111. L'ascension de Perséphone

Lucas ouvrit les yeux, désorienté. Il était de retour dans la salle des machines où dormaient tous ses amis, dans les incubateurs. Ses vêtements étaient humides, mais on lui avait enlevé le masque respiratoire de sa bouche. Il cligna les yeux et se tapa les joues, à moitié endormi. Il ne comprenait pas ce qui s'était passé.

— L'expérience n'a pas fonctionné ? demanda-t-il dans le vide.

— Au contraire, tu es arrivé sur Terre comme tous les autres, dit une voix à sa droite. Cependant, ton corps et ta personnalité était ceux d'une femme et non d'un homme transgenre. Pour t'épargner ce genre de traumatisme, j'ai préféré te ramener.

Lucas bâilla et réalisa qu'Hypnos était celui qui était venu lui dire tout cela. À ses côtés, Misaki observait son amant, alors qu'elle soulevait le petit Randell dans ses bras. La guerrière avait été concernée par ce que cette révélation aurait pu faire à son nouveau partenaire de vie. Elle savait qu'il était fier de son identité. Cela aurait pu l'endommager psychologiquement.

— Une existence de femme, hein ? répéta celui-ci. Ces dieux n'ont rien compris...

Il leva les yeux dans les airs et souffla des narines. Il s'éloigna des machines après avoir reçu d'Hypnos une longue serviette, afin qu'il puisse s'essuyer le visage et les mains. Il était toutefois étourdi. Quelques minutes s'étaient écoulées pour lui, mais il n'avait aucun souvenir de son arrivée dans la simulation.

— Comment vont les autres ? demanda-t-il. Y a-t-il eu d'autres complications ?

— Plusieurs, confirma Hypnos. Mais ne t'en fais pas pour ça. Nous avons redémarré la simulation à quelques reprises depuis votre départ, jusqu'à ce que vos âmes intègrent toutes le nouveau monde. Il n'y a que Shayne Wolfe, pour des raisons inconnues, qui n'avait pas sa place sur Terre. Luna et Wyatt se sont occupés de lui forger une nouvelle identité et ont ajouté des codes dans l'algorithme afin qu'il puisse rejoindre les autres. Malheureusement, j'ai bien peur que tous ces changements aient éveillés les soupçons de Perséphone. Pour cette raison, nous gardons l'œil ouvert.

— Il n'avait pas sa place sur... Terre ? Mais quelle est cette simulation ? Les dieux du Conclave ne sont que des incompétents.

— Je pense qu'ils lui réservaient un tout autre destin.

Misaki déposa Randell à terre. Le petit garçon courut jouer avec des petites voitures à la table de la cuisine. Misaki, de son côté, ramassa une autre serviette et aida son amant à se nettoyer les cheveux. Elle avait trouvé de nouveaux vêtements pour l'ambassadeur et les avaient déposés sur un petit bureau, près des incubateurs.

— Peu importe ce qu'ils ont décidé pour Shayne, nous allons bientôt leur coller un coup de bâton aux parties, grogna la dame à Lucas. J'en ai plus que marre de leurs machinations sans queues ni têtes. Si Athéna voulait faire de nous des divinités, bah, nous allons remplacer ces maudits représentants du Conclave et changer l'ordre des choses.

— Je comprends ton impatience, Misaki, mais n'oublie pas que nous devons tout d'abord tenter une approche pacifiste, commenta Hypnos. C'est le souhait d'Athéna.

— Malgré tout le respect que je lui dois, Athéna n'a fait que ça avec les dieux du Conclave et regarde où cela a mené notre belle planète... Ils se sont foutus de sa gueule et ont remplacé les olympiens par de nouvelles personnes. Sans compter que la nouvelle Terre où nous devions vivre ne me plaît pas du tout.

— Qui sait ? Peut-être que tu aurais fini par l'aimer...

Misaki regarda Hypnos et fronça des sourcils. Ce dernier était un peu plus petit qu'elle, mais ne se laissait pas impressionner par sa mauvaise humeur.

— Plutôt mourir une deuxième fois que de me réincarner sur un monde qui n'est pas le mien, déclara-t-elle. Je me suis battue pour que mon peuple ait le droit de vivre à Baldt et je continuerais à me battre jusqu'à ce que nous soyons de retour à Célestia.

— J'aimerais bien y vivre, pour être sincère avec toi, répliqua Hypnos. Je commence à trouver le temps long, ici...

Quelques secondes plus tard, Cassandra s'approcha de Lucas. Elle revenait d'une salle d'essayage qu'elle avait préparé pour le jeune homme.

— Viens, c'est le temps de te rhabiller, lui dit-elle. Il y a une pièce rien que pour toi.

Lucas approuva d'un hochement de tête et suivit cette dernière.

Misaki adressa alors un air sévère au Dieu du Sommeil.

— Était-il nécessaire de nous cacher que Troyd Markios se trouve dans l'un de ces incubateurs ? dit-elle avant d'enfoncer son doigt dans le torse de celui-ci. Ce criminel de guerre est recherché par notre nation et vous avez oublié de nous mentionner sa présence ? Pour qui vous nous prenez ?!

Hypnos soupira et secoua la tête.

— Si ça peut te consoler, il ne fait pas partie de la simulation, expliqua-t-il. Son âme est figée dans le temps et l'espace et il est inconscient depuis son arrivée ici. Je le préserve, selon les directives des agents qui travaillent pour Athéna.

