Chapitre 23
Catriona revenait tout juste de sa balade matinale. Elle avait apprécié la fraîcheur de l'air sur son visage et la beauté du paysage. Durant son exploration, elle avait découvert une crique de galets, éloignée du broch ou des habitations où seul le vent mugissant avait bercé ses pas. Ce n'était pas l'endroit le plus simple d'accès, mais il était d'une beauté remarquable. Les galets glissaient sous la roche pour offrir une cavité protectrice des aléas de la météo.
La guérisseuse montait les escaliers lorsqu'elle croisa Inaya. Son plaid humide replié entre ses doigts, elle s'arrêta pour saluer chaleureusement la MacDonald.
— Inaya, vous allez bien ?
La jeune femme lui adressa un regard fatigué, empreint de chaleur malgré tout.
— Ça peut aller, j'ai eu un peu de mal à dormir, c'est tout.
— Puis-je vous demander ce qu'il s'est passé ? s'enquit Catriona, sincèrement curieuse.
Son rôle de guérisseuse la poussait toujours à chercher ce qui causait les maux chez autrui pour ensuite essayer de les guérir. Enfin... elle ne l'aurait pas fait pour tout le monde, elle remarquait les coups d'œil obliques et les messes basses sur son passage de la part des MacDonald. La présence d'étrangers au sein d'un clan était toujours quelque chose de délicat, mais jusque-là elle n'en avait jamais fait les frais.
Et puis Ishbell s'était bien chargée de ternir sa réputation. Auprès des siens, certes, mais les rumeurs se propageaient plus vite lorsqu'elles étaient fausses.
— Des maux de tête terribles, cela m'arrive fréquemment, ne vous en faites pas.
Catriona fronça les sourcils.
— Votre guérisseur ne vous a jamais rien donné pour faire passer la douleur ?
— Nay.
Catriona se rappelait avoir pris de la poudre de reine-des-près avec elle pour le voyage. Pour aider ce genre de cas.
— Vous vous rendiez à la grande salle, Inaya ?
— En quelque sorte. J'ai encore à faire en cuisine, mais je vais y aller ensuite. Le laird a une annonce à faire, ce soir est une fête de bienvenue pour vous accueillir.
— Bien, je vous rejoindrai rapidement, j'ai quelque chose pour vous. Non, ne protestez pas, anticipa Catriona, j'y tiens. À tout à l'heure.
Elle repartit au pas de course pour monter les dernières marches qui la séparaient encore du deuxième étage. Ainsi Alistair MacDonald avait une annonce à faire ? Elle espérait de tout coeur que cela eut à voir avec les modalités de l'alliance que Lachlan était venu discuter. Elle avait hâte de retrouver Neil et Aigneas.
Catriona n'avait jamais été solitaire. Elle s'était simplement adaptée à ce que le temps avec fait d'elle. Veuve, recluse et surtout ancienne bru peu appréciée, elle n'avait eu d'autre choix que de se retrancher sur elle-même. Connor l'avait aidé du mieux qu'il le pouvait, mais son rôle de père ne devait pas avoir d'effets néfastes sur son travail dans le clan.
Après avoir vérifié qu'elle avait bien une fiole de poudre de reine-des-près, Catriona se changea. Sa robe marron était confortable, mais peu esthétique pour un dîner où elle représenterait indirectement son clan. Lachlan s'attendrait sûrement à ce qu'elle soit mieux vêtue qu'une fermière vagabondant dans les champs. Et heureusement, elle avait pris l'une des seules tenues de sa garde-robe qu'elle conservait depuis son mariage avec Logan.
Dans une soie bleue aux fleurs soigneusement brodées, elle découvrait sa poitrine et ses épaules. Le tissus retombait finement jusqu'au sol, chatoyant à chacun de ses mouvements. Elle n'avait que trois robes du genre, celle-ci était la seule qu'elle parvenait à porter sans se donner envie de vomir. Elle n'appréciait plus les fanfreluches.
Elle ne le voulait plus, ça lui rappelait trop de mauvais souvenirs.
D'un geste habile, mené par les années d'entraînement, elle releva sa chevelure blonde dans un chignon complexe. Elle aimait bien dégager son cou. Si elle ne le faisait plus, c'était simplement pour éviter la convoitise. Elle revoyait le regard brun de Logan s'illuminer quand sa gorge était découverte, comme un enfant auquel on offrait un jouet. Catriona avait l'impression de sentir de nouveau ses lèvres contre sa peau, son odeur se mêlant à la sienne.
Repenser à Logan la rendait nauséeuse. Ainsi, elle secoua la tête pour chasser ces réflexions peu agréables. Elle prit la poudre pour Inaya et l'inséra entre ses seins, d'une telle façon que personne ne pouvait la remarquer. Des coups frappés contre sa porte l'empêchèrent de récupérer un châle. Catriona se retourna tandis que son frère entrait sans attendre de réponse.
— J'aurais pu me changer ! s'offusqua-t-elle.
— La vision aurait sans nul doute été traumatisante.
Son ton moqueur la fit lever les yeux au ciel. Ils se taquinaient ainsi depuis... depuis aussi loin qu'elle se souvenait. Craig et elle avait toujours eu une relation fraternelle intense. Leur amour passant par des coups bas ou des remarques désobligeantes. Mais elle savait qu'elle pouvait compter sur lui. Si, cinq ans plus tôt il avait été plus âgé, nul doute qu'il serait intervenu pour empêcher Logan de l'épouser.
— Que veux-tu, Craig ? Je m'apprêtais à descendre.
— Je vois ça, rétorqua-t-il en la détaillant d'un regard appréciateur. Tu es tout en beauté. Tu essaie de séduire le laird ?
