126. Nash et Cerbère

Nash s'appuyait derrière un gros rocher, à bout de souffle. Un ange déchu était à sa poursuite depuis une quinzaine de minutes. Un flingue entre ses deux mains, l'homme châtain ne comptait pas se laisser tuer ce jour-là. Il cligna les yeux, prit une grande respiration et se fia à la voix de son esprit élémentaire qui lui disait de se relever et de se tourner à quarante-cinq degrés vers la gauche. Il exécuta ce mouvement et visa son arme vers l'ennemi. Il appuya sur la détente et tua aussitôt le déchu.

— Bien joué, Votre Majesté ! déclara Cerbère.

— Pour la dernière fois, tu peux m'appeler Nash.

— Désolé... Mauvaise habitude.

L'arme entre les mains de Nash se transforma sous ses yeux et prit l'apparence d'un chien de garde à la fourrure brune et noire. L'animal avait été gravement blessé lors d'un combat, un mois plus tôt, mais avait réussi à se matérialiser à nouveau sous une apparence moins imposante que la précédente.

Son porteur et lui avaient été forcés d'abattre un clone qui était le portrait craché de Nash. Ils avaient vite compris que les corps créés par Luna avaient été employés par l'ennemi, afin de les traquer et les tuer.

Depuis ce jour, Cerbère avait l'air d'un Dobermann Pinscher tout ce qu'il y avait de plus normal. Cela convenait à son porteur qui appréciait grandement la compagnie d'un chien.

— As-tu des nouvelles de Dia et les autres ? demanda Nash.

— Ils sont arrivés à bord de leur véhicule. La puce que vous avez placée dans la salle des machines nous a fait gagner un temps précieux pour les localiser.

— Je sens qu'Athéna va m'en vouloir pour ce coup, mais je ferais face à la tempête plus tard. C'était l'unique moyen de m'assurer de leur arrivée.

— Sinon, comment avez-vous su qu'ils transformeraient votre planète en vaisseau ?

— Simple intuition. Je me doutais bien qu'elle penserait à un truc similaire.

Nash se passa les mains sur la tête et la secoua.

— La princesse est, après tout, une visionnaire, ajouta-t-il. J'ai travaillé assez longtemps avec elle pour me rendre compte qu'il ne fallait jamais baisser notre garde en sa présence. Ça, et le fait qu'elle aime bien inventer diverses choses...

Le chien opina du chef avant de jeter un coup d'œil vers l'ange déchu qu'ils avaient tué. Il s'agissait d'un ex-soldat qui avait servi les olympiens. Sitôt que le diable avait mis les pattes à l'intérieur du château, qu'une multitude d'anges innocents avaient été convertis en démons. Celles et ceux qui avaient résisté à ces transformations, avaient été réduits à l'esclavage ou bien emprisonnés.

— Que savons-nous du nouveau véhicule ? demanda alors Nash. J'ai cru comprendre que les autres esprits t'ont tout dit par télépathie...

— Il s'agit du Célestia, monsieur Nash, répliqua Cerbère. Les ruines du monde ont été transformées en vaisseau grâce au noyau central, comme vous le savez déjà. Il est assez grand pour y contenir une centaine de personnes.

— Pas besoin de mettre monsieur avant mon prénom...

Le guerrier n'en avait pas fini d'essayer de convaincre son esprit élémentaire de le traiter de façon plus familière. Toutefois, il n'avait pas fait attention et cette conversation avait attiré d'autres anges déchus dans leur direction. Lorsqu'il entendit du bruit, Cerbère prit la forme d'une épée, instinctivement, avant d'atterrir dans la main droite de son maître. Nash se cacha à nouveau, derrière le rocher.

Nous nous sommes fait détecter, formula-t-il mentalement. Tâchons de ne pas faire trop de bruits, sinon nous risquons de nous attirer leurs lieutenants.

Je propose une approche furtive, suggéra l'épée par télépathie.