— Tu ne pourrais pas le jeter au néant, plutôt ? Il ne mérite pas d'être réincarné.

— Cette décision reviendra à ta déesse, j'en ai peur. Seule cette dernière sera autorisée de juger la valeur de son âme.

— Je ne suis pas du tout d'accord avec cette procédure.

— Ce sont les ordres, il n'y a rien d'autre que je puisse te dire.

Hypnos dégagea la main de Misaki qui gesticulait devant lui, puis fit demi-tour afin de retourner en direction des ordinateurs où se trouvaient Luna et Wyatt.

Furieuse, la guerrière passa une main derrière sa ceinture, où elle caressa le bout non tranchant de son kunaï, un petit couteau qui pouvait soit être servi de projectile ou bien pour l'escalade de tronc d'arbres. Elle avait conservé ce dernier en mémoire de son ex-mari. Elle se tourna en direction de l'incubateur au fond de la pièce, celui tout au fond de la dernière rangée, parmi les centaines de personnes entassée dans ces machines de verres. L'adrénaline pompait rapidement dans ses veines. Comment se faisait-il qu'elle avait encore cette lame en sa possession si on leur avait enlevé toutes leurs armes ? Elle l'ignorait, mais elle était convaincue qu'Hypnos avait mal fait son travail. Tant pis pour lui, elle avait une vengeance à exécuter...

Il est hors de question que je laisse Troyd vivre après tout ce qu'il a fait endurer aux femmes de notre planète et surtout ce qu'il a fait à Nash, pensa cette dernière. J'assumerai les conséquences plus tard. Qu'Athéna me pardonne pour ce crime...

Elle se déplaça alors en un éclair vers la machine dans laquelle dormait l'âme de Troyd et coupa le tube qui lui permettait de respirer. Ensuite, elle planta le bout du tuyau par lequel l'air entrait dans le filtre à eau. Enfin, elle revint sur ses pas et se dirigea en direction de la cuisine. Cela ne prendrait que quelques minutes pour que les autres réalisent ce qu'elle venait de faire. Elle rangea son kunaï derrière sa ceinture et s'assit près de Randell, qui jouait toujours avec ses petites voitures.

Misaki ne laissait même pas une minute au tyran. Il se noierait avec sa sueur et l'étrange liquide dans lequel ces machines conservaient leurs corps. Elle avait raison, car celui-ci s'étouffa, se réveilla rapidement, puis mourut en l'espace de quelques secondes. Lorsque Hypnos réalisa ce qu'elle avait fait, il était trop tard.

— Mais qu'as-tu fait !? s'exclama ce dernier, furieux.

— J'ai vengé toutes les femmes bafouées par cet homme et éliminé un déchet de plus dans l'univers ! répliqua-t-elle. Tu me remercieras plus tard.

— Misaki, tu ne comprends pas ce que ça implique... Il pourrait se réincarner en démon. Son âme est tellement corrompue qu'il pourrait facilement être converti en souverain démoniaque ! Nous voulions justement attendre pour Athéna, car elle aurait pu effacer sa mémoire et l'adapter dans une nouvelle vie. Mais à quoi as-tu pensé !? Tu ne pouvais pas être un peu plus patiente ou quoi !?

L'expression, précédemment satisfaite, de la dame s'effaça.

— Effectivement, je n'y avais pas pensé... remarqua-t-elle. J'aurais dû le faire dévorer par le néant. Bien plus puissant comme châtiment.

Le petit Randell se mit à pleurer ; il avait soudainement peur d'Hypnos, car il avait élevé la voix. Instinctivement, Misaki se pencha vers lui pour le serrer dans ses bras. Ensuite, elle fronça des sourcils et dévisagea Hypnos

— Regarde ce que tu as fait à cet enfant, vilain, remarqua-t-elle. Tu ne savais pas qu'il était idiot d'élever la voix près d'un garçon de cet âge ?

Hypnos gonfla ses joues, rouge de colère. Il passa alors une main devant son visage, ferma les yeux et rapprocha deux doigts à son pouce. Il essayait de contrôler sa respiration. Il descendit sa main lentement, puis rouvrit les yeux.

— Je vais laisser passer ta bêtise pour cette fois, dit-il. À la prochaine erreur, je te renvoie à Célestia avec un coup de pied aux fesses. Me suis-je fait comprendre ?

— Tu ne me fais pas peur avec tes menaces, Hypnos.

Le Dieu du Sommeil décida de se taire, puis s'éloigna afin de se servir un café noir.

Pendant ce temps, Luna et Wyatt gloussaient comme des pies.

— Elle a un sacré caractère, notre Misaki, s'exprima Luna.

— Je crois que les Markios ont une très mauvaise influence sur elle, répliqua Wyatt.

— Sur nous tous, devrais-je ajouter.

Wyatt devait admettre que sa meilleure amie avait raison sur ce point : cette famille leur avait tous inspiré à développer de fortes personnalités et ne se laissaient plus marcher sur le dos par personne.

— Au fait, commenta Luna à son ami. Que penses-tu de la métamorphose de Gabriel dans la simulation ? Penses-tu qu'on aurait dû le ramener ?

