128. L'heure de la bête
Assis sur un trône massif composé de chairs monstrueuses et d'ossements recouverts d'un étrange métal, une gigantesque créature rouge aux cornes pointues regardait ses sujets. En face de cet être maléfique se tenait une énorme table ronde, où plusieurs de ses acolytes discutaient de la guerre. Une carte de la région avait été placée et sur cette dernière, où l'on pouvait voir plusieurs jetons, qui représentaient des factions et des sous-groupes différents. Pour la créature qui prétendait être leur roi, tout ceci n'était qu'un jeu. Il s'était nourri de plusieurs anges, ce jour-là, et avait eu la chance de déguster un dieu comme repas principal. Le diable en personne. Voilà ce qu'il était.
Au-dessus de cette table, se trouvait une cage en or où l'on pouvait voir une créature vivante : une esclave qui était là pour le divertir. Cette femme avait une longue chevelure blonde, mais des yeux aussi noirs que la nuit. D'ailleurs, il n'y avait plus rien d'humain dans son regard. Cette demoiselle, aux longues ailes ténébreuses, n'était plus que l'ombre d'elle-même. Lors de son dernier combat, dans les plaines célestes, elle avait perdu plus de la moitié de son escadron. Générale pour quelque temps, celle qui avait dirigé les forces des ténèbres avait désormais pour seul devoir de chanter sur commande. Cet ange se trouvait là depuis des jours.
— Pitié... monseigneur... dit-elle faiblement. À boire...
Satan décida d'ignorer les plaintes de sa prisonnière et se contenta de jeter un regard froid en direction d'un homme à la chevelure blonde, à sa gauche. Celui-ci avait les mêmes traits que la dame dans la grande cage dorée. Il s'agissait nul autre que son frère. Même sans ses souvenirs d'antan et l'absence de ce qui faisait de lui un homme, cet ange déchu s'était beaucoup attaché à cette femme, depuis le début de la guerre. Une petite voix dans sa tête lui disait de veiller sur elle, comme la prunelle de ses yeux.
— Général, grogna Satan qui s'adressa au blond. Je vous ai posé une question !
L'homme aux cheveux dorés sursauta et baissa son regard nerveusement sur le plan de guerre, avant de se tourner vers le diable. Il s'inclina, respectueusement et esquissa un petit sourire en coin. Ses lunettes argentées accentuaient le brin de malice que l'on pouvait voir dans son regard. Il s'appelait Kyran Markios, fils d'Artael Markios.
— Oui, monseigneur. Vous m'aviez demandé ce qu'il en est de nos troupes dans la région des dieux égyptiens. Nous avons reçu, dans nos derniers rapports, d'excellentes nouvelles. Toutes les divinités ont été abattues grâce aux guerriers que vous avez convertis, chez les victimes de Célestia.
La créature écarlate fixa d'un regard froid son subordonné, mais sourit. Il posa les mains sur son trône de chairs et d'ossements, et tourna ensuite ses orbes noirs sur chacun de ses stratèges présents dans cette pièce. Tous étaient des membres très importants de son armée et avaient été volés de différentes factions, avant d'être transformés en démons, ou bien en anges déchus. Ils respectaient tous ses ordres, au doigt et à l'œil.
— Qui oserait défier le grand et puissant, Satan ? pensait-il. Sûrement pas eux !
— Votre Majesté, continua Kyran, après s'être raclé la gorge. Je tenais aussi à vous informer que l'escouade que vous avez envoyé au campement des olympiens est revenu, il y a peu. J'ai une bonne et une très mauvaise nouvelle à vous annoncer...
Peu surpris par ces paroles, le monstre à la carrure très imposante, retourna son attention vers le blond. Il commençait toutefois à s'impatienter.
— Qui a-t-il, Markios ? Va, avant que je te dévore la tête.
