Chapitre 46
Le visage de Catriona se vida de toute couleur. De pâle, elle devint carrément livide. Comme un poisson hors de l'eau, ses lèvres s'ouvrirent et se refermèrent à plusieurs reprises sans laisser le moindre son s'échapper. Lachlan tenta de capter son regard, mais elle le fuyait. D'un pas, il voulut s'avancer vers elle avant de se figer. Les mains levées, elle lui signalait clairement d'avorter son mouvement.
— Je... j'ai besoin d'air, souffla-t-elle.
Le highlander n'eut même pas le temps de la retenir que, déjà, elle s'était précipitée à l'extérieur. Impuissant, il pinça les lèvres, les yeux fixés sur la porte restée grande ouverte. Qu'avait-il fait ? Pourquoi n'avait-il pas tenu sa langue ? Elle n'était clairement pas prête pour une telle demande ! Il regrettait de ne pas avoir attendu davantage. Si seulement il l'avait d'abord convaincue de son amour, Catriona n'aurait sans doute pas réagi de cette façon.
Désespéré, il abattit sa main sur la surface plane de la table. Que faire ? Si son cœur lui hurlait de s'élancer à sa suite, son cerveau avait conscience de la nécessité d'attendre. Elle avait besoin d'être un peu seule. Il valait mieux attendre quelques minutes avant d'essayer de la retrouver. Cette partie ne serait pas la plus délicate. Il la connaissait tant qu'il savait où la chercher.
L'estomac noué par la crainte et la culpabilité, Lachlan patienta. Comment le temps pouvait-il tant s'éterniser ? Il marcha de long en large sans s'asseoir un seul instant. Ce ne fut que lorsque, au loin, il perçut le son du clocher annoncer le début d'un nouveau morceau de la journée, qu'il se permit de partir à la suite de Catriona.
Il ne s'était pas trompé. Elle était recroquevillée contre les rochers, occupée à observer les vagues s'écraser contre la pierre. De ce petit relief, ils en avaient vu passer des bateaux. Lachlan la rejoignit discrètement pour ne pas lui faire peur et s'assit à côté d'elle. Catriona ne bougea pas ni ne lui adressa un regard. Était-ce une bonne ou une mauvaise chose ? Il n'en savait rien.
— Je ne voulais pas te faire peur, brisa-t-il le silence, dans l'espoir qu'elle lui confie ce qui la tourmentait.
La jeune femme ne répondit pas immédiatement. Tant et si bien qu'il crut pendant un instant qu'elle ne dirait rien du tout. Pourtant, elle finit par ouvrir la bouche tandis que ses doigts se contractaient sur le tissu de ses jupes.
— Ce n'est pas le cas. Je voudrais sincèrement pouvoir dire oui...
— Mais ? l'encouragea-t-il l'inquiétude que ses réponses puissent lui briser le cœur.
— Mais je ne veux pas que ce moment arrive.
— Quel moment ?
Lachlan commençait à perdre patience. Quand elle tourna vers lui son regard accablé de chagrin, il se fit fureur pour ne pas la prendre dans ses bras.
— Celui où tu regretteras cette décision et que tu m'en accableras.
— Cela n'arrivera pas ! s'exclama-t-il. Me fais-tu vraiment aussi peu confiance ?
Elle secoua la tête. D'un geste, elle se leva et commença à tourner les talons.
— Tu ne comprends rien !
Il ne lui laissa pas le temps d'aller trop loin. Elle avait à peine fait dix pas qu'il l'attrapait déjà par la main pour la retenir.
— Alors explique-moi, Catriona ! J'en ai assez de devoir te pousser à me révéler tes tourments.
— Je... Si tu m'épouses, le clan te le reprochera. Tu finiras par les écouter et tu nourriras de la rancœur à mon encontre. Je refuse que cela se produise.
— Et pourquoi es-tu si sûre que c'est ce qui se passera ? demanda-t-il d'une voix douce.
D'un doigt, il lui releva le menton pour que ses yeux couverts de larmes se plongent dans les siens.
