Chapitre 2
Lorsque Chris Argent pénétra dans le contener, Peter lui décocha un sourire charmeur qui l'exaspéra au plus haut point. Il reprit sa position de la veille et le fixa sans broncher. Il déplora le manque de réactivité du lycan, juste un regard menaçant, un geste déplacé et il aurait pu sévir. Hélas, Peter restait calme, étrangement calme.
– Qui ?
– Bonjour à toi aussi Chris. La nuit a été bonne ? Pour ma part ça a été, bien qu'un peu désagréable.
– Ce n'est pas toi, alors qui ?
Le regard de Peter s'assombrit soudainement. Son visage se creusa mettant en scène la rage qu'il gardait en lui, ses iris scintillèrent d'un bleu plus glacial que son cœur.
– C'est elle. Elle est de retour.
– Tu parles de… ?
– La louve du désert, Corinne.
– La mère de Malia… Mais pourquoi ?
– Elle veut retrouver ses pouvoirs.
– C'est quoi le rapport avec ces meurtres ?
– Elle tue un enfant chaque vingt-huit novembre, depuis quatre ans. Prends le comme des sacrifices, une âme innocente pour regagner en force jusqu'à ce qu'elle soit assez puissante pour… Assassiner Malia.
– Ce sont des familles entières qui sont ravagées. Il y a quatre ans, c'était d'une violence inouïe.
– Victimes collatérales, j'imagine. Je suis un peu surpris que tu m'accuses de ça d'ailleurs. Je suis beaucoup plus méticuleux quand je veux tuer quelqu'un.
– Vingt-huit novembre ?
– Le jour de la naissance de notre fille.
– Et pourquoi tu as besoin de nous ?
– Elle est… Trop forte, trop rapide.
Chris se recula dans sa chaise, Corinne. Il se souvenait de son histoire, elle n'avait pas la réputation d'être très mesurée. Elle pouvait se montrer cruelle, sans pitié pour étancher sa soif de pouvoir, même jusqu’à tuer sa propre fille. Comparativement, Peter ressemblait à un agneau. Alors, ce que ce dernier racontait semblait cohérent. Mais, Argent possédait cette douloureuse sensation que Peter gardait jalousement des informations.
– On est le vingt-neuf, murmura-t-il.
– Oui, grimaça Peter. Ce n'est qu'une question de temps pour…
Comble de l'ironie, à ce moment précis, deux coups francs sur le métal retentirent, coupant leur discussion sordide.
– Chef, s'égosilla une voix à l'extérieur. Ils en ont retrouvé un.
Chris se leva mollement et se dirigea vers la porte en grommelant « encore un ». Pourtant habitué aux scènes sanglantes, celle d'il y a quatre ans tournait inlassablement dans son esprit. Après une période d'accalmie, Noah Stilinski avait appelé Chris en renfort. Jamais il n'avait entendu la voix du shérif aussi désemparée. Aussi, il s'était précipité pour lui prêter main forte. Il l'avait vite regretté. Un enfant d'à peine trois ans gisait sur la table du salon, éventré. Le cadavre de la mère était étendu à sa droite, la gorge tranchée. Tandis que le père, lui, était empalé au mur. Le liquide ferreux s'était répandu au sol, créant un bruit spongieux à chaque pas. L'odeur qui imprégnait l'air, aussi répugnante soit-elle, laissait une trace indélébile dans leurs souvenirs. Le pire étant qu'après l'autopsie, ils s'étaient rendu compte que le petit garçon avait rendu l'âme après ses parents, assistant ainsi à leurs lentes agonies. Il s'agissait d'une famille discrète de coyotes. L'histoire les avait tous remués et une seule piste ressortait, celle de Peter. Évidemment, ils l'avaient activement recherché mais il s'était volatilisé le rendant coupable aux yeux de tous.
– Chef ?
– Oui, pardon.
Chris actionna la poignée et son équipière apparut. Son visage tourné vers le sol exprimait toute sa peine, elle tenait son téléphone dans sa main droite tremblante.
– Je t'écoute, reprit-il avec une douce autorité.