Nash hocha la tête et contourna l'énorme rocher, alors que les deux soldats arrivaient du côté gauche. Il sortit de son petit sac de ceinture, une bombe fumigène qu'il garda dans sa main libre. Au moment de l'embuscade désirée, il activa et lança cette dernière. Confus, les anges déchus se mirent à tousser à travers la fumée qui se propagea autour d'eux. L'épéiste en profita pour courir dans leur direction et planta son arme dans leurs dos, un après l'autre. Le nuage synthétique se dissipa et rapidement, Nash put discerner des traits familiaux.

— Leif et Xavier, deux anciens gardes de la salle du trône, soupira-t-il alors qu'il essuya sa lame. Quel dommage. Ils étaient d'excellents guerriers. Ils auraient pu rejoindre la rébellion s'ils n'avaient pas été affectés par cette magie obscure.

— Utilisez le cristal, monsieur.

Le roi hocha la tête et sortit de son petit sac, une gemme de la grosseur d'une pomme. On s'en servait pour récolter les âmes, dans ce monde. Leur transfert se faisait plus facilement, lorsqu'on devait les emmener au Jardin d'Éden ou bien les enfermer en cellules. Depuis que la guerre avait éclaté, quelques mois plus tôt, les démons s'en servaient pour convertir les anges et les civils tués en créatures maléfiques. Les dieux, quant à eux, s'en servaient pour les purifier et récolter tous les défunts de ce conflit.

Les deux corps devant les yeux de Nash disparurent. Il rangea ensuite la pierre là où il l'avait prise et tourna son attention vers le camp près duquel il s'était aventuré. Il y avait d'autres soldats ennemis qui s'y trouvaient. Il prit une grande respiration et fonça se cacher dans les hautes herbes.

En tant que l'un des généraux de son armée, il passait la plupart de son temps libre à explorer le terrain, discrètement, et à sauver celles et ceux qui avaient été enlevés par Satan et ses sbires. Jusque-là, il avait libéré une vingtaine d'esclaves et tué une centaine de soldats, à son actif. Le titre de commandant en chef ne lui convenait plus, car il avait souhaité avoir moins de responsabilités afin de se déplacer plus librement sur le terrain. Quand viendrait le temps de combattre l'armée des ennemis, il serait présent pour gérer ses troupes.

— Occupons-nous de ceux-là, et retournons à nos quartiers généraux, monsieur, commenta l'esprit élémentaire, tout bas.

— J'y compte bien...

Nash vit une grosse caisse en bois, non loin de sa cachette et décida de s'y faufiler. Il faisait sombre, mais ses yeux lui permettaient de bien voir dans l'obscurité. Près d'un feu de camp, un démon ailé bâilla. La créature tenait entre les mains, un morceau de viande animale qu'il avait chassé dans les plaines sacrées du Saint Royaume.

Sûrement l'un des cerfs d'Artémis, songea Nash. De quoi la mettre en colère, quand on touche à ses potentiels repas...

Cette viande est excellente, pour en avoir dégusté moi-même, commenta Cerbère par télépathie. Heureusement, pour moi, je ne me trouvais pas sur les terres réservées de votre collègue.

Parlant de notre commandante, elle ne doit pas être loin. Elle m'a dit qu'elle devait chasser un peu, pour notre repas de ce soir.

Je sais, je peux le lire dans vos pensées, monsieur.

L'homme décida qu'il était temps de tuer ce démon et de le purifier. Il mit donc deux doigts entre ses lèvres et siffla afin d'attirer son attention. Comme prévu, la créature ailée lâcha son morceau de viande rouge et regarda en direction de la caisse en bois. Elle s'approcha ensuite, lentement, lance en main. Au moment où elle allait contourner l'objet, Nash sortit de sa cachette et lui transperça le cou avec son épée. Du sang coula du cou de l'ennemi, alors qu'il s'effondrait aux pieds de l'assaillant.

— Un diablotin, murmura Nash pour lui-même. Ils sont de plus en plus nombreux.

— Nous n'avons pas terminé, monsieur, remarqua la voix de son partenaire. Je détecte deux anges déchus à notre droite et un démon, au nord du site de campement.

— Dans ce cas, ne traînons pas.

Le dieu se pencha à nouveau et rampa se cacher dans de hautes herbes, près d'une tente à laquelle campaient les déchus. L'un d'entre eux avait autrefois servi Athéna, comme garde du corps. Nash le reconnut par sa grandeur et la rousseur de ses cheveux, alors que celui-ci se réchauffait près d'un feu de camp. L'autre ange était une femme recouverte de cicatrices, avec une expression sévère sur le visage.

