102. Panique nocturne
Estelle avait traîné son amie inconsciente jusqu'au salon, par les bras, et l'avait installé sur le divan. Elle retourna ensuite dans la salle de bain du rez-de-chaussée pour ramasser les affaires personnelles de la musicienne, qu'elle rangea dans sa bague magique. Ensuite, elle observa son accessoire ensorcelé et sourit, car cette invention devenait, à ses yeux, de plus en plus pratique.
— Kylie a vraiment agi bizarrement, je trouve, songea l'adolescente. Enfin, on aurait simplement pu nous servir des panneaux de configurations dans nos chambres pour modifier nos cheveux, mais j'admets que l'idée de me teindre à la vieille méthode me plaisait...
Estelle n'avait pas encore sommeil. Elle décida de faire un tour sur la véranda et remarqua que Scottie était à l'extérieur. Il faisait des mots croisés, sur la table à pique-nique où ils avaient l'habitude de manger, pendant les journées chaudes.
— Ah, toi non plus, tu ne dors pas ? demanda-t-elle.
Il secoua la tête.
— Tout ce qu'on nous a dit ce soir me sort par la tête, commenta Scottie. J'avais besoin de me détendre, alors je suis venu ici.
— Ouais... je comprends où tu veux en venir, répondit Estelle. L'histoire d'Athéna m'a fait beaucoup de peine, de mon côté.
— C'est vrai que sa vie n'a pas été de tout repos... Mais bon, l'opinion de notre groupe semble unanime. On va reprendre le flambeau pour l'aider dans sa quête personnelle. Je ne sais pas si nous serons de bons dieux, mais j'espère quand même pouvoir me rendre utile.
— Je ne pense pas que je vais accepter ce rôle, pour être franche avec toi.
Estelle se croisa les bras et s'appuya contre la clôture blanche qui la séparait du gazon, derrière la table.
— Je n'ai pas ce qu'il faut pour être une bonne déesse, poursuivit-elle. Je sais à peine me battre. Tout ce que je sais faire, c'est lancer des champs de forces et vous manier, ta sœur et toi. Enfin... quand vous vous transformez...
— Oh, ne dis pas ça, Est', répliqua son ami. Tu combats aussi bien que tes parents. Ton seul problème, c'est que tu manques de confiance envers toi-même.
Sa partenaire de combat baissa la tête, honteuse.
— Aussi, je me suis rendu compte que tu ne te servais pas de ta magie à ton plein potentiel, remarqua-t-il.
— Ah... ah bon ? Pourquoi cela ?
— À vrai dire, j'ai remarqué que même si tu utilises beaucoup de sortilèges à base de lumière, que ces derniers semblent t'épuiser plus vite. Tu gaspilles beaucoup de mana, d'après ce que j'ai vu. Je crois que ton élément de base n'est pas celui que l'on croit. Selon moi, tu es comme Gabriel, dans le sens que tu es une adepte de la création. Ça expliquerait sûrement pourquoi tes champs de forces sont si efficaces, car ils n'ont pas vraiment d'éléments communs.
Estelle était surprise d'entendre cela, mais hocha la tête. Il était vrai qu'elle utilisait beaucoup d'énergie pour lancer des sorts de lumière. Quant à ses enchantements qui altéraient les capacités de ses camarades, elle se basait toujours sur la puissance mentale et rien d'autre.
L'élément de la création n'avait pas de saveur, ni d'odeur, ni de couleur dans sa tête. C'était un pouvoir imprévisible. Certains s'en servaient pour se transformer, d'autres préféraient modifier la puissance ou la résistance de leurs pairs. Estelle était l'une de ces personnes. Parfois, elle arrivait même à insuffler un élément aux armes de ses camarades, comme le feu, l'eau, l'air ou la terre. Tout cela lui était venu par l'instinct, à force de s'entraîner.
— Moi, en tout cas, expliqua Scottie, j'ai pensé à un nouveau surnom qui t'irait bien comme un gant. Que penses-tu de l'Enchanteresse ?
Le visage de l'adolescente vira au rouge. Le terme en soi n'était pas vulgaire, mais son double sens impliquait qu'elle était agréable, gracieuse... voire séduisante. Elle ne s'associait à aucun de ces traits.