Wyatt secoua la tête avant de répondre :

— Il n'a pas l'air de s'en plaindre. Je l'ai entendu avec Flint, tantôt... Ils parlaient d'agrandir leur famille.

— Oh merde... on va se retrouver avec tout plein de gamins partout...

Wyatt prit une gorgée de son thé au jasmin, puis esquissa un sourire. Il se demandait ce que pouvaient faire son capitaine et les autres, pendant ce temps.

Luna se détendit et se plaça les mains derrière la tête alors qu'elle regardait le plafond. Il était rare que Wyatt et elle avaient la chance de discuter en privé, depuis quelque temps. Elle était tellement occupée par ses recherches et lui, par son travail avec Estelle. C'était presque comme s'ils s'étaient perdus de vue jusqu'à ce que Flint, Nash et les autres reviennent dans leur vie. Cette nouvelle mission la ramenait, une dizaine d'années en arrière.

— Dis Wyatt... commenta-t-elle, alors qu'elle regarda son ami du coin de l'œil.

— Oui, Lu' ?

— C'était quoi ce truc entre Flint, Gabriel, Scottie et toi... plus tôt ?

Wyatt failli faire renverser sa tasse de thé sur lui. Il la saisit de justesse et souleva le liquide avec sa magie des eaux. Il retourna le liquide dans son récipient et le posa près de lui.

— Je... Je ne vois pas où tu veux en venir, couina-t-il timidement.

— Oh, arrête de déconner. J'ai remarqué que tu flashais sur Flint depuis qu'il est de retour. Et Scottie semble dévorer Gabriel du regard, chaque fois qu'il en a l'occasion.

— Tu... Tu te fais des idées, Lu'. Je suis seulement admiratif de notre capitaine depuis plusieurs années. Et tu connais Scottie. Il aime toutes sortes d'hommes. Voilà pourquoi notre mariage est ouvert. S'il est heureux avec ses relations ici et là... ça fait mon affaire.

— Normalement, quand les couples qui ont des relations ouvertes, les deux partis cherchent à se trouver de nouveaux partenaires, formula Luna qui haussa les épaules. Toi, tu n'as pas l'air de vouloir chercher quoi que ce soit. Est-ce que ça veut dire que tu te considères comme quelqu'un de monogame ?

— Pourquoi toutes ces questions, Lu' ? Je croyais que la romance et le sexe ne t'intéressaient pas. M'aurais-tu menti ?

— N'essaie pas d'esquiver ma question avec une autre, patate...

Luna posa ses mains sur ses hanches et fixa son meilleur ami avec un air farouche.

— Désolé, répliqua-t-il. Je ne sais pas que répondre à tout ça pour être franc avec toi. Il est vrai que j'admire beaucoup Flint et que j'ai longuement souhaité devenir le nouveau capitaine de la Septième Brigade après son départ... mais... C'est compliqué. J'avoue... avoir un jour ressenti une attirance pour Flint... mais j'étais très saoul et c'était durant la fête du Nouvel An. Ça s'est passé il y a douze ans environ, soit deux ans après le départ des esprits élémentaires. Il était tout mignon avec ses vêtements festifs.

— Je m'en souviens... C'était une journée agréable pour nous tous. C'est triste qu'ils aient manqués les nouvelles fêtes que nous avons commencé à célébrer, après qu'ils sont partis pour une dizaine d'années. Gabriel aurait sûrement adoré s'habiller en Père Noël.

Wyatt gloussa et hocha la tête.

— Lui qui aime tout ce qui représente un gros bonhomme, bien dans sa peau, il aurait été aux anges, commenta le mage. Enfin, sans vouloir faire un jeu de mot pourri.

— Ouais bah, il est carrément aux anges... puisqu'il te voit aussi dans sa soupe.

Le visage de Wyatt devint encore plus rouge.

— Arrête de dire des conneries, Lu', soupira-t-il.

— Qu'est-ce qui t'empêche d'avoir une relation avec Flint ou Gabriel, en plus de Scottie ? Ne seriez-vous pas tous heureux de pouvoir vivre vos fantasmes de polycules, ensemble ?

— C'est surtout le délire de Scottie ça... Enfin... Merde. J'ai l'impression que tu es en train de me pousser à essayer quelque chose avec eux. T'es une vraie chipie, quoi...

— Wyatt Silverwind. Je ne suis pas née de la dernière pluie. Tu en pinces pour Flint et Gabriel toi aussi, mais tu es trop coincé dans tes vieilles traditions pour jouer le jeu de la séduction avec eux. De toute façon, tu aimes aussi les femmes, alors je ne vois pas pourquoi tu n'as pas essayé de te trouver une amante après votre mariage.

Wyatt baissa la tête et se frotta le bout du nez.

— Bah... j'ai été loyal envers Scottie durant toutes ces années et notre relation est très consentante. Je lui fais confiance et il me fait confiance. Et ce n'est pas parce que je suis marié avec lui que cela efface ma pansexualité.

— Je n'ai jamais dit le contraire, mon vieux. Seulement, je le vois dans tes yeux que tu souffres. Des fois, je me demande si tu regrettes ce mariage avec Scottie.

La gorge de Wyatt se serra et il détourna son regard dans une autre direction, car il n'avait pas envie que Luna voie les larmes qui allaient bientôt couler sur ses joues. Il les essuya rapidement et opta plutôt pour prendre une gorgée de son thé.