– Un enfant à été retrouvé défiguré au bord du quai. Des traces de griffures et de morsures. Les autorités cherchent un chien mais…
– Je vois. Merci de m'avoir prévenu.
Elle hocha la tête et se retira. Chris retrouva sa place, il se frotta le front avec ses doigts rugueux. Ils s'étaient trompés sur toute la ligne. Malgré ses efforts, Chris avait l'impression de se vautrer dans son incompétence. Il courait après une reconnaissance inatteignable et il commençait à fatiguer. Il remettait en cause sa légitimité à porter le nom des Argent, reconnu dans le monde entier pour leurs faits d'armes. Il fallait bien une brebis galeuse, chez eux, elle portait le nom de Christopher.
– Aide-moi à l'arrêter, murmura Peter. J'ai besoin de toi.
– Pourquoi tu n'es pas allé voir Derek ou Scott ?
– Parce que tu es un père toi aussi et que tu es le meilleur chasseur que je connaisse.
– Tu ne dois pas en connaître énormément.
– Si, ma tête est mise à prix par tous tes petits copains.
Chris redressa la tête et croisa le regard pénétrant de Peter. Sans savoir pourquoi, cette intensité soulagea momentanément le poids qui pesait sur ses épaules. Il stoppa juste à temps le sourire qui naissait au coin des lèvres. Instant fugace avant qu'il ne se reprenne, il s'était promis une chose : « ne jamais faire confiance à Peter Hale ».
– Je n'ai pas le choix, admit-il. Tu es notre seule piste.
– Merci Chris… Quoi, pourquoi tu me regardes comme ça ?
– Tu peux répéter ? J'ai cru mal entendre.
– Même pas en rêve.
Cette fois, le chasseur ne put réprimer son rire, voir son ennemi de toujours aussi mielleux était une première.
– Bon, se racla-t-il la gorge pour retrouver son sérieux. C'est quoi le plan ?
– Quand on était un couple, on partait en vadrouille régulièrement. Tous les ans, on visitait des endroits différents, elle suit le même schéma.
– D'où les meurtres éparpillés.
– Oui. On est resté ensemble six ans, avant la naissance de Malia.
– Donc il nous reste deux ans…
– Pour être totalement exact, un an. Sinon, elle sera assez forte pour s'en prendre à Malia.
– On a encore du temps !
– Mmh. Avant de retourner à Beacon Hills, on avait opté pour le Canada… La forêt boréale. On séjournait dans un chalet.
– La prochaine fois, toi et tes conquêtes si vous pouviez rester à Beacon Hills, ça nous facilitera la tâche.
– C'est un ordre ?
– Peut-être bien.
– J'ai toujours eu un problème avec l'autorité, dommage hein ? Enfin, vu que je suis un honnête citoyen, vous allez me libérer ? J'ai pour projet d'y aller dès maintenant afin de surveiller les environs. Vous n'aurez qu'à me rejoindre plus tard.
– Je ne sais pas, c'est plaisant de te voir attaché.
– Attention, on pourrait mal interpréter tes paroles…
– Tu crois vraiment que je vais te laisser seul, toi ? Je ne suis pas aussi naïf que ça.
– Tu ne me fais pas confiance ? C'est désolant.
Chris ne l'écoutait déjà plus, il se perdait dans ses réflexions. L'idée de rester avec Peter pendant un an ne le réjouissait guère mais il ne pouvait faire endurer ça à ses collègues. Jeremy se serait sans doute porté volontaire cependant, s'il y avait quelqu'un que Chris voulait protéger c'était bien lui. Peter était un électron libre, d'ici à ce qu'il le rejoigne, il pourrait changer de camp. Et ça, Chris ne le permettrait pas.
– Tu as le choix Peter, je t'accompagne ou tu restes moisir ici.
– C'est tentant. Les menottes, le froid, les repas douteux… Je m'y suis habitué. Mais je pense prendre la première option, bien que passer un an en tête à tête avec toi ne me réjouit pas.
– Moi non plus, je te rassure.