— Je pensais plutôt à... la Muraille Magique ? proposa-t-elle avant de rire d'embarras. C'est plus cool... non ?
L'éclaireur désapprouvait.
— Ça fait un peu trop superhéroïne, dit-il.
— Et pas l'Enchanteresse ?
Elle lui afficha un regard boudeur.
— Maintenant que tu le dis... mouais, commenta Scottie. Tu as raison. Je ne trouve rien d'accrocheur, comme le Colosse de Baldt ou bien le Caméléon. Et il y a Shayne qui a perdu son statut de vampire... je ne sais plus comment le surnommer autre que Général Wolfe, dans mes phrases...
— Tu peux toujours continuer à le décrire ironiquement... non ?
— Sans doute. Mais bon, depuis qu'Athéna nous a modifiés, tout le monde dans notre groupe agit bizarrement. Même ma sœur est plus tranquille que d'habitude... Tu ne trouves pas ? Normalement, tu la connais, elle ferait des singeries dans tous les sens. On dirait qu'elle déprime.
Estelle hocha la tête et se gratta le coin du nez.
— Dis, Scottie...
— Oui, Est' ?
— Est-ce que ta sœur a... des sentiments pour moi ? Ou je me fais des idées ?
Il haussa des épaules.
— Et toi ? demanda celui-ci.
— C'est encore trop tôt pour le savoir. Après tout, je n'ai jamais vraiment essayé de sortir avec qui que ce soit. Si ça se trouve, je suis comme Luna.
— Pfft, on verra. Et puis, si jamais tu finissais lesbienne comme ma sœur, on pourrait se dire des petits secrets sur nos partenaires, pas vrai ?
Il plaisantait, mais cela la faisait rire. Elle avait reconnu son humour.
Ils n'avaient pas eu la chance de simplement discuter entre amis à partir du moment où la Septième Brigade était arrivé à Célestia. Ils avaient été trop occupés par leurs nombreuses tâches pour se détendre. Les jours suivants, ils avaient dû recommencer la même routine encore, et encore.
Puisque les jours de la semaine n'étaient pas pareils à ceux d'Aeglys, dans cette dimension, ils avaient perdu le fil du temps. Nash comptait y remédier.
— Quelles sont tes tâches pour demain ? demanda Estelle.
— J'aimerais rendre visite au ranch des Doyle, répliqua Scottie. Je veux m'assurer qu'ils ne manquent de rien. Après, je compte m'entraîner avec Shayne et les nouvelles recrues... Toi, t'as prévu quoi ?
— Je serais encore devant les écrans d'ordinateurs avec Lu', et Ky'. Le grand boss compte sur nous puisque nous avons appris à nous servir des machines plus rapidement que les autres.
— Tu ne trouves pas un peu étrange que ton père ait laissé son oncle prendre les commandes ? Ce n'est pas dans ses habitudes de laisser quelqu'un lui donner des ordres. C'était le bordel quand Shayne a rejoint votre groupe...
Estelle haussa les épaules.
— Papa Flint a toujours aimé son oncle, même s'ils étaient rivaux à une certaine époque... enfin, c'est ce que Papa Gabriel m'a expliqué. Il se sent dépassé par les événements, ces derniers temps. Je crois qu'il apprécie d'avoir un parent pour l'aider à remonter la pente.
— Ah... donc je vois que les rumeurs sur ton père étaient vraies...
— Quelles rumeurs ?
L'adolescente était curieuse d'en apprendre sur ces fameuses rumeurs.
— Le fait qu'il souffre de dépression chronique.
— Oh... ça...
Le visage d'Estelle s'assombrit.
— Il a ses périodes d'angoisse et de dépression, c'est vrai... mais il avait un thérapeute avant pour l'aider, formula-t-elle. Ça fait quelques mois qu'il ne l'a pas vu. Il doit sûrement être à cran. Avant, il prenait aussi des antidépresseurs, mais il a tout arrêté, car il voulait essayer de survivre sans plein de produits chimiques dans sa tête.
— Peut-être qu'il en a besoin... après tout...
Elle haussa des épaules.
— Je ne suis pas mon père, dit-elle. Je ne saurai dire s'il en a toujours besoin ou pas. D'autant plus que je ne suis pas une spécialiste.