— Es-tu jaloux parce que Scottie s'intéresse à Flint et Gabriel ? demanda son amie, inquiète. Est-ce pour cette raison que tu hésites tant ?

— Tu as le don d'être chiante, ma parole ! soupira-t-il.

— Ce n'est pas une réponse, Wyatt. J'ai l'impression que tu as quelque chose de coincé à l'intérieur de toi. Tant et aussi longtemps que tu n'arriveras pas à extérioriser ce démon qui te ronge le cœur, tu ne pourras pas aller de l'avant et essayer de nouvelles choses avec de nouveaux partenaires. J'étais là quand vous avez échangé vos vœux et vos alliances. Je me souviens d'une phrase que tu as dite devant tous les témoins. Que tu avais...

— Que j'avais hâte de vivre plein de folles aventures avec lui et nos futurs partenaires. Je sais. C'est des mots que j'ai prononcés devant tout le monde et parfois, je me demande pourquoi je l'ai fait. Parce que je n'ai jamais été capable de regarder ailleurs que Scottie.

— Sauf que tu m'as déjà prouvé le contraire depuis le retour de Flint et Gab.

— Arrête... J'ai trop honte...

Wyatt se recouvrit le visage et sanglota. Luna secoua la tête et comprit qu'elle avait touché le bobo. Wyatt avait honte... de ce qu'il était en train de devenir. Il avait honte, car il venait de réaliser qu'il avait développé des sentiments pour son capitaine et peut-être aussi, Gabriel. Il avait refoulé plusieurs sentiments au cours des quatre années qu'il avait passées aux côtés de son capitaine et du colosse. Il avait beaucoup souffert de leur absence, durant la période d'accalmie qu'avait connue Célestia. C'était le cas pour Scottie et les autres membres qui les avaient perdus de vue durant plus de dix ans.

— Dans ce cas, nous sommes deux, soupira Luna.

Wyatt retira ses mains de son visage et observa son amie, intrigué.

— Pourquoi donc ? demanda-t-il.

La magicienne pivota son fauteuil à roulettes de gauche à droite, et vice versa. Elle semblait réfléchir à ce qu'elle comptait lui dire.

— Accouche, Lu', insista Wyatt.

— Erf... C'est Derek Doyle. Il...

— Quoi ? Il t'a fait des avances ?

— Je ne dirais pas qu'il me courtise. Mais il est toujours là, fidèle au poste. Toujours prêt à me rendre service à Célestia. Il agit comme un vrai chien de poche. Il me mangerait dans la main, d'après ce que m'a expliqué Cassandra et Misaki. Je l'aime bien mais...

— Mais quoi ? répéta Wyatt, qui commençait à perdre patience.

— J'ai peur de lui briser le cœur s'il découvre à quel point je ne suis pas romantique et intéressée par le sexe. Tu me connais, Wyatt. Je suis obsédée par mon travail et mes recherches sur la magie. Je ne suis pas faite pour être sa petite amie. Mais j'ai trop peur de lui faire de la peine en lui disant que ça n'ira pas plus loin entre nous.

— Pourtant, ça fait une dizaine d'années qu'il te rend tous ces services et tu le laisses faire. Une partie de toi adore l'attention qu'il te porte. Tu ne peux pas le dénier.

— C'est... C'est vrai. Mais je ne sais pas comment m'y prendre avec un homme. J'ai... parfois envie d'essayer des trucs avec lui. Parce que sa personnalité évoque quelque chose en moi. J'ai l'impression de connecter avec lui d'une façon dont je ne saurais t'expliquer. C'est comme un chatouillement dans mon ventre ou dans mon cœur.

— Il te plaît. Tu es en train de devenir amoureuse...

— Merde... c'est donc ça, cette douleur dans ma poitrine, quand je pense à lui et qu'il n'est pas là ? Ce grand nigaud me manque en ce moment. J'aurais aimé qu'il soit là avec nous.

— Mouais, mais là, nous sommes en mission. Nous ne risquons pas de le voir avant quelques jours. Et tu as encore plusieurs heures devant toi pour planifier ce que tu souhaites lui dire. Je ne sais pas combien de temps, nous serons ici, alors autant en profiter.

Luna opina du chef et se passa un doigt dans l'une de ses mèches, afin de réfléchir un peu.

— Je crois que tu es demiromantique et demisexuelle, mentionna Wyatt. Ce sont les termes qui te ressemblent le plus. J'ai fait beaucoup de recherches depuis que je t'ai fait mon coming-out en tant que pansexuel. De ton côté, tu es comme dans le spectre de l'aromance et celui de l'asexualité... mais pas complètement.

— Ouais, je sais ce que ces termes signifient. Estelle et Kylie m'en ont déjà parlé. Je n'étais juste pas prête à accepter cette réalité, j'imagine. Cette réalité que je sois en train de tomber sous le charme d'un pauvre fou qui a toujours cru en moi...

Elle se tapa le front et marmonna quelques mots inaudibles aux oreilles de Wyatt.

— As-tu besoin que je t'aide avec Derek ? lui demanda le mage. Genre... pour le courtiser ?

— Non... ça ira. De toute façon, je ne suis pas prête à faire le grand saut.

— Préviens-moi quand tu voudras faire un truc avec lui. Tu auras tout mon soutien.