— Nous devrions aller voir où en sont les autres, dit-elle à son acolyte.

— Mouais, on ne les entend plus parler... C'est louche...

Nash n'avait plus de bombe fumigène dans son sac. Il serait donc forcé de les diviser, ou bien d'attendre le bon moment qu'ils se séparent, afin de les tuer, l'un après l'autre. Il ne voulait pas se faire repérer. Le roux s'éloigna près d'une tente, alors que la femme cicatrisée resta près du feu un moment. Elle était armée de deux dagues, ainsi que d'un arc et des flèches. Nash jugea qu'elle devait être une ancienne chasseuse sous les ordres d'Artémis ou bien une autre divinité liée à cet art.

Tentons de la distraire avec un caillou, lorsque que son ami sera plus loin, proposa Cerbère, par télépathie. Ça fonctionne à tous les coups.

L'envie de me servir des éléments à mon avantage me chatouille l'esprit, pensa le châtain, mais cela me forcerait à dévoiler ma position. Allons-y avec ton plan...

Nash souleva alors sa main et se concentra sur le sol devant lui. Il fit s'arracher de la terre, un gros caillou avec sa magie et visa un baril, au loin. L'objet en bois se trouvait près de la sortie est du campement fortifié. Au moment où la pierre le frappa, la guerrière aux dagues sursauta et décida d'aller examiner ce qui se passait par là. Rapidement, le dieu se faufila derrière la tente et se cacha derrière une autre caisse en bois. Il aurait bien aimé pouvoir la vaincre avec un arc et des flèches, mais il n'en avait pas avec lui. Il se contenterait de l'abattre avec son épée.

Au moment où il arriva enfin près du baril qu'il avait frappé avec le caillou, Nash observa la déchue qui regardait au loin. Il prit une grande respiration et fonça silencieusement vers elle. Il planta son épée à travers le dos de la demoiselle et la tua sur le coup, après lui avoir arraché un dernier cri. L'épéiste soupira de soulagement.

— Ce n'est pas terminé, murmura-t-il, pour lui-même.

Il sortit son cristal à nouveau et absorba l'âme de la jeune femme. Il jeta un regard dédaigné vers son épée recouverte de sang et se dit qu'il allait devoir la nettoyer, une fois qu'ils en auraient fini avec ce campement. Il entendit le garde, derrière lui qui avait repéré la voix de sa partenaire. Nash fit aussitôt une roulade vers la gauche et se planqua dans un gros buisson. Tel un caméléon, il passerait inaperçu, encore une fois.

¤*¤*¤

Une heure plus tard, Nash arriva aux quartiers généraux de la résistance, titre que l'on donnait à l'organisation qui essayait d'éliminer Satan. Il s'agissait d'un simple camp, barricadé de tout ce que ses membres trouvaient dans la nature. Ils se trouvaient loin du château, mais avaient un vaste terrain. Ils pouvaient se cacher dans des ruines ou des cavernes, lors de leurs missions à l'extérieur de leurs murs, mais cet endroit était pour eux sécuritaire. Des mages protégeaient l'endroit en permanence avec de puissants champs de forces ; ils se relayaient à toutes les heures.

Nash était assis sur le dos d'un cheval ailé, un pégase qu'il avait emprunté au Général Hercule VI pour sa mission du camp ennemi. Le dieu en question était, semblerait-il, le descendant d'un fils du tout premier Zeus. Il avait toujours préféré servir l'armée, le titre de roi ne lui convenait pas. Athéna, son aînée, devait normalement succéder à son père, mais il en fut autrement, car on avait nommé Nash à sa place.

Ce dernier, de son côté, avait renoncé à son titre royal quelques mois plus tôt lorsqu'il avait déclaré la formation de sa nouvelle faction. Cependant, il avait été forcé de le reprendre, parce que les olympiens avaient besoin de lui, plus que jamais.

— Votre Altesse ! fit un garde, lorsqu'il vit son souverain arriver à dos de pégase. Mages ! Baissez le champ de force ! Sa Majesté le Roi Zeus est entré !