Malgré le futur peu glorieux qui les attendait, Peter paraissait joyeux, un sourire resplendissant élargissait ses lèvres. Chris, interloqué, ne comprenait pas ce qui pouvait bien motiver cette expression. Il déglutit de peur d'être la cible d'un plan monté de toute pièce. Il avait l'impression de se jeter dans la gueule du loup, mais quitte à se faire avoir, autant qu'il soit seul. Personne ne l'attendait, sa vie n'était pas si importante après tout. Il abdiqua, se persuadant que s'il y survivait, ça le rendrait plus fort. Il allait se lever afin de défaire les liens du lycan lorsque l'on toqua à la porte.
– Qu'est ce qu'il se passe encore, marmonna-t-il en changeant de direction tandis que la mine de Peter se décomposait.
– Patron ! Ça va ? Je suis de retour.
– Oh c'est toi ! Je m'appelle toujours Chris. Vas-y entre.
Le nouvel arrivant se posta à ses côtés, curieux de connaître la suite. Chris expliqua rapidement ce qu’il avait appris. Les yeux noisette de Jeremy alternaient entre les deux ennemis cependant, lorsque l'idée de la colocation s'imposa, son collègue se figea. Il leva les sourcils et sa bouche se pinça.
– T'es sérieux Chris ? Tu es au courant qu'il s'agit à quatre-vingt dix pourcent d'un piège ?
– Oui. Mais des enfants meurent ! Je dois essayer.
– Alors je t'accompagne ! On forme une bonne équipe, on a toujours réussi à…
– Désolé de vous couper. Toutefois, il n'y a que deux chambres, s'immisça Peter.
– Toi, tu la fermes, gronda Jeremy.
– Non, c'est quelque chose que je dois faire seul, souffla Chris. Je ne veux pas avoir ta mort sur la conscience. Tu es celui qui doit me remplacer… Si je devais y rester.
– Comment peux-tu même envisager cette possibilité ? C'est n'importe quoi. On a besoin de toi Chris. Je t'en prie…
– Je… Suivrai le protocole. Promis.
Forcé de s'incliner devant l’acharnement de son patron, Jeremy hocha la tête. Son index gauche tapotait son pouce, mouvement compulsif quand sa crainte prenait le dessus. Chris l'observait, il se débattait avec son désir de lui prendre la main pour l'aider à se calmer. Ce serait sûrement déplacé, il se contenta difficilement d'un sourire réconfortant.
– C'est touchant, vraiment, les interrompit Peter. Mon cœur fond devant tant de… Niaiserie. Mais si vous pouviez délivrer l'innocent que vous avez injustement arrêté, ça m’arrangerait.
– J’y vais, maugréa Jeremy en rejoignant leur prisonnier.
Il tira sur les menottes arrachant une grimace de désapprobation à Peter et tourna la clé pour lui redonner son autonomie. Sans demander son reste, Peter se leva d'un bon en se massant les poignets. Chris soupira, son amusement principal venait de prendre fin. Il sortit du conteneur et octroya ses directives. Il n'eut aucune rébellion, certains visages exprimaient leur inquiétude mais demeuraient silencieux.
À leurs tours, Jeremy et Peter retrouvaient la lumière du jour. Le lycan se frotta les yeux, sûrement ébloui. Dans sa condescendance habituelle, il les salua en accentuant trop fortement les formules de politesse. Il se moquait ouvertement d'eux. Cette attitude déclencha des regards assassins justifiés. Un homme d'une vingtaine d'années dégaina son arme, prêt à tirer. Chris s'y opposa, justifiant la série de meurtre non résolue. Son autorité eut gain de cause et le jeune chasseur se calma. Pour éviter une autre scène du même acabit, Chris leur demanda de partir, ils s'exécutèrent aussitôt. Tous, sauf Jeremy. Peter ne lésina pas sur les remarques sarcastiques pour le faire flancher seulement c'était mal le connaître, Jeremy ne broncha pas. Par la suite, les trois hommes se mirent d'accord : Chris et Peter partiraient dans trois jours, afin de régler certains détails.