— C'est gentil, Wyatt... Merci.

Le mage était satisfait d'avoir pu remonter le moral de sa meilleure amie, même si lui aussi avait besoin qu'on l'aide à y voir plus clair dans son étrange relation avec Flint, Gabriel et Scottie. Luna l'avait déjà assisté, à sa manière. Ce qu'elle ignorait toutefois, c'était que Wyatt avait un énorme complexe d'infériorité face à Flint et Shayne.

Il enviait le fait qu'ils soient des gens si respectés au sein de leur groupe. Cette manie de toujours se rabaisser chaque fois qu'il se trouvait moins intéressant qu'eux, commençait à lui causer beaucoup de stress. C'était plus fort que lui. Il avait sans cesse ce besoin qu'on remarque ses efforts, qu'on l'admire lui aussi. Il détestait cette facette de lui-même. Il n'avait pas envie qu'on l'accuse d'être un narcissique.

Sérieux, je crois que j'ai besoin d'une thérapie, pensa Wyatt qui termina le reste de son thé, d'un trait. Tout le monde dans ce groupe d'imbéciles heureux en a grandement besoin.

Pendant qu'il réfléchissait à tout ça, Misaki et Randell approchèrent des pupitres auxquels se trouvaient Wyatt et Luna. Tous deux décidèrent de changer de sujet, car ils n'avaient pas envie d'étaler leurs insécurités à tout le monde. Mine de rien, cette conversation avait fait autant de bien à Wyatt que Luna. Les deux amis avaient l'impression qu'ils pourraient bientôt franchir une nouvelle étape de leurs vies respectives.

¤*¤*¤

Le 4 juillet 2018, Lisa Sawyer lisait le document qu'une employée lui avait conseillé, quelques jours plus tôt. Assise dans son bureau, la patronne du Maple Leaf's Gazette se mordillait l'ongle de son pouce.

Mais qui est ce Teddie Sage ? pensa cette dernière. Comment se fait-il qu'il connaisse tout de notre ancienne vie ? Est-il lié aux Markios ?

Elle venait de finir plus de la moitié du cinquième chapitre. Elle avait reconnu plusieurs noms importants de son passé, ainsi que celui de l'une de ses ennemies : Athéna. Diana Kingston avait-elle été mise au courant de cette histoire ? Lisa espérait que ce n'était pas le cas. Elle regarda sur sa montre, il était temps pour elle de rentrer chez elle. L'heure du souper était souvent celui où elle envoyait la majorité de ses employés chez eux, car elle leur demandait souvent de venir travailler tôt dans la matinée, pour les gros contrats.

— Bonne soirée ! lança-t-elle à ses employés. N'oubliez pas que j'ai besoin de vos articles pour vendredi ! Remettez vos clés USB sur mon bureau et je m'en chargerai demain matin ! Avez-vous des questions avant que je parte ?

— Est-ce qu'on peut avoir une augmentation de salaire ? plaisanta Thierry Ledoux, au fond de la pièce.

Tout le monde s'esclaffa.

Lisa roula des yeux et secoua la tête.

— Très drôle, Ledoux. Peut-être que j'offrirais une prime pour le meilleur article, qui sait ? Maintenant, veuillez m'excuser, mais j'ai un rendez-vous très important avec mon mari. Au revoir ! Mm... Pendant que j'y pense...

Elle se tourna vers le pupitre de Diana Kingston, où cette dernière était en train de rédiger son dernier article. La petite blonde avait les yeux cernés et n'avait pas beaucoup dormi, la nuit précédente. Cette dernière performait à la caféine.

— Ma pauvre, pauvre Kingston... que vais-je faire de vous ? questionna la patronne. Vous vous tuez à la tâche. Demain, rentrez à midi, plutôt qu'à six heures.

— Très bien, Madame, répondit son interlocutrice. Mais qui s'occupera de votre café et de votre muffin ? Et vos rendez-vous... ?

— Je saurai très bien consulter mes messages, voyons !

Lisa gesticula une main en l'air, pour lui montrer qu'elle s'en faisait pour rien. Un instant plus tard, elle salua ses employés une dernière fois, et marcha vers la sortie du bâtiment. Son expression changea rapidement, lorsqu'elle fut à l'extérieur. Son sourire hypocrite et son doux regard devinrent acerbes.

Profite de ta pause, sale pute, parce que tu vas rentrer et travailler sept jours d'affilée après tes récentes escapades, je ne sais où... pensa-t-elle.

Perséphone avait remarqué le comportement étrange de son employée modèle et craignait que cette dernière se soit réveillée et qu'elle se souvienne de tout. Déjà qu'ils avaient engagé Estelle Tabris comme stagiaire, la déesse trouvait les activités de ses employés de plus en plus louches. Elle craignait de perdre le contrôle.

Quelque chose ne tourne pas rond, cogita-t-elle, alors qu'elle grimpait à bord de sa voiture. Je vais devoir en discuter avec mon chéri...

Elle sortit son téléphone portable de son sac à main qu'elle portait toujours avec elle. Elle composa le numéro de son mari et l'appareil sonna trois fois, avant qu'on ne décroche de l'autre côté. Lisa avait changé complètement de ton.

— Thane ? dit-elle. Tu as lu le bout d'histoire que je t'ai envoyé ?