— Je vais commencer par la mauvaise nouvelle, messire. Athéna et ses compagnons ne se trouvaient pas sur le site, comme nous l'avions prévu. D'après nos espions, la plupart d'entre eux sont partis vers le nord, afin de venir en aide aux autres campements olympiens. La bonne nouvelle, toutefois, c'est que...
Satan planta son poing dans la table, furieux. Athéna leur avait encore une fois échappé. Des flammes sortaient de ses narines, tel un dragon enragé. Une puissante rage envahissait le démon qui essayait de se retenir devant ses sujets, mais c'était plus fort que lui, il empoigna le meuble, le souleva dans les airs et le fracassa contre un mur.
Tous ses stratèges étaient cloués à leurs chaises, la plupart avaient leurs mains sur leurs genoux. La cage de l'ange prisonnière fut secouée dans plusieurs sens avant de commencer à se replacer. La demoiselle se tint fermement aux barreaux, afin de ne pas se cogner.
— Votre Majesté, à force de détruire toutes les tables du château, comment voulez-vous que nous continuions à planifier nos combats ? gronda un démon, à la droite du diable.
— Oh miséricordes... formula Kyran, qui ferma les yeux.
Sous les regards ébahis de leurs acolytes, celui qui venait de parler se fit prendre par la taille, à la vitesse d'un éclair, et termina le reste de ses jours dans le ventre du diable. Déjà, lorsqu'il ouvrit un œil, le stratège blond pouvait voir un pied de l'offenseur qui disparaissait derrière les canines pointues de son maître. Satan poussa alors un rôt sonore, ce qui fit déglutir le binoclard.
Satan retourna enfin son attention vers son serviteur et respira lentement. La petite collation qu'il venait de déguster, venait de lui plaire.
— Parle, je t'en prie, dit-il, d'une voix mielleuse.
Kyran soupira avant de se tourner vers l'entrée de la grande pièce où ils se trouvaient tous. Il mit deux doigts entre ses lèvres, comme lui avait un jour appris son oncle Nash, et siffla de sorte qu'on l'entende.
Les deux énormes portes d'ivoire, tachées de sangs et d'odeurs nauséabondes, s'ouvrirent doucement. À la tête d'une troupe d'anges déchus, un jeune homme à la tête aussi blonde que le stratège s'avança, une faux entre les mains. Ce dernier s'avança au centre de ce conseil de guerre et s'agenouilla devant le diable. Son arme prit aussitôt l'apparence d'une chauve-souris qui se pendit à ses vêtements.
— Satan, je vous présente mon frère, Lucas Markios, déclara Kyran. Tel que vous l'avez prévu, il semblerait que le virus qu'on a propagé autour de cette planète a réussi à convertir plusieurs anges et créatures divines en démons. Il remplacera le Général Augustus qui a malheureusement été tué, lors d'un raid chez les judéo-chrétiens.
— Quelle est cette chose qui vous accompagne ? demanda précipitamment le diable, qui observa la chauve-souris mystérieuse.
Surpris par la remarque de son maître, Kyran décida de laisser à son frère, le choix de répondre à leur supérieur. Il se frotta le menton, et essaya de prédire ce qui se passerait sûrement par la suite. Deux options s'offraient à eux : soit Satan acceptait ce nouveau guerrier dans ses rangs, soit il le dévorait tout cru. Dans les deux cas, l'avenir de son frère se jouait là. Même en tant que déchu, le stratège blond ne pouvait pas se risquer de le perdre, car Lucas était un excellent combattant.
Une perle de sueur coula le long de la nuque du porteur de la chauve-souris, alors qu'il leva son regard sur les puissants abdominaux du diable.
— Ainsi donc, voici celui qui terrorisait le Saint Royaume depuis son arrivée, pensa-t-il.
Il se racla la gorge avant de lui répondre :
— Messire, il s'agit d'un esprit élémentaire conçu par la Princesse Athéna. Cette chauve-souris a été convertie en même temps que mon âme, puisque nous sommes liés. Elle et moi sommes partenaires.