— J... Je n'essayais pas de t'insulter, fit son interlocuteur.
— Oh, je ne suis pas offensée. Seulement, je m'inquiète aussi pour sa santé mentale. Papa Gabriel va probablement trouver le moyen de lui remonter le moral. J'ai confiance en lui.
Scottie esquissa un petit sourire avant de demander :
— Au fait, Est'... est-ce que vous avez vu Ruby McFinnigan et Conrad Sanders dans la liste des victimes ?
Elle fit signe que non.
— Luna croit qu'ils sont dans la même dimension qu'Athéna, dit-elle. D'après les données qu'elle a ramassées sur son ordinateur, Aeglys aurait été réduit à l'état d'un monde obscur, tel que l'enfer précédent.
— Et les autres savent tout ça ?! s'exclama l'éclaireur, indigné.
— Seulement Nash, Flint, et Shayne, pour le moment, répondit Estelle. Et bien sûr, ta sœur. Ils veulent faire quelques recherches avant de confirmer ce qu'a découvert Luna. C'est possible que les coordonnées qu'Athéna nous a données ne nous aident pas, finalement. Nous devrons improviser...
— Je croyais que Cerbère avait traversé de l'autre côté du portail prototype.
— Si, mais ce dernier n'avait jamais mis les pieds à Aeglys avant cela. Il n'aurait pas pu faire la différence entre la dimension que nous avons quittée et celle qu'il a visitée pour la toute première fois... Après n'oublions pas qu'il est habitué à faire face à des endroits très lugubres et ténébreux...
Scottie réalisa qu'il avait complètement oublié les origines du chien de garde de Nash. Il se prit le menton et se pencha la tête de chaque côté.
— Crois-tu qu'on peut vraiment lui faire confiance ? demanda-t-il.
— Pourquoi ? Je ne vois pas trop ce qu'il a fait de mal.
— Oui, mais il ne s'intègre pas tout à fait au groupe. Il ne fait que s'adresser à Nash et se tient à l'écart des autres esprits. Je trouve qu'il est louche, c'est tout.
— Ça porte à réfléchir, en effet...
Cette conversation avait fait du bien à Estelle, mais Scottie était un peu contrarié par Cerbère. Il avait l'intention de l'examiner de plus près durant les jours à suivre. Bien qu'il fasse confiance à Nash, il n'était pas certain que ce mystérieux chien était loyal envers leur groupe. Les deux amis discutèrent ainsi pendant une vingtaine de minutes avant d'aller se coucher pour la nuit.
¤*¤*¤
Un peu plus tôt, avant que leur fille aille se coucher, Flint et Gabriel ne dormaient pas. Le capitaine était allongé dans son lit et observait le plafond avec une expression vide. Dia et Charlie avaient préféré rester à l'extérieur pour dormir à la belle étoile. Ce qui aurait normalement donné la chance au couple de faire l'amour, mais pour la première fois depuis des jours, Flint n'avait pas envie de son mari. Il prenait de grandes respirations et fixait dans le vide.
Gabriel savait que toutes ces récentes révélations avaient fini par réveiller de vieilles blessures en lui. Il avait des papillons dans le ventre et ignorait ce qu'il pourrait lui dire pour le réconforter. Il l'écoutait respirer, en silence.
— Dis... Flint... ? couina celui-ci.
— Mm ? répondit ce dernier.
— Tu m'en veux... n'est-ce pas ?
Le capitaine secoua la tête, mais ne regarda pas son mari.
— Dans ce cas, dis-moi ce qu'il se passe... supplia Gabriel. J'ai l'impression que tu me trouves répugnant, tout à coup...
La voix du gros guerrier cassa légèrement, ce qui inquiéta Flint. Le plus petit des deux hommes se tourna vers son époux et lui passa une main autour de la taille. Il enfonça légèrement son nez dans sa généreuse poitrine.
— Tu ne seras jamais répugnant à mes yeux, répondit Flint. C'est envers le système des dieux que j'en veux.
— À cause de l'inceste et tout ça ? demanda son mari.
— Ça... puis la façon dont ils ont traité mon grand-père et ma mère. Je m'inquiète pour nos amis de Baldt... j'ignore où sont mon père, Kyran et ma sœur... Je m'inquiète pour tous ces gens que l'on voyait souvent...