Oui, Persie, répliqua une voix masculine qu'elle trouvait rassurante. D'après moi, les Markios ont commencé à retrouver leurs souvenirs.

— C'est aussi ce que je pense... Nous allons devoir passer au plan B.

Dommage que nous devions en arriver là. Nous menions pourtant une existence si tranquille avant que cette histoire ne sorte au grand jour.

— Il a commencé à l'écrire il y a des années... tu t'en rends compte ? Teddie se souvenait de tout depuis 2008... Encore faut-il savoir qui est ce type.

Je mettrais ma main au feu qu'il s'agit de l'un des membres de la Septième Brigade.

Perséphone était à l'intérieur de sa jolie décapotable rouge et avait avancé son véhicule jusqu'à une intersection avec des feux clignotants. Elle attendait son tour pour tourner sa voiture en direction de Baldt Street.

Encore un terme qui est familier à Aeglys... râla-t-elle, intérieurement. Mais qui est le crétin qui s'est réveillé avant les autres, au point de laisser des indices partout ? Roh, ça m'énerve ! Il me faut trouver l'identité de ce Teddie Sage...

Nous pourrions toujours commencer les recherches à la Rôtisserie de Baldt Street, proposa Thanatos. L'un des propriétaires partage le même nom de famille que Teddie. Je crois qu'il s'agit d'Arthur Sage. Je n'y ai jamais mis les pieds, parce que tu sais comment je me sens vis-à-vis les casse-croûtes.

— Je sais... soupira Perséphone. Tu as peur d'abîmer ta silhouette. Mais je t'assure que tu n'as pas pris un gramme depuis que nous sommes ici, alors cesse de t'en faire.

Tu trouves ? Car j'ai l'impression de ne plus me sentir à mon aise dans tous mes pantalons. Je vais devoir commencer une autre diète...

La jeune femme roula des yeux.

— Pfft, tu ne seras jamais aussi obèse que le gros porc qui sert de mari au fils d'Artael, dit-elle pour se moquer de Gabriel.

La pire création qu'ait jamais faite Randell. Merci de ne plus me le rappeler.

— Tu aurais dû le tuer lorsqu'il a ouvert les yeux. Il nous a causé beaucoup de problèmes à cause de tous les coups de mains qu'il a offerts à cette maudite armée...

J'ai éprouvé de la pitié, j'ai eu tort.

— Toi ? Faire preuve de compassion ? Tu veux rire...

Et pourtant, tu en fais à tous les jours pour tes employés.

Le visage de Perséphone tourna au rouge. Il avait malheureusement raison. Sans le prévoir, ni le vouloir, elle avait commencé à s'attacher à tous ses employés, même Diana qu'elle n'arrivait pas à voir en peinture.

— Ce monde est toxique... soupira la déesse.

Je crois surtout que tu peux enfin être toi-même, ma chérie. Cela doit te faire du bien d'être appréciée par tes employés.

— Oui... mais... tout ceci n'est qu'une stupide illusion doublée d'une multitude de lavages de cerveaux. Je n'ai rien mérité de tout ça.

C'est comme tu l'as dit, nous pouvons toujours procéder au plan B.

— Tout d'abord, il faudrait connaître l'identité de cet auteur mystérieux. Ensuite, nous contacterons nos alliés.

Dans ce cas, je te suggère de commencer par la rôtisserie. Peut-être y reconnaîtras-tu quelques visages familiers.

— Bonne idée. Ne m'attends pas pour souper. Je ramasserai quelque chose de mon côté.

À plus tard, Persie. Je t'aime.

— Moi aussi, mon beau...

Perséphone fit une bise à son appareil téléphonique et son mari l'imita. Ensuite, elle raccrocha son portable et mit ce dernier sur le siège d'à côté. Elle n'était pas certaine de connaître les coordonnées du restaurant auquel elle se rendait, alors celle-ci se gara un instant près d'un trottoir et vérifia l'adresse à travers le réseau Wi-Fi qu'elle arrivait à capter. Elle réalisa, en consultant son Samsung Galaxy, que le casse-croûte se trouvait à quelques maisons plus à l'ouest, près d'une autre ruelle qui menait à plusieurs appartements.

Ah, c'est plus près de la basse-ville que je l'imaginais, pensa-t-elle.

Finalement, elle trouva le bâtiment et commença à se garer sur le côté gauche du stationnement. Au moment où elle allait sortir de sa décapotable, elle vit un cuisinier sortir par la porte des employés avec un grand sac de poubelle vert. Il portait un couvre-chef sur la tête pour cacher ses cheveux, mais elle reconnut son teint basané et son corps finement ciselé. Il avait même conservé ses vieilles cicatrices de guerres. Il s'agissait du même homme qui lui avait mordu la nuque, lorsqu'elle avait voulu envahir la république.

— Enfin... comme on se retrouve, Wolfe, dit-elle en plissant des yeux.

Elle attendit qu'il jette le sac dans la benne à ordures, puis il rentra par la même porte.

Perséphone décida qu'il valait mieux pour elle de ne pas entrer à l'intérieur de ce restaurant. Elle activa donc un pouvoir à sa vue, qui lui permit de voir à travers les murs. Même si ce monde n'était pas conçu dans le but d'y avoir des pouvoirs magiques, la déesse et son mari avaient toujours accès aux leurs.

