chapitre 7
Edna descendit du train, en espérant que ce soit la dernière fois qu'elle le prenne avant longtemps. Elle avait traversé le continent et maintenant elle se sentait lasse de voyager.
Luc se positionna à ses côtés tout en regardant de chaque côté.
Le train s'était arrêté sous de grandes arches qui soutenaient une immense verrière. Les rails foncés s'étendaient presque sur cinq cents mètres sous ce toit de verre. De nombreux voyageurs se croisaient sur le quai sans jamais se bousculer, comme dans une organisation parfaite où chacun était à sa place.
Edna se tourna vers son guide. Luc la poussa un peu dans le dos, le regard en alerte et la respiration saccadée.
— Tout va bien ? questionna la jeune femme.
— Nous en parlerons à la maison, viens, ce n'est pas loin, dit-il entre ses dents.
Le binôme sortit de la gare et fit face à une grande avenue bordée de bâtiments en pierres sculptées. Des arbres au feuillage blanc indiquaient le centre de la route en béton, lui-même encadré de trottoirs en pavés. Les vitrines étaient illuminées pour montrer les divers articles de vêtements à la mode. Edna comprit vite pourquoi ils vendaient tant de gants et de manteaux en grosse laine. Le froid venait transpercer sa peau et la brûlait de l'intérieur. Était-ce pour cela que le centre-ville semblait si calme alors qu'il était bondé ?
Les habitants continuaient leur chemin sans lever la tête. Edna pensa à une armée de robots habillés de fourrure.
— C'est... beau, murmura Edna.
Luc prit une grande respiration.
— Bienvenue en Manse.
Alors le cœur d'Edna fit un bond. Elle se trouvait à présent dans un pays ennemi en guerre, et si loin de chez elle. Tout lui était hostile à cet endroit, on lui avait raconté tellement de choses.
Les habitants ici seraient tous très patriotes, trop, au point de dénoncer n'importe qui. La politique serait très conservatrice, les gens peu serviables et surtout moulés dans le beau cadre d'une royauté gouvernée par un tyran.
Personne n'était venu les contrôler, étant sortis d'un wagon où il ne devrait y avoir personne. Mais une longue file de voyageurs se dessinait devant les portes de la gare pour savoir qui pourrait partir ou non, bien organisée par des soldats armés.
Luc marcha d'un pas rapide, cette fois le regard fixé devant lui. Edna continua à le suivre un peu en courant, se souvenant des réserves d'armes qu'ils avaient quittées.
N'importe qui pourrait faire un attentat ici ? Et pourquoi les armes étaient-elles livrées du Kanta ? Peut-être avaient-elles été volées. Edna frémit et accéléra le pas.
Luc tourna à l'angle d'une rue plus calme et s'arrêta devant une vieille porte défraîchie. Il resta statique pendant quelques secondes avant de sonner au compteur.
Une voix féminine s'échappa du haut-parleur.
— Oui, c'est pour quoi ?
Luc ne répondit rien.
— Qui est-ce ? répéta l'interphone.
— C'est moi, Luc. Naya.
La femme ne répondit plus rien, s'accordant avec le mutisme de Luc. Puis, après quelques regards interrogateurs d'Edna, la voix réapparut.
— J'arrive.
Quelques secondes plus tard, une femme habillée d'une robe rouge bordeaux et aux cheveux presque aussi blonds que la neige ouvrit la porte aux deux nouveaux venus.
Elle détailla un peu Edna, qui lui adressa un sourire poli. Naya ne lui accorda aucune réponse et s'assura qu'il n'y avait personne d'autre. Elle porta enfin son attention sur l'homme devant elle.
Elle fit quelques pas en avant puis le serra contre elle. Luc referma ses bras autour de sa taille, et ne la lâcha qu'après un bout de temps, comme si la lâcher signifiait la perdre à tout jamais.
— Qui c'est ? Qui êtes-vous ? demanda Naya.
