes, mais tout le monde savait que Gretta était la seule femme mariée capable de lui tenir tête !

Lors de la dernière réception agricole, Troyd s'était enivré de bières et de whiskys à un tel point qu'il avait mis ses mains partout où il ne fallait pas : dans les décolletés des célibataires, sur les fesses des dames mariées et pire encore.

Qui avait été assez culottée et brave pour lui donner un bon coup de poing dans la tronche ? Gretta. Qui s'était portée volontaire pour le jeter dans une cellule des donjons ? Gretta. Qui lui avait fait passer un sale quart d'heure durant son réveil ? Gretta. Bref ? Merci Gretta !

Elle n'était pas seulement fermière, elle était sage-femme et parfois participait aux constructions de bâtiments. Elle savait se battre et n'avait pas peur des hommes. C'était ce que Marcus admirait chez son épouse. Elle était une armée à elle seule. Ils avaient eu deux enfants, un garçon et une fille. Tous deux travaillaient à la ferme avec leur mère alors que Marcus était un représentant au Conseil.

Le fils des Doyle, le grand et chétif Derek, était un peu timide et se tenait à l'écart des autres adolescents, car il n'était pas doué pour faire la conversation avec les étrangers. Il s'entendait bien avec Gabriel, quand ils se croisaient dans la rue. Il semblait aussi vouloir se rapprocher de Luna Kelly depuis son arrivée en ville. Il lui avait même offert un panier de légumes un quart d'heure plus tôt, alors que celle-ci était passée devant leur étal en coup de vent. Elle ne l'avait pas directement regardé, mais l'avait remercié et s'était dissipée dans la foule. L'adolescente avait paru suivre quelqu'un. Frustré par son manque de courage, Derek avait dissimulé son embarras derrière son plus beau sourire, même s'il s'était senti s'écrouler de l'intérieur. Arriverait-il un jour à lui avouer ses sentiments ?

Le pauvre jeune homme n'avait même pas vu qu'elle avait abandonné le panier de légumes sur une table voisine, alors qu'il servait un autre client. Sa sœur Misha, plus féminine et plus coquette que leur mère, vendait des bouteilles de parfums et des bouquets. Contrairement à son frère et ses parents, elle préférait cultiver des fleurs avec lesquelles elle concoctait parfois des flacons aux nombreuses fragrances et des arrangements spéciaux pour toutes les fêtes de la capitale. Tous les profits étaient partagés entre eux. Ils s'entraidaient ainsi.

Gretta avait remarqué qu'il y avait moins de fêtards que l'an passé. La décision du Conseil de limiter les boissons alcoolisées pour les bars seulement avait probablement fait en sorte que quelques personnes avaient décidé de ne pas sortir, ce jour-là. C'était un mal pour un bien, se dit-elle. Au moins, le risque de croiser des ivrognes comme Troyd, le capitaine de la Première Brigade, était minuscule.

Misha avait remarqué l'air bête de son frère aîné et décidé de s'approcher de lui. Elle lui tira les oreilles, alors que leurs kiosques étaient peu occupés.

— Allons, Didi ! commenta celle-ci, les sourcils froncés. Ça fait des semaines que tu soupires quand tu vois la petite Luna passer. Qu'est-ce que t'attends pour aller lui demander de sortir avec toi ?!

Leur mère, derrière eux, était occupée à compter l'argent de leur petite caisse. Ils avaient presque vendu tous les paniers de légumes supplémentaires, sans compter ceux qu'ils avaient donnés par charité. Les bouteilles de parfum avaient connu un énorme succès avec les dames de la région, même que certaines d'entre elles étaient souvent achetées par les hommes qui souhaitaient faire plaisir à leurs dulcinées.

— Misha... laisse ton frère tranquille, ordonna Gretta par-dessus son épaule.

— Mais maman... si on ne l'encourage pas, il ne sortira jamais de la maison et n'ira jamais faire sa vie ailleurs ! Tu veux qu'il grandisse, oui ou non ?

La grande fermière à la chevelure rousse secoua la tête et roula les yeux.