— Parce que c'est ce qui arrive à chaque fois. Je ne te mérite pas, Lachlan. J'ai tué Logan. Mon père a cherché à se débarrasser de moi. Et surtout, je suis responsable de ton bannissement. Quoi que je fasse, il n'arrive jamais rien de bon. Ishbell m'a assurée que je ne serais plus jamais heureuse. Je crois que ça malédiction fait effet depuis déjà longtemps.
Lachlan l'attira contre son torse et referma ses bras autour d'elle. Il ne pouvait pas la laisser se rabaisser comme ça.
— Je t'interdis de dire de telles choses, murmura-t-il contre son oreille. Tu n'es pas plus maudite que moi. Nous sommes tous maîtres de notre destin et tu seras heureuse seulement si tu te le permets. Quitte cette culpabilité qui te pèse, Cat, autorise-toi à vivre. Tu ne me crois pas capable de te rendre heureuse ?
Il l'entendit renifler contre lui tandis qu'elle secouait la tête.
— Si, bien sûr que si ! C'est moi. Je... je ne suis pas une épouse idéale. Et j'ai déjà failli te briser une fois, je ne veux pas recommencer.
Lachlan serra les dents. Autant de colère contre Logan et Keir que de douleur. La voir aussi réfractaire lui faisait énormément de mal. Elle doutait tellement d'elle qu'il commençait à se demander si l'indépendance qu'elle avait revendiqué avant de lui céder était réellement le motif profond.
— Aye, le front a creusé quelques cicatrices sur mon âme et elles ne partiront jamais. Mais je ne te blâme pas pour ça et je t'ai déjà demandé de ne pas le faire non plus. Ces batailles, elles ont forgé l'homme que je suis aujourd'hui. Elles m'ont changé, certes, mais pas dans un sens que je regrette. N'aimes-tu pas celui que je suis revenu ?
Catriona se recula légèrement pour plonger son regard dans le sien. Elle n'avait pas mis beaucoup de distance entre eux, et pourtant, il avait l'impression qu'un courant glacial lui caressait le torse.
— C'est celui dont je suis tombée amoureuse, Lach, murmura-t-elle avec un sourire contrit. Je suis trop éprise de toi pour te souhaiter une femme comme moi. Je suis loin de l'épouse parfaite qui dirigera le broch sans erreur, t'obéira et passera ses journées à broder ou repriser au coin du feu.
Ses lèvres s'étirèrent à ces images qui, en effet, ne lui ressemblaient pas du tout.
— Ça tombe bien, ce n'est pas du tout ce que je te demande. L'épouse idéale, comme tu le dis si bien, m'ennuierait profondément. C'est toi que je désire avoir à mes côtés jusqu'à ce que la mort nous sépare. C'est toi qui sera parfaite pour moi. C'est pour toi que je serais prêt à me sacrifier et à tout donner. C'est pour toi que je veux dédié les jours prochains et tous ceux qui viendront après. Toi et Neil. Ce petit, je l'aime comme...
Catriona l'empêcha de terminer sa phrase. Sans prévenir, elle glissa ses mains à l'arrière de sa nuque et plaqua ses lèvres contre les siennes avec avidité. Lachlan ne chercha pas à poursuivre sa déclaration. Visiblement, le message était passé.
Quand sa langue lui demanda l'entrée d'un délicieux accoup, le laird se lança dans un ballet passionné. Il la serra un peu plus contre lui, collant son bassin au sien avec l'avidité d'un homme assoiffé. Que ça faisait du bien de la sentir contre lui ! Ainsi, quand elle se décolla pour poser son front contre le sien, il grogna de frustration. Elle caressa délicatement du dos des doigts la cicatrice qui zébrait sa joue et esquissa un sourire.
— Je t'aime, Lachlan.
— Alors accepte de m'épouser, répliqua-t-il en encadrant son visage de ses mains. Ton père m'a autorisé à te faire ma demande.
Elle haussa un sourcil, surprise.
— Tu lui as parlé ?
— Aye, il ne veut que ton bonheur, Cat. Nous t'aimons tous les deux comme des fous, c'est ce que je veux aussi. Je... t'ai...me... glissa-t-il entre quelques baisers, épouse-moi.
— Je... je souhaite devenir ta femme.
Le front de Lachlan se plissa de scepticisme.
— Mais ?
— Il n'y en a pas, ricana-t-elle. Fais de moi ta femme.
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