Edna échangea un regard avec Luc.
— Edna, je te présente ma sœur. Naya, voici Edna. Parlons-en à l'intérieur.
Edna fit une grimace gênée et suivit le couple dans la cage d'escalier. Ils semblaient se disputer sur les circonstances de sa venue.
— Tu devais te faire petit...
— C'est ce que j'ai fait, et maintenant je compte bien revenir auprès de ma famille.
— Alors pourquoi ramènes-tu cette personne ?
— Elle avait besoin d'aide, expliqua Luc avec froideur.
— Je te rappelle que... tu t'es fait virer de l'armée. Tu devrais plutôt faire quelque chose pour l'État plutôt que de ramener des étrangers.
— Justement...
Ils étaient enfin arrivés devant une petite porte blanche que la femme poussa lourdement. Quelques secondes plus tard, des cris fusèrent de partout. Deux enfants sautèrent dans les bras de Luc, ravis de le voir de retour.
Edna sourit de ces retrouvailles chaleureuses. Elle détecta même quelques larmes humides déborder des yeux de Luc.
— Oncle Luc ! Mon oncle ! s'extasiait un petit garçon d'environ neuf ans.
— Tu nous as manqué ! reprit une petite fille plus jeune.
— Vous aussi, vous aussi... Allez, arrêtez ce chaos. Je dois discuter avec votre mère.
Edna ne savait trop où se mettre. Elle resta dans un coin de l'appartement, recouvert de tapisserie et de tapis, mais au mobilier minimaliste et blanc.
La petite fille tourna son attention vers elle et la fixa de ses grands yeux bleus, semblables à ceux de la femme de la maison.
Luc ne fit pas les présentations et fit signe à Edna de se diriger dans la cuisine. Naya les suivit et ferma la porte derrière eux ainsi que les rideaux.
La pièce était assez petite mais comportait tout le nécessaire d'une simple cuisine. Une table rectangulaire nappée se tenait au milieu, entourée de quatre chaises. C'est autour de celle-ci que le frère, la sœur et Edna s'assirent.
Naya servit du thé bien chaud aux deux nouveaux venus, attendant les explications.
— Merci de m'accueillir, madame. Je m'appelle Edna, j'ai dix-huit ans. Je viens du Kanta et Luc m'a aidée à traverser la frontière.
Naya se mit à rire d'une manière peu chaleureuse.
— Qu'est-ce qu'une jeune femme comme vous fait si loin d'un pays respectable comme le Kanta ? Surtout pour venir en Manse.
— Toute ma famille est morte, j'avais besoin de m'éloigner. Mais il est vrai que maintenant je me sens un peu perdue... expliqua Edna, sa voix se perdant dans le fond de sa gorge.
Mais il en fallait plus pour Naya.
— Pourquoi la Manse ? Morts de quoi ?
Luc jeta un regard douteux à sa sœur. Lui qui ne parlait que très peu en comparaison.
— Je cherche mon grand-père qui viendrait d'ici. Dans un accident de voiture. En vérité... je soupçonne que ce ne soit pas tellement un accident...
C'était la première fois que cette idée germait dans son esprit. Elle devait se mettre à l'évidence que la possibilité que la voiture explose si soudainement, quand tout le monde se trouvait dedans, était douteuse. Edna sortit de sa poche le bouton que son voisin lui avait laissé. Elle détailla le symbole en forme d'étoile dessus tout en songeant à sa famille.
Naya se pencha par-dessus son épaule, curieuse de voir l'objet. Quand elle aperçut le signe, elle paniqua et le lui prit des mains pour l'observer de plus près.
— Que faites-vous ? s'indigna Edna.
— Où l'as-tu eu ? demanda Luc, qui s'était rapproché de sa sœur pour voir également l'objet.
— Il était sur le lieu de l'accident.
Luc et Naya échangèrent un regard.
— On va t'aider.
Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top