— Ils sont toujours vivants, ne t'en fais pas... Je suis certain qu'ils sont quelque part et qu'ils sont sains et saufs.
Ils étaient complètement nus sous leurs couvertures. Flint ressentait que son mari le désirait, mais il n'avait pas envie de faire l'amour, ce soir-là. Il l'embrassa simplement sur les lèvres et retourna à sa position précédente.
— Je ne sais pas ce qui me retient pour prendre la fuite avec toi et juste refaire ma vie, quelque part... soupira-t-il. J'en ai tellement marre de ce conflit. Je n'ai jamais voulu être un outil de guerre et représenter Athéna comme une sorte de champion. Elle n'arrête pas de nous imposer cette destinée... J'en ai marre.
— Tu ferais ça à ta maman ? Elle a vraiment besoin de ton aide...
Flint expira. Il grogna faiblement.
— Et si c'était moi, le joli bonhomme en détresse... tu viendrais me sauver ? poursuivit Gabriel, avec la bouche en cul de poule.
Flint fronça des sourcils et fit une moue.
— Toi, c'est différent, déclara-t-il. Tu es l'homme de ma vie.
— Oui, mais je suis aussi ton créateur. En tes veines coule aussi une partie de moi.
— C'est ça que je n'aime pas...
Flint se tourna dos à son partenaire.
— J'ai l'impression que tu as profité de moi, tout ce temps... poursuivit-il.
— Mais qu'est-ce que tu racontes ?! questionna le colosse. As-tu conscience que ce n'est qu'une toute petite particule de ce que j'étais autrefois ? Je n'ai plus le même sang que ma toute première forme. Je suis tout comme toi le résultat de milliers d'années de naissances... et n'oublie pas que je suis le clone d'un homme qui n'avait aucun rapport avec les Dieux d'Aeglys !
— Oui, mais tu nous as quand même créés, avec ma mère... Tu aurais dû être honnête avec moi, dès le moment où tu as retrouvé la mémoire. En plus, tu possèdes le sang des esprits élémentaires qui font techniquement partie de ma fratrie. Tout ça me perturbe vraiment...
— Non, mais tu vas te ressaisir, oui ? gronda Gabriel. Ça ne t'a jamais causé un problème avant ce stupide enregistrement ! Après toutes les choses débiles que nous avons faites ensemble pour prendre notre pied, tu me déçois !
Furieux, Gabriel se tourna dos à son mari, lui aussi, et se croisa les bras. Sans faire exprès, il retira le bout de couverture qui recouvrait son partenaire. Flint tira sur cette dernière, grincheux et ils se battirent ainsi pour quelques secondes à savoir qui allait avoir la garde de tous les draps.
Au bout d'un moment, le capitaine en eut assez et sortit du lit pour s'habiller en vitesse.
— Où vas-tu ? demanda son interlocuteur.
— Je m'en vais.
— Pour aller où ?!
— Je ne peux plus supporter cette dimension de merde ! Je veux rentrer chez nous et qu'on me fiche la sainte paix ! J'en ai assez de tout ça... Trouvez-vous un autre capitaine ! J'abandonne ! Je ne suis pas qualifié pour sauver l'univers !
— Mais... mais... Flint ! Voyons !?
Gabriel se leva rapidement pour enfiler ses propres vêtements et suivit son mari jusqu'aux couloirs. Ce dernier avait déjà mis ses chaussures.
Flint n'avait qu'une envie : partir de Célestia. Il n'avait pas envie de parler à qui que ce soit. Au moment de descendre les escaliers, son époux le retint.
— Lâche-moi ! grogna le capitaine.
Un par un, les membres de la Septième Brigade sortaient de leurs chambres, ainsi que Yosuke Megumi. Ils avaient tous été réveillés par la dispute du couple.
— Mais arrête ! insista Gabriel. Flint ! Sapristi ! Qu'est-ce qui te prend !?
— Je veux rentrer à la maison ! sanglota le blond. Je veux voir Papa, Kyran et Sarah !
Flint se pencha dans les escaliers et se prit la poitrine. Il avait de la difficulté à respirer. Celui-ci faisait une crise d'angoisse et pleurait à chaudes larmes. Il n'en pouvait plus de cet endroit. Célestia était pour lui un cadeau empoisonné. Tout lui était offert sur un plateau d'argent, mais il ne désirait qu'une chose : retourner là où il se sentait chez lui.