Après avoir fouillé un peu dans le bâtiment d'en face, Perséphone finit par trouver la personne qu'elle recherchait. C'était un grand blond avec une queue de cheval et une barbiche. Il discutait au téléphone, alors qu'il nettoyait une chope de bière. Elle le reconnut aussitôt : c'était Arthur Sage, alias l'alter ego d'Artael Markios.

Lorsqu'elle réalisa enfin d'avoir trouvé l'un des repaires de ses ennemis, Perséphone sortit du stationnement en pleine vitesse et fit crisser ses pneus en appuyant sur le champignon, afin de dépasser deux voitures. Elle retourna chez elle, furieuse. Il était temps pour son mari et elle de faire appel à leurs alliés. Ces derniers s'occuperaient de cette tâche délicate et ils pourraient ensuite reprendre leur vie de rêve, sans interruption.

¤*¤*¤

Vers vingt-heure, ce soir-là, Artael retournait à son appartement. Il marchait le long de la ruelle sombre reliée à Baldt Street. Le trajet pour se rendre chez lui n'était pas si long, alors ça ne lui prendrait que quelques minutes pour se rendre à destination. Il était accompagné de Shayne, qui avait opté pour mettre un simple tee-shirt noir par-dessus son torse et un jean bleu marine. Shayne commençait à s'habituer à son nouveau style de vie, même s'il savait que tout ceci n'était que temporaire.

— As-tu reçu des nouvelles de Marie ? interrogea ce dernier à Artael.

— Non, répliqua-t-il. Pas plus que Lucas. Il ne semble pas nous avoir rejoints. Quant à Kyran, il vit à l'autre bout de la ville.

— Comment va Gabriel ?

— D'après Flint, il a toujours mal, mais a recommencé à manger.

— Très bien. Ça m'embêterait que tout ce qu'on lui prépare finirait jeté à la poubelle.

— Je ne te savais pas aussi hautain en ce qui concerne ta bouffe...

Le copropriétaire du restaurant esquissa un sourire.

— On dirait ce cher Lorenzo, continua Artael avant de glousser.

Il parlait du gérant de la rôtisserie ainsi que celui avec qui il avait signé le bail. Le vieil homme, au début de sa soixantaine, n'aimait pas qu'on insulte sa cuisine. Étant d'origine italienne, il avait un fort accent et avait rajouté plein de recettes de son pays natal au menu. Plus de quarante pourcents de leurs plats étaient basés sur des mets canadiens, cependant. Les clients n'y voyaient que du feu, tellement ils adoraient ce que préparaient les chefs de ce restaurant.

Shayne s'inspira de cette remarque pour imiter l'un des fameux signes du gérant lorsqu'il s'adressait à un client impoli.

— Tu sais que c'est très vulgaire, hein ? commenta Artael qui secoua la tête.

Shayne était sur le point de lui répondre quand tout à coup, une créature hideuse bondit droit devant eux et tenta de les tuer. Il poussa son ami de justesse, mais la chose lui écorcha légèrement la peau de son bras gauche. La bête avait l'air d'un homme ailé, dont les ailes étaient celles de chauves-souris et les griffes étaient acérées. Deux yeux rouges les observaient alors qu'il leur montra les crocs. Shayne comprit aussitôt ce que c'était.

— Un vampire, ici ? formula-t-il.

— Mais cette dimension ne peut pas avoir de démons... ! protesta son interlocuteur.

— J'ai bien peur qu'Hypnos s'est fiché de nous...

Shayne échangea quelques coups de poings et coups de pieds avec le monstre qui se tenait devant lui, puis ramassa le couvercle d'une poubelle métallique, près de lui, afin de taper le crâne de leur agresseur. Déboussolé, leur ennemi recula, grogna et afficha ses canines. Il avait l'air difficile à tuer.

— Mais vous allez mourir, oui ? fit le démon. Je n'ai pas toute la nuit.

Il bondit sauvagement sur Shayne et planta ses dents dans sa nuque.

Ironiquement, l'ex-vampire ressentait enfin ce que ça faisait de se faire mordre. C'était une sensation horrifiante. Tous ses sens commençaient déjà à s'affaiblir, alors qu'il voyait les images tournoyer autour de lui. Le démon avait déjà consommé rapidement un litre de son sang. Shayne crut qu'il allait mourir, quand Artael planta un couteau dans le dos de leur adversaire. Un ustensile sortit tout droit du casse-croûte.

— Fuyons ! lança Artael, avant d'empoigner le bras de Shayne.

Il tira son ami jusqu'à la ruelle dans laquelle se trouvait son appartement et ils grimpèrent tous deux les escaliers qui menaient à sa demeure. Ils pouvaient entendre les rugissements de la créature sauvage, derrière eux.

— Oh Athéna ! Oh Athéna ! Oh Ath... répéta nerveusement Artael, ce qui étonnait le général, puisqu'il faisait allusion à sa foi et non à sa bien-aimée.

— Nous y sommes presque ! déclara Shayne.

Artael tourna la poignée de porte et poussa cette dernière. Ils entrèrent rapidement et refermèrent celle-ci derrière eux. La première chose que l'assistant-gérant fit chez lui, fut de tirer sur la chaise la plus lourde qu'il pouvait pour barricader l'entrée. Shayne s'approcha ensuite de la grande lampe du salon, la débrancha du mur et enleva le couvercle, puis l'ampoule afin de s'en faire une arme improvisée. Le vampire aux ailes de chauves-souris fonça alors dans la porte d'entrée.

