Chapitre 35
Avant même que Catriona n'ouvre les yeux, elle sut que quelque chose n'allait pas. Des éclairs de douleurs lui vrillaient le crâne par intermittence. Elle gémit tandis que ses paupières papillonnaient, dévoilant un peu plus de lumière à chaque instant. Quand ses derniers souvenirs affluèrent, la panique la tira complètement des brumes du sommeil. Elle se redressa d'un coup, les dents serrées, autant à cause du rythme effréné de son corps que de souffrance.
Où était-elle ?
Ce lit n'était pas celui qu'on lui avait attribué à son arrivée au broch. Cette chambre était bien plus étroite et ne disposait que d'une minuscule fenêtre, située très haut sur le mur, presque au niveau du plafond.
Quel était cet endroit ? Mais surtout, Catriona se demandait ce qu'elle faisait là !
La dernière chose dont elle se souvenait, c'était de s'enfoncer dans les bois. Cailean l'avait accompagnée ramasser des plantes et elle s'était éloignée après avoir repéré quelques chardons. Elle en avait récupéré et puis... plus rien.
Ah si ! On l'avait frappé à la tête ! Le souvenir était un peu vague, mais elle se rappelait la sensation affreuse qui l'avait traversée lors du choc. Elle s'était effondrée sur le sol et après... une main s'était posée sur son visage. Elle n'était pas sûre de ce qui avait été fait ensuite. Visiblement on l'avait soulevée et amenée jusqu'ici.
Catriona passa une main sur l'arrière de ses cheveux. Ils étaient emmêlés et poissés d'un liquide collant. Elle ramena ses doigts devant elle pour voir ce que c'était et écarquilla les yeux en découvrant du sang. Bon sang, ce n'était pas surprenant que sa tête soit aussi douloureuse ! La jeune femme pivota sur le matelas pour balancer ses jambes hors du lit. Les premiers pas furent vacillants, mais elle parvint enfin à atteindre la porte close.
Sans surprise, elle était verrouillée, malgré ses tentatives pour l'ouvrir elle ne bougeait pas d'un iota. Catriona tambourina contre la paroi sombre du plat de la main.
— Eh ! Ouvrez- moi !
La Scott s'époumona pendant de longues minutes avant d'abandonner. Les entrailles nouées par l'anxiété de retrouver ainsi enfermée, elle tourna dans tout les sens, comme si en l'espace d'un quart d'heure une nouvelle issue avait pu apparaître. Elle avait envie de vomir, mais vu les gargouillements de son estomac, elle n'aurait pas grand-chose à faire sortir.
Catriona observa le plafond. Vu la hauteur de la fenêtre et l'absence de meubles, elle ne pourrait pas y accéder. D'après ce qu'elle pouvait apercevoir, le jour n'était pas levé depuis bien longtemps, elle croyait discerner quelques reflets rosâtres dans le ciel. Combien de temps était-elle restée inconsciente ? Au moins douze heures, si ce n'était plus car le crépuscule ne pointait pas encore quand on l'avait agressée.
Mais qui aurait eu un intérêt à la séquestrer ? Ça n'avait aucun sens. Elle n'était que la guérisseuse d'un clan bientôt allié, rien qui ne méritait l'intérêt de quiconque.
Ce fut avec cette pensée qu'elle resta assise sur le lit, à faire défiler des pensées incohérentes qui meublaient son attente. Elle en avait marre. Il ne se passait rien et plus les heures s'écoulait, plus elle avait envie de défoncer la porte. Enfin si elle en avait eu la force, bien entendu. Là, elle ne se risquerait même pas à tenter l'expérience.
Quand un tintement métallique rompit le silence dans lequel elle était enfermée, Catriona sauta sur ses pieds, aux aguets. Elle se pencha pour saisir la lame qu'elle gardait masquée sur le haut de sa botte et la cacha derrière son dos, entre les replis de sa robe. Sa prise faillit se défaire du pommeau lorsque Inaya apparut, chargée d'un plateau et surtout accompagnée d'un homme de trois fois sa corpulence.
— Mets-lui là-bas, indiqua-t-il le lit d'un signe de tête.
La MacDonald obtempéra en silence, sans oser croiser le regard de Catriona. Elle s'y résolut finalement, quelques secondes avant de faire demi-tour. Visiblement, ce qu'elle y lut lui brisa le cœur puisque ses yeux s'embuèrent de larmes. Inaya ouvrit la bouche, prête à se justifier, avant qu'une voix grave ne l'en empêche :
— Vas t'en, Inaya.
Catriona reporta son attention sur le nouveau venu, bien qu'elle eût déjà reconnu la voix du laird. Alistair l'observait avec la satisfaction d'un animal fier de sa prise. En voyant celle qu'elle croyait être son amie obéir sans formuler la moindre objection, Catriona eut envie d'hurler.