— Pour la dernière fois, mon nom est Nash ! articula l'épéiste.

Le soldat n'y fit pas attention, comme à chaque fois que le dieu tentait de se faire respecter. Celui-ci s'ennuyait de la bonne vieille époque où les gens l'appelaient par son prénom. Depuis qu'il était devenu le nouveau roi, c'était Zeus par-ci et Zeus par là, car ce titre inspirait non seulement la confiance, mais aussi la bienveillance dans le cœur de ses sujets. Parfois, il inspirait aussi la peur.

Nash avait graduellement commencé à entendre les nombreuses voix de ses prédécesseurs, ce qui lui permettait désormais de puiser dans leur sagesse collective. Pour cette raison, on le respectait davantage qu'autrefois. Néanmoins, il avait aussi le côté fougueux des Markios. Cela faisait de lui un homme à ne jamais mettre en colère. Aucun soldat ou civil n'osait le contredire, de peur d'attirer ses foudres sur eux. Il était conscient que son ancien patron avait été un expert de la foudre, mais lui contrôlait mieux la nature. Seuls les autres dieux semblaient le traiter avec un peu plus de respect. Hercule faisait partie de ces gens.

— Te voilà, Nash ! fit une voix forte et enjouée, lorsqu'il traversa le camp avec le cheval ailé.

Nash avait déjà repéré le visage du véritable propriétaire de ce pégase. Le visage fin, le corps musclé, la peau légèrement bronzée, mais luisante et les cheveux en broussailles définissaient les traits d'Hercule. Aussi blond que la plupart de ses cousins ou de ses cousines, il se faisait surnommer le Lion Doré de l'armée. Il combattait principalement avec une lance et un bouclier ; il avait tout d'un gladiateur. Son partenaire de sélection était évidemment le cheval ailé que l'épéiste empruntait occasionnellement.

— Quelles sont les dernières nouvelles ? interrogea Nash.

— Nous gagnons du terrain près du château. Malheureusement, nous avons perdu un campement au sud de la ville, ainsi que quelques-uns de nos soldats.

— J'ai réussi à envoyer mes compagnons élémentaires à destination, nous aurons très bientôt des renforts. Où sont les autres ?

— Comme toujours, tu trouveras Artémis et Apollon dans la tente du centre. Ces deux-là ne sont pas d'accord sur la procédure à suivre pour l'infiltration...

Hercule secoua la tête avant de lever les épaules. Toutefois, il s'approcha du pégase et lui caressa la nuque.

— Oh, tu m'as manqué, mon petit Rex, dit-il avec une voix plus enfantine.

Le cheval souffla à travers ses dents et poussa un étrange son, qui ressemblait à un rire. Hercule fit une bise sur le museau de sa monture, alors que Nash descendit.

— Dis, Herc', commenta celui-ci. Tu pourrais me rendre service et apporter ce cristal aux mages ? Dis-leur que j'ai récolté une vingtaine d'âmes, ce soir.

Il lui passa ensuite la gemme qu'il sortit de son sac et attendit pour une réaction de la part de son semblable. Ce dernier finit par opiner du chef et accepta sa requête. Nash en profita donc pour se diriger vers la tente centrale du campement, c'était à quelques minutes de marche, de là. Peu importe où il mettait les pieds, il croisait des regards avec quelques soldats et civils qui se reposaient près des feux de camps. Il se devait de conserver une image respectueuse, en tout temps. Non seulement était-il l'un de leurs supérieurs durant cette guerre, il représentait aussi leur dernier espoir.

— Pour la dernière fois, Artémis, c'est du suicide, ton plan ! lâcha une voix à travers la tente. Tu vas nous mener à notre mort avec un plan pareil !

— Peut-être, mais le tien ne nous mènera nulle part ! rétorqua une deuxième personne.

— Ah ces deux-là... soupira Nash pour lui-même. Ils me font tellement penser aux Sanders... et dire qu'ils ne sont même pas jumeaux.

Cerbère préféra ne rien dire. Lui non plus, n'aimait pas vraiment confronter le duo qu'ils s'apprêtaient à revoir. Toutefois, ils étaient des membres hautement gradés de l'armée et ils méritaient toute leur attention. Malheureusement, Nash craignait le pire.