Cassandra se sentit triste de voir son ami dans cet état de détresse. Elle leva son regard vers son amant et lui fit signe d'intervenir. Shayne était tout aussi perturbé que cette dernière.
Le général avait remarqué à quel point le comportement de son subordonné n'avait fait qu'empiré, du jour au lendemain. Il soupira.
— Flint, formula-t-il alors qu'il s'approcha du jeune homme et de son époux. Qu'est-ce qui ne va pas ? Tu peux nous parler, tu sais ?
— Je veux rentrer à la maison, répéta le blond qui tremblait dans les bras du colosse. J'en ai marre de cette stupide mission... J'en... ai... marre... Je...
Il n'arrivait plus à respirer. Il s'étouffa. Instinctivement, le général vint à la rescousse du capitaine. Il demanda à Gabriel de se tasser un peu et prit Flint par les épaules. Il le força à lui regarder droit dans les yeux. Cassandra avait allumé la lumière du couloir, ils pouvaient mieux voir, ce qui se passait.
— Prends une grande respiration, ordonna Shayne.
— Je... n'y... arrive... pas... fit son interlocuteur.
— Ferme les yeux et concentre-toi sur Baldt. Pense au centre-ville où vous passez vos après-midis en famille.
Flint suivit les ordres de son supérieur. Shayne continua :
— Maintenant... prend une grande respiration et visualise une douce brise printanière, alors que vous vous promenez près des marchés.
Le capitaine écouta ses paroles et s'imagina, en compagnie de Gabriel et d'Estelle, le jour où ils avaient décidé de l'adopter. Il y avait encore de la neige, mais il faisait beau, ce jour-là.
— Expire tout doucement, ajouta Shayne. C'est ça... tranquillement... Maintenant, reprends ton souffle à nouveau, mais lentement.
— Ça ne serait pas mieux de l'emmener dehors pour prendre un peu d'air ? proposa Gabriel, inquiet. C'est mieux aéré.
Flint ouvrit les yeux, hocha la tête et pointa en bas des escaliers. Shayne escorta celui-ci tranquillement et ils se rendirent à la porte de sortie du salon. Flint l'ouvrit rapidement et sortit. Déjà, il ressentait une fraîcheur sur sa peau qui l'aidait à se sentir mieux. Il fut rejoint de Nash, Shayne et Gabriel. Il s'installa sur les marches de l'escalier qui descendait du balcon.
— Ça va mieux ? demanda Shayne.
— Un peu... répondit son ami.
— C'est la première grosse crise d'anxiété qu'il fait depuis des années... remarqua Gabriel.
— Bah, normal, reprit Shayne. Nash l'a un peu secoué avec toutes les révélations d'hier.
Shayne afficha un air sévère au Roi de l'Olympe qui avala sa salive.
— Écoutez les gars, dit Nash. Je m'excuse... Je ne pensais pas que la vérité allait autant le secouer. Mais j'aurais dû être plus prudent, car moi aussi, j'ai souffert de la même condition mentale.
— En effet, gronda Shayne. Franchement, faire ça à ton neveu...
Il serra son subordonné contre lui, comme s'il le prenait pour son enfant. Le blond était tout étourdit et pleurait en silence.
— Ça va aller, Flint, rassura le général. On est tous avec toi.
— Mon père... renifla le capitaine. Je veux mon père...
— Merde... se dit Nash qui se tapa le front.
¤*¤*¤
Flint avait fini par se rendormir dans les bras de Gabriel qui avait veillé sur lui, une bonne partie de la nuit. Shayne et Cassandra préparaient le déjeuner pour tout le monde, alors que Nash se tenait à l'écart. Ce dernier s'en voulait d'avoir brisé mentalement son neveu de la sorte. Cela n'avait pas été dans ses intentions de lui faire de la peine, ni de briser ce qu'il y avait d'innocent en lui. En même temps, tous les dieux, surtout les olympiens, passaient à travers cette épreuve difficile qu'était cette vérité. Il y avait encore d'autres fichiers audio à écouter, mais il n'avait pas la force de faire endurer tout cela à son groupe.