— Je vois... tâchez de faire en sorte qu'elle ne nuise pas à nos plans, sinon je m'en occuperais personnellement, remarqua Satan.
— Bien entendu, messire.
Lucas s'inclina respectueusement devant le puissant démon et se releva.
La bête jeta alors un regard à l'entrée de la salle, où une trentaine d'anges déchus attendaient que leur général leur revienne sain et sauf. Ils obéissaient déjà au blond, qui les avait menés à travers les plaines, jusqu'au château des dieux.
— Et ces nouveaux soldats, commenta Satan, ils viennent tous du vaisseau ?
— Oui, monseigneur, répondit Kyran. Ces hommes et ces femmes étaient de braves soldats pour la cause d'Athéna. Le fléau des anges les a transformés en de véritables machines de guerres. Ils sauront vous satisfaire, j'en suis certain. Avec les gens qui ont été infectés au campement, cela fait en tout plus de soixante nouvelles recrues. Ils sont tous prêts à combattre et à suivre vos ordres.
— Dans ce cas, veuillez les envoyer en mission sur les terres judéo-chrétiennes. En ce moment, ce sont les seules plaines qui manquent de notre présence. La tâche est simple : éliminez tout le monde et convertissez qui vous pourrez dans nos rangs.
Lucas mit une main sur son cœur et hocha la tête, devant le diable.
— Ce sera, pour moi, un grand honneur que de répandre votre influence, Votre Altesse.
— Ainsi soit-il.
Satan trouvait le comportement de ce général particulièrement louche, mais choisit de n'en faire rien. Cet homme, devant lui, devrait faire ses preuves. Au moindre signe de trahison, il l'éliminerait. Le diable pointa donc la porte de sortie, d'un air sévère. Lucas jeta un clin d'œil complice à son frère et s'éloigna ensuite avant de sortir d'où il était arrivé. La chauve-souris garda silence, tout le long du déplacement.
Une fois la porte de la salle refermée, le monstre posa son regard vers la cage de la prisonnière. Il se croisa les bras et dit, d'une voix forte et autoritaire :
— Sarah, vous souhaitiez qu'on vous apporte de l'eau ? Chantez-moi une berceuse capable de m'endormir et l'un d'entre nous vous donnera à boire.
La dame blonde se prit la gorge de trois doigts. Voilà plus de deux jours qu'elle ne faisait que chanter pour son ignoble seigneur. Elle était fatiguée, elle avait besoin d'une douche et surtout d'une bonne nuit de sommeil. Chaque instant passé dans cette cage, devenait un supplice pour celle qui avait autrefois été la plus grande guérisseuse de Baldt.
Sarah ferma les yeux et se mit à réciter les psaumes sataniques qu'on lui avait endoctrinés, suite à sa transformation. La fierté de la jeune femme en avait pris un sale coup, après sa dernière défaite. Tout au long de son chant, elle pleurait. Elle ignorait pourquoi. Une partie de son subconscient, enfoui en elle, souffrait autant qu'elle. L'ange déchu qu'elle était devenue ignorait pourquoi, mais une impression de ne pas être seule dans ce corps, la perturbait, tout au long de sa performance. Au bout de la dernière note, elle se rendit compte que Satan s'était endormi et qu'ils étaient seuls dans la salle du trône. Elle rechigna, puis essuya ses larmes.
¤*¤*¤
Pendant la matinée du 29 octobre 3918 AD, Athéna et le reste de son groupe se reposaient au sud du grand portail qui menait à l'intérieur des landes égyptiennes. Après plusieurs jours de marche, ils avaient libéré des milliers de soldats et tué plusieurs adversaires, mais il leur restait encore beaucoup de chemin à faire, avant de retrouver les derniers dieux survivants de la faction olympienne.
Cassandra, Misaki, Randell, ainsi qu'Hercule et leurs montures, avaient fini par rejoindre le groupe. La guérisseuse avait expliqué à la princesse que leur campement avait été attaqué par les anges déchus et que tous les infectés avaient fini par se transformer. Pour cette raison, ils avaient tous campé au même endroit, dès leur arrivée et amélioré le vaccin avec lequel la guérisseuse soignait toutes les personnes affectées.