— Bon sang, mais c'est quoi ce boucan ? dit Flint qui sortait de sa chambre. J'essaie de parler avec Gabriel au téléphone et...

Ses yeux s'écarquillèrent lorsqu'il vit la nuque de Shayne en sang. Il remarqua ensuite l'étrange créature qui défonçait leur porte d'entrée.

— Mon amour ? dit-il en s'adressant à son appareil. Je te rappelle.

Il raccrocha aussitôt, puis mit son téléphone sur la table de la cuisine. Ensuite, il courut chercher le plus gros couteau qu'il pouvait trouver dans les tiroirs. La porte du salon était maintenant grande ouverte et une créature sauvage entra à l'intérieur de leur demeure pour bondir sur Artael. Le général donna deux puissants coups de bâtons dans le dos du monstre, qui gémit de douleur. Le capitaine de la Septième Brigade, de son côté, s'élança vers l'agresseur et lui donna un coup de pied au visage. Il passa le couteau à son père qui le planta dans le torse du vampire. Flint se souvint aussitôt de l'une des plus grandes faiblesses des suceurs de sang, puis courut en direction du placard à balai.

— Flint, mais que fais-tu !? lança son père.

— J'ai une idée ! lança celui-ci.

Pendant ce temps, Shayne donna quelques coups de bâton au démon et évita quelques coups de griffes avant de recevoir une morsure dans le bras.

— Aïe ! grogna-t-il. Non, mais tu vas arrêter, oui !?

Artael profita de cette distraction pour trancher au travers de l'aile gauche de la créature. Le vampire hurla de douleur, empoigna l'homme blond par la gorge et le souleva jusqu'au plafond. Il aurait pu lui briser la nuque, mais ressentit un objet pointu dans le dos. Le monstre relâcha Artael qui fut rattrapé par le général. Puis, la créature se désintégra et devint un nuage de poussière, aux pieds des trois hommes. Le pieux improvisé roula jusqu'à Flint, qui venait de s'en servir.

— Bien joué, dit Shayne qui lâcha son bâton. Tu t'es souvenu de tout ce que je t'ai appris, n'est-ce pas ?

— Ouais, expliqua Flint. Il y avait un vieux balai brisé dans notre placard. J'en ai profité pour prendre le bout de manche cassé et je l'ai taillé un peu avec un couteau. Voilà le résultat. Heureusement pour nous, ç'a fonctionné...

Le souffle court, Artael s'agenouilla un instant, puis déglutit.

— Il faut tout de suite alerter ta mère, dit-il à son fils.

— Gabriel... répliqua soudainement Flint. Oh merde... Je ne peux pas le laisser seul.

Il était sur le point de paniquer lorsque Shayne s'approcha de lui et mit une main sur l'épaule. Il le regarda droit dans les yeux.

— Écoute, dit-il. Je comprends ta détresse, mais tu ne dois pas perdre ton sang-froid. Les démons nous ont repérés, mais le plus important pour le moment est de rassembler tout le monde. Peux-tu au moins m'aider à contacter les jumeaux ?

— Mais ils ne sont pas conscients qu'ils sont des nôtres... rouspéta le capitaine. Comment suis-je censé les convaincre ?

— Laisse-les combattre ne serait-ce qu'un démon de ce genre et je t'assure qu'ils vont se souvenir de tout. Tu as Scottie dans tes contacts, non ?

Flint hésita un moment, puis hocha la tête.

— Très bien, je vais lui dire de se ramener les fesses à notre appartement, déclara-t-il.

Le capitaine se tourna ensuite vers son père et demanda :

— Toi, peux-tu demander à Athéna de ramener Estelle avec elle ?

— Je vais voir ce que je peux faire, répondit son père.

Flint retourna chercher son téléphone cellulaire et composa le numéro que Scottie Sanders lui avait offert pour lui envoyer des textos, le soir précédent. Ils avaient échangé au moins une heure sur l'écriture avant que le capitaine ne tombe endormit sur son lit. Il n'y avait aucune réponse, de l'autre côté de l'appareil. Il courut dans sa chambre et se rendit sur le premier réseau social qui lui passa à l'esprit. Il envoya un message rapide au jeune homme. Il espérait que celui-ci lui réponde, malgré le fait qu'il commençait à se faire tard.

Pourvu qu'il ne leur soit rien arrivé... pensa Flint, qui avait eu la frousse de sa vie, lorsqu'il avait vu la créature perchée sur son père.

Il était tellement nerveux qu'il renversa accidentellement le verre en vitre de son pupitre, qui se fracassa par terre. Il s'occuperait de le ramasser plus tard. Il n'y avait rien dedans. Ce fut à cet instant qu'il réalisa une chose : Perséphone l'avait lu. C'était la raison pour laquelle on avait tenté de tuer son père, ce soir-là. Cette constatation lui glaça le sang. Il s'empressa rapidement de se rendre sur le site de l'Atelier des auteurs et retira temporairement ses œuvres de la plateforme. Le mal avait été fait et il ne pouvait plus faire machine arrière. Il était temps pour sa famille et lui d'affronter la Déesse des Enfers.

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