Chapitre 4 (2/2)

Depuis que sa magie s'était déclarée, Mia avait l'impression d'avoir traversé le royaume entier. Une chose demeurait certaine, et attisait sa colère : durant son trajet vers Oriem ou celui qu'elle venait d'entamer, elle était prisonnière.

Elle s'était encore retrouvée dans une situation désespérée ! Elle avait l'impression de n'être qu'un morceau de gibier alléchant, traqué par les Timoriens ou les mages.

Après de longues heures durant lesquelles Mia rumina de sombres pensées, les chevaux ralentirent, pour finalement s'arrêter. Ils se trouvaient sur un sentier au centre d'une clairière, entourée d'une forêt qui paraissait infinie. Ils avaient pu entendre les bruits des villages, avec leur animation durant le trajet, mais ils semblaient à présent loin de toute civilisation. Mia croisa le regard des deux mages emprunts de curiosité, et d'une méfiance non dissimulée.

— Le jour va bientôt tomber, déclara la mage. On ferait mieux de rester ici cette nuit. Je ne tiens pas à être exténuée en pleine forêt.

— D'accord. Nous repartirons à l'aube.

Le mage démonta, avant de s'adresser à Mia :

— N'essaye pas de t'enfuir. Tu le regretterais.

Il la fit descendre et, avec pour seule réponse un regard incendiaire, Mia alla s'asseoir sur des couvertures qu'avait descendues Ewann, les membres engourdis et endoloris par la chevauchée. L'homme se dirigea ensuite vers la lisière de la forêt, de laquelle il revint peu après avec des baies faisant office de dîner. Ewann en proposa à Mia. Son appétit était plus fort que sa frustration, aussi accepta-t-elle la nourriture et commença à manger.

— Où allons-nous ? demanda-elle une fois leur maigre pitance avalée.

— Nous ne pouvons pas te le dire, répondit la mage.

— Quand arriverons-nous ?

— Dans quelques jours.

— Voilà de nombreuses informations, grommela-t-elle sombrement.

Ewann ne put s'empêcher de sourire et de murmurer :

— Quel charmant caractère...

— Au moins, je ne l'ai pas dissimulé, répliqua Mia, le foudroyant du regard.

— Tu aurais préféré que je me présente à toi en te révélant toute la vérité ? Tu m'aurais pris pour un fou, ou une menace, et je ne tenais pas à expérimenter ta magie !

— Comment peux-tu la craindre, si tu ne m'as jamais vue en faire usage ? riposta Mia.

— Assez de questions, tonna la mage. Nous n'avions pas prévu de bâillon, mais on trouvera de quoi te faire taire.

Mia grogna et s'allongea. Elle n'obtiendrait pas de réponses maintenant. Elle réprima son dépit et observa ses ravisseurs.

La mage était sûrement originaire du sud, comme en témoignait sa peau mate, comme la sienne. Mia s'aperçut avec étonnement que ses yeux étaient hétérochromes : l'un vert, l'autre marron. Était-ce à cause de sa magie ? Mia distingua une cicatrice qui barrait sa joue droite, en partie cachée par ses cheveux bruns.

L'autre mage, l'ainé du groupe au vu de ses cheveux poivre et sel, affichait en permanence un air sérieux et impassible. Il discutait peu avec ses compagnons. Ses yeux alertes fouillaient les alentours au moindre bruit entendu.

Mia contempla le crépuscule naissant, en repensant à sa conversation avec Jarle. Avait-il été sincère dans ses paroles ? Ou étaient-ce des mensonges, comme Ewann l'avait certifié ? Une chose était certaine : elle ne pouvait pour le moment faire confiance à personne. Elle essaya de s'endormir. Tenter de s'enfuir en pleine nuit et de surcroît dans un lieu inconnu serait complètement inconscient.

Elle se réveilla à l'aube, alors que le soleil commençait à pointer au-dessus de la cime des arbres. Les trois mages, qui s'étaient relayés pour surveiller les alentours et leur captive, étaient prêts à partir. Ewann lui tendit une gourde remplie d'eau, provenant d'une source non loin de là, puis ils remontèrent en selle. Leur route reprit, et les jours passèrent, chacun si semblable au précédent. Ils s'éloignaient des larges cours d'eau, annonciateurs de villages, et ne rencontrèrent que des paysans, auxquels ils purent acheter des vivres. La majorité du trajet se faisait dans le silence le plus complet. La nuit, Mia pouvait entendre des bribes de conversations entre les mages, mais leurs chuchotements l'empêchaient d'en saisir le sens. Elle avait seulement pu apprendre les noms de deux mages : la femme se nommait Lénor, et l'homme, Elihan.

Un matin, Mia remarqua que les mages, en particulier Elihan, semblaient plus tendus. Était-ce l'environnement qu'ils savaient menaçant, ou leur arrivée imminente à destination ? Elle n'aurait su le dire. Le soleil était maintenant haut dans le ciel, dardant les cimes de ses rayons. Ils longèrent la lisière de la forêt pendant de nombreuses heures, durant lesquelles le chant des oiseaux les accompagna, puis ils s'engagèrent dans les bois, suivant un sentier étroit. Étonnée, Mia se demanda comment leurs montures allaient pouvoir suivre ce chemin qui serpentait vers les profondeurs de la forêt.