— Sa femme est grosse et il est très dur de passer à côté. Cela ne m'apporterait pas grand-chose de le séduire.
Il esquissa un sourire en coin, un bras tendu dans sa direction.
— Je n'ai jamais précisé de quel laird je parlais. Allez, viens.
Catriona ne trouva rien à répondre. Elle ressembla à un poisson hors de l'eau pendant l'espace d'une seconde puis piqua un fard. Craig s'empara de sa main puisqu'elle ne semblait pas prête de le faire et l'entraîna avec lui hors de la pièce. Dieu lui soit témoin, qu'elle détestait cet air satisfait qui éclairait ses traits ! Il était insupportable. Et elle se sentait tellement honteuse de n'avoir pas réussi à lui répondre. Ce n'était pourtant pas si compliqué de le contredire !
— Qu'as-tu fait aujourd'hui ? l'interrogea Craig quand ils furent dans les escaliers. Nous ne t'avons pas beaucoup vue.
— Vous êtes là pour aider le laird. Moi, je suis plutôt dans l'attente que l'on ait besoin de mes services. Je doute que ce soit le cas avant longtemps. J'ai fait la connaissance d'une MacDonald très gentille, découvert les environs et je me suis dégourdi les jambes.
— Tu sais bien que ta place auprès de nous est aussi importante que n'importe quelle autre.
— Je n'ai pas dit le contraire.
— Pourtant tu le penses, alors sors-toi cette idée de la tête. Lachlan veut juste te protéger, ajouta-t-il.
— Je le sais bien.
Et malgré tous ses discours sur l'indépendance et son désir ardent de ne dépendre de personne, une vague de chaleur lui réchauffa le cœur. La présence de Lachlan pour elle et son désir de s'assurer qu'elle irait bien voulaient dire beaucoup.
Catriona soupira. Ce genre de sentiment ne mènerait à rien de bon. Elle le savait.
Elle échangea un regard avec Craig. Il allait lui demander ce qu'il se passait lorsqu'ils arrivèrent dans la grande salle. Peu de choses avaient changé. Il y avait simplement plus de fleurs sur les tables et une bonne partie du clan.
Il fallut une bonne quinzaine de minutes avant qu'Alistair ne se présente, suivi de sa femme et ses enfants. Quand il entra, le silence se fit et les convives commencèrent à s'amasser autour des tables.
— Lachlan ! héla-t-il le MacKinnon. Venez donc à ma table, nous vous y avons réservé une place !
C'était en effet la coutume. En tant que laird, il devait s'installer sur l'estrade, à côté de son homologue. Mais alors pourquoi le lui indiquer ? Cela n'avait rien de bienveillant. Au contraire, c'était une façon pour le MacDonald d'asseoir sa supériorité. Catriona regarda son ami aller s'installer entre le laird et sa fille, le dos droit, chaque muscle bandé. Seul quelqu'un habitué à le côtoyer aurait remarqué la tension qui l'habitait.
L'Écossaise s'installa à côté d'Inaya, avec laquelle elle avait pris le temps de discuter un peu. De là où elle était assise, elle avait Lachlan en plein dans son champ de vision. Elle le voyait sourire poliment à Ailsa et discuter avec Irvine. Par moment, son regard dérivait sur la foule, à la recherche de quelque chose ou quelqu'un qu'il ne trouvait visiblement pas.
Ce ne fut qu'au bout de la troisième fois que, finalement, il capta son regard. Elle sentit immédiatement le changement s'opérer. Ses traits se relâchèrent et ses yeux se mirent à pétiller. Aye, elle avait fait un effort, elle était contente qu'il le remarque. Cet échange dura quelques secondes avant que dame Irvine ne le rappelle à elle pour reprendre ce dont ils s'entretenaient.
Une fois le repas terminé, on amena des instruments de musique et la fête commença. La laird n'avait pas encore fait d'annonce, trop occupé à plaisanter avec certains de ses hommes de clan. Lachlan n'avait pas l'air à l'aise du tout. Et il sembla encore moins à sa place quand Alistair réclama le silence avec de grands mouvements de bras. Il monta sur l'estrade, corps opulent qui observait de haut toute l'assemblée. D'un geste, il leva son verre à nouveau plein et invitant Lachlan à le rejoindre :
— Nous célébrons aujourd'hui la venue de nos amis MacKinnon. Après discussion avec leur nouveau laird, nous avons renouvelé nos accords de paix. Nos deux clans seront liés à travers les âges par les liens du sang. Lachlan épousera ma fille d'ici la prochaine lune, lors des fêtes de Samhain. Tenez-vous prêts pour les célébrations qui seront à la hauteur de cette union.
Un sourire affable sur le visage, Lachlan leva sa coupe à son tour, sous les applaudissements des MacDonald. Comme convenu, Guillaume et Cailean quittèrent la pièce après l'annonce, comme s'ils ne pouvaient que s'opposer aux noces. Le highlander aurait pu retourner aux festivités si, du coin de l'œil, il n'avait pas aperçu Catriona, magnifique dans sa robe bleue, se frayer un chemin jusqu'aux cuisines. Il mourrait d'envie de s'élancer à sa poursuite, lui parler, savoir ce qui n'allait pas, mais il ne le pouvait pas.
Irvine, aussi ronde qu'une barrique de vin, s'approcha de lui pour le prendre dans ses bras, l'affublant d'un surnom que personne ne lui avait donné jusqu'alors : « mon gendre ».
***
Je suis navrée, j'ai été un peu absente avec la campagne Ulule que je gère en ce moment ! Mais promis je reprends un rythme plus rapproché. Surtout que tout le roman est prêt à être publié !
En espérant que ce chapitre vous aura plu.
XOXO
TOY
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