Le virus avait déjà commencé à se propager à travers le groupe dans lequel les membres de la Septième Brigade voyageaient. Il y avait de forts risques pour que la plupart d'entre eux subissent le même sort que Lucas et les autres. Cependant, la nouvelle formule que les divinités avaient développée semblait guérir rapidement ces malades et repousser l'infection.
— Le simple fait que vous vous êtes pratiqués à repousser les possessions est déjà un plus pour vous, expliqua Hypnos alors qu'il injectait une aiguille dans l'épaule de Flint. Si ce n'était pas de notre entraînement, vous vous seriez tous transformés, pile au moment où nous avions atterri au Saint Royaume.
— Ce virus est si puissant que ça ? questionna le grand blond, inquiet.
— C'est la première fois en mille ans que j'assiste à un tel phénomène. Normalement, on parle uniquement d'ondes psychiques, mais là, il s'agit d'une arme biologique.
Cette nouvelle n'enchantait guère le capitaine. Un moment plus tard, il sortit de la tente dans laquelle il avait reçu sa piqûre et alla déguster un repas froid, en compagnie des membres de son groupe. Ils avaient tous été vaccinés. Tous acceptaient mal la nouvelle que Lucas s'était fait prendre et convertir par l'armée de Satan. Voilà deux jours que cela s'était produit et pour eux, cela se comparait à une éternité.
— J'aurais dû être là pour aider Cassie, grogna Luna, qui regardait piteusement son morceau de sandwich. Si j'avais été là et poursuivi mes projets, nous ne l'aurions pas perdu...
— Tout est arrivé si vite, remarqua la guérisseuse. Tu n'aurais pas pu faire autrement que de prendre la fuite, toi aussi. Les démons avaient déjà tout planifiés d'avance.
— Dans ce cas, ce sera à nous d'être plus vigilants, la prochaine fois.
Gabriel, qui écoutait la conversation en cours, cracha une coquille de graine de tournesol par terre, alors qu'il s'apprêtait à en manger une deuxième. Celui-ci avait recommencé à en consommer dernièrement, au grand dam de Cassandra, car elle s'inquiétait pour sa pression artérielle. Le colosse sombrait de plus en plus dans le mutisme, sachant qu'ils avaient perdu beaucoup de leurs amis à cette guerre. Ses camarades ne savaient plus que faire pour le réconforter. Il faisait de son mieux chaque jour, afin qu'ils soient tous nourris. Il transportait aussi beaucoup d'objets lourds pour l'armée. Seul Flint arrivait à communiquer avec lui, alors que Scottie et Wyatt se tenaient tout près d'eux, en cas de besoin. Un sentiment d'impuissance s'emparait du groupe. Au moins, le colosse avait confié son secret à son mari, ainsi qu'Athéna et Charlie. Cela allégeait un peu ses souffrances, mais pas ses inquiétudes.
Un peu plus loin, Nash et Artael avaient entrepris la plus longue conversation qu'ils avaient eue depuis des lustres. L'ambiance se voulait maladroite. Tous deux avaient beaucoup changé en quelques années. L'aîné des deux frères était surpris de constater à quel point son frère cadet avait mûri durant cette période de séparation. Il n'en revenait toujours pas à quel point Nash dirigeait son armée avec une poigne de fer et surtout avec ardeur.
Nash lui avait expliqué comment il était devenu le chef dont les olympiens avaient besoin, suite à son retour en ce monde. Il y avait eu une courte période d'adaptation, mais celui-ci avait accepté rapidement de prendre le relais pour la famille royale, en l'absence d'Athéna. Il avait mené son groupe à la victoire, à de nombreuses reprises et perdu peu de soldats, cependant, il était soulagé que les membres de la Septième Brigade se trouvaient dans ses rangs.