Lorsque le roi entra dans la tente, voir le centre nerveux de son armée, son regard se posa sur une jeune femme à la chevelure brune, en mohawk tressé. Son visage était recouvert de peinture de guerre, mais ses yeux marron se posèrent sur son souverain. Arc en main, carquois attaché derrière le dos, la Commandante Artémis était une archère redoutable qu'il ne fallait surtout pas provoquer. Elle avait récemment changé sa vieille armure en cuir pour une nouvelle, dont le cuir venait d'une créature qu'elle avait tuée elle-même, dans ses terres sacrées. Elle la portait en permanence, depuis qu'ils avaient commencé à camper à cet endroit. Elle gérait l'armée en l'absence d'Athéna qui serait mieux placée diriger ses troupes. Artémis avait accepté quand Nash avait eu besoin de son aide, même si elle n'en voulait pas. Servir la cause des olympiens était plus important que son ego.

— La faction hindoue est tombée, déclara-t-elle à l'attention de Nash.

— Merde, répliqua-t-il. Que s'est-il passé ?

— Des démons se sont infiltrés dans leurs rangs et ont assassiné tout le monde durant la nuit. Il n'y a pas un seul survivant.

— Nous les vengerons.

Elle hocha la tête et retourna son attention vers son frère cadet. C'était un jeune homme aux mêmes couleurs que cette dernière, sauf qu'il était beaucoup plus distingué et portait des vêtements propres. Apollon, avant la guerre, était l'un des organisateurs de spectacles et un artiste hautement reconnu de la communauté. En ces temps troublés, il agissait en tant que mage et guérisseur. Au fil des dernières années, il avait passé beaucoup de temps en compagnie d'Athéna et de Nash, afin de prendre le thé avec eux. Artémis et lui étaient respectivement la tante et l'oncle des jumeaux Sanders. Nash se demandait comment ils réagiraient lorsque ces derniers reviendraient au Saint Royaume. Il se souvenait de leur histoire particulière.

— Que me vaut cette dispute ? formula le roi, qui analysa ses sujets.

— Art' veut infiltrer le château avec quelques-uns de nos hommes, afin de récolter d'autres cristaux, commenta Apollon. C'est de la pure folie ! Nous avons déjà perdu les hindous et les divinités égyptiennes, je crains le pire pour la faction judéo-chrétienne !

— Voyons, mon frère ! Tu n'as aucune raison de t'inquiéter. Avec davantage de cristaux, nous pourrions augmenter nos chances de survies !

— Mais on a besoin de toi ici ! On court tout droit à notre perte !

Ils se toisaient. La tension était si palpable que Nash roula les yeux. Il avait l'impression de se retrouver, une vingtaine d'années plus tôt, alors que Flint et Lucas se disputaient pour diverses raisons. Il se demandait, d'ailleurs, s'ils allaient bien.

— Avant de prendre une décision que vous pourriez regretter, commença le roi, sachez que j'ai contacté votre sœur Athéna. Ses esprits élémentaires sont désormais à ses côtés. Elle ne devrait pas tarder à nous rejoindre, d'ici peu.

— Ah, mais c'est une bonne nouvelle ! s'exclama Artémis. Elle va enfin pouvoir gérer notre armée. Je ne suis vraiment pas qualifiée pour ce poste...

— Comment t'as fait ? fit Apollon qui n'avait pas fait attention aux paroles de sa sœur. Est-ce que tu as eu de la difficulté ?

Nash leur expliqua alors comment il avait mouchardé la salle des machines avec une puce électronique, reliée à sa bague magique. Il pouvait donc détecter la distance à laquelle se trouvait le vaisseau. Son petit discours fit sourire la chasseuse, mais son frère haussa un sourcil. Il était étonné que Nash ait pensé à tout, avant de fuir Célestia.

— En tout cas, on pourra remercier notre père d'avoir pensé à déguiser ce vaisseau par une planète, dit Apollon. C'était ingénieux de sa part. Quel artiste !

— Je ne vois pas en quoi la science est un art, mais bon... râla Artémis.