— Laissez-moi sortir, ordonna-t-elle avec assurance.
Elle n'avait pas le pouvoir d'obliger le laird MacDonald à faire quoi que ce soit, mais elle espérait qu'en s'en donnant l'air, cela suffirait à l'influencer dans sa prise de décision.
— Je ne crois pas, non, Catriona.
Le sang dans ses veines se glaça. Les consonances de son prénom dans sa bouche n'avaient rien de poétique. Elles étaient cassantes et menaçantes.
— Pourquoi ? Tout ce que vous faites, c'est détruire cette paix pour laquelle vous œuvrez. Les MacKinnon ne laissent pas l'un des leurs sans poser de question.
Alistair eut le culot d'éclater de rire. Elle n'avait pourtant pas fait de trait d'humour. Elle avait au contraire voulu sa réplique suffisamment mordante pour devenir inquiétante.
— Au contraire, très chère, c'est vous qui risquez mes plans. Pas de panique, je ne compte pas vous garder infiniment. Une quinzaine de jours, vingt tout au plus. Ensuite vous voguerez à vos occupations sans pouvoir me nuire.
Quinze jours ? Pourquoi la garder cloîtrée durant deux semaines changerait quoi que ce soit ? Ça n'avait aucuns sens !
— Je ne sais pas pour quoi vous prenez Lachlan, mais il ne laissera pas un membre de son clan disparaître sans s'en inquiéter.
— Surtout pas vous, c'est bien cela ? demanda-t-il avec un sourire malsain.
Ce fut à cet instant que Catriona comprit qu'il savait tout. Ce n'était pas une tentative de déstabilisation politique, il voulait surtout l'empêcher de distraire Lachlan. Il la voyait comme une menace pour les noces entre Ailsa et Lachlan.
— Je ne sais pas ce que vous croyez savoir, mais...
— Vous feriez mieux de vous abstenir, la prévint-il en avançant un peu plus vers elle.
Mécaniquement, Catriona recula d'un pas.
— Vous ne pouvez pas me garder dans cette cellule impunément.
— C'est là toute la beauté de la chose. Je le puis et je compte bien en profiter. Vous resterez ici jusqu'à ce que vous ne menaciez plus le mariage à venir. Ensuite vous pourrez sortir, comme je vous l'ai promis.
— Pour ce que valent vos promesses...
Elle avait sifflé cela à mi-voix, mais, malgré tout, la remarque n'échappa pas à Alistair. Il tendit la main pour saisir son visage entre ses doigts, écrasant ses joues entre son pouce et son index.
— Je vous conseillerais de vous tenir tranquille ou je me verrai contraint de rendre votre détention un peu moins agréable. Ou davantage, ce n'est qu'une question de point de vue.
Catriona eut soudainement du mal à déglutir. Elle n'était pas sûre d'avoir bien compris le double sens de cette menace. Le poignard fermement maintenu dans son dos, elle hésitait à frapper. L'homme qui les observait pesait au moins deux fois son poids et maniait certainement mieux l'épée.
— Le garde que je poste devant votre porte vous empêche de sortir, certes, convint Alistair une lueur mauvaise au fond des yeux, mais il contrôle les entrées. Une indication de ma part et cette cellule deviendra plus fréquentée que le bordel d'un port. Ne tentez rien d'inconsidéré.
Elle avait l'impression que ce serpent avait lu dans son esprit et sentit le danger. Mais il était malin parce qu'à présent elle se sentait faiblir. La menace était réelle. Et puis, qu'aurait-elle fait une fois qu'elle l'aurait assassiné ? Le garde l'aurait tuée ou menée devant le prochain laird pour qu'elle soit jugée. Jamais elle n'aurait pu s'échapper.
Comme elle ne répondait rien et se contentait de l'observer les traits pincés, il laissa lentement retomber le dos de ses phalanges le long de la courbe de son cou, jusqu'à la naissance de sa gorge. Elle se crispa dégoûtée par la sensation de ces doigts sur son corps. Heureusement, Alistair les retira finalement, la bouche étirée d'amusement face à sa réaction. Il jouissait de l'emprise qu'il avait sur les autres, Catriona n'en était pas surprise.
Elle ne bougea pas ni n'essaya de sortir tandis qu'il tournait les talons. Son cerveau fonctionnait à vive allure, listant des idées plus inconsidérées les unes que les autres. La main sur la poignée, Alistair se tourna vers elle.
— Et n'espérez pas que votre laird vienne vous sauver, lança-t-il d'un ton suffisant, votre absence est déjà justifiée.
Le sang de Catriona ne fit qu'un tour dans ses veines. Elle n'avait pas besoin d'attendre après Lachlan, elle ne comptait pas rester enfermée plus de temps que nécessaire. Elle était armée et déterminée, elle trouverait bien un moyen de s'échapper !
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