Artael et son frère cadet étaient assis sur une table à dînette que l'un des soldats avait apportée dans sa bague magique. Artael buvait une canette de bière tandis que son frère avait choisi une bouteille d'eau pétillante. Ils observaient les gens qui allaient et venaient devant eux. Pour eux, c'était comme si la mort ne les avait jamais séparés. Ils parlaient de tout et de rien, et essayaient de se changer les idées, à cause des récents événements. Ils avaient bien mérité une pause.
— Alors... Athéna et toi... commenta Artael. Vous avez... ?
Nash n'était pas certain de comprendre où son aîné voulait en venir.
— Je veux dire, reprit son frère, que tu as... fais... des... trucs avec elle.
Nash faillit s'étouffer avec son eau pétillante et rougit comme une tomate.
— Oh ! Ça ? Elle t'en a parlé...
— Et comment... jamais, je n'aurais cru que tu aurais le culot de laisser ses lèvres approcher les tiennes, petit frère.
— Mais je n'étais pas consentant ! Elle était ivre !
— C'est ça, c'est ça...
Le patriarche de la famille Markios roula les yeux et posa sa canette vide, de côté. À vrai dire, il taquinait son frère.
Lors de l'une des réceptions organisées par Athéna et son père, cette dernière s'était saoulée et avait dansé avec Nash pendant une bonne heure. Le tout s'était déroulé à l'époque où il était encore son assistant. La pauvre déesse l'avait confondu pour Artael, à un moment donné, et l'avait embrassé sur les lèvres. Le Roi de l'Olympe actuel n'avait jamais oublié cet incident. Il déglutit, en y repensant.
Le plus jeune des hommes sentit le regard sévère de son grand frère, se poser sur lui.
— Ça y est... les carottes sont cuites ! pensa Nash.
À sa grande surprise, son frère s'esclaffa.
— Oh ! Si tu voyais ta tête, mon pauvre ! s'exclama Artael.
— Vilaine fripouille !
Nash donna un coup de poing dans l'épaule de son aîné qui pouffa encore plus fort.
— Décidément, ça m'étonne que personne n'ait encore deviné que les quadruplés tiennent ce côté badin de leur père, soupira-t-il, avant de prendre une gorgée de son eau pétillante.
— Et ils ont le cœur de leur oncle, sourit le mage. On les a bien élevés, toi et moi.
— Oh arrête, tu vas me faire rougir.
— Je ne plaisante pas, Nash. Tu as fait une bonne partie du travail, avec Flint, surtout. Il est devenu un chic type... malgré ses défauts récurrents.
Au même moment où ils parlaient du grand blond, ils virent celui-ci derrière le guerrier bedonnant, qui se prenait le menton, l'air de réfléchir. Un instant plus tard, il se mit à chatouiller le pauvre colosse qui se retrouva rapidement par terre pour ensuite supplier son mari d'arrêter. Scottie et Wyatt rejoignirent Flint dans cette attaque surprise et tout le monde pouvait entendre le colosse grogner. Artael secoua la tête.
— Certaines habitudes ne changeront jamais, formula ce dernier.
— Et c'est toujours notre cher Gabriel qui finit par subir ses taquineries, fit Nash, amusé. Le pire dans tout ça, c'est que ça l'amuse tout autant que Flint, même s'il ne l'avouera jamais. Avec leurs deux nouveaux complices qui ont aussi leurs propres lots de bêtises à leur actif, on a vraiment hérité d'une bande de tarés.
— Mouais... mais c'est notre bande de tarés.
Tous deux se regardèrent et hochèrent la tête.
Pendant ce temps, le colosse décida de se venger de Flint, Scottie et Wyatt, puis les fit tomber avec l'une de ces jambes. Le blond gloussa comme une pie et tomba sur le ventre de son mari, alors que Scottie et Wyatt tombèrent à leurs côtés. Ensuite, Gabriel enlaça son époux, sous les regards de leurs amis, et fit signe à leurs deux autres partenaires d'approcher pour un câlin. Leurs singeries, bien qu'immatures, remontaient un peu le moral des gens qui passaient par là. L'amour et la fraternité que partageaient tous les membres de la Septième Brigade, inspirait les soldats de l'armée.