Elle haussa les épaules, puis posa les yeux sur Nash. Le jeune homme et la jeune femme devaient avoir plus ou moins le même âge physique que les Sanders, mais leurs personnalités avaient plusieurs petites différences qui les définissaient bien. Apollon, par exemple, avait un caractère exubérant alors que sa sœur préférait ne parler qu'en cas d'urgence. Il était affectueux et social, elle était un peu froide et solitaire. Tous deux étaient bien éduqués, néanmoins, et leur soutien moral avait été très important au roi et Cerbère.

— La science est un art, selon moi, car les meilleurs scientifiques peuvent changer la vision du monde avec leurs inventions et leurs outils ! s'exprima Apollon, admiratif. Ils mettent tellement de temps, d'énergie et de passion dans leurs projets que c'est pour moi un sujet fascinant à explorer !

— Oh misère... lui et ses débats... marmonna sa sœur.

— Bah, tu n'auras qu'à reprocher Tonton Socrate qui m'a tout appris.

Nash secoua la tête et essaya de garder son calme. Socrate... Voilà bien un nom qu'il n'avait pas entendu depuis des années. Il s'agissait du descendant d'un grand philosophe, qui avait choisi la même voie que son ancêtre. Il n'était pas dieu, mais occupait un poste important à l'académie des anges. Il leur enseignait à réfléchir sur le fonctionnement du cerveau et ce qui poussait certaines personnes à prendre certaines décisions. La plupart de ses cours se terminaient souvent par des débats entre ses élèves ou bien la plupart d'entre eux, endormis sur leurs pupitres...

— Veuillez disposer, ordonna le roi à ses pairs. Profitez du reste de cette journée pour vous reposer. Les renforts arriveront bientôt. Pour le moment, je veux que vous régliez vos différends, car je ne veux pas de ce comportement dans les premières lignes. Me suis-je fait comprendre ?

Artémis et Apollon s'échangèrent un regard et hochèrent leurs têtes, respectivement. Nash se sentit fier de son coup. Même si Artémis était gradée plus haut que lui, elle le considérait toujours comme son supérieur, puisqu'il était son roi.

Une fois que le binôme sortit de la tente, afin de se promener un peu autour du campement, ; Nash décida de consulter les notes et les lettres qu'on lui avait laissées près de sa couchette personnelle. Il n'y avait pas d'électricité, mais il pouvait facilement se servir de sa lampe à huile pour mieux voir.

Une fois assis, il lut le premier rapport qu'on lui avait laissé.

— Les anges judéo-chrétiens ont lancé une contre-attaque dans l'aile ouest du château, expliqua-t-il à son épée. Ils ont réussi à tuer plusieurs démons et récolté plusieurs objets magiques, cependant quelques-uns de leurs généraux sont tombés.

Le Dobermann Pinscher quitta sa forme d'arme et se coucha auprès de son maître. Il posa son mufle près de la petite lampe qui éclairait la couchette.

— C'était une très mauvaise idée de combattre sans notre aide, soupira Nash. Nous leur avons pourtant dit d'attendre nos renforts.

— Ils sont probablement épuisés d'attendre que les choses changent.

— Le Saint Royaume est plus désuni que jamais... Vivement qu'Athéna vienne nous aider. Les survivants de la faction olympienne auraient grand besoin de revoir leur princesse. Le moral de nos troupes ne fait que diminuer à chaque jour. Les querelles d'Apollon et de sa sœur ne nous aident pas.

— Mmm... Vous ne serez pas content, messire.

Le dieu examina son partenaire de combat, confus.

— Comment ça ?

— Perséphone et ses amis sont avec eux.

Dérouté, le Nash ne comprenait pas pourquoi la Reine des Enfers se trouvait à bord du Célestia. Il était toujours surpris que les esprits pouvaient désormais communiquer avec Cerbère, même s'il ne faisait pas partie de leur fratrie.

Avant qu'il ne puisse poser une question au chien, l'esprit élémentaire poursuivit :

— Il s'agit d'une alliance, d'après ce que me raconte Charlie, par télépathie. Et... Pardon ? Monsieur Gabriel vient d'embrasser Monsieur Wyatt sur les lèvres, alors que Monsieur Flint n'est pas là ? Monsieur Nash, je ne comprends pas du tout ce qui se passe...