Cerbère n'était pas revenu de la nuit, mais Dia, Nox et Windy étaient venus rendre visite aux brigadiers. La louve avait remarqué que son porteur n'allait pas bien. Elle resta auprès de Gabriel et de lui jusqu'à ce que ce dernier se réveille.
Quant au puma noir, celui-ci discutait avec Shayne qui préparait une omelette.
— Alors, Flint a perdu la boule... constata Nox.
— Qui ne serait pas comme lui, avec une révélation pareille ? fit son meilleur ami. J'ai passé une bonne partie de la soirée à me morfondre, de mon côté, mais je savais qu'il y avait des gens plus faibles que moi dans notre groupe. J'aurais dû veiller sur lui, mais je ne l'ai pas fait.
— Tu as fait de ton mieux, Shayne. Il s'en sortira. C'est un battant.
— Par contre, dans son délire hier, avant de s'endormir, il n'a pas arrêté de dire que cet endroit est nocif pour nous et je commence à le croire.
Cassandra, à côté de lui, posa sa spatule de côté et lui demanda :
— Où veux-tu en venir ?
— Nous avons passé trop de temps à nous amuser ici alors que nos camarades sont en danger, expliqua Shayne. J'ai conscience que nous avons agrandi notre groupe avec plusieurs recrues, mais plus le temps passe et plus cette fausse sécurité nous éloigne de notre devoir.
— Pourtant, nous avons tous voté pour perfectionner nos pouvoirs angéliques avant de repartir... C'est même toi qui as demandé à tout le monde ce que l'on devait faire. Vas-tu revenir sur notre décision ?
— S'il le faut, je n'aurai pas le choix d'emmener Flint loin d'ici. Il a besoin de réponses tout comme il souhaite se rendre utile.
— Nous avons tous besoin de réponses... précisa sa petite amie.
Il hocha la tête et se tourna vers les grands plats remplis de bacon végétalien, saucisses au bœuf, de pains grillés, d'omelettes et d'œufs bouillis.
Kylie, qui avait manqué toute cette crise, se leva avec un mal de tête. Les yeux à moitié clos, elle s'aventura jusqu'à la cafetière et se prépara un double expresso. Elle n'avait même pas fait attention à ses cheveux ébouriffés et ses vêtements tous fripés. Elle n'était pas du tout matinale. Une fois son café ramassé, elle s'assit près de son frère.
— Bon matin... bâilla celle-ci.
— Bonté divine ! pouffa Scottie, quand il vit la coupe de cheveux de sa sœur. Tu as besoin d'un bon coup de peigne, ma vieille !
— Gnii... ? fit cette dernière qui regarda son jumeau.
Il sortit un miroir à main de sa bague magique et le tourna vers elle. Lorsque Kylie vit son reflet dans le miroir, elle poussa un petit cri d'horreur et tomba en bas de sa chaise. Cela provoqua les fous rires de la part de plusieurs membres du groupe, y compris Estelle qui venait tout juste de s'asseoir à côté des jumeaux.
— C'est toujours aussi animé, vos matinées... soupira Windy qui était perchée sur le dossier d'une chaise.
Nox, derrière elle, s'étira puis se dirigea vers la porte de la véranda qu'il ouvrit avec ses pattes. Il sortit afin d'aller se promener un peu.
— On devrait penser à mettre une portière battante pour les animaux... dit Cassandra, quand elle vit le bout de la queue du félin disparaître par la sortie.
— Ça peut s'arranger, fit Shayne.
Il avait fini de faire cuire le déjeuner pour tout le monde et se tourna au salon, où Misaki et Wyatt discutaient.
— Le repas est servi ! lança-t-il.
Tous vinrent s'asseoir à table, sauf Flint et Gabriel. Nash fut le dernier à s'installer, à l'autre bout de la table. Il était silencieux et souhaitait s'effacer pour la journée. Le roi avait tenté de s'adresser au colosse, plus tôt, mais ce dernier n'avait pas voulu lui parler. Il y avait beaucoup de tension dans l'air.
— Merci d'avoir préparé le déjeuner, Shayne et Cassandra, dit Nash.