— J'ai l'impression qu'ils ne grandiront jamais, se dit Estelle qui roula des yeux.
La petite journaliste était assise derrière Nash et Artael, en compagnie de Kylie. Elle écrivait un article dans son journal intime, ou plutôt, son journal de guerre, tel qu'elle l'appelait. Ce vieux projet datait depuis déjà depuis un mois, puisque les autres carnets étaient tous remplis. À côté d'Estelle, son épouse épluchait une pomme rouge.
— Vois ça comme ça, ma cocotte, dit Kylie. Au moins on ne s'ennuie jamais avec eux.
Cette dernière se pencha la tête pour lui donner une bise sur le front. Estelle rougit timidement. Artael ne s'habituait pas à voir sa petite-fille aussi âgée, ainsi que mariée. Même après quelques mois passés en sa compagnie, pour lui, elle était toujours adolescente. Il reconnaissait toutefois que la présence des jumeaux et Wyatt rendait Estelle dernière plus heureuse. D'ailleurs, le mage en question avait été cherché des champignons, plus tôt, accompagné de Scottie Sanders et de Bella.
Artael et Nash leur avaient offert de les aider à nettoyer le tout, et ils avaient fait frire ce qu'ils avaient récolté avec des pommes de terre pour le buffet de la matinée ; qu'on servait en ce moment même à tout le monde. Artael en avait profité pour prendre des nouvelles de Wyatt et lui avait demandé comment Luna et lui avaient continué leurs entraînements de magie loin de Baldt. Wyatt lui avait expliqué qu'ils s'étaient tous deux pratiqués avec des salles de simulations qu'ils avaient créé sur la planète de Célestia, bien avant sa destruction. L'ancien président de Baldt avait évalué les progrès de ses élèves au cours des derniers combats et avait remarqué que tous deux avaient pratiquement atteint un niveau similaire à celui de Kyran, qu'ils surpasseraient bientôt. Un jour, Luna deviendrait probablement beaucoup plus puissante qu'eux.
Alors qu'Artael repensait à ses élèves, un symbole étrange, à deux mètres de sa table. Il avait tourné son attention vers ce qui semblait être un sceau magique, qui se traçait au sol, près de sa partenaire. Athéna, qui dégustait un plat de riz, baissa son regard et vit que c'était un hologramme créé à partir de sa bague. Elle avait oublié d'enlever l'option de faire apparaître ces images, automatiquement.
— Votre Altesse, dit la forme holographique, à Athéna. Nous avons retrouvé les soldats manquants. Ils se trouvent tous au château.
— Très bien. Avez-vous d'autres informations ? demanda-t-elle.
— Non, madame. Mais je vous tiendrai au courant du moindre changement.
— Merci pour tout. Vous pouvez disposer.
L'image de l'homme disparut.
Ne comprenant pas trop ce qui s'était passé, Nash prit le bras de son frère pour attirer son regard vers lui. Il lui montra son incompréhension d'une simple expression confuse.
— Il s'agit d'une équipe d'espions et d'infiltration, répondit Artael. Ils sont chargés de nous rapporter tout ce qui se passe au château des dieux, durant notre absence.
— N'est-ce pas dangereux, tout ça ?
— Nous prenons tous des risques, c'est la guerre qui veut ça.
— Oui, mais elle l'a fait, sans même m'en parler.
— Ce n'est pas à moi que tu devrais en discuter, mais avec elle.
Le Roi de l'Olympe était un peu déçu par la remarque de son frère, mais devait admettre qu'il avait raison. Il décida donc d'aller interroger la déesse et laissa le mage.