Tout aussi abasourdi que son animal de compagnie, Nash lâcha sa feuille de rapport.

¤*¤*¤

Quelques minutes après avoir lu toutes les notes qu'on lui avait laissées, Nash sortit de sa tente avec Cerbère sur ses talons. Le roi s'inquiétait quant à la réaction qu'aurait l'armée, dès qu'ils apprendraient que leur princesse avait fait alliance avec des ennemis du précédent Zeus. Il craignait déjà le pire, sachant qu'Artémis bouillait facilement de rage, en plus d'être une redoutable archère. Cette dernière avait toujours été la plus loyale envers son père.

— Se souviennent-ils que Perséphone est leur sœur ? demanda Nash qui s'approcha du feu de camp. J'ai l'impression que leur faction avait si honte de ses actes qu'ils ont tous reniés son existence... Pourtant, il est écrit dans notre bible qu'Athéna et elle avaient ce lien de parenté.

Cerbère préféra ne rien dire. Il admirait le fait que son maître ne perde pas son sang-froid, même s'il venait d'apprendre des nouvelles informations particulièrement étranges. Le fait que Gabriel trompe son mari avec l'époux d'un autre, les rendaient perplexes, mais ils devaient d'abord se préoccuper de Perséphone et de ses acolytes. Voilà quelques années de cela, Nash avait combattu contre le culte, qui visait à faire du mal aux esprits élémentaires. Jamais il ne se serait douté que la déesse renégate se serait rangé de leur côté.

Il décida de ne pas divulguer cette dernière information aux autres généraux, tant qu'ils seraient entourés de leurs soldats. Il se dit qu'il serait mieux de leur parler en privé, afin d'éviter de créer la panique générale dans leur camp. Il ne voulait pas que ses sujets pensent que leur princesse les avait trahis.

— Alors, quoi de neuf ? demanda Artémis, tandis que Nash approcha les mains près du feu, pour se réchauffer.

— Tout ce qui se raconte dans nos rangs, il n'y a rien que vous ignoriez. On va devoir jeter un coup d'œil au campement judéo-chrétien, par contre. Leurs troupes ont été grandement affectées par leur dernière mission.

— Il vaudrait mieux ne pas nous inquiéter pour eux, ils savaient à quoi s'attendre, en partant au château sans notre accord, répondit Apollon. Je sais que c'est cruel, venant de ma part, mais nous ne sommes pas en mesure de travailler séparément. Nous risquons de plus en plus de perdre cette planète, chaque jour qui passe.

Nash était sur le point de lui répondre qu'il pensait la même chose, lorsqu'ils entendirent tous un bruit au-dessus d'eux. Un véhicule volant, qui venait du ciel, éclaira aussitôt leur camp. Artémis eut pour réflexe de préparer son arc avec une flèche qu'elle imbibait déjà de lumière divine, tandis que son frère allait lancer un sort puissant vers l'engin. Nash les interrompit aussitôt.

— Mais que fais-tu ?! grogna la chasseuse.

Le roi secoua la tête et lui fit signe d'attendre, d'un doigt. Un instant plus tard, le bracelet du souverain s'illumina. Il pressa sur la gemme et activa l'accessoire.

Généraux de l'Olympe, ici la capitaine du Célestia, Athéna, Princesse de l'Olympe et fille de Zeus ! pouvaient-ils entendre. Nous demandons la permission d'atterrir près du campement.

— Permission accordée, répondit Nash.

— Nana !? s'exclamèrent Artémis et Apollon, en même temps.

— Coucou ! reprit la déesse, qui avait retrouvé son ton amical et enjoué habituel. Vous m'avez manqué, dites donc ! Ne bougez pas ! Votre grande sœur arrive !

Nash ne savait pas s'il devait rire ou pleurer, quand il remarqua l'air hébété de ses amis. Ils venaient d'entendre leur sœur aînée, après tout. Cela faisait plusieurs mois qu'ils n'avaient plus eux de ses nouvelles.

— Toujours aussi puérile, cette femme, soupira le Dobermann.