Les arbres semblaient millénaires. L'on pouvait seulement entendre les claquements des sabots, tandis qu'ils se frayaient un passage parmi la végétation luxuriante. Les oiseaux s'étaient tus. Le soleil ne perçait plus la canopée. La forêt était devenue plus sombre.

Soudainement, Elihan arrêta les chevaux. Étaient-ils arrivés ? Mia en douta. Ils se trouvaient encore au beau milieu de la forêt. Deux pins trônaient de part et d'autre du sentier, juste devant eux. Leurs troncs gigantesques semblaient monter jusqu'au ciel, et leurs énormes racines sortant de terre leur conféraient une allure majestueuse, bien qu'inquiétante.

Elihan mit pied à terre, puis s'approcha d'un des arbres séculaires. Il posa délicatement sa main contre les écorces. Au grand étonnement de Mia, le pin frémit au contact de sa paume. Ses branches s'inclinèrent légèrement, comme pour les inviter à entrer, dans un léger craquement qui retentit dans la forêt silencieuse.

— Seuls les mages peuvent passer ici ?

— En effet.

Les montures s'engagèrent entre les troncs, et Mia fut stupéfaite en voyant qu'ils se trouvaient désormais dans une grande clairière. Des arbres la délimitaient, mais la sombre forêt avait disparu, laissant place à une plaine verdoyante dominée par une falaise au loin.

— Nous voici à Adylis, annonça Ewann.

Suivant le sentier, ils continuèrent à avancer en direction de la paroi. Alors qu'ils se rapprochaient, Mia aperçut l'entrée d'une grotte. Un mage se trouvait devant, vêtu d'une cape sombre, la main posée sur la garde de son épée. Il eut un hochement de tête en reconnaissant les arrivants, et une lueur de curiosité dans les yeux quand il aperçut Mia.

— Je vais prévenir les autres membres du Conseil que nous sommes rentrés, annonça Lénor. Tu peux m'accompagner, Ewann, pour leur rapporter ta mission.

Les deux mages s'éloignèrent, laissant Mia avec Elihan.

— Le Conseil ? Qu'est-ce ?

— Nous sommes restés organisés malgré les Purges, répondit Elihan. Il y a quatre mages, dont Lénor, qui forment notre Conseil et prennent des décisions pour la communauté d'Adylis. Ils auront à te parler.

Ils franchirent l'ouverture. Mia fut stupéfaite devant la vision qui s'offrit à elle. La grotte était tout simplement immense. Elle s'étendait sur deux étages, probablement creusés par la main de l'Homme. Les allées étaient bordées par des rondins de bois afin d'éviter toute chute. Mia aperçut des ouvertures, indiquant des pièces ou couloirs. La grotte lui évoquait une ruche, bien que drastiquement moins peuplée. Des dizaines de torches accrochées au mur diffusaient leur lueur dans tout le refuge ainsi que sur les parois, où figuraient d'innombrables gravures. Mia ne put retenir un frisson quand l'humidité imprégna chaque pore se sa peau. Les conditions de vie des mages étaient précaires.

Ils ne croisèrent que quelques habitants qui dévisagèrent Mia. Malgré son malaise, la jeune fille leur rendait leur regard. Ils s'engagèrent au fond de la grotte. Elihan désigna un escalier, taillé à même la roche. Ils l'empruntèrent puis traversèrent une des allées principales, avant de s'arrêter devant une porte entrouverte.

— Tu peux te changer dans cette chambre. Il y a des habits propres sur le lit, et une bassine d'eau. Je t'appellerai quand tu pourras rencontrer le Conseil.

Mia entra et ferma la porte. Elle observa la chambre. Toute la grotte avait été aménagée, sûrement par les mages depuis qu'ils s'y étaient installés. Mia s'avança vers un orifice qui faisait office de fenêtre, fermé par un panneau de bois.

Elle fit pression dessus, priant pour qu'il ne grince pas. Elle parvient à l'ouvrir légèrement et fut impressionnée par la vue qui s'offrait à elle. Sans oublier son objectif principal, elle observa la falaise. Étant donné la hauteur, toute tentative d'évasion serait risquée, mais pas impossible. Elle avait surmonté de plus grandes difficultés à Vorne. La montée serait plus aisée que celles de bâtiments aux pierres lisses, avec de nombreuses prises. Mais ensuite, que faire ? Trouverait-elle un autre endroit pour descendre, une fois qu'elle serait au sommet ? Et surtout, comment échapper aux mages, qui la surveillaient ou gardaient le repaire ? Elle soupira, puis referma sans bruit le battant. Son espoir s'était atténué, mais elle n'avait pas abandonné toute velléité de fuite. Elle devrait attendre d'en apprendre plus avant de pouvoir tenter une évasion. 

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J'espère que la découverte d'Adylis vous aura plu ! ;) 

Avez-vous des idées sur les objectifs des mages en s'emparant de Mia à leur tour ? 

Pensez-vous que Mia pourra satisfaire son envie d'évasion ? 

Merci d'avoir lu !

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