Artael, quant à lui, se leva afin d'aller se servir au buffet où tout le monde avait préparé quelques mets différents. Il en profita pour jeter un coup d'œil, du côté de Flint, Gabriel, Scottie et Wyatt qui se bécotaient ouvertement et s'enlaçaient aux côtés de leurs amis.
— Encore ces putains de tarlouzes qu'on voit partout, remarqua un soldat qui passait près d'Artael. J'en ai marre de les voir partout, ils n'ont aucun respect pour personne.
L'ex-président le prit par le collet de sa chemise et le fusilla droit dans les yeux.
— Qu'avez-vous dit de mon fils et ses compagnons ?
Nerveusement, le soldat reconnut les traits de l'homme qui avait autrefois été le dirigeant de sa nation. Son visage blêmit de honte, puis il recula nerveusement, tout en essayant de s'échapper. Vexé, Artael lança l'homme dans la table du buffet.
Cela eut un effet domino. Rapidement, une bagarre générale éclata à travers tout le campement et partout, les gens s'échangeaient des baffes ou bien se lançaient des morceaux de nourriture. Luna et Cassandra durent se cacher sous une table, afin d'éviter de se faire éclabousser par des morceaux de tartes qui volaient dans leur direction. Personne ne comprit vraiment comment tout cela avait commencé, sauf Artael qui finit par ligoter le soldat avec plusieurs saucissons. Il abandonna ce dernier au milieu d'une table et s'essuya les mains, alors que les autres soldats continuaient à se lancer de la nourriture.
Lorsqu'il revint vers la table de la Septième Brigade, avec un sourire satisfait, Flint l'observa et se demanda ce qui s'était passé. Cependant, le capitaine de la Septième Brigade reçut une part de gâteau dans la tronche. Fou de rage, il contourna son père et sauta dans la mêlée. Gabriel secoua la tête et suivit celui-ci, comme toujours. Amusés, Scottie et Wyatt les imitèrent et les suivirent dans la foule.
— Ça lui apprendra à se moquer de ma famille, ricana Artael, fier de son coup.
Estelle avait tout vu. Bouche-bée, elle suivit son grand-père du regard.
¤*¤*¤
Lucas avançait le long d'un couloir et suivait une servante succube qui avait reçu l'ordre de le conduire à son appartement personnel. Le Sanctuaire des dieux était divisé en plusieurs secteurs pour chaque faction divine ; on lui avait assigné une chambre dans l'un des étages qui avaient appartenu aux olympiens.
Éclipse dormait sous sa cape, sous son apparence animale, le jeune homme écoutait les directives de la monstrueuse servante.
— Je dois d'abord vous rappeler que votre place n'est pas permanente, alors tâchez de garder votre chambre propre. Nous sommes des démons, pas des porcs. Lorsque vous mourrez aux champs de batailles, ce qui risque forcément d'arriver, quelqu'un d'autre occupera la pièce. Alors, évitez de foutre le bordel et tout devrait bien aller.
— J'imagine que je ne suis pas le premier locataire ? questionna celui-ci.
— Ce mois-ci ? Le treizième, pour être exacte. Décevez Satan et vous deviendrez son casse-croûte. Il adore manger ses sujets, comme vous le savez déjà.
Ils s'arrêtèrent devant une chambre sombre, au fond du vaste couloir d'ivoire. Les murs tombaient, pour la plupart, en ruines, mais la pièce à laquelle ils s'étaient arrêtés, semblait propre et sans souci apparent pour le blond. Alors qu'il entra dans cette chambre, une sensation familière lui chatouilla l'esprit. Il venait de voir un pot avec des fleurs de lys séchées, posées près d'une commode.
Une image lui revint dans la tête, pendant qu'il s'arrêta net, en face de la servante succube. Il se revoyait en train d'arroser des plantes dans la serre du Célestia, il revoyait le visage d'une jeune femme blonde avec qui il avait discuté parfois avant de prendre le thé. Cette femme, il ne savait plus qui elle était, mais il savait que cette dernière devait être importante à ce qu'il avait été, autrefois.
— Quelque chose ne va pas, Monsieur Markios ? interrogea la domestique.
— Non, ça ira. Vous pouvez partir.
— Un souper vous attend au rez-de-chaussée. Je vous laisse la clé dans la serrure de l'entrée. Au revoir, mais ne faites pas trop comme chez vous... Vous risquez de crever à n'importe quel moment, de toute manière.
— Voilà qui n'est pas très rassurant.
— Hélas, ce sont les risques du métier, lorsqu'on est l'un des sbires de Satan.
Elle ne salua même pas Lucas et partit. La dame se fichait bien du niveau de confort du nouvel arrivant. Elle ne faisait que son travail.
Il soupira et enleva sa cape, avant d'aller refermer la porte derrière lui. Il se dirigea alors vers le lit et posa la chauve-souris sur la bordure du meuble. Éclipse dormait toujours paisiblement. Les yeux de l'homme s'attardèrent encore une fois sur les lys blancs séchés, qu'il décida de ramasser pour ensuite aller les jeter à la poubelle. Il avait toujours cette image de la demoiselle familière dans ses souvenirs.
— Elle me fait étrangement penser à la jeune femme que j'ai vue dans la cage dorée, réfléchit-il avant de bâiller. Et cet homme qui se dit être mon frère ? Je n'ai aucun souvenir de lui avoir adressé la parole, un jour. Pourtant, nous nous ressemblons beaucoup... D'ailleurs, je ne comprends pas pourquoi je lui ai fait un clin d'œil. J'imagine que je voulais faire bonne impression. Pfft... Tout ça m'est si étrange.
Lucas avait perdu la plupart de ses souvenirs, lors de sa transformation. Quelqu'un l'avait assommé au vaisseau et à son réveil, il ne se souvenait plus de grand-chose, à part son prénom et celui de la chauve-souris. Cette dernière ne lui parlait presque pas, elle ne mangeait que des fruits et dormait pratiquement tout le temps, même quand ils combattaient. Malgré le fait que leur relation était très étrange, il s'adaptait à sa présence. Elle semblait souffrir de narcolepsie, puisqu'elle tombait même endormie au beau milieu d'une conversation.
L'image de la dame blonde ne quitterait pas l'homme de sitôt, car il n'arrêtait plus de penser à elle. Un doux parfum de cannelle, un sourire angélique, une présence bienveillante : voilà des traits qu'il reconnaissait en elle.
— Souviens-toi, murmura une voix dans son esprit.
Il secoua la tête. Il avait l'impression de perdre la raison. Il commençait à avoir faim et comptait suivre le conseil de la demoiselle succube. Il en profiterait pour préparer un bol de fruits afin de nourrir sa chauve-souris. Éclipse raffolait des fraises et des baies sauvages. Lucas avait remarqué que ces dernières poussaient en abondance au jardin qui avait autrefois appartenu au Roi Zeus. Il avait eu la chance de le visiter, un peu plus tôt dans la journée.
— Ne sois pas un lâche, Lucas, continua la petite voix dans sa tête. Tu sais qui tu es...
Lucas réalisa que cette petite voix était en réalité son subconscient. Il se tapa la tête à quelques reprises, avec chaque main. Il croyait recevoir des hallucinations auditives. Toutefois, il ignorait que son hôte s'était grandement entraîné à repousser les possessions psychiques, ces derniers mois. La personnalité primaire de l'ange déchu tentait de communiquer avec lui.
Au bout d'un moment, la voix disparut. Le blond déglutit et finit par ramasser Éclipse, perché sur le lit. Elle se transforma en faux, derrière son dos, et ils sortirent tous deux de la chambre, où ils passeraient quelque temps. L'ange n'avait pas l'intention de revenir dans cette pièce, avant d'avoir dévoré tout ce qu'il y avait au menu. Cependant, il était loin de se douter que de loin, une silhouette obscure observait ses faits et gestes.
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