Le général l'ignora et s'assit loin de lui, à droite de Scottie. Wyatt s'installa devant son partenaire et Cassandra prit le banc, au bout opposé de la table. Il restait deux places libres pour le capitaine et son époux, mais eux ne s'en venaient pas du tout.
— De rien, Nash, répondit Cassandra. C'est un plaisir !
Kylie avait dormi toute la nuit sans jamais se réveiller. Elle ne saisissait pas pourquoi Flint n'était pas là, ni Gabriel. Tout ce qu'elle comprenait, à cet instant, c'était que Shayne semblait en vouloir au roi, mais elle ignorait pourquoi. Pendant qu'elle se servait une omelette, elle remarqua qu'Estelle s'était fait une mèche rose durant la nuit.
— Ah tiens, c'est nouveau ça, remarqua-t-elle.
— T'aimes bien ? demanda l'adolescente. Je l'ai fait dans ma chambre.
— C'est pas mal, en effet. Tu l'as fait avec de la vraie teinture ou bien avec la machine ? Parce que si c'est la machine, c'est bien réussi.
— J'ai opté pour le panneau de configuration, en effet. Bien plus rapide et moins salissant. J'en ai profité pour me rajouter des verres de contacts colorés.
Elle se tourna vers son amie et lui fit un clin d'œil.
— Je ne vois pas trop la différence... fit Kylie.
— Bah, normal, j'ai simplement essayé un bleu plus foncé à mes yeux. Le maquillage a été fait à la main, par contre.
Ce matin-là, Estelle s'était levée un peu avant tout le monde et avait passé plusieurs minutes devant son boudoir. Elle s'était remonté les cheveux en chignon après s'être fait une mèche rose. Elle n'avait mis que peu de maquillage, après sa douche rapide, et portait un simple haut aux rayures roses et blanches avec un jean confortable. Elle avait l'air d'une adolescente sortie tout droit d'un magazine de mode.
— Tu t'es fait toute belle, ce matin, remarqua Luna à son ex-apprentie. Que nous vaut cet honneur ? As-tu rencontré un garçon qui te plaît ?
Elle lui fit une grimace complice, l'adolescente rougit timidement.
— N... Non... couina la plus jeune du groupe. J'avais seulement envie d'un peu de changement... c'est tout.
La pauvre petite baissa son regard dans son plat de rôties et mit ses mains sur ses genoux. Toutefois, elle remonta vite son visage avec confiance.
— J'ai décidé que j'allais désormais me spécialiser à la survie de nos coéquipiers avec ma magie, formula-t-elle. Je n'ai pas encore trouvé de terme qui collerait bien avec mon rôle, mais Scottie m'a suggéré l'Enchanteresse, hier soir.
— Oh ! J'adore ce surnom, dit Luna qui approuva celui-ci.
— Moi, aussi, répliqua Wyatt. Ça colle bien avec ta personnalité.
— Vous allez me faire rougir... couina leur ancienne apprentie.
— Trop tard, fit Kylie qui pinça gentiment la joue de sa collègue. J'approuve.
— Mais euh... expira Estelle.
Elle sourit. Après tout, être le mage de soutien de la Septième Brigade était un exploit en soi. Elle se sentait fière, tout à coup.
Nash profita de cet instant pour se lever de son banc.
Il se racla la gorge et dit :
— Votre attention, s'il vous plaît. J'ai pris une décision importante quant aux prochaines étapes de notre quête.
Tous se tournèrent vers lui ; Shayne regardait dans le vide.
— Puisque certains d'entre nous ont le mal du pays, j'ai décidé que nous allions former deux groupes. Le premier partira en reconnaissance sur Aeglys et essaiera de comprendre ce qui s'est passé durant notre absence. Le second devra rester ici et s'occuper des activités de la base. Je propose que Flint fasse partie du groupe d'exploration, puisqu'il a besoin de changer d'air. Est-ce que cela vous convient ?
— Enfin, nous allons passer à l'action, soupira Shayne de soulagement.
Il se leva de table à son tour et rajouta :
— Je ferai aussi partie de l'équipe de reconnaissance, car je me sens responsable de Flint. Son état de santé est très important à mes yeux. Il a besoin de mon soutien.
Nash hocha la tête, puis l'invita à s'asseoir à nouveau. Le reste du déjeuner se déroula sans dispute. Tous étaient intéressés à cette conversation.
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