Nash ignora ces paroles, tandis que le Célestia s'éloigna un peu plus loin de leurs quartiers généraux. Lentement, il descendit du ciel. Au bout de six minutes, l'appareil fut posé à un kilomètre de leur fortification. Le roi, ainsi que la chasseuse et le mage, s'approchèrent du gigantesque vaisseau, alors qu'une porte s'ouvrait déjà sous le véhicule. À la grande surprise de tous, Athéna en sortit et courut en direction de son frère et de sa sœur, avant de leur sauter aux cous. Ils tombèrent tous trois, à terre.

— Non mais Nana ! bouda Apollon. Tu vas tout me décoiffer !

— Je suis si heureuse d'enfin vous retrouver ! couina leur grande sœur. Comme vous m'avez manqué ! C'est moi ou vous avez grandi ?

— Ça ne fait que quelques mois, quand même... soupira Artémis.

— Et nous sommes déjà adultes ! tonna son frère.

Cerbère leva sa tête vers son porteur.

— Ne me dites pas qu'elle agit toujours ainsi avec eux, commenta celui-ci.

Nash haussa des épaules, puis tourna son attention vers l'ouverture du vaisseau. Plusieurs de ses passagers étaient déjà sortis. Toutefois, son regard se posa sur l'homme le plus grand, mais surtout le plus gros, de l'équipage. À ses côtés, un grand blond légèrement musclé tenait une épée lumineuse. Nash ignorait s'il devait faire part de ce qu'il avait entendu à Flint, en privé, ou bien confronter Gabriel directement... Il opta pour se mêler de ses affaires pour le moment. Il ne souhaitait pas créer un malaise parmi les nouveaux-arrivants qui étaient venus à leur secours.

Flint et Gabriel étaient entourés de Luna, Shayne et Cassandra et plus encore.

Nash pouffa de rire.

— Enfin, la Septième Brigade est finalement complète, pensa-t-il en souriant.

Cerbère remarqua que les esprits élémentaires avaient déjà tous pris leurs formes d'armes et d'accessoires. Ils étaient tous prêts à combattre, contrairement à la plupart des soldats et des volontaires de leur armée. Tous étaient épuisés par cette guerre et dormaient rarement à leur aise. La présence d'Athéna et des autres allait leur apporter un réconfort, bien mérité.

Toutefois, le chien qui fut autrefois le gardien de l'enfer du Saint Royaume, remarqua trois individus, à l'écart des autres. Ces êtres dont les âmes étaient à la fois remplies de lumières et de ténèbres, il avait la sensation de résonner avec eux.

— Perséphone, Thanatos et Hypnos, marmonna le Dobermann, pour lui-même. Alors, ce sont eux, les fameux renégats. Ils n'ont pas l'air si effrayants que ça.

— Où ça ? demanda Nash, qui n'avait jamais vu le trio, personnellement.

Cerbère lui pointa les trois dieux, à gauche de la Septième Brigade, mais près d'Artael qui s'était approché d'eux. Il faisait noir, mais les lumières du vaisseau éclairaient suffisamment les plaines pour qu'ils puissent bien voir tout le monde.

Perséphone remarqua qu'on l'observait, puis se croisa les bras. Elle essayait de cacher son embarras. Nash, de son côté, vit qu'un homme à la longue chevelure noire, avait passé une main sur son épaule, afin de la réconforter.

— Il s'agit de Thanatos, son mari d'après ce que m'a expliqué Charlie, expliqua Cerbère.

Le roi tourna son regard vers son partenaire de combat et le remercia mentalement. Cependant, il se demandait si la dame avait toujours des envies meurtrières, en ce qui concerne les olympiens. Il avait tellement entendu de rumeurs à son sujet, qu'il avait presque peur de lui adresser la parole.

— Athéna ? fit Nash qui observa la déesse, qui se relevait de terre. Il faut qu'on discute à propos de tu-sais-quoi...

Athéna se tourna vers lui et remarqua qu'il n'était pas de bonne humeur. L'expression de sa créatrice changea rapidement pour reprendre un air sérieux. Elle avait compris où il voulait en venir. Elle lui fit signe de la suivre. Ensemble, ils se dirigèrent vers Artael, ainsi que le fameux trio des divinités autrefois bannies du Saint Royaume. Cerbère les suivit en silence.

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