Le temps défila rapidement et avant qu'il ne s'en rendit compte, Chris foulait le sol canadien. L'aéroport était plutôt calme à son plus grand bonheur. Le trajet d'avion lui avait paru durer une éternité, sept heures avec une correspondance. Le pire était sans doute les avances que Peter faisait à sa voisine, qui de toute évidence, appréciait. Chris détestait cette attitude, ils avaient une quête à mener à bien et ce genre de frivolités ne leur serait d'aucune utilité. Et dire qu'il leur restait trois heures trente de voiture, un cauchemar.
Il se malaxa la nuque devant une grande vitre offrant une vue imprenable sur l'arrêt minute. Peter avait été missionné pour récupérer un véhicule de location. En dépit du chauffage, Argent frissonna. La température à Ottawa en décembre ne dépassait pas moins deux. Bien sûr, le froid ne lui faisait pas peur et il s'était équipé pour affronter l'hiver canadien, néanmoins, il l’avait peut-être un peu trop sous-estimé. Heureusement, ils avaient atterri de bonne heure, ils ne se feraient pas avoir par la nuit.
Une Jeep grise foncée se gara et Peter en sortit fièrement. Le chasseur poussa un soupir exaspéré, il regrettait déjà son choix. Il déverrouilla son téléphone et s'affaira sur l'écran.
« Bien arrivés. On prend la voiture, je suis toujours vivant. » - Envoyé à Jeremy.
Il se dirigea ensuite vers son futur colocataire en traînant leurs valises. D'un point de vue extérieur, ils ressemblaient à deux amis, si ce n'était plus, qui partaient à l'aventure. Cette simple idée lui donna la nausée. Par chance, le froid le ramena à la réalité, il remonta légèrement son écharpe devant sa bouche en ronchonnant. Une fois arrivé devant le véhicule, Peter l'aida à ranger les bagages dans le coffre et ils montèrent se mettre au chaud.
– Pff, toi et ta psychopathe d'ex, vous ne pouviez pas trouver mieux ? Je ne sais pas moi, un endroit au soleil comme Hawaï, Tahiti ?
– Si j'avais su que le grand chasseur Chris Argent était si sensible au froid, je t'y aurais emmené plus tôt.
– Aussi grand que ta connerie.
– J'ai touché juste ?
– Démarre, ordonna Chris avant de marmonner : je me demande pourquoi je t'ai libéré, on aurait patienté un an aux États-Unis. On n’aurait pas eu froid et surtout, surtout je n'aurais pas été obligé de te supporter tous les jours.
Le chasseur parlait pour lui mais il savait que le lycan entendait tout. Il jeta un œil en sa direction, Peter arborait un demi-sourire amusé puis tourna les clés. Le moteur vrombit et les roues s'élancèrent sur le bitume.
– Je n'arrive pas à te cerner, reprit Chris en observant le paysage.
– Repose-toi. Tu as une tête affreuse.
– Non, je veux savoir où tu m'emmènes.
– Toujours du côté de Haliburton. Mystère résolu. Maintenant dors, dans deux heures tu prends le volant.
Chris grimaça et reporta son attention sur la fenêtre. Dehors, la vue se métamorphosait peu à peu. Les arbres remplaçaient les bâtiments, de la neige tapissait la terre. La conduite de Peter était étrangement calme, le chasseur l'aurait imaginée plus nerveuse. Alors, bercé, il ferma les yeux et sombra dans un sommeil lourd. Dans ses rêves, il était perdu dans les bois, poursuivi par une ombre maléfique. Plus il essayait de s'enfuir, plus la chose prenait de l'ampleur, comme s'il se débattait contre un sort déjà décidé. Malgré ses efforts, elle agrippa ses chevilles et son corps heurta le sol. Au fur et à mesure où elle avalait ses membres inférieurs, Chris en perdait la sensation. D'abord les pieds, puis les mollets, les genoux. Sans regarder en arrière et dans une tentative désespérée, il planta ses mains dans la terre pour ramper. Si bien que la peau entourant ses ongles partait en lambeaux. Hélas, ses derniers espoirs de fuite s'envolèrent quand il fut dépouillé de la perception de son buste. Maintenant, des sortes de doigts allongés entouraient son visage. Il abandonna toute rébellion et, les larmes aux yeux, se laissa engloutir par les ténèbres.
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