— Un jour, comme ton père le dit fréquemment, ton frère sera assez grand pour prendre ses décisions tout seul, répondit Gretta. Pour le moment, nous devons prendre soin de lui, comme nous prenons soin de toi.

— Mais il va bientôt avoir dix-neuf ans ! insista sa fille.

— Arrête de râler. Viens plutôt m'aider à calculer nos profits.

— Oui, m'man...

Résignée, Misha aida sa mère à compter leur argent. Derek de son côté servit un autre panier de légumes à une jeune femme qui vint à leur étal. C'était une grande brunette avec un bandeau dans les cheveux, elle portait un arc sur son dos. Il lui semblait l'avoir vu se promener avec Luna, un peu plus tôt dans la soirée. Il ne savait pas qui elle était, mais elle était venue s'installer en ville récemment. Elle le remercia puis alla visiter le kiosque des parfums de sa sœur.

Elle est mignonne, remarqua le jeune homme qui rougit. Pas aussi adorable que Luna, mais charmante. J'imagine qu'une jeune femme comme elle doit avoir de nombreux prétendants. Je me demande si je ne devrais pas m'entraîner à parler à une demoiselle comme elle... Peut-être que j'aurai plus de chance à discuter avec Luna, à l'avenir ? Mais qu'est-ce que je raconte ? Les femmes n'ont pas toutes le même caractère... Je suis un idiot !

À quelques mètres des tables de fruits et légumes, le Père Shalom s'était installé près de la grande fontaine. Il avait une table de citrouilles et de pastèques qu'il sculptait avec des enfants qui l'entouraient. Il s'était porté volontaire afin d'aider les parents à trouver des activités pour les plus jeunes. L'un des préadolescents, qui l'accompagnait, prit l'une des plus petites citrouilles et s'en servit comme ballon, qu'il lança dans les airs et essaya de le rattraper. Hélas...

— Ne fais pas ça, Duncan ! s'exclama le prêtre. Ouah !

Boum ! La citrouille tomba tout droit sur la tête du pauvre religieux. Il perdit l'équilibre et fut aussitôt renversé. Cela fît rire quelques enfants et choqua les pauvres parents qui avaient assisté à la scène. L'un d'entre eux aida Shalom à se relever. Malheureusement, la table s'était renversée quand il était tombé. Des enfants mangeaient déjà des morceaux de pastèques surgelées alors que leurs parents les grondaient d'avoir mis quelque chose de sale dans leurs bouches. Déboussolé, le pauvre prêtre fut reconduit à l'église, où il passerait le reste de la soirée.

Pendant ce temps, Nash était installé de l'autre côté de la fontaine et discutait avec son neveu, Kyran. Il n'avait pas remarqué l'incident avec le Père Shalom à cause de tout le brouhaha de la foule autour d'eux.

— Au fait, mon oncle, nous avons eu des nouvelles de Gwen, dit Kyran. Elle nous a envoyé une lettre l'autre jour, stipulant qu'elle avait trouvé un emploi à Mytira, comme réceptionniste dans une guilde d'aventuriers.

— Ah bon ? Je suis content qu'elle se porte si bien. La dernière fois qu'on a entendu parler d'elle, c'était quelque temps après sa fugue. Après la dispute qu'elle a eue avec Artael, je pensais qu'elle avait décidé de couper les ponts, pour de bon.

— Elle ne lui a toujours rien écrit, mais on correspond souvent. Elle ne désire plus revenir à la capitale et préfère vivre de ses propres moyens. Elle dit aussi de faire des bises à toi, Flint, Sarah et Gabriel. Tu sais comment elle est : une vraie tête de mule comme Flint... Au moins, ces deux-là sont moins embarrassants que l'oncle Troyd.

— Elle me frustre un peu, maugréa Nash. J'ai passé mon adolescence à vous garder et elle m'a complètement oublié après son départ... C'est triste de n'avoir aucune reconnaissance de sa part. Je crois que je ne vaux rien à ses yeux.

Kyran hocha la tête avec une moue.

— Je sais, dit-il. Je comprends tout à fait ta frustration, mon oncle.

Gwenaëlle Markios, la troisième née d'Artael, avait toujours été la plus rebelle des quadruplés. Elle avait aimé jouer des tours à ses frères et à sa sœur, lorsqu'elle avait été gamine. Toutefois, une fois plus grande, elle avait rêvé de voyager et de partir loin de la capitale afin d'aller vivre sa vie. Elle n'avait jamais été sur la même longueur d'onde que son père. Voilà pourquoi elle avait décidé de fuir Baldt vers l'âge de seize ans. Mais il semblerait que ce ne soit pas l'unique raison de son départ. On ne l'avait plus jamais revu depuis ce jour, mais elle avait continué de communiquer avec Kyran. Il servait d'intermédiaire au reste du groupe.

Elle n'avait rien envoyé d'autre au reste de sa famille et pendant longtemps, elle n'avait même jamais laissé d'adresse pour la rejoindre. Kyran devait se contenter d'envoyer des lettres à travers un contact de sa sœur qui passait à la capitale, une fois aux trois mois. Durant quelques années, le jeune homme n'avait envoyé des lettres que par nécessité. Récemment, il lui en avait écrit plusieurs et attendait le retour du messager, afin de les lui faire livrer.

Puisque Gwen vivait Mytira depuis quelque temps, elle avait laissé une adresse à son frère et lui avait fait promettre de ne pas ébruiter cette dernière. Voulant honorer la demande de sa sœur, il avait mémorisé les coordonnées et brûlé la feuille qui contenait celles-ci. Il pouvait donc lui envoyer des nouvelles de leur famille plus souvent. Elle n'était même pas au courant que leur frère cadet allait bientôt se marier avec leur ancien serviteur. C'était ce qu'il lui avait écrit dans la dernière lettre. Les autres dataient toutes de plusieurs semaines.

— Si jamais tu veux lui envoyer quoi que ce soit, tu peux lui écrire, tu sais ? proposa Kyran, à son oncle. Je me chargerai de lui envoyer tout ça lorsque viendra le temps de lui faire parvenir mes propres lettres.

— Je préfère m'abstenir, dit Nash. Elle prendrait sûrement cela comme une insulte et je n'ai pas que de gentilles choses à lui dire. Elle m'a profondément blessé lorsqu'elle a coupé les ponts avec nous.

— Je sais... mais voilà quelque temps que j'essaie de réconcilier Flint et Sarah avec elle. Ils n'ont pas l'air de vouloir lui parler. Ils sont aussi fâchés que papa et toi quand l'on mentionne son nom.

— Tout ça, c'est du passé... Je comprends comment ils se sentent. Elle nous a tous reniés, à part toi, et je dois avouer que je me sens un peu jaloux de toute l'attention qu'elle te porte.

Kyran rougit timidement, sachant qu'il disait la vérité. Des autres quadruplés, Gwen lui faisait confiance plus que tout, car il était le plus mature de sa fratrie. Toutefois, tout comme son oncle, il n'était pas doué pour les histoires de cœur et évitait d'entrer dans une relation amoureuse pour des raisons personnelles. Il était trop enivré par le travail pour faire quoi que ce soit. Cette conversation avec Nash, lui avait rappelé plusieurs souvenirs.

— Sinon, sais-tu où se trouve ton père ? lui demanda Nash. Je l'ai cherché, tantôt, après être revenu de notre mission. Il n'était pas à son bureau lorsque je suis sorti de la salle des réunions. Il n'était pas à la bibliothèque, non plus.

Kyran leva la tête un moment et se frotta le menton.

— Papa ? dit-il. Difficile à dire. Je ne l'ai pas vu de la journée. Grand-papa m'a dit ce matin qu'il travaillait probablement aux sous-sols, dans la salle des archives. Il semblerait qu'il soit à la recherche d'anciens documents importants. Je n'en sais pas plus. Il faudra lui demander la prochaine fois que tu le voies.

— Et où se trouve Virgile ?

— J'ai perdu sa trace après qu'il a quitté le bureau administratif, avant le dîner. Il est sûrement parti rejoindre mon père aux sous-sols. Ou bien, il est en train de préparer la prochaine réunion... C'est rare de le voir quitter le cinquième étage.

Cet étage était l'endroit où le président résidait et avait son propre bureau. Les gens qui souhaitaient prendre un rendez-vous avec lui, devaient d'abord se présenter aux bureaux administratifs du rez-de-chaussée, et attendre l'heure et la date auxquels ils pourraient le rencontrer. Ensuite, ses clients se faisaient escorter jusqu'à son bureau.

— Aussi, poursuivit Nash, quels sont les plans à venir pour la république ?

— Les membres du Conseil sont passés au vote ce matin, dans le but d'agrandir notre réseau d'électricité vers d'autres communautés. La majorité a voté contre, puisque nous n'avons pas les fonds nécessaires pour un tel projet. Ensuite, il y avait d'autres petits soucis concernant le comportement de certains brigadiers, à l'égard de nos citoyens. Certaines personnes, comme Troyd, abusent de leur pouvoir d'après ce qu'on nous a dit, et quelqu'un aurait déposé un grief contre lui, afin que nous y portions attention. Encore une fois, cela ne s'est pas bien terminé.

— Et que s'est-il passé ?

Nash se frotta le haut du nez, connaissant déjà la réponse.

— Virgile ne voulait rien entendre, il désirait congédier le conseiller qui a lu le grief, même si papa a tenté de parler de cette affaire ouvertement. Grand-papa a refusé catégoriquement de laisser les gens s'exprimer sur votre frère. J'ignore ce qui lui prend, mais chaque fois qu'on mentionne Troyd, il devient aussi sauvage qu'un chat sauvage, et s'en prend à tout le monde.

Nash secoua la tête. Encore et toujours des soucis avec le général de l'armée. Virgile détestait qu'on s'en prenne à son fils préféré. Il se faisait vieux et on lui reprochait souvent son manque de jugement lorsqu'il était question de Troyd. Mais Nash avait l'impression que ces deux-là leur cachaient un horrible secret, comme si personne d'autre ne pouvait comprendre ce qui les liait ainsi.

Virgile savait gérer la république comme le fond de sa poche. Cependant, les gens commençaient à se lasser de ses services et plusieurs membres de la population comptaient voter autrement lors des prochaines élections. Celles-ci devaient normalement se passer dans deux ans. Néanmoins, s'il avait été réélu sept fois de suite, ce n'était pas pour rien. Les gens avaient eu confiance en lui à une certaine époque, à cause de ses nombreuses idées fantastiques... mais plus le temps passait, plus il défaillait. Bientôt, il serait sage pour lui de se retirer.

Notre père adoptif a fait son temps, pensa Nash. Il faudrait qu'il prenne sa retraite.

En effet, il n'a vraiment pas l'air commode comme président, rajouta Dia dans ses pensées. Je n'aimerais pas m'en approcher.

Ça tombe bien. Il sort très rarement de son bureau... Tu ne risques rien avec moi.

Nash avait presque oublié la présence de son arme élémentaire, comme il avait été absorbé par sa conversation avec Kyran.

Les festivités avaient à peine commencé. Les adultes étaient tous éparpillés dans le quartier des marchands, et une bonne partie des fêtards avaient décidé de se regrouper près de la taverne locale. Le bar était si plein, que plusieurs hommes et femmes faisaient la queue à l'extérieur, en attendant d'être servis de la meilleure bière de leur région ou bien l'un des fameux repas du tavernier.

À quelques pas de Nash et Kyran, Shayne discutait avec Gabriel à propos de sa posture de combat. Shayne avait remarqué que le colosse se tenait maladroitement vers l'avant, alors qu'il pouvait facilement se servir de sa largeur et de sa grandeur pour effrayer ses adversaires. Gabriel n'était pas très intimidant, même s'il était puissant et capable d'encaisser toutes sortes de coups physiques. Flint observait la conversation en silence, pendant qu'il sirotait un nectar pétillant.

— Bombe ton torse, commenta Shayne. Non, pas comme ça. Prends une grande respiration, comme moi.

— Mmm... euh... gémit Gabriel.

— Laisse l'air rentrer dans tes poumons et montre-moi ta poitrine ! Sois tel un lion et rugis comme un animal !

— Euh... Rugir ? Je ne sais pas...

— Imagine que quelqu'un veut s'en prendre à Flint et laisse monter cette rage en toi. Tu veux saigner ton adversaire, tu veux l'étriper !

— Grrr... ? répliqua Gabriel, avec une toute petite voix timide.

— Pas comme ça ! Mets-y un peu plus d'énergie... Si on réussit à te faire apprendre tout ça, nous pourrons nous en servir lors de nos futurs combats !

— Mais je...

— Pas de mais qui tienne ! Tes ennemis veulent tous faire du mal à tes amis, tu dois les empêcher de s'en approcher par tous les moyens !

Gabriel cligna des yeux, puis supplia son fiancé du regard de lui venir en aide. Flint haussa des épaules et répliqua :

— Je crois que ça ne te ferait pas de tort de suivre ses conseils, Gab.

Résigné, le pauvre golem recommença. Lui qui détestait normalement faire peur aux gens, il avait du mal à se laisser aller. Il repensait à ce que Shayne venait de lui dire. Il ferma les yeux, imagina Flint en danger, au bord d'être tué par un groupe de brigands, puis il se fit grand, imposant et aussi sauvage qu'un animal. Il ouvrit les yeux et rugit si fort que son fiancé échappa son verre de nectar au sol. Quant à Shayne, il tomba sur son derrière, en état de choc.

Tout près d'eux, des gens avaient sursauté. La plupart étaient venus encourager le colosse, mais avaient pris peur. D'autres étaient restés, amusés.

— Eh bah, fiston. J'ai intérêt à ne plus te contrarier ! lui dit l'un des spectateurs, qui se mit à rire aux éclats. Non, mais quelle force dans la voix. C'est surprenant !

Flint se mit à rougir, réalisant que son futur mari avait un cri bestial qui ressemblait presque à celui d'un lion.

Voilà qui pourrait nous servir autrement... se dit-il. Non, mon gars ! Ton côté lubrique a le don de s'afficher aux pires moments... Quoique mon gros chat soit si sexy, ce soir... Mmm... Je crois que je vais lui faire une surprise... Minute, c'est limite troublant, ce que je pense.

Il ne pouvait pas s'empêcher d'admirer Gabriel, malgré tout. Tout cela lui donnait de drôles d'idées... Assez immorales pour faire pleurer le pauvre Nash.

— Désolé ! couina Gabriel, qui avait retrouvé sa petite voix habituelle lorsqu'il était en état de panique. Je suis sincèrement désolé !

— Ce n'est rien ! formula Shayne en se relevant. Maintenant que nous savons qu'une bête sommeille en toi, il serait temps d'exploiter cette dernière pour nos prochains combats ! Te sens-tu prêt à pratiquer tes cris de guerres, lorsque tu auras du temps libre ? Je t'aiderai, s'il le faut.

— Euh... oui... ? répondit le colosse qui ne savait plus que penser de tout ça.

La grande timidité de Gabriel embêtait un peu le vampire, mais il était ravi de voir que son nouvel ami pourrait les aider, tôt ou tard, en faisant peur à leurs adversaires. Il faudrait qu'il revoie les techniques de combat de Gabriel afin de voir s'il ne pouvait pas l'aider autrement. Il emporta donc ce dernier dans la cour d'entraînement du palais, pendant que Flint allait se servir un autre verre de nectar.

Flint était si amusé de voir son fiancé qui tremblait de peur face à Shayne, qu'il décida de les suivre et d'aller s'asseoir sur un banc. Il les observa en silence, pour se rincer l'œil sur les formes du gros guerrier.

Ce qu'il me donne envie, ce soir, pensa-t-il. Oh, j